Décisions
CA Versailles, ch. soc. 4-3, 18 novembre 2024, n° 22/00820
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-3
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/00820 -
N° Portalis DBV3-V-B7G-VB75
AFFAIRE :
[F], [A] [D]
C/
S.A.S. ALLIANCE prise en la personne de Maître [I] [E] es qualité de liquidateur de la Société AS WORLD COMPANY
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 25 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : F21/00444
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Clémence BOUQUIN
Me Hubert MARTIN DE FREMONT
Me Sophie CORMARY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [F], [A] [D]
née le 23 Mars 1984 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Clémence BOUQUIN de la SCP A.C.B., avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 244
APPELANTE
****************
S.A.S. ALLIANCE prise en la personne de Maître [I] [E] es qualité de liquidateur de la Société AS WORLD COMPANY
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELAS SIMON ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411
Association CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98substitué à l'audience par Me Isabelle TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
****************
S.A.S. ALLIANCE, prise en la personne de Me [P] [Y] (en lieu et place de Me [I] [E]) ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AS WORLD COMPANY
N° SIRET : 830 051 512
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELAS SIMON ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Septembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Mme Florence SCHARRE, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
***
FAITS ET PROCEDURE
La société As World Company a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 448140400. Elle exploitait une activité d'organisation de foires, salons professionnels et congrès pour les entreprises et employait moins de 11 salariés.
Mme [F] [D] a été engagée par la société As World Company par contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 19 décembre 2012 en qualité d'assistante commerciale, statut employé, position 1.3.1, coefficient 220.
Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée percevait un salaire moyen brut mensuel d'un montant de 3 538 euros.
La relation de travail était régie par les dispositions de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec.
Le 8 juillet 2020 le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société As World Company et a désigné la société Alliance, prise en la personne de Mme [E], en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 9 juillet 2020, compte tenu de la procédure collective, Mme [F] [D] était convoquée par le liquidateur à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.
Par lettre du même jour, remise en main propre contre décharge, Mme [F] [D] s'est vue notifier son licenciement pour motif économique en ces termes :
« (') Par jugement du 8 juillet 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL AS WORLD COMPANY et m'a désignée es qualité de liquidateur.
Par courrier du 9 juillet 2020, vous avez été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 17 juillet 2020.
Je suis tenu de vous notifier le motif économique de la rupture envisagée de votre contrat de travail et c'est la raison pour laquelle ce courrier vous est remis, ainsi que les documents d'informations relatifs au contrat de sécurisation professionnelle.
Comme il vous a été indiqué pendant cette réunion, la liquidation judiciaire de la société et la cessation d'activité conduisent à la suppression de la totalité des postes de travail en vertu de l'article L. 641-4 du code de commerce.
Nous avons préalablement mis en 'uvre tous les moyens dont nous disposions pour rechercher des postes de reclassement interne.
La société est toutefois dans l'impossibilité de proposer des postes de reclassement en son sein, dans la mesure où elle fait l'objet d'une liquidation judiciaire.
Conformément aux articles L. 1233-65 et suivants du code du travail, le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle vous est donc proposé.
Nous vous précisons que la remise de ces documents n'a pas de lien avec votre éventuel état de santé ou votre situation personnelle et n'est liée qu'au seul jugement de liquidation judiciaire et à la cessation d'activité de la société.
A cet effet, les documents concernant le dispositif proposé sont joints à la présente :
- notice d'information destinée au salarie ;
- bulletin d'acceptation et récépissé du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle ;
- demande d'allocation de sécurisation professionnelle.
Ces documents sont à renvoyer à l'adresse suivante : SAS Alliance, [Adresse 4].
Dans la mesure où vous rempliriez les conditions requises pour bénéficier de ce dispositif, vous disposez d'un délai de réflexion de 21 jours à compter du 18 juillet 2020 pour accepter ou refuser le contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
Ce délai expirera le 7 août 2020.
Cette adhésion au CSP entrainera la rupture immédiate de votre contrat de travail.
En cas d'adhésion une indemnité compensatrice de préavis non effectué, dans la limite de trois mois, sera versée au Pôle Emploi compétent.
Je vous précise que la loi sur la formation professionnelle du 5 mars 2014 a supprimé le droit individuel à la formation (DIF), qui permettait à chaque salarié ayant au moins un an d'ancienneté de capitaliser