Livv
Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-3, 18 novembre 2024, n° 21/03802

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 21/03802

18 novembre 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 NOVEMBRE 2024

N° RG 21/03802 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-U5GH

AFFAIRE :

S.E.L.A.R.L. JSA Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS VIAPAQ »

C/

[B] [S]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Section : E

N° RG : F 19/00161

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Anne-charlotte PASSELAC

Me David METIN

Me Hélène LAFONT-GAUDRIOT

Me Sophie CORMARY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.E.L.A.R.L. JSA Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS VIAPAQ »

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Anne-charlotte PASSELAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : X1

APPELANTE

****************

Monsieur [B] [S]

né le 07 Février 1984 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

S.A.S. CONTINENTAL AUTOMOTIVE FRANCE venant aux droits de la Société CONTINENTAL AUTOMOTIVE RAMBOUILLET FRANCE,

N° SIRET : 314 722 026

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Hélène LAFONT-GAUDRIOT de la SELARL REYNAUD AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177

INTIMES

****************

Association AGS CGEA [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substitué à l'audience par Me Isabelle TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2024, Madame Laurence SINQUIN, Présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat à durée indéterminée, M. [B] [S] a été engagé à compter du 3 août 2015 par la société Viapaq.

La société Viapaq est une société par actions simplifiée (SAS) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Versailles sous le n° 802 952 788.

La société Continental Automotive France, (ci-après désignée la société Continental) venant aux droits de la société Continental Automotive Rambouillet France a vendu son service de production à un fonds d'investissement de droit néerlandais Varova. La société Viapaq a été créée le 17 juin 2014 par le fond d'investissement Varova afin de reprendre l'activité de production, industrialisation, assemblage , prototypage de circuits imprimés et de produits électroniques, exploitée par la société Continental Automotive Rambouillet France jusqu'en 2014.

Par accord-cadre du 30 juin 2014, la société Continental Automotive Rambouillet France, a cédé l'ensemble des actifs nécessaires à la poursuite de l'activité sur le site industriel de Rambouillet à la société Viapaq et a conclu avec cette dernière un contrat de sous-traitance d'une durée de 4 ans.

A compter du 1er juillet 2014, le contrat de travail de M. [W] a été transféré à la société Viapaq, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [S] exerçait les fonctions de chef de projet et percevait un salaire moyen brut de 5 549,78 euros par mois.

La relation de travail est régie par la convention collective nationale de la métallurgie.

Par jugement en date du 25 octobre 2018, le tribunal de commerce de Versailles a constaté l'état de cessation des paiements de la société Viapaq et a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement en date du 27 décembre 2018, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la conversion de la procédure de redressement en procédure de liquidation judiciaire de la société Viapaq, sans poursuite de l'activité.

Le 7 janvier 2019, le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, santé et conditions de travail (CHSCT) de la société Viapaq a été informé et consulté sur la procédure de liquidation judiciaire et un projet de licenciement collectif pour motif économique.

Par décision en date du 10 janvier 2019, la direction interrégionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), a homologué le document unilatéral de la société Viapaq, valant plan de sauvegarde de l'emploi.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 janvier 2019, la société JSA, désignée en qualité de liquidateur et représentée par Mme [M], a notifié à M. [S] son licenciement pour motif économique, en ces termes :

« Par jugement en date du 25 octobre 2018 le Tribunal de commerce de Versailles a ouvert le redressement judiciaire de SAS VIAPAQ, -Commerce de tous appareils et accessoires électroniques- [Adresse 2] à [Localité 11]. Ce redressement a ensuite été converti en liquidation judiciaire par jugement en date du 27 décembre 2018.

A ce titre, je suis conduite à vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique dans le contexte suivant.

La société VIAPAQ est une société high-tech, spécialisée dans l'assemblage de cartes électroniques en moyenne série.

Initialement, l'entité créée en 1954 produisait des radios pour le compte de l'enseigne PHILIPS. Le site a par la suite été repris par la société SIEMENS qui a orienté la production de radios en direction du secteur automobile.

En 2008, le Groupe CONTINENTAL a acquis la société et lancé la production de systèmes de navigation et de modules multimédias.

La SAS VIAPAQ a été créée en juin 2014 à la suite de la cession par CONTINENTAL de la branche d'activité.

Elle rejoint le groupe VIAPAQ, constitué par VAROVA, en avril 2014.

