CA Poitiers, 2e ch., 19 novembre 2024, n° 23/02010
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Franfinance (SA)
Défendeur :
Svh Energie (SAS), Athena (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pascot
Vice-président :
Mme Marquer
Conseiller :
M. Lecler
Avocats :
Me Chataigner, Me Pairaud, Me Abbal
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 19 octobre 2017, Madame [R] [N] a commandé à la société par actions simplifiée SVH Energie une station photovoltaïque pour un prix de 33.081,00 euros.
La société anonyme Franfinance a financé l'opération via un crédit affecté accordé à Madame [N] d'un montant de 33.081,00 euros (TAEG à 5,96 %).
Les 1er mars 2021, Madame [N] a attrait la société Franfinance et la société SVH Energie devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon.
Par jugement du 27 mai 2021 le juge des contentieux de la protection s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire.
Le 16 septembre 2022, Madame [N] a fait appeler à la cause la société Athena, prise en la personne de Maître [M] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société SVH Energie.
La jonction des procédures a été ordonnée le 6 octobre 2022.
Dans le dernier état de ses demandes, Madame [N] a demandé :
à titre principal :
- prononcer la nullité du contrat de crédit affecté conclu avec la société Franfinance ;
- en conséquence, prononcer la nullité du contrat de crédit affecté conclu avec la société Franfinance ;
- constater que la société Franfinance a commis une faute dans le déblocage des fonds au bénéfice de la société SVH Energie ;
en conséquence :
- dire que la société Franfinance est privée de son droit à réclamer la restitution du capital prêté ;
- condamner la société Franfinance à restituer les mensualités (capital, intérêts et frais accessoires) qui ont été versées par Madame [N] depuis la première mensualité jusqu'au remboursement par anticipation du prêt ;
- dire que si la banque ne devait être privée que de son droit à percevoir les intérêts, frais et accessoires du prêt Madame [N] continuera de rembourser mensuellement le prêt ;
- constater en outre que la banque a manqué à son obligation de conseil ainsi qu'à son devoir de vigilance vis-à-vis des emprunteurs ;
- constater que ce manquement a privé l'emprunteur de la possibilité de ne pas contracter ;
- condamner la banque au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de la réparation de la perte de chance ;
à titre subsidiaire et si la nullité du contrat principal ne devait pas être prononcée :
- constater que la société Franfinance a commis une faute dans l'octroi du crédit affecté en accordant un financement sur la base d'un document contrevenant aux dispositions d'ordre public du code de la consommation ;
- condamner la société franfinance à la réparation du préjudice consistant pour Madame [N] en la perte d'une chance de ne pas avoir contracté de crédit affecté à l'achat de panneaux photovoltaïques ;
- condamner la société Franfinance au paiement de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts ;
en tout état de cause :
- condamner la société Franfinance et la société SVH Energie à payer à Madame [N] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamner la société Franfinance aux entiers dépens de l'instance.
Par jugement en date du 2 juin 2023, le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon a statué ainsi :
- déclare nul le contrat conclu le 19 octobre 2017, entre la société SVH Energie et Madame [N], portant sur l'achat et la pose de panneaux photovoltaïques et d'un ballon thermodynamique, pour un montant de 33.081 euros ;
- déclare nul le contrat de crédit affecté conclu le 19 octobre 2017 entre Madame [N] et la société Franfinance ;
en conséquence,
- dit que la société SVH Energie devra reprendre possession du matériel installé et remettre en état les lieux dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la décision, sous réserve d'avoir prévenu au moins quinze jours à l'avance de la date de leur intervention, et que passé ce délai, Madame [N] pourra le conserver ;
- condamne la société Franfinance à restituer à Madame [N] les sommes perçues par elle au titre de l'exécution du crédit ainsi annulé, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
- exonère Madame [N] de la restitution à la société Franfinance des fonds prêtés en exécution du contrat de crédit ainsi annulé ;
- dit que la société SVH Energie doit garantir la société Franfinance de la condamnation prononcée à son encontre et fixe au passif de la liquidation de la société SVH Energie la créance de la société Franfinance à hauteur de 33.081 euros ;
- condamne la société Franfinance aux dépens de l'instance ;
- condamne la société Franfinance à payer à Madame [N] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- rappelle que la présente décision est, de plein droit, exécutoire par provision ;
- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration en date du 23 août 2023, la société Franfinance a relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués en intimant Madame [N], la société SVH Energie, la société Athena.
