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Décisions

CA Versailles, ch. civ. sect. 1 4, 18 novembre 2024, n° 24/00809

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Époux

Défendeur :

GT Renov (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Trouiller

Conseillers :

Mme Romi, Mme Moulin-Zys

Avocats :

Me Zerhat, Me Cohen, Me Pedroletti, Me Benedetti

Paris, ch. civ. 1-4, du 25 janv. 2019, n…

25 janvier 2019

FAITS ET PROCÉDURE

M. [D] [K] et Mme [N] [U] épouse [K], propriétaires d'une maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 4] (94), ont commandé, en décembre 2014, la réalisation de travaux de rénovation de leur pavillon à la société GT Renov.

La société GT Renov leur a présenté, entre le 15 décembre 2014 et le 14 avril 2015, neuf devis qu'ils ont acceptés, pour un montant total TTC de 77 985,15 euros.

M. et Mme [K] ont réglé une somme de 37 056,79 euros à valoir sur les travaux et ont remis, le 18 janvier 2015, quatre chèques pour un montant total de 50 769,01 euros.

Les travaux ont débuté le 22 décembre 2014.

En mai 2015, les époux [K] ont informé la société GT Renov qu'ils attendaient l'obtention d'un prêt bancaire pour financer leurs travaux.

Les travaux ont été interrompus en juin 2015, en raison d'un différend survenu entre les parties à propos du règlement des factures émises par la société GT Renov.

Par courrier du 29 juin 2015, M. et Mme [K] ont annoncé à la société GT Renov la fin de leur « collaboration », lui reprochant un manque de confiance, le manque de finition et le manque de qualité dans les travaux exécutés. Ils ont estimé qu'ils restaient lui devoir la somme de 24 613,42 euros.

Les quatre chèques remis en janvier 2015 ont été rejetés faute de provision suffisante lors de leur encaissement en juillet 2015.

Par courrier recommandé du 2 juillet 2015 la société GT Renov a mis en demeure les époux [K] de payer les travaux convenus.

Le 7 juillet 2015, les époux [K] ont sollicité l'entreprise Medouard pour reprendre et poursuivre les travaux. Une facture a été établie le 8 juillet pour un montant de 19 500 euros correspondant aux travaux effectués le 7 juillet et relatifs aux radiateurs, à la peinture, à l'électricité (prises, spots et tableau électrique). Une seconde facture a été établie le 27 juillet 2015 pour un montant de 34 394,55 euros.

Le 26 juillet les époux [K] ont sollicité M. [P] [E], expert en immobilier - travaux - construction pour constater les malfaçons et les non-conformités et pour établir un décompte des travaux pour solde de tous comptes. Ce dernier a rendu un rapport le 28 août 2015.

Le 30 juillet 2015, M. et Mme [K] ont fait dresser un constat d'huissier pour établir les non-façons et malfaçons imputables à l'entreprise.

Par acte d'huissier du 28 juillet 2015, la société GT Renov a assigné M. et Mme [K] devant le tribunal de grande instance de Créteil aux fins d'obtenir le paiement du solde des travaux.

Par jugement contradictoire du 10 mars 2017, le tribunal de grande instance de Créteil a :

- prononcé la résiliation du contrat conclu entre les époux [K] et la société GT Renov aux torts exclusifs des époux [K],

- condamné solidairement M. et Mme [K] à payer à la société GT Renov les sommes de :

- 24 613,42 euros TTC au titre du solde de travaux,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. et Mme [K] de toutes leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné M. et Mme [K] aux dépens.

Le tribunal a retenu que le montant du marché devait être fixé à 77 985,15 euros et non à 94 118,13 euros, que seule une somme de 37 056,79 euros avait été réglée et que les époux [K] avaient interrompu les travaux et l'exécution du contrat le 29 juin 2015 sans motif légitime. Il a estimé que la résiliation du contrat par M et Mme [K] était fautive. Il a rejeté la demande de prononcé d'une réception et condamné les époux [K] à régler le solde des travaux réalisés ainsi qu'une indemnité de 3 000 euros en réparation des préjudices subis.