Selon les informations recueillies, la société VIAPAQ a, à la suite de sa création, rencontré des difficultés conjuguées qui peuvent être résumées comme suit :

- Une marge insuffisante pour couvrir les charges fixes qui a conduit à des pertes sur les précédents exercices de l'ordre de (1,52 M€) en 2015 et (2,23 M€) en 2016. Le retour à la profitabilité du site de production devenu une entité autonome s'est révélé plus lent que prévu en raison notamment de la difficulté à obtenir de nouveaux marchés auprès de clients autres que CONTINENTAL,

- La confirmation de l'expiration, dès juin 2018, du contrat d'approvisionnement conclu avec la société CONTINENTAL qui a remis en cause la poursuite de l'activité de la société VIAPAQ,

- Le décalage du lancement du boîtier TCU qui n'a pas eu l'effet escompté à savoir l'augmentation rapide du chiffre d'affaires par le développement de nouveaux marchés et de la clientèle,

Nous avons recherché des possibilités de reclassement susceptibles d'éviter un licenciement, mais il n'existe pas de possibilité au sein de la SAS VIAPAQ qui n'a plus d'activité.

Les sociétés du Groupe auquel appartient VIAPAQ, qui sont toutes basées à l'étranger, ont été sollicitées mais n'ont pas fait connaître à ce stade de postes disponibles.

Nous avons entrepris des recherches de reclassement externe, et les réponses obtenues vous ont été transmises et continueront à l'être au fur et à mesure. »

Par requête introductive reçue au greffe le 21 août 2019, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet d'une demande tendant à ce que son licenciement soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse et à faire reconnaître une situation de co-emploi entre les sociétés Viapaq et Continental Automotive Rambouillet France.

Par jugement du 6 décembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Rambouillet a :

A titre principal,

- rejeté la demande de reconnaissance d'une situation de co-emploi entre les sociétés Viapaq et Continental Automotive Rambouillet France.

A titre subsidiaire,

- considéré que le licenciement de M. [S] est sans cause réelle et sérieuse,

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Viapaq au profit de M. [S] les sommes suivantes :

* 16 649,78 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

* 1 664,93 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents ;

* 16 649,78 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que les entiers dépens passeront en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société Viapaq.

La société JSA, désignée en qualité de mandataire liquidateur et représentée par Mme [M], a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel reçue au greffe social le 23 décembre 2021.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 juin 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 6 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société JSA, agissant en qualité de mandataire liquidateur, appelante et intimée à titre incident, demande à la cour de :

- recevoir la société JSA, représentée par Mme [M], es qualité de liquidateur de la société Viapaq, en ses présentes écritures et y faisant droit :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rambouillet,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [S] au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 10 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [S], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour de :

- recevoir M. [S] en ses demandes et l'y déclarer bien fondé ;

A titre principal :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rambouillet en ce qu'il n'a pas reconnu l'existence d'une situation de co-emploi ;

Statuant à nouveau,

- juger qu'il existe une situation de co-emploi entre les sociétés Viapaq et Continental Automotive Rambouillet France ;

- juger que le licenciement de M. [S] ne repose pas une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamner la société Continental Automotive Rambouillet France à verser à M. [S] les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis : 16 649,78 euros ;

* congés payés afférents : 1 664,93 euros ;

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : (sic)

- à titre principal,

* juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable.

* condamner en conséquence la société Continental Automotive Rambouillet France à verser à Mme [V] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 33 000 euros ;

- à titre subsidiaire, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse plafonnée : 22 200 euros.

- condamner la société Continental Automotive Rambouillet France à verser à M. [S] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (1ère instance et appel) ;

- condamner la société Continental Automotive Rambouillet France aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.

A titre subsidiaire, à défaut de reconnaissance du co-emploi :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rambouillet en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [S] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et fixé en conséquence les sommes suivantes au passif de la liquidation judiciaire de la société Viapaq :

* indemnité compensatrice de préavis : 16 649,78 euros ;

* congés payés afférents : 1 664,93 euros ;

* article 700 du code de procédure civile : 600 euros.

- infirmer sur le quantum des sommes allouées au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Viapaq l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse suivante :

- à titre principal,

- juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Viapaq une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 33 000 euros ;

- à titre subsidiaire, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse plafonnée : 22 200 euros.

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Viapaq, au profit de M. [S] 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Viapaq les entiers dépens, y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir ;

En tout état de cause :

- fixer la moyenne des salaires à la somme de 5 549,78 euros ;

- assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 10 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Continental Automotive France, venant aux droits de la société Continental Automotive Rambouillet France, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rambouillet le 6 décembre 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de reconnaissance d'une situation de co-emploi entre les sociétés Viapaq et Continental Automotive Rambouillet France,

En conséquence,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Continental Automotive France ;

- mettre hors de cause la société Continental Automotive France ;

- condamner M. [S] à verser à la société Continental Automotive France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 8 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la délégation de l'association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS), représentée par le Centre de Gestion et d'Etudes Agréé (CGEA) d'[Localité 10], intervenante volontaire, demande à la cour de :

A titre principal :

- juger que la garantie de l'AGS n'est que subsidiaire et ne peut donc être actionnée en présence d'une société in bonis ;

- juger, dans l'hypothèse où la cour retiendrait le co-emploi, que la garantie de l'AGS n'est pas acquise ;

- ordonner sa mise hors de cause ;

En conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rambouillet en date du 6 décembre 2021 en ce qu'il a fixé au passif de la société Viapaq des indemnités ;

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de l'AGS ;

- condamner M. [S] à restituer la somme de 69 252,37 euros avancées par l'AGS.