La société Franfinance a, par dernières conclusions transmises le 22 novembre 2023, demandé à la cour de :
- réformer le jugement rendu le 2 juin 2023 et :
- juger n'y avoir lieu à nullité du contrat principal signé le 19 octobre 2017 entre Madame [N] et la société SVH Energie,
- juger n'y avoir lieu, dès lors, à nullité du contrat de crédit signé le même jour avec la SA Franfinance,
- débouter Madame [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Reconventionnellement, l'exécution provisoire attachée au jugement de première instance ayant entraîné, de fait, la résiliation du contrat de crédit,
- condamner Madame [N] à payer à la SA Franfinance la somme de 26.115,17 euros au titre des sommes restant dues au prêteur,
- condamner Madame [N] à payer à la SA Franfinance une indemnité d'un montant de 1.700 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner Madame [N] aux dépens de première instance et d'appel,
à titre subsidiaire :
en cas de nullité du contrat de vente et de nullité accessoire du contrat de crédit,
- juger qu'aucune faute n'a été commise par la société Franfinance dans le déblocage des fonds,
- juger que Madame [N] est, et demeure, tenue de rembourser la totalité du
capital emprunté (33.081 euros), sous déduction des sommes déjà remboursées, les sommes restant dues, soit 26.115,17 euros, portant intérêts au taux légal jusqu'à complet paiement,
- condamner en conséquence Madame [N] à payer la somme de 26.115,17 euros à la société Franfinance, avec intérêts au taux légal jusqu'à complet paiement,
- condamner Madame [N] à payer à la société Franfinance une indemnité d'un montant de 1.700 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner Madame [N] aux dépens de première instance et d'appel,
à titre très subsidiaire :
en cas de nullité du contrat de vente et de nullité accessoire du contrat de crédit,
et si l'existence d'une faute du prêteur était retenue par la Cour,
- constater que Madame [N] ne subit aucun préjudice en lien avec cette faute puisqu'elle dispose des prestations, non critiquées et qui ne seront, dans les faits, jamais restituées du fait de la liquidation judiciaire de la société SVH Energie,
- juger que Madame [N] est, et demeure, tenue de rembourser la totalité du capital emprunté (33.081 euros), sous déduction des sommes déjà remboursées, les sommes restant dues, soit 26.115,17 euros, portant intérêts au taux légal jusqu'à complet paiement,
- condamner en conséquence Madame [N] à payer la somme de 26.115,17 euros à la société Franfinance, avec intérêts au taux légal jusqu'à complet paiement,
- condamner Madame [N] à payer à la SA Franfinance une indemnité d'un montant de 1.700 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner Madame [N] aux dépens de première instance et d'appel,
à titre infiniment subsidiaire :
en cas de nullité du contrat de vente et de nullité accessoire du contrat de crédit,
et si l'existence d'une faute du prêteur mais également celle d'un préjudice en lien avec cette faute, étaient retenues par la Cour,
- juger qu'au plus, le préjudice subi par Madame [N] s'analyse comme une perte de chance de ne pas avoir contracté avec la société SVH Energie, dont la probabilité est de l'ordre de 5%, soit une indemnisation fixée à la somme maximum de 1.654,05 euros,
- condamner Madame [N] à payer à la SA Franfinance la somme de 26.115,17 euros au titre de l'obligation pour l'emprunteur de restituer le capital prêté diminué des remboursements déjà effectués, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- ordonner la compensation entre les sommes dues entre les parties,
- juger que chacune des parties conservera la charge de ses dépens et frais,
en toute hypothèse,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Maître [M] [V], en qualité de liquidateur de la société SVH Energie à garantir l'emprunteur, Madame [N], du paiement de toutes les sommes dues à la société Franfinance, par application des dispositions de l'article L312-56 du code de la consommation et le prêteur de toute condamnation prononcée en faveur du demandeur, à titre indemnitaire.
Madame [N] a, par dernières conclusions transmises le 21 février 2024, demandé à la cour de :
- rejeter les prétentions adverses et les dire injustes et mal fondées ;
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de La Roche Sur Yon en date du 2 juin 2023 en ce que les premiers juges ont :
'déclaré nul le contrat conclu le 19 octobre 2017, entre la société SVH Energie d'une part et Madame [N], d'autre part, portant sur l'achat et la pose de panneaux photovoltaïques et thermodynamique, pour un montant de 33.081 euros ;
déclaré nul le contrat de crédit affecté conclu le 19 octobre 2017 entre Madame [N], d'une part et la société Franfinance d'une part' ;
- constater que la société Franfinance a commis une faute dans l'octroi du crédit affecté en accordant un financement sur la base d'un document contrevenant aux dispositions d'ordre public du Code de la consommation et de fait ;
- confirmer le jugement en ce que les premiers juges ont condamné la société Franfinance à restituer à Madame [N] les sommes versées par elle au titre de l'exécution du contrat de crédit ;
- condamner la société Franfinance au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de dommages et intérêts ;
- condamner la société Franfinance à payer à Madame [N] la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamner la société Franfinance aux entiers dépens de l'instance.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2024.