Il a rejeté les demandes reconventionnelles des époux [K] concernant la restitution des chèques remis à l'encaissement, le paiement des travaux de reprise du parquet, le règlement de l'expertise non contradictoire et la demande de dommages intérêts.

Les époux [K] ont interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 25 janvier 2019, la cour d'appel de Paris a :

- infirmé le jugement en toutes ses dispositions,

- prononcé la résiliation des contrats aux torts de la société GT Renov,

- débouté la société GT Renov de toutes ses prétentions indemnitaires afférentes à la résiliation et de sa demande de réception des travaux sans réserves,

- condamné solidairement M. et Mme [K] à payer à la société GT Renov une somme de 27 330,14 euros au titre du solde dû sur les travaux réalisés,

- débouté M. et Mme [K] de leur demande de restitution de la somme de 37 056,79 euros réglée au titre des travaux réalisés,

- débouté M. et Mme [K] de leur demande de restitution sous astreinte des quatre chèques remis à la société GT Renov,

- condamné la société GT Renov à payer à M. et Mme [K] une somme de 500 euros en réparation du préjudice causé par la remise de quatre chèques à l'encaissement avant l'apurement des comptes des travaux,

- débouté M. et Mme [K] de toutes autres prétentions indemnitaires,

- condamné solidairement M. et Mme [K] à payer à la société GT Renov une somme de 1 500 euros à titre de dommages intérêts pour le refus de restitution à l'entreprise des matériels et matériaux laissés sur le chantier,

- débouté M. et Mme [K] et la société GT Renov de leurs demandes au titre l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [K] et la société GT Renov aux dépens de première instance et d'appel, chacun pour moitié, les dépens ne comprenant ni le coût du constat d'huissier du 30 juillet 2018 ni le coût de l'expertise privée de M. [E].

La cour a rejeté la demande de nullité des devis pour non-respect des dispositions du code de la consommation ou pour vice du consentement. Elle a estimé que les époux [K] ne démontraient pas avoir exercé leur faculté de rétractation et qu'aucune nullité n'était encourue à ce titre.

Elle a néanmoins considéré que les époux [K] avaient résilié leur contrat à juste titre en raison des modalités erratiques de paiement des travaux imputables à l'entreprise, de l'absence de perspective claire d'achèvement et de compte récapitulatif et de l'absence de précision sur le sort des quatre chèques remis. Elle a en conséquence prononcé la résiliation aux torts de la société GT Renov et rejeté la demande concernant la réception judiciaire.

Elle a enfin jugé que la société GT Renov avait commis une faute en déposant les quatre chèques à l'encaissement, puisqu'elle ne pouvait légitimement encaisser la totalité des travaux qui n'étaient pas terminés et que M. [K] avait opposé un refus injustifié à la récupération du matériel appartenant à l'entreprise.

Par arrêt du 20 décembre 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme [K] à payer à la société GT Renov une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le refus de restitution à l'entreprise des matériels et matériaux laissés sur le chantier, l'arrêt rendu le 25 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,

- remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles,

- condamné la société GT Renov aux dépens,

- condamné la société GT Renov à payer à M. et Mme [K] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La cour de cassation a rappelé, au visa des articles L.121-17 I 2° et L.121-18-1 dans leur version applicable au litige, que lorsque les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation ne figuraient pas dans un contrat conclu hors établissement, la nullité de ce contrat était encourue.

Elle a relevé que pour rejeter la demande en annulation, la cour d'appel avait retenu que l'absence de mention sur la faculté de rétractation avait eu pour conséquence la prolongation de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial alors que les consommateurs avaient également la faculté d'invoquer la nullité des contrats litigieux.

Par déclaration du 7 février 2024, M. et Mme [K] ont saisi la cour de céans désignée comme cour de renvoi.