A titre subsidiaire :

Si la Cour devait considérer que la société Viapaq était le seul employeur de M. [S],

- juger que le licenciement pour motif économique est parfaitement fondé ;

- débouter M. [S] de ses demandes.

Subsidiairement :

- réduire l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 16 649,34 euros.

En tout état de cause :

- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure ;

- juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code du commerce ;

- juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux.

MOTIFS

Sur le licenciement

Sur le moyen tiré du coemploi

M. [S] invoque une situation de coemploi entre la société Continental et la société Viapaq même s'il ne conteste pas qu'elles ne fassent pas partie du même groupe.

Le salarié considère que la jurisprudence relative au coemploi doit s'appliquer en raison de l'immixtion permanente de la société Continental dans la gestion économique et sociale de la société employeur, ayant conduit la société Viapaq à une perte totale d'autonomie d'action.

Il fait valoir que l'accord-cadre souscrit entre la société Continental et la société Viapaq instaure une dépendance en raison d'une cession des actifs a une valeur symbolique ( 10'000 euros ), d'un apport en financement à hauteur de 2 millions d'euros en soutien à l'activité dans les quatre semaines suivant la conclusion de l'accord, d'une garantie de l'activité de sous-traitance à hauteur de plus de 5 millions d'euros pour la première année et jusqu'à 3'556'000 euros pour la quatrième année, d'une contribution financière à hauteur de 4'857'000 euros répartie sur 3 ans entre 2015 et 2017, d'une contribution financière à hauteur de 150'000 euros à titre de participation aux frais de mise en place de la solution informatique.

Le salarié ajoute que ce même contrat prévoit un reversement à la société Continental de 50 % du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) éventuellement perçu par la société Viapaq.

Il indique en outre que le chiffre d'affaires réalisé par la société Viapaq résultait exclusivement des commandes de la société Continental et produit le compte rendu de procédure d'alerte de 2017 et le jugement du tribunal de commerce du 27 décembre 2018 faisant état d'un chiffre d'affaires constitué en 2017 à hauteur de 80 % de commandes de la société Continental et de l'incapacité de la société Viapaq a développé des clients externes.

Le salarié fait état de l'accord de conciliation intervenu après homologation du tribunal de commerce, le 12 avril 2018, ainsi que le nouvel accord commercial instauré durant la procédure de redressement judiciaire du 25 octobre 2018, ces documents prévoyant des avances de trésorerie et une redéfinition des conditions commerciales entre les deux sociétés.

Il conclut de ces éléments que l'immixtion et la dépendance économique sont établies.

Il ajoute que cette dépendance résulte aussi dans le fait que la société Viapaq n'était pas autonome sur le choix des locaux puisque l'accord-cadre prévoyait de ne pas délocaliser l'activité à l'extérieur de l'usine située [Adresse 2] à [Localité 11] pendant la durée du contrat de location. Il établit que ces locaux font l'objet d'un bail commercial entre Smart City Campus et la société Continental du 27 mars 2014 et prétend qu'aucun loyer n'est payé par la société Viapaq. Il produit à ce titre un mail du 23 octobre 2018 et un état des lieux des locaux.

Selon le salarié, l'immixtion s'effectue également dans la gestion sociale de la société Viapaq, l'accord-cadre imposant des limites aux possibilités de licenciement des salariés et la société Continental assurant une partie du paiement des salaires et bénéficiant en vertu de l'accord-cadre d'un reversement du CICE. Il produit à ce titre outre l'accord-cadre, un courriel du 23 octobre 2018 du directeur financier de la société Continental.

Il fait valoir que le salarié travaille sous les instructions de la société Continental et produit des échanges de mails entre le 15 juin 2017 et le 6 décembre 2018. Il soutient également que les congés des salariés étaient imposés en fonction des exigences posées par les activités de la société Continental. Il produit l'attestation de salariés Mme [G] , Mme [J] et Mme [C] qui attestent avoir assuré une permanence au service SAV de la société Continental. Il indique enfin que les salariés de la société Viapaq utilisaient le logiciel SAP Continental et produit à ce titre plusieurs échanges de mails en pièce 22, 29 et 23.

Il en conclut que les deux sociétés étant employeurs, la demande de mise en hors de cause de la société Continental doit être rejetée et la régularité du licenciement pour motif économique doit être appréciée au regard de ce contexte.