MOTIVATION
Sur la nullité du contrat principal
Selon les articles L.221-9, L.221-5, L.111-1 et L.242-1 du code de la consommation, dans leur version applicable au litige, les contrats conclus hors établissement doivent comporter plusieurs informations obligatoires à peine de nullité.
À titre préalable, il convient de rappeler qu'il est constant que le contrat litigieux est un contrat conclu hors établissement, et que selon l'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
Sur le prix du bien ou du service :
Pour prétendre à la nullité du contrat principal Madame [N] fait valoir :
- que la mention d'un prix détaillé est nécessaire tant pour les produits vendus en plusieurs exemplaires, comme les panneaux photovoltaïques, que pour l'ensemble des prestations effectuées ;
- que le bon de commande se borne à indiquer le prix total, sans opérer une ventilation quelconque entre le coût du matériel et celui de la main d''uvre.
Ces moyens appellent les observations suivantes.
Selon l'article L. 111-1, 2°, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 , les opérations de démarchage à domicile font l'objet d'un contrat qui mentionne notamment, à peine de nullité, le prix du bien ou du service.
Pour prononcer l'annulation des contrats de vente et constater en conséquence l'annulation des contrats de crédit, l'arrêt retient que les bons de commande ne comportent qu'un prix global sans indication de la part respective du coût des matériels, des travaux de pose, des démarches administratives et du raccordement au réseau ERDF à la charge du vendeur.
En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé (Civ. 1, 11 janvier 2023, 21-14.032, Publié).
En l'espèce, le bon de commande indique effectivement un prix total de 33.081 euros TTC.
Néanmoins, la condition d'un prix détaillé n'étant pas prévue par le texte, le bon de commande n'encourt pas la nullité de ce chef.
Sur les modalités des financements :
Pour prétendre à la nullité du contrat principal Madame [N] fait valoir que le bon de commande ne fait aucune mention des modalités des financements.
Ce moyen appelle les observations suivantes.
Selon l'article R. 111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 :
Pour l'application des 4°, 5° et 6° de l'article L. 111-1, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes :
[...]
2° Les modalités de paiement, de livraison et d'exécution du contrat ainsi que celles prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations ;
En l'espèce, sont précisés l'organisme financier, le TAEG fixe, le taux débiteur fixe, le montant total du crédit, le nombre d'échéances, le montant des échéances, le montant total dû.
Le bon de commande est donc complet sur les modalités de financement, il n'encourt pas la nullité de ce chef.
Sur les coordonnées du fournisseur :
Pour prétendre à la nullité du contrat principal Madame [N] fait valoir que le bon de commande ne fait aucune mention du nom et de l'adresse du fournisseur.
Ce moyen appelle les observations suivantes.
Selon l'article R. 111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 :
Pour l'application des 1° et 3° à 6° de l'article L. 111-1, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes :
1° Son nom ou sa dénomination sociale, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique ;
En l'espèce, le bas du bon de commande précise SVH Energie · Correspondance : [Adresse 2] [Localité 10] · Siège Social : [Adresse 6] · www.svhenergie.com · SAS au capital de 2 600 000,00 euros · R.C.S [Localité 12] 508 676 053.
Le bon de commande précise donc le nom de la société, l'adresse géographique de son établissement et celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique.
Ces informations sont suffisamment détaillées pour répondre aux exigences du texte.
Le bon de commande comportant l'ensemble des coordonnées du fournisseur, il n'encourt pas la nullité de ce chef.
Sur les caractéristiques essentielles des biens et services :
Pour s'opposer à la nullité du contrat principal, la société Franfinance fait valoir que les caractéristiques essentielles de l'offre étaient parfaitement et précisément mentionnées sur le bon de commande.
Pour prétendre à la nullité du contrat principal, Madame [N] fait valoir que le bon de commande qu'elle a signé ne fait aucune mention des caractéristiques essentielles des biens.