Aux termes de leurs conclusions n°2 remises au greffe le 6 septembre 2024 (41 pages), M. et Mme [K] demandent à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement, sauf en ce qu'il a retenu le montant du marché à la somme de 77 985,15 euros TTC,

- à titre principal, de prononcer la nullité du marché de travaux confié par eux à la société GT Renov, matérialisé par les neuf devis signés, en date des 15 décembre 2014, 26 décembre 2014, 26 décembre 2014, 30 décembre 2014, 5 janvier 2015, 5 janvier 2015, 16 janvier 2015, 16 janvier 2015 et 14 avril 2015, pour un total de 77 985,15 euros TTC,

- subsidiairement, de déclarer qu'ils ont résolu à bon droit le marché de travaux, aux torts exclusifs de la société GT Renov,

- en tout état de cause, de prononcer l'irrecevabilité de la demande adverse fondée sur l'enrichissement sans cause, à défaut la rejeter,

- de débouter la société GT Renov de ses demandes en l'absence d'appel incident,

- de condamner la société GT Renov à leur payer les sommes suivantes :

- 37 056,79 euros, en remboursement des sommes payées au titre du contrat annulé, et ce avec intérêts au taux légal à compter de chacune des dates des paiements,

- 61 778,77 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation des dommages matériels causés et non réparés par la restitution des sommes payées,

- la somme de 20 000 euros, en indemnisation du préjudice moral subi,

- la somme de 18 944,30 euros, en réparation du préjudice financier résultant de l'encaissement déloyal des chèques,

- la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les entiers dépens, comprenant notamment le coût du constat d'huissier du 30 juillet 2015 et du rapport d'expertise technique du 28 août 2015,

- à titre infiniment subsidiaire, si la société GT Renov a droit à restitution, de limiter la restitution/condamnation aux travaux effectivement réalisés à la somme de 6 000 euros,

- d'ordonner la compensation entre les sommes dues.

Aux termes de ses premières conclusions remises au greffe le 11 juin 2024 (32 pages), la société GT Renov demande à la cour de :

- débouter les demandeurs après cassation de leurs demandes tendant à la : « condamner à payer à Mme et M. [K] les sommes suivantes : 37 056,79 euros en remboursement des sommes payées au titre du contrat annulé, outres les intérêts, 42 238,77 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des dommages matériels causés et non réparés par la restitution des sommes payées, 20 000 euros, en indemnisation du préjudice moral subi, 18 944,30 euros en réparation du préjudice financier résultant de l'encaissement déloyal des chèques, 4 000 euros au titre des frais irrépétibles et les entiers dépens »,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a de contraire,

- condamner, solidairement M. et Mme [K] à :

sur le périmètre des travaux,

- juger que la capacité financière cumulée de Mme et M. [K] était de 115 000 euros,

- réformer le jugement pour juger que le marché portait sur les neufs devis acceptés et signés, ainsi que sur les travaux complémentaires commandés le 27 janvier 2015,

- réformer la condamnation des époux [K], prononcée solidairement à hauteur de 24 613,42 euros pour la porter au solde du débit, dû à elle soit 50 769,01 euros TTC,

sur les dommages non réparés : 42 238,77 euros

- juger, que la prétention des époux [K] au remboursement de malfaçons dont la réalité non établie contradictoirement, de plus contestées totalement, ainsi qu'une demande liée à une modification du choix d'une nature d'un sol seront ensemble écartées,

- débouter les appelants sur ce second chef de demande,

sur le dommage moral : 20 000 euros

- juger que la prétention des [K] à l'octroi d'un préjudice moral, qu'elle attache à une prétendue mauvaise foi et déloyauté de l'entreprise est infondée,

- débouter les appelants sur ce troisième chef de demande,

sur le dommage lié aux chèques : 18 944,30 euros

- rejeter, s'agissant d'une prétention nouvelle, émise en violation de l'article 564 du code de procédure civile ; sans examiner autrement les faits de la cause pour ce motif la demande,

- subsidiairement sur les faits de la cause

- juger que la réglementation bancaire s'applique aux chèques des époux [K], comme à tout autre chèque, sans aucune dérogation de régime possible,

- débouter les appelants sur ce quatrième chef de demande,

sur la condamnation au titre de l'enrichissement injustifiée (sic)

- juger que sa demande au titre de l'enrichissement injustifié est fondée en droit et en faits,

sur le fondement de l'article 1 303-4 du Code civil à titre de sanction

- retenir comme indemnité due à son encontre la valeur de :

- 87 825,80 euros retenant le versement déjà réalisé de 37 056,79 euros, elle en fixera le solde dû à 50 769,01 euros,