La société JSA, prise en la personne de Maître [M] intervenant es qualité de liquidateur de la société Viapaq, soutient qu'en l'absence de lien de subordination juridique, le coemploi peut être reconnu lorsqu'un certain nombre de critères cumulatifs sont réunis et lorsqu'il est démontré qu'il existe entre l'employeur déclaré et une autre personne, une confusion d'intérêts, d'activité et de direction se manifestant par la l'immixtion dans la gestion économique et sociale. Elle estime ne pas être en mesure de déterminer l'existence ou pas d'un coemploi au sein de la société qu'elle représente.

La société Continental conteste toute situation de coemploi. Elle rappelle que la cession le 30 juin 2014 des actifs de production a entraîné de le transfert de 85 salariés. Elle expose que l'accord-cadre est un accord commercial qui instaure à l'égard de la société Continental un transfert d'actifs, un accompagnement d'activité sur quatre ans avec un contrat d'approvisionnement et un soutien financier impose en contrepartie à la société Viapaq de ne pas vendre ou fermer une partie substantielle de l'activité, de ne pas mettre en 'uvre de plan social et de diversifier son activité.

La société reconnaît que l'activité dégressive à l'égard de la société Continental, le développement du business LED et la captation de nouveaux clients et marchés n'a pas pu s'effectuer dans les proportions attendues et a conduit la société à sa liquidation malgré un protocole de conciliation du 30 janvier 2018.

Elle produit le rapport d'expertise du cabinet Syncea du 27 septembre 2017qui détermine l'origine des difficultés rencontrées par la société Viapaq. Elle ajoute que le tribunal administratif de Versailles par une décision du 11 février 2021 à statuer sur le coemploi et écarté ce moyen en considérant que si l'ensemble des éléments révélait des rapports de domination économique entre les deux sociétés, ils n'étaient pas de nature à établir que la société Viapaq n'était pas le véritable employeur de ses salariés. Elle précise que la cour administrative d'appel à statuer dans le même sens le 22 novembre 2023 à l'égard des salariés protégés de la société Viapaq.

Elle soutient que le coemploi n'est pas établi en dehors d'un groupe et d'un lien de subordination entre les deux sociétés et précise qu'en l'espèce il s'agit de deux sociétés autonomes sans aucun lien capitalistique, sans direction commune et avec un objet social différent.

S'agissant des arguments soutenus par les salariés, la société Continental rappelle que la société Viapaq disposait de ses propres organes de gestion et d'un comité de direction autonome et a toujours conservé son autonomie d'action et de gestion sur le plan économique ; que l'accord-cadre met en place des engagements réciproques pour une période de quatre ans et invoque l'article 11. 6 qui indique : « Rien dans cet AC ne doit être interprété comme créant une relation d'agence, de partenariat ou de coentreprise entre les parties ». Elle estime qu'elle n'est pas la seule à être partenaire de la société et précise qu'il y a eu dans la procédure de conciliation aussi des établissements bancaires, des fonds d'investissement et la société mère.

Relativement aux locaux, la société Continental transmet le contrat de sous-location du 30 juin 2014 aux termes duquel la société Viapaq est redevable d'un loyer et le protocole de conciliation du 30 janvier 2018 estime qui instaure des délais de paiement sur la dette locative.

Elle conteste toute immixtion dans la gestion sociale et notamment le paiement des salaires. Sur la clause relative au CICE, elle estime qu'il s'agit d'une simple modalité financière parmi d'autres au sein de l'accord-cadre. S'agissant de la permanence des salariés, des congés et de l'utilisation du logiciel SAP Continental, la société considère qu'il s'agissait de nécessités organisationnelles liées au contrat d'approvisionnement conclu entre les deux sociétés sans qu'elles caractérisent une perte d'autonomie ou un renoncement des prérogatives de l'employeur. Elle conclut à sa mise hors de cause.

L'AGS CGEA d'[Localité 10] fait valoir que dans l'hypothèse d'un coemploi, elle doit être mis hors de cause, la société Continental étant in bonis. Elle rappelle que la solidarité ne se présume pas et indique qu'il ne peut pas y avoir de condamnation solidaire avec l'AGS.

La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article L 1221 '1 du code du travail, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière. (Cass 25 novembre 2020, 18-13769)

Si l'organisation d'un groupe peut impliquer une collaboration et une concertation entre les entités qui en font partie en vue de la définition et de l'application d'une politique économique commune, le coemploi suppose une situation anormale caractérisée par la confusion des intérêts, des activités et de la direction, cette situation faisant disparaître l'autonomie de l'employeur soumis à l'ingérence d'un tiers. L'intervention excessive d'une société dans la gestion économique et sociale d'une autre conduisant à sa perte totale d'autonomie justifie que la société qui a une confusion de ses intérêts et de ses activités avec celle ayant la qualité d'employeur doit assumer les conséquences de ces décisions.

La charge de la preuve pèse sur le salarié qui invoque une situation de co emploi.

M. [W] invoque les dispositions applicables entre deux sociétés appartenant au même groupe complexifiant cette preuve puisqu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Continentale automotive Rambouillet France est une société autonome n'ayant aucun lien juridique avec la société Viapaq SAS et la holding VEM Holding B.V.