Ces moyens appellent les observations suivantes.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, il résulte des articles L. 111-1, L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qu'un contrat de vente ou de fourniture d'un bien ou de services conclu hors établissement doit, à peine de nullité, indiquer, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service.
Constitue une caractéristique essentielle au sens de ces textes la marque du bien ou du service faisant l'objet du contrat (Civ. 1, 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691, publié).
En l'espèce, dans l'encart PACK GSE 10 et GSE AIR'SYSTEM dont les cases ont été cochées, sont indiqués les éléments suivants : 10 panneaux photovoltaïques, un ondulateur, un boîtier DC, 1 câblage, 1 installation, 1 raccordement, démarches onduleur, administratives incluses.
La marque des panneaux est indiquée par la mention manuscrite GSE SOLAR et la puissance des panneaux par la mention manuscrite 290 Wc.
Le bon de commande contient les mentions manuscrites suivantes : 1 pack GSE Pac System 10 panneaux Autoconso pure, 1 batterie Enphase et 1 ballon thermo System Viessman Cop.
Sont ainsi précisées les marques des panneaux photovoltaïques, de la batterie et du ballon.
Cependant, les marques de l'ondulateur ou du boîtier DC ne sont pas indiquées.
Le bon de commande encourt donc la nullité de ce chef.
Sur les modalités et délais de livraison des biens et d'exécution des prestations :
Pour s'opposer à la nullité du contrat principal, la société Franfinance affirme que le contrat satisfaisait aux exigences légales sur la question des délais de livraison.
Pour prétendre à la nullité du contrat principal, Madame [N] estime que le bon de commande ne fait aucune mention des modalités et du délai de livraison.
Ces moyens appellent les observations suivantes.
En l'espèce, le bon de commande précise que la pré-visite du technicien interviendra au plus tard dans les 2 mois à compter de la signature de celui-ci, et que la livraison des produits interviendra dans les 3 mois de la pré-visite du technicien.
Le bon de commande ajoute que la société SVH Energie s'engage à adresser la demande de raccordement auprès d'ERDF et/ou des régies d'électricité dès réception du récépissé de la déclaration préalable de travaux et à procéder au règlement du devis. Une fois les travaux de raccordement de l'installation réalisés, la mise en service pourra intervenir dans les délais fixés par ERDF et/ou les régies d'électricité.
Le bon de commande est précis sur les délais de livraison des produits, enfermant ce délai dans une période de cinq mois.
Toutefois, le bon de commande ne donne que très peu de précisions sur le délai dans lequel est enfermé la réalisation des prestations à caractère administratif, comme le raccordement ou la mise en service.
Le bon de commande encourt donc la nullité de ce chef.
Sur la confirmation du contrat grevé de nullité par le consommateur
Pour prétendre à la confirmation du contrat, la société Franfinance fait valoir :
- que la société SVH Energie a bien livré et mis en 'uvre l'installation photovoltaïque, que le prêteur a versé les fonds empruntés, et que Madame [N] a toujours honoré le paiement de ses échéances ;
- qu'à supposer que l'on imagine retenir que le bon de commande ne satisfaisait pas pleinement aux exigences des textes, l'on doit considérer que la pleine exécution des contrats, par les trois parties, couvre ces éventuelles irrégularités ;
Pour s'opposer à la confirmation du contrat, Madame [N] fait valoir :
- que la confirmation de l'obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer ;
- que la rédaction du bon de commande ne suffit pas à révéler au client consommateur profane l'insuffisance de désignation du produit ;
- que la livraison du matériel et son installation ne suffisent pas à caractériser une volonté des clients de confirmer la commande en connaissance de l'irrégularité et de renoncer à l'action en nullité alors que toute renonciation à un droit doit être certaine et non équivoque.
Ces moyens appellent les observations suivantes.
Selon l'article 1181 du code civil, dans sa version postérieure au 1er octobre 2016, applicable au litige, la nullité peut être couverte par la confirmation.
Selon l'article 1182 du même code, dans la même version,
La confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce.
Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de cause de la nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
Ainsi il n'est pas démontré que le consommateur aurait été informé, après le contrat, de la nullité de celui-ci s'agissant de ses caractéristiques essentielles et de ses délais de réalisation, notamment s'agissant des prestations administratives.
Il s'en déduira que le consommateur n'a pas ainsi pu avoir connaissance des vices susceptibles d'affecter le contrat dont il a poursuivi l'exécution.