- confirmer le jugement, en ce qu'il a condamné les époux [K] solidairement,

sur l'article 700 du code de procédure civile

- juger la demande des appelants sans fondement et la rejeter,

- elle sollicite de la cour, une indemnité couvrant : ses frais d'avocats justifiés devant la cour de renvoi, soit la somme de 4 080 euros, les frais de sapiteur nécessaire notamment à l'analyse chiffrée des comptes et documents versés aux débats soit la somme de 1 500 euros ; la condamnation sera donc prononcée, à hauteur de 5 580 euros,

sur les dépens

- condamner aux dépens de M. et Mme [K].

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 16 septembre 2024 et elle a été mise en délibéré au 18 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, il est rappelé que l'indemnisation accordée à la société GT Renov au titre du refus de restitution de son matériel est définitive.

Il sera fait application, en tant que de besoin, des dispositions du code civil antérieures à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, dès lors que les contrats litigieux sont antérieurs à cette date.

Sur la recevabilité de l'appel incident de la société GT Renov

Les époux [K] soulignent la confusion et l'imprécision des conclusions adverses et font valoir qu'elles ne respectent pas les articles 542 et 954 du code de procédure civile puisqu'elles ne mentionnent pas de manière expresse, claire et non ambiguë les chefs de jugements dont il serait demandé l'infirmation ni les moyens à l'appui d'une telle demande.

Ils relèvent que la société GT Renov ne peut réclamer une condamnation d'un montant de 50 769,01 euros, montant supérieur à celui accordé par le tribunal, sans avoir préalablement réclamé une infirmation du jugement.

Ils soutiennent que la cour n'est pas valablement saisie d'un appel incident.

La société GT Renov n'a pas répondu sur ce point.

La cour relève que l'article 542 concerne l'exercice du droit d'appel.

Il est rappelé qu'en application de l'article 1032 et suivants du code de procédure civile, l'instance engagée devant la cour d'appel initialement saisie se poursuit devant la cour de renvoi après cassation. Ainsi, la déclaration de saisine ne constitue pas une nouvelle déclaration d'appel.

De la même façon, l'appel incident formé initialement dans les délais requis conserve sa régularité.

Il ressort du dossier que par conclusions du 31 janvier 2018, la société GT Renov avait réclamé l'infirmation partielle du jugement sur les quantums alloués par le tribunal et réclamé les sommes de 57 061,34 euros au titre du solde dû, outre une indemnisation de 9 400 euros pour rupture abusive et de 5 000 euros au titre du préjudice économique.

Si les écritures de l'intimée révèlent une certaine confusion, elles restent conformes aux dispositions de l'article 954 du même code.

Il n'y a par conséquent pas lieu de remettre en cause la recevabilité de cet appel incident. La demande est rejetée.

Sur la recevabilité de la demande fondée sur l'enrichissement sans cause

Les appelants réclament dans le dispositif de leurs conclusions : « en tout état de cause, de prononcer l'irrecevabilité de la demande adverse fondée sur l'enrichissement sans cause, à défaut la rejeter ».

Néanmoins, les appelants ne développent dans leurs écritures aucun moyen d'irrecevabilité et ne soulèvent en réalité aucune fin de non-recevoir ou exception de procédure à l'appui de cette demande, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette prétention au-delà de l'examen de la contestation élevée sur le fond.

Sur la recevabilité de la demande au titre de l'indemnisation du préjudice lié à l'encaissement des chèques

L'intimée fait valoir, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, que cette demande serait nouvelle en appel et que les conclusions remises devant le tribunal n'évoquaient pas du tout cette demande.

En application de l'article 564 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter des prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

Selon l'article 565 du même code, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »

L'article 566 ajoute que « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. »

Il ressort du dossier que devant le tribunal, les époux [K] réclamaient la restitution des quatre chèques de garantie rejetés par la banque pour défaut de provision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Suite à la levée de l'interdiction bancaire, cette demande est devenue sans objet mais les appelants sont recevables, en application de l'article 566, à réclamer une indemnisation au titre de l'absence de restitution.

Aucune irrecevabilité n'est par conséquent encourue.