Il y a lieu de rappeler que la société d'investissement VAROVA qui a fait l'acquisition d'entreprises dans le secteur de l'éclairage a pour volonté d'élargir ses activités sur de nouvelles technologies et notamment l'assemblage électronique de PCB, les sous-ensembles et produits électroniques ensuite. La cession est intervenue dans le cadre de la réorganisation du groupe Continental relativement au secteur d'activité de production d'autoradios, de systèmes de navigation et de modules multimédias.

L'accord-cadre du 30 juin 2014 souscrit entre les parties est une convention commerciale dont les objectifs sont très précisément déterminés dans le préambule de l'acte. Dès ce préambule, il est mentionné que l'activité, tout en continuant à fournir les prestations d'assemblage et les autres services à la société vendeur, sera dotée d'une équipe marketing et de vente pour développer de nouvelles sources de revenus afin de réduire la dépendance de l'activité envers la société Continentale« en réduisant la part de CARF (la société Continentale) dans le chiffre d'affaires de l'activité à moins de 30 % 2018 ». Il est en outre prévu que le soutien back office sera également mis en place par VAROVA COMPANIES afin que l'activité soit autonome.

Ces dispositions font clairement apparaître que dès l'origine le paramètre de la dépendance économique de la société Viapaq est envisagée, qu'elle est inhérente à la transaction économique engagée. L'accord-cadre s'attache à mettre en place les modalités d'acquisition de cette autonomie.

Contrairement aux allégations des salariés, les apports financiers effectués par la société Continental sont des dispositions financières ayant pour finalité de soutenir le démarrage de l'activité et et ce en contrepartie d'obligations commerciales réciproques. Ce soutien au démarrage de l'activité, transparaît clairement au travers des dispositions de l'article 5.7 qui prévoit : le financement à hauteur de 2 millions d'euros 'pour un soutien à l'activité' dans les quatre semaines suivant la conclusion de l'accord ; une garantie de la marge de contribution (chiffre d'affaires moins le matériel BIOf) dans le cadre de l'activité de sous-traitance avec plus de 5 millions d'euros pour la première année et décroissant progressivement jusqu'à 3'556'000 pour la quatrième année ; une contribution financière à hauteur de 4'857'000 euros répartie sur 3 ans entre 2015 et 2017 et enfin une participation aux frais de mise en place de la solution informatique à hauteur de 150'000 euros. Si le salarié relève à juste titre un faible prix de cession des actifs, la lecture de l'accord-cadre fait apparaître qu'il s'explique au regard de ces autres modalités financières qui l'accompagne.

La cour constate que l'ensemble de ces dispositifs qui vise au soutien du démarrage de l'activité sont marqués par une dégressivité qui vise à l'acquisition d'une autonomie progressive de l'outil de production cédé.

D'autres apports financiers vont être mis en place dans le cadre du protocole de conciliation intervenue le 30 janvier 2018. Le protocole a notamment pour objectif d'accompagner la société « dans le cadre de ses discussions avec le groupe Continental afin d'asseoir un plan d'affaires pérenne » et « de définir les modalités d'accompagnement commerciales et financières de la société lui permettant de poursuivre ses efforts de diversification commerciale ». C'est dans ce cadre de soutien à l'activité en difficulté qu'apparaît notamment l'apurement de la dette locative, contredisant l'argument du salarié selon laquelle la société Viapaq ne serait soumis au paiement d'aucun loyer. Le contrat de sous-location et le mail du 23 octobre 2018 relatif à l'octroi de délais de paiement pour le loyer sur janvier 2019 attestent du contraire.

Les nouveaux engagements financiers de la société Continental dans le cadre de ce protocole de conciliation apparaissent tous en relation avec l'objectif de soutien à l'activité de la société Viapaq et si une dépendance économique est réelle, rien dans les outils mis en place dans le partenariat commercial ne permet de constater la volonté d'une immixtion économique pour parvenir à la perte totale d'autonomie de la société Viapaq.

Cette immixtion économique ayant conduit à une perte totale d'autonomie est également contredite à la lecture de ce protocole de conciliation qui fait apparaître nombreux autres acteurs économiques et financiers engagés auprès de la société Viapaq.

D'ailleurs les difficultés économiques rencontrées par la société Viapaq ne sont pas exclusivement imputables au lien commercial avec la société Continental puisque le protocole fait apparaître que les difficultés ont plusieurs origines : une sous-évaluation des résultats déficitaires sur les deux exercices suivants la cession, une rentabilité par le biais d'obtention de nouveaux marchés et d'autres clients anticipée de façon erronée à l'année 2017, un décalage dans la commercialisation du boîtier connecté TCU.