Dès lors, la réception du bien, son utilisation, et le paiement des échéances du crédit affecté ne peuvent valoir confirmation du contrat grevé de nullité.
Il y aura donc lieu de déclarer nul le contrat conclu le 19 octobre 2017 entre la société SVH Energie, d'une part et Madame [N], d'autre part.
Sur la nullité du contrat de crédit affecté
La cour rappelle que selon l'article L. 312-55 du code de la consommation,
En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.
Le contrat principal du 19 octobre 2017 a été annulé.
Subséquemment, il y aura lieu de prononcer la nullité du contrat de crédit affecté y afférent passé le 17 octobre 2017 entre Madame [N] et la société Franfinance.
Sur les conséquences de l'annulation du contrat de crédit affecté
Il résulte de l'article 1178 du code civil que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé ; les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 ; indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation des dommages subis dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra-contractuelle.
Selon l'article 1352-8 du même code, la restitution d'une prestation de service a lieu en valeur ; celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie.
Eu égard à la nature du contrat principal, consistant en travaux de fourniture de biens mais encore de louage d'ouvrage, la seule remise en l'état antérieur ne peut que se résoudre en restitution de la valeur des travaux ainsi réalisés.
Les parties au contrat de crédit sont alors rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose en principe à l'emprunteur de restituer le capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.
Sur les manquements de l'établissement de crédit dans la souscription du contrat de crédit :
- Sur le défaut de vérification de l'exécution complète du contrat principal :
Pour s'opposer à l'existence d'un défaut de vérification de l'exécution complète du contrat principal, la société Franfinance fait valoir :
- qu'un établissement de crédit n'est pas sur place pour s'assurer de la bonne exécution des travaux ;
- que c'est pour cela qu'il libère les fonds au vu d'une attestation de l'emprunteur et qu'il n'a donc commis aucune faute.
Pour prétendre à l'existence d'un défaut de vérification, Madame [N] fait valoir :
- que la société Franfinance a transféré les fonds au vendeur alors que l'exécution de la prestation de service n'était que partielle ;
- que l'attestation de livraison ne lui permettait pas de s'assurer du caractère complet de cette exécution.
Ces moyens appellent les observations suivantes.
Selon l'article L. 312-48 du code de la consommation, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
Les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation; en cas de contrat de vente de prestations de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci.
Les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de l'exécution de la prestation de services qui doit être complète, hors le cas d'une prestation de services à exécution successive, et commet une faute à l'égard de l'emprunteur le prêteur qui délivre des fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté son obligation (Cass. 1ère civ. 16 janvier 2013, n°12-13.022, Bull. 2013, I, n°6).
La libération des fonds intervient au vu d'une attestation de fin de travaux, laquelle est opposable à l'emprunteur si elle permet de vérifier l'exécution complète du contrat principal ; elle lui est en revanche inopposable si son contenu ne permet pas de se convaincre d'une telle exécution complète.
Il appartient au prêteur de démontrer l'exécution du contrat principal, et non à l'emprunteur d'en démontrer l'inexécution.
Néanmoins l'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à verser les fonds au vendeur au vu de la signature par lui du certificat de livraison du bien n'est plus ensuite recevable à soutenir, au détriment du prêteur, que le bien ne lui avait pas été livré (Cass. 1ère civ., 14 novembre 2001, n°99-15.690, Bull. 2001, I, n°280).
En l'espèce, la société Franfinance fournit un document intitulé 'attestation de livraison - demande de financement'.
Ce document comprend le nom de Madame [N], la date et la référence du contrat, avec le nombre 33.081 correspondant au prix de la station photovoltaïque. Il est daté et comprend également le cachet de la société SVH Energie et la signature de Madame [N].
La seule teneur de ce document permet à la banque, qui n'est tenue à aucune autre vérification, d'être avisée de l'exécution totale des ventes et prestations du contrat de crédit.
Dès lors, la banque n'a pas commis de faute tenant à l'absence de vérification de l'exécution complète du contrat principal.
- Sur le défaut de vérification de la régularité formelle du contrat principal :
Commet une faute le prêteur qui verse les fonds sans procéder aux vérifications préalables lui permettant de relever que le contrat principal est affecté d'une cause de nullité ; en revanche, l'emprunteur, qui n'établit pas avoir subi de préjudice consécutif à la faute de l'établissement de crédit, demeure tenu de rembourser le capital emprunté.