Sur la nullité des neuf devis et ses conséquences

Sans contestation des parties, il ressort du dossier que neuf devis ont été acceptés et signés par les époux [K] pour un montant cumulé de 77 985,15 euros TTC :

- devis n°14105 du 15/12/2014 d'un montant de 15 400 euros TTC (maçonnerie)

- devis n°14107B du 26/12/2014 d'un montant de 18 890 euros TTC (électricité)

- devis n°14108 du 26/12/2014 d'un montant de 17 710 euros TTC (isolation extérieure)

- devis n°14109 du 30/12/2014 d'un montant de 1 900 euros TTC (radiateur)

- devis n°15004 du 5/01/2015 d'un montant de 2 310 euros TTC (TS électricité)

- devis n°15005 du 05/01/2015 d'un montant de 4 774 euros TTC (faux plafond)

- devis n°15012 du 16/01/2015 d'un montant de 8 910 euros TTC (plomberie)

- devis n°15013bis du 16/01/2015 d'un montant de 6 600 euros TTC (peinture)

- devis n°15039 du 14/04/2015 d'un montant de 1 491,15 euros TTC (menuiserie).

La cour constate que l'annulation des contrats litigieux en application des articles L.121-17 2° et L.121-18-1 du code de la consommation dans leur version applicable au litige n'est pas contestée par les parties devant la cour de renvoi.

Le jugement est par conséquent infirmé et la cour prononce la nullité des neuf contrats signés pour un montant total de 77 985,15 euros.

Il est constant que la nullité d'un contrat a pour conséquence de l'anéantir de façon rétroactive, imposant de replacer les parties au statu quo ante.

Les époux [K] font valoir que ce principe ne s'applique pas pour la partie de mauvaise foi responsable de la cause de nullité en application des adages « nemo auditur' » et « in pari causa ' » et que la société GT Renov a manqué à son obligation d'informations pré-contractuelles ce qui a eu pour effet de tromper leur vigilance. Subsidiairement, ils rappellent que le droit à restitution pour le travail réalisé ne pourra pas porter sur les travaux non réalisés et mal réalisés, soit la somme maximum de 11 330,36 euros ou de 6 000 euros selon l'expert.

Ils réclament quant à eux la restitution des sommes versées, soit la somme de 37 056,79 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de chacune des dates de paiement.

Pour s'y opposer, la société GT Renov invoque la théorie de l'enrichissement injustifié subsidiaire à la nullité contractuelle et réclame le paiement d'une somme de 50 769,01 euros (87 825,80 - 37 056,79) correspondant selon elle au montant de son appauvrissement.

Elle fait valoir que le coût des travaux exécutés s'élève à 87 825,80 euros, que l'enrichissement subsidiaire à la nullité est injustifié, que la faute de l'appauvri n'est pas un obstacle à son action, même si son indemnisation peut être modérée et que la mauvaise foi de l'enrichi doit être prise en compte.

Réponse de la cour

L'annulation d'un contrat entraîne son effacement rétroactif et implique la remise des parties dans leur état antérieur.

Il est admis que les restitutions sont un effet direct et nécessaire de l'anéantissement du contrat et qu'elles peuvent être exécutées en nature ou en valeur.

Ainsi, pour remettre les parties à un contrat annulé dans leur état antérieur, seules doivent être prises en considération les prestations fournies par chacune d'elles en exécution de ce contrat.

Si l'annulation d'un contrat entraîne, en principe, la restitution des fournitures réciproques, celle-ci n'est obligatoire que dans la mesure où l'exécution partielle du contrat ne l'a pas rendue impossible en fait.

Ainsi la réserve de l'impossibilité pratique s'applique en matière de travaux puisque le maître d'ouvrage n'est pas en mesure de restituer les prestations exécutées par l'entreprise. Comme le soulève à juste titre l'intimée, le maître d'ouvrage ne saurait s'enrichir au détriment d'autrui.

Dans ce cas, la restitution doit se faire en valeur.