Le rapport de la procédure d'alerte de juillet et septembre 2017, confié à l'expert comptable du C.E, désigne plusieurs autres partenaires commerciaux en difficultés avec la société (notamment la société Wincor deuxième client principal) et de façon claire l'expert relève un développement insuffisant sur de nouveaux clients. Il confirme aussi la croissance insuffisante du chiffre d'affaires généré pour un nouveau produit destiné à la société continentale le TCU.

Si globalement la dépendance économique de la société Viapaq à l'égard de la société Continental est indéniable, ces éléments démontrent l'existence d'une clientèle propre à la société - même si elle est insuffisante - et l'existence de difficultés nées de décisions étrangères à la société Continental.

Aucun élément au dossier ne permet d'établir que les choix économiques ou commerciaux effectués par la société Viapaq aient été effectués sous le contrôle de la société Continental. À ce titre, la cour relève que l'organigramme de la société tel que reproduit dans le protocole de conciliation ne démontre aucune immixtion dans les structures de décision de la société Viapaq

Il ressort ainsi de ces éléments économiques et financiers, que ce soit en 2014 dans le cadre du démarrage de l'activité ou en 2018, à la suite du protocole de conciliation, les apports financiers de la société Continental ont eu pour vocation d'adapter les conditions ou modalités commerciales inhérentes au contrat d'approvisionnement d'origine sans que soit démontrée une immixtion permanente conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de la société Viapaq.

Le salarié soutient outre la dépendance économique que les conditions matérielles mises en place pour mener à bien l'activité de la société Viapaq conduisaient à une immixtion dans la gestion sociale des salariés.

Le salarié relève à juste titre que l'accord-cadre faisait interdiction à la société de procéder à une fermeture de l'activité, à des délocalisations, à des licenciements économiques de plus de 16 salariés ou à un plan de sauvegarde de l'emploi. La cour constate que ces dispositions apparaissent comme la contrepartie des engagements de la société Viapaq dans le contrat de production et d'approvisionnement à l'égard de la société Continental et des apports notamment financiers engagés par cette dernière pour soutenir et pérenniser l'activité. Elle constate aussi que la société Viapaq en qualité d'employeur gardait la faculté de licencier ses salariés pour motif personnel, qu'elle disposait d'une totale autonomie pour l'embauche de personnel au nombre de 85 en 2014 pour 123 en 2018 et qu'aucune contrainte n'était imposée quant à la gestion des contrats de travail par la société employeur .

Le salarié soutient aussi que les salaires ont été payés par la société Continental et transmet la pièce15. Il résulte de ce message du 23 octobre 2018 que Monsieur [P] [L], directeur financier de la société Continental, transmet au mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure collective, un mail récapitulatif afin que le mandataire puisse « mettre à jour et adapter le plan de trésorerie » dont ce dernier a la charge. Aux termes de ce message, il est indiqué : « En application des principes de compensation » des dettes et créances intervenant lors de la procédure en déclaration de cessation des paiements « Continental accepte de déroger au principe numéro trois et de réaliser un virement de 400 Keuros HT =} 480 TTC si besoin est au 20/11 pour permettre le paiement des salaires ». Le contexte dans lequel a été écrit ce message, la nature du destinataire auquel il est adressé et la formulation qui y est faite, ne permettent pas de déduire qu'il s'agisse d'autre chose qu'une proposition faite au mandataire concernant le compensation des dettes et des créances entre les deux sociétés. En aucun cas, ce mail ne peut s'analyser en un règlement des salaires par la société Continental agissant en qualité d'employeur.

Sur le CICE, la cour retient comme le conseil des prud'hommes que la société Continental n'a jamais été destinataire de ce crédit d'impôt à titre personnel et ajoute que ce reversement ne constituait qu'une des modalités financières parmi d'autres au sein de l'accord-cadre. La cour ne peut tirer aucune conclusion au titre du coemploi de cette rétribution hypothétique de la société Continental d'une partie des sommes susceptibles d'être recouvrées au titre du CICE par la société Viapaq.

Enfin, la cour retiendra comme le tribunal administratif de Versailles et au vu des attestations produites par le salarié que si certains des salariés de la société Viapaq devaient poursuivre leur activité pendant les périodes de congés estivaux et de la fin d'année civile afin d'assurer l'approvisionnement des clients de la société Continental et si dans ce cadre, ils utilisaient un logiciel de cette société, ces circonstances ne sont pas étrangères à la sous-traitance assurée par la société Viapaq.

Ainsi malgré la dépendance économique entre les deux sociétés, la cour constate que les éléments transmis n'établissent pas l'existence une immixtion permanente de la société Continental dans la gestion économique et sociale de la société employeur, la société Viapaq, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Au vu de l'ensemble de ces motifs, la société Continental devra être mise hors de cause.

Sur le reclassement

Monsieur [S], sans contester le respect par le représentant de la société de son obligation de recherche de reclassement interne, considère que le liquidateur a manqué à son obligation de reclassement externe prévu par le PSE.

