Cass. com., 20 novembre 2024, n° 23-19.614
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Aquazen (SCI), BR Associés (SCP)
Défendeur :
Structura Fer (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteurs :
Mme Coricon, Mme Schmidt
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocat :
Gury & Maitre (SARL)
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mars 2023) et les productions, la société Aquazen a confié à la société Structura Fer la réalisation d'un centre de remise en forme.
2. La société Structura Fer, représentée par son liquidateur, a assigné la société Aquazen en paiement du solde du prix des travaux.
3. Au cours de l'instance d'appel contre le jugement ayant accueilli la demande du liquidateur de la société Structura Fer, la société Aquazen a été mise en sauvegarde et un plan de sauvegarde a été arrêté le 22 mai 2022, la SCP BR Associés étant désignée commissaire à l'exécution du plan.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société Aquazen et le commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde font grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Structura Fer la somme de 33 115,30 euros au titre du solde des travaux réalisés, alors « que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; qu'elles sont alors reprises de plein droit, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence avait ouvert une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société Aquazen et que la société Structura Fer avait déclaré sa créance de 33 115,30 euros au passif de cette procédure, la cour a condamné la société Aquazen à payer cette somme à la société Structura Fer ; qu'en statuant de la sorte, tandis que la créance de la société Structura Fer était née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Aquazen, de sorte que la cour devait se borner à fixer le montant de la créance sans pouvoir condamner la société Aquazen à payer la créance de la société Structura Fer, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce :
5. Selon le premier de ces textes, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Selon le second, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
6. Après avoir relevé que la société Aquazen avait fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde le 12 novembre 2020 ayant donné lieu à une déclaration de créance de la société Structura Fer et qu'elle précisait, dans ses conclusions, que son plan de sauvegarde avait été arrêté le 20 mai 2022, la cour d'appel l'a condamnée à payer à la société Structura Fer la somme de 33 115 euros au titre du solde des travaux réalisés.
7. En statuant ainsi, alors que la créance de la société Structura Fer était née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Aquazen et que la décision arrêtant le plan de sauvegarde de cette société n'avait pas mis fin à l'interruption des poursuites individuelles, de sorte qu'elle devait se borner à fixer le montant de la créance sans pouvoir condamner le débiteur à payer celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen,
Enoncé du moyen
8. La société Aquazen et le commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde font grief à l'arrêt de fixer la créance de 20 396,52 euros de la société Aquazen au passif de la liquidation judiciaire de la société Structura Fer, de rejeter la demande de la société Aquazen tendant à voir prononcer la compensation des créances connexes des deux parties et de fixer la créance de la société Structura Fer à la somme de 12 718,78 euros, alors :
« 1°/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, pour débouter la société Aquazen de sa demande tendant à voir prononcer la compensation des créances connexes, la cour a énoncé que les conditions de la compensation n'étaient pas réunies ; qu'en statuant ainsi, par simple affirmation, sans aucune motivation expliquant en quoi ces conditions n'étaient pas réunies la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le jugement d'ouverture d'une procédure collective emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; que lorsqu'un contractant défaillant a été placé en procédure collective, la créance née, avant le jugement d'ouverture, de l'exécution défectueuse ou tardive de prestations convenues peut se compenser avec la créance au titre du solde du marché de travaux dû par son cocontractant, à la condition que ce dernier ait déclaré sa créance au passif de la procédure collective ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que la société Aquazen était créancière de la société Structura Fer au titre de l'exécution défectueuse du marché de travaux et qu'elle avait déclaré sa créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Structura Fer ; qu'elle a également constaté que la société Structura Fer était créancière de la société Aquazen au titre du solde du marché de travaux et qu'elle avait déclaré sa créance au passif de la procédure de sauvegarde de la société Aquazen ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de la société Aquazen à ce titre, que les conditions de la compensation n'étaient pas réunies, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que les créances réciproques étaient toutes deux nées du même contrat et qu'elles avaient été toutes deux déclarées au passif des procédures collectives concernées, a violé l'article L. 622-7 du code de commerce et les articles 1290 et 1291 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Sur la recevabilité du moyen examinée d'office après avis adressé aux parties conformément à l'article 16 du code de procédure civile
9. En application de l'article 616 du code de procédure civile, lorsque le jugement peut être rectifié en vertu de l'article 463 du même code, le pourvoi n'est ouvert qu'à l'encontre du jugement statuant sur la rectification.
10. Il ressort du dispositif de l'arrêt attaqué que la cour d'appel n'a pas statué sur la demande de la société Aquazen tendant à la compensation de sa créance avec celle détenue par la société Structura Fer.
11. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen, qui n'articule par ailleurs aucun grief contre les motifs de l'arrêt venant au soutien de la fixation du montant de la créance de la société Aquazen au passif de la société Structura Fer, n'est pas recevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Aquazen à payer à la société Structura Fer la somme de 33 115,30 euros, l'arrêt rendu le 9 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Déclare irrecevable la demande de M. [W], en qualité de liquidateur de la société Structura Fer, tendant à la condamnation de la société Aquazen à payer la somme de 20 396,52 euros à la société Structura Fer ;
Condamne la société Structura Fer aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller référendaire rapporteur et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.