La société GT Renov, qui a varié dans ses estimations, estime que le coût des travaux exécutés s'élève à 87 825,80 euros mais n'en rapporte toujours pas la preuve. Les devis produits portent sur un montant total non contesté de 77 985,15 euros qui fixe le périmètre des travaux, comme l'a retenu à juste titre le tribunal. Les travaux complémentaires sont invoqués dans un courriel de M. [K] sans précision suffisante pour qu'ils puissent être pris en compte en l'absence de devis accepté et signé.

La restitution en valeur ne peut porter que sur les travaux effectivement exécutés.

À cet égard, la cour retient que le constat d'huissier a été dressé le 30 juillet 2015 de façon non contradictoire et qu'il a été effectué postérieurement aux deux factures émises le 8 et le 27 juillet 2015 par la société Medouard qui précise avoir effectué « le travaux » (sic) le 7 juillet 2015. Son caractère probant est par conséquent très limité, sauf à confirmer l'inachèvement du chantier.

De la même façon, les conclusions de l'expertise amiable effectuée non contradictoirement le 26 juillet 2015 sont contestées et sujettes à caution. L'expert retient sans explication ni justification que les maîtres d'ouvrage auraient versé la somme de 43 056,79 euros correspondant, selon M. [E], aux travaux réalisés alors que les parties s'entendent sur le versement d'une somme de 37 056,79 euros. De surcroît, ce rapport ne précise nullement l'état d'avancement des travaux mentionnés dans les devis.

Enfin, l'absence totale de contradictoire de l'expertise amiable et du constat d'huissier, qui ne saurait être reprochée à la société GT Renov qui s'est vue interdire l'accès au chantier sans avertissement, ne leur confère aucun caractère probant sur les malfaçons alléguées. Contrairement à ce qu'affirment les époux [K], la liste dressée unilatéralement par M. [E] est contestée et n'a fait l'objet d'aucune analyse précise au regard des prestations commandées. Elle n'a pas valeur expertale.

La preuve des malfaçons incombe à ceux qui les allèguent et non à la cour, sommée de « conjuger » les pièces produites et de « s'assurer du lien univoque avec les travaux de la société GT Renov ».

Dans un courriel du 26 juin 2015, antérieur à la rupture des relations contractuelles, M. [K] reconnaissait devoir à la société GT Renov la somme de 27 445,33 euros pour « les travaux déjà effectués » pour lesquels il reconnaissait n'avoir versé aucun acompte et ce « après vérification faite sur le terrain ». Il en précisait le détail qui n'a pas été contesté.

Par lettre recommandée du 29 juin 2015, il exposait la liste des sommes à régler « conformément aux travaux effectués et non terminés » dont le total s'élevait alors à 24 613,42 euros après avoir diminué les postes peinture et menuiseries.

Au regard de l'inachèvement des travaux objet des devis, il est jugé que la restitution en faveur de la société GT Renov doit être évaluée à la somme de 61 670,21 euros (37 056,79 + 24 613,42).

Concernant les époux [K], les parties s'entendent sur le versement d'une somme de 37 056,79 euros qui doit leur être restituée. Rien ne justifie cependant l'application de l'article 1352-7 du code civil dans sa partie réservée à celui qui a reçu de mauvaise foi.

C'est vainement que les appelants invoquent la mauvaise foi de la société GT Renov au prétexte de la nullité prononcée pour non-respect des dispositions du code de la consommation que celle-ci ignorait par manque d'expérience. Il n'est pas rapporté la preuve d'un dol ni d'une volonté de tromper leur vigilance ou de les induire en erreur. La sanction légale de leur manquement à l'obligation d'information pré-contractuelles consiste au seul prononcé de la nullité des contrats dont il convient de tirer les conséquences. Rien ne justifie d'y déroger.

En l'espèce, les restitutions réciproques aboutissent à un solde en faveur de la société GT Renov d'un montant de 24 613,42 euros au paiement duquel les époux [K] sont condamnés, outre les intérêts à compter de la demande par conclusions du 13 janvier 2017.

Sur les demandes d'indemnisation des préjudices matériel et moral

Les époux [K] estiment qu'après restitution des sommes versées, un préjudice demeure. Ils réclament une somme de 42 238,77 euros en réparation des dommages matériels non réparés par la restitution des sommes versées et une somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Ils font valoir que le constat d'huissier, les courriels échangés et le rapport de M. [E] établissent que les travaux réalisés étaient largement non conformes aux règles de l'art et que ces malfaçons, listées, ont été évaluées à la somme de 30 250 euros par l'expert amiable.