Il estime que les pièces produites par le liquidateur concernant les contacts pris auprès des entreprises du secteur ne sont pas probantes, l'envoi effectif des courriers n'étant pas établi et le détail des postes supprimées tel que prévu dans le PSE n'ayant pas été transmis par le liquidateur aux entreprises du secteur. Il fait valoir en outre que les six courriers en réponse des sociétés ne font pas non plus la preuve de cette recherche, la liste établie par le liquidateur comportant nombreuses incohérences (envoi en doublon à la même société, adresse non communiquée et courriers adressés à l'adresse d'un salarié).

Il considère aussi que les 15 offres de reclassement ne sont pas sérieuses et non conformes aux dispositions de l'article D1233 ' 2 ' 1 du code du travail, que les offres proposées par la société Continental n'ont pas été transmises. Il précise que la saisine de la Commission nationale de la métallurgie et de l'Union des industries et métiers de la métallurgie ne sont pas susceptibles de pallier à l'insuffisance du reclassement.

La SELARL JSA, prise en la personne de Maître [M], rappelle au préalable qu'en raison de la cessation d'activité de la société, les reclassements en interne étaient impossibles et considère que les dispositions concernant le reclassement interne invoquées par le salarié ne lui sont pas opposables.

S'agissant des recherches de reclassement externe, le mandataire liquidateur indique avoir engagé de nombreuses démarches pour identifier les solutions de reclassement auprès notamment de 70 entreprises contactées. Il indique avoir fait une réunion de 'job dating' avec les salariés pour leur proposer des postes et avoir saisi la Commission nationale de la métallurgie et l'Union des industries et métiers de la métallurgie. S'agissant des dispositions de l'article D1233 '2 ' 1 du code du travail invoquées par le salarié, il estime qu'elles ne sont pas applicables au reclassement externe, justifiant d'une analyse conforme dans le jugement du tribunal de administratif de Versailles du 11 février 2021 et l'arrêt de la cour administrative d'appel du 22 novembre 2023. S'agissant des obligations imposées par le PSE, il fait valoir que les dispositions de l'article L 1233 ' 62 du code du travail ont été respectés et qu'il justifie de recherches de reclassement externe. Il soutient qu'aucun texte n'imposait une lettre recommandée ou les mêmes exigences en termes d'individualisation des offres que pour le reclassement en interne. Il produit le jugement du 14 juin 2023 du conseil des prud'hommes de Rambouillet, statuant en départage dans le dossier de contestation des salariés devant la section industrie, le juge départiteur ayant reconnu que l'obligation de reclassement par le mandataire liquidateur a été satisfaite.

L'AGS CGEA d'[Localité 10] précise que la distinction entre reclassement externe et interne s'impose et qu'aucun manquement de la part du liquidateur n'est justifié au titre du reclassement externe. Il demande à la cour de constater que le licenciement économique est fondé et de débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts.

Il est constant en l'espèce que la société Viapaq a fait l'objet d'une cessation d'activité et qu'en conséquence, les reclassements en interne s'avéraient impossibles au sein de la société. Seul le reclassement interne au sein du groupe pouvait être mis à la charge du mandataire.

En effet , depuis les ordonnances du 22 septembre et 20 décembre 2017, l' article L.1233-4 du code du travail prévoit que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Désormais, le reclassement à l'étranger ne relève plus de l'obligation de reclassement interne.

Or il n'est pas contesté que l'ensemble des entreprises appartenant au groupe VIAPAQ GROUPE BV sont toutes domiciliées à l'étranger. Malgré tout, dans le cadre de son obligation individuelle de reclassement, le mandataire liquidateur a quand même interrogé l'ensemble des sociétés du groupe. Ces sollicitations sont demeurées vaines. Le mandataire liquidateur justifie donc que le reclassement interne du salarié s'avérait impossible.

Les accords et conventions collectives de travail peuvent étendre le périmètre de l'obligation de reclassement qui figure à l'article L.1233-4 du code du travail et prévoir, à cette fin une procédure destinée à favoriser un reclassement extérieur à l'entreprise, avant tout licenciement pour motif économique, et consistant notamment dans la saisine d'une commission paritaire de l'emploi, établie dans chaque profession ou groupe de professions au niveau national ou régional, généralisée par l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi.

Il n'est pas contesté en l'espèce que dans le cadre du PSE, il est prévu la saisine et l'information « des commissions paritaire nationales et régionales et organisations professionnelles ou patronales compétentes afin de relayer l'information auprès de leurs réseaux d'entreprises. » Le mandataire judiciaire justifie avoir saisi par courrier le 27 décembre 2018, la Commission paritaire nationale de l'emploi et l'Union des industries et métiers de la métallurgie et sollicité auprès d'eux les possibilités de reclassement. Elle établit aussi avoir adressé le 4 janvier 2019, une lettre recommandé au Groupe des industries métallurgiques de la région parisienne et justifie d'un échange relatif aux recherches de reclassement. La cour constate en conséquence que cette première obligation inscrite au PSE a été respectée par le mandataire liquidateur.