La cour a pu constater que l'établissement de crédit, avant de consentir à l'offre de crédit, n'a pas procédé à la vérification de la régularité formelle du contrat principal.
En ne procédant à aucune vérification du contrat principal du 19 octobre 2017, pourtant grevé de deux motifs formels de nullité, l'établissement de crédit a ainsi commis une faute.
Sur la restitution des sommes au titre de l'exécution du contrat de crédit et la demande de dommage et intérêts :
Pour faire valoir son droit à la restitution du capital emprunté, la société Franfinance expose qu'en présence d'une installation photovoltaïque fonctionnelle et raccordée, l'emprunteur ne subit aucun préjudice.
Pour s'opposer au droit de la banque à la restitution du capital emprunté, Madame [N] fait valoir :
- que compte tenu de la déconfiture du vendeur, elle ne pourra jamais recouvrer le prix de vente malgré le jeu des restitutions consécutif aux nullités ;
- que la perte du prix de vente, à la restitution duquel elle aurait droit compte tenu des nullités qui pourraient être prononcées en l'espèce, caractérise l'une des composantes du préjudice dont elle est victime.
La cour rappelle au préalable qu'en cas de résolution ou d'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, ne dispense l'emprunteur de restituer le capital emprunté que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Civ. 1, 17 mai 2023, 22-16.429).
Ainsi, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Civ. 1, 27 septembre 2023, pourvoi n° 22-15.575).
Pour être dispensé de la restitution du capital prêté en cas d'annulation ou de résolution du contrat, l'emprunteur doit donc démontrer l'existence d'un préjudice en lien avec la faute du prêteur.
Il appartient à celui se déclarant victime d'un préjudice d'en rapporter la preuve.
La jurisprudence récente de la Cour de cassation affine la notion de préjudice : après avoir annulé la vente en raison des irrégularités qui affectaient le bon de commande, l'arrêt retient, d'une part, qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque avait manqué à ses obligations, d'autre part, que l'emprunteuse avait subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'était plus propriétaire.
En l'état de ces constations et appréciations, dès lors que ce préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, n'aurait pas été subi sans la faute de la banque, c'est à bon droit que la cour d'appel a condamné celle-ci à payer à l'emprunteuse, à titre de dommages et intérêts, une somme correspondant au capital emprunté (Civ. 1, 10 juillet 2024, 22-24.754, publié).
Il résulte de la combinaison des jurisprudences précitées qu'en cas de préjudice en lien avec la faute du prêteur, ce dernier peut être sanctionné soit par la privation de sa créance de restitution du capital prêté, soit par le paiement à l'emprunteur, à titre de dommages et intérêts, d'une somme correspondant au capital emprunté.
Afin de prouver son préjudice, l'emprunteur doit ainsi démontrer ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'est plus propriétaire.
En l'espèce, Maître [M] [V] a été nommée en qualité de liquidateur de la société SVH Energie dans le cadre de la présente instance, le placement en liquidation de cette société n'est pas discutable.
Par ailleurs, il résulte des constatations qui précèdent que le contrat principal et subséquemment le contrat de crédit qui y était affecté ont été annulés.
En libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, l'établissement de crédit a manqué à ses obligations.
L'emprunteuse a ainsi subi un préjudice, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'est plus propriétaire.
Dès lors que ce préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, n'aurait pas été subi sans la faute de l'établissement de crédit, il convient de le priver de sa créance de restitution et ainsi d'exonérer Madame [N] du paiement de cette créance par confirmation du jugement entrepris.
Le jugement sera également confirmé en ce que la société Franfinance a été condamnée à restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du contrat de crédit annulé, avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
Madame [N] demande une somme de 15.000 euros au titre de dommages et intérêts.
Aucun élément soumis à l'appréciation de la cour ne permet d'établir l'existence d'un préjudice distinct résultant des agissements de l'établissement de crédit.
Il y aura donc lieu de débouter Madame [N] de sa demande tendant à la condamnation de la société Franfinance à leur payer la somme de 15.000 euros au titre de dommages-intérêts.
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Le jugement sera en conséquence confirmé dans toutes ses dispositions.
Madame [N] sera déboutée de sa demande de paiement de 15.000 euros au titre de dommages et intérêts.
Succombante à hauteur d'appel, la société Franfinance sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles d'appel et condamnée à payer à Madame [N] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
La société Franfinance sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant publiquement, par arrêt par défaut et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la société anonyme Franfinance de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la société anonyme Franfinance aux entiers dépens d'appel et à payer à Madame [R] [N] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.