Selon eux, la très grande majorité des travaux devait faire l'objet d'une reprise intégrale. Ils produisent deux factures de la société Medouard pour un montant total de 53 894,55 euros et précisent que ces factures sont en lien avec les travaux commandés à la société GT Renov et concernent des reprises et la terminaison du chantier.

Ils ajoutent la facture d'achat du parquet, soit la somme de 7 844,22 euros que la société GT Renov a posé. Ils soutiennent que les défauts de la pose les ont contraints à faire poser un carrelage au lieu et place du parquet.

Enfin, ils affirment avoir subi un préjudice moral causé par la mauvaise foi et la déloyauté adverse puisque la société GT Renov les a empêchés d'estimer le montant total des travaux, leur a imposé à plusieurs reprises le paiement de prestation très onéreuses et au-delà de leurs capacités financières, a retardé l'exécution des travaux en exerçant un chantage, les a volontairement mis en situation « d'interdit bancaire » et a refusé de restituer les chèques.

Il en a résulté, selon eux, une anxiété importante et un mal-être pour toute la famille contrainte de vivre dans un pavillon à l'état de chantier pendant de nombreux mois, ce même après le départ de la société GT Renov. M. [K] ajoute avoir dû allonger gravement son amplitude de travail pour régler la société Medouard.

Pour s'opposer à ces demandes, la société GT Renov rappelle qu'elle a décidé d'interrompre le chantier en mai 2015 dans l'attente du prêt bancaire réclamé à la banque par les époux [K], que les époux [K] ont décidé unilatéralement et sans mise en demeure de rompre le contrat par courrier du 29 juin 2015, qu'ils ont entrepris de déterminer les malfaçons sans respect du contradictoire, qu'ils auraient commandé des travaux de reprise par la société Medouard, entre le 7 et le 24 juillet 2015 et que le choix de remplacer le parquet posé par du carrelage est sans lien avec elle.

S'agissant du préjudice moral, elle souligne que les appelants ne rapportent pas la preuve d'un lien de causalité entre les faits allégués et un trouble différent de celui de la sanction imposée par la Cour de cassation.

Elle ajoute que les époux [K] ont fait preuve de leur mauvaise foi en retardant leur paiement par l'annonce de l'obtention d'un prêt bancaire puis par le refus d'une procédure amiable et en l'expulsant du chantier sans possibilité de répondre aux accusations de désordres et de récupérer son matériel.

Réponse de la cour

Les indemnisations réclamées imposent aux époux [K] de rapporter la preuve d'une faute imputable à la société GT Renov et à l'origine d'un préjudice distinct des conséquences légales de la nullité qu'ils ont réclamée.

Comme démontré supra, les époux [K] invoquent des malfaçons en produisant un constat d'huissier du 30 juillet et un rapport d'expertise suite à une visite effectuée le 26 juillet 2015. Outre que ces pièces ne sont pas contradictoires et peu probantes, leurs dates impliquent qu'elles auraient été établies après l'intervention de la société Medouard, entre le 7 et le 24 juillet 2015, ce qui les fragilise encore.

Ainsi, à l'issue des restitutions et au vu des pièces produites, il est impossible de déterminer précisément si l'intervention de la société Medouard n'a consisté qu'à achever les travaux, ce qui n'est pas un préjudice distinct, ou si elle a également exécuté des reprises de malfaçons, comme les appelants le soutiennent sans en rapporter la preuve. La lecture des factures produites par la société Medouard montre des modifications concernant les travaux initialement commandés notamment pour le 1er étage, ce qui n'est pas imputable à la société GT Renov. De la même façon, le choix du remplacement du parquet par du carrelage ne lui est pas plus imputable.

Il convient de rappeler que les restitutions ne concernent que les travaux exécutés et que la société GT Renov n'a pu accéder au chantier à compter du 29 juin 2015. Elle n'a donc pas été en mesure d'évacuer ses déchets et de récupérer son matériel.

Dans ces conditions, il n'est pas rapporté la preuve que les dommages matériels invoqués devraient être mis à la charge de la société GT Renov.

Concernant le préjudice moral, rien ne permet d'imputer le choix des époux [K] de rester dans les lieux pendant la durée des travaux à la société GT Renov.

Aucune pièce ne vient non plus étayer que la société GT Renov aurait facturé des prestations (non précisées) trop onéreuses. Il ressort du dossier que si fin juin 2015, les époux [K] ont reconnu lui devoir la somme de 24 613,42, cette somme reste impayée alors que dès le 17 juillet 2015, les maîtres d'ouvrage ont été en mesure de verser 19 500 euros puis, le 5 août 2015, 34 394,55 euros à la société Medouard. Le manque de capacité financière est allégué sans preuve.

Ces demandes d'indemnisation sont par conséquent rejetées.

Sur la demande d'indemnisation du préjudice lié à l'encaissement des chèques

Les époux [K] réclament une somme de 18 944,30 euros en réparation d'un préjudice financier causé par l'interdit bancaire.

Ils font valoir que les chèques de garantie ont été fautivement portés à l'encaissement, générant un interdit bancaire pendant cinq années jusqu'au mois d'août 2020.

Ils invoquent le rapport d'expertise comptable effectué par la société Vademecum le 20 décembre 2016 qui a évalué le coût de l'impossibilité de renégocier des emprunts bancaires (17 269,49 euros) et des frais bancaires (1 674,18 euros).

Pour s'opposer à cette demande, la société GT Renov rappelle que les époux [K] ont d'abord remis, entre le 20 décembre 2014 et le 21 mars 2015 cinq chèques d'un montant total de 37 056,79 euros (6 000 + 26 269,99 + 3 600 +1 056 +130,8), qu'ils ont annoncé l'obtention d'un prêt bancaire en janvier 2015, qu'ils ont, le 18 janvier, remis trois chèques (21 615 + 13 644,01 + 8 910) puis, le 31 mars, un chèque de 6 600 euros et que ces chèques ont été rejetés le 10 septembre 2015.

Il ressort du dossier et des pièces remises que les époux [K] ont en réalité remis des chèques « de garantie » d'un montant très important et que la société GT Renov a respecté ce procédé, pourtant non conforme à la réglementation bancaire, puisqu'elle ne les a pas encaissés avant la rupture, ni même pendant.

Ce n'est qu'en août 2015, soit plus de six mois après ces remises, lorsque le litige était figé et que les relations contractuelles étaient rompues à l'initiative des maîtres d'ouvrage, que la société GT Renov a entendu obtenir le règlement des travaux commandés, sans avoir été mise en mesure de procéder à un solde de tout compte. De surcroît, le prêt bancaire obtenu entre temps par les époux [K] n'a pas été affecté au règlement de cette entreprise.

L'interdit bancaire résulte de l'émission de quatre chèques d'un montant total de 50 769,01 euros sans provision suffisante et ne saurait être imputable à l'entreprise, encore moins le quantum réclamé.

La demande est rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [K], qui succombent en appel, supporteront la charge des dépens d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable d'octroyer à l'intimée une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, dans les limites de la saisine de la cour après cassation partielle,

Rejette la fin de non-recevoir concernant l'appel incident de la société GT Renov ;

Rejette la fin de non-recevoir concernant la demande des époux [K] au titre de l'indemnisation du préjudice lié à l'encaissement des chèques ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a solidairement condamné M. et Mme [K] à payer une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité des neuf devis signés le 15, 26 et 30 décembre 2014 puis le 5 et 16 janvier 2015 et le 14 avril 2015 pour un montant total de 77 985,15 euros ;

Condamne solidairement M. [D] [K] et Mme [N] [U] épouse [K] à restituer à la société GT Renov la somme de 24 613,42 euros, outre les intérêts légaux à compter du 13 janvier 2017 ;

Déboute M. [D] [K] et Mme [N] [U] épouse [K] de leurs demandes d'indemnisation ;

Condamne solidairement M. [D] [K] et Mme [N] [U] épouse [K] à payer à la société GT Renov la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [D] [K] et Mme [N] [U] épouse [K] aux entiers dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.