Le PSE prévoit également qu'il soit procédé à « des prises de contact directes avec les entreprises du secteur afin de communiquer les détails des postes supprimés et vérifier auprès d'elles l'existence de postes à pourvoir. Les offres de reclassement feront l'objet d'une information individuelle aux salariés concernés en fonction des postes recensés ».

Le mandataire judiciaire transmet à ce titre la lettre du 27 décembre 2018 adressée à 70 sociétés du secteur, dont la dénomination et certaines coordonnées apparaissent dans le listing annexé, les réponses de plusieurs sociétés proposant des postes de reclassement, la transmission le 4 janvier 2019, des offres de reclassement à l'ensemble des personnels licenciés et le mail du 13 février 2019 attestant de l'organisation de « job dating ».

Si le salarié relève que dans la liste des entreprises du secteur contactées par le mandataire, 7 d'entre elles ont reçu le courrier à deux reprises et deux autres ont une adresse erronée, ces erreurs ou l'absence d'adresse inscrite sur la liste ne permettent pas d'en déduire que la recherche de reclassement par le mandataire liquidateur auprès des 61 sociétés du secteur n'a pas été sérieuse. Contrairement aux affirmations du salarié, le courrier comporte en annexe la liste des postes supprimés et apparaît suffisamment précis pour permettre de vérifier auprès des entreprises contactées l'existence de postes à pourvoir.

S'agissant des offres de reclassement, outre le fait que le salarié se réfère à des dispositions du PSE qui ne sont pas applicables au reclassement externe, la cour constate après analyse des pièces que les offres de reclassement transmises aux salariés dont disposaient le mandataire liquidateur avant le licenciement ' ce qui n'est pas le cas des offres formulées par la société Continental - répondent aux exigences imposées par le PSE. En effet, elles ont été adressées avant le licenciement, en annexe d'un courrier transmis individuellement à chacun des salariés et elles comportent de façon précise la nature du poste à pourvoir, le nom de la société, sa domiciliation et l'adresse électronique du responsable à contacter pour chacune des offres proposées.

Alors que tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut d'une catégorie inférieure doivent être proposés au salarié sans pouvoir limiter ces offres en fonction de la volonté présumée du salarié, il ne peut être reproché au mandataire liquidateur d'avoir transmis à chacun des salariés, l'ensemble des postes proposés par les entreprises du secteur.

Au vu de ces motifs, le mandataire liquidateur justifie de l'impossibilité de reclassement du salarié.

Sur l'absence de formation et d'adaptation

Le salarié au vu des dispositions de l'article L 1233 ' 4 du code du travail soutient qu'avant de procéder au licenciement économique le liquidateur se devait de satisfaire aux efforts de formation et d'adaptation prévue par ce texte.

Le mandataire liquidateur fait valoir que cette obligation s'inscrit dans le cadre d'un reclassement interne, impossible en l'espèce, en considération de la situation économique de la société. Il transmet l'analyse conforme dans le jugement du tribunal administratif de Versailles du 11 février 2021 et l'arrêt de la cour administrative d'appel du 22 novembre 2023.

Les efforts de formation et d'adaptation visés par l'article L 1233-4 du code du travail pèsent sur l'employeur qui envisage de licencier son salarié afin que ce dernier puisse conserver son poste ou puisse être reclassé sur un autre poste disponible. Si l'employeur est libéré de son obligation de faire des offres de reclassement au salarié que lorsque qu'il établit que l'entreprise ne comporte aucun emploi disponible en rapport avec ses compétences, au besoin en faisant bénéficier le salarié d'une formation ou d'une adaptation, cela induit nécessairement la poursuite d'une activité au sein de la société.

Dès lors, comme l'ont justement relevé les juridictions administratives, cela suppose qu'il existe poursuite d'une activité et une réorganisation de la société susceptible d'ouvrir des postes de reclassement en interne. Tel n'est pas le cas en l'espèce et la cour constate en conséquence que le moyen est inopérant.

En conséquence de ces motifs le licenciement économique de Monsieur [S] apparaît fondé.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement ;

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Rambouillet du 6 décembre 2021 sauf en ce qu'il a rejeté la demande de reconnaissance d'une situation de coemploi entre les sociétés Viapaq SAS et Continental automotive Rambouillet France ;

MET HORS DE CAUSE la société Continental Automotive Rambouillet France aux droits desquels intervient la société Continentale Automotive France ;

DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de mise hors de cause de l'AGS CGEA d'[Localité 10];

DÉCLARE le licenciement de M. [S] bien fondé ;

DÉBOUTE le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE M. [S] aux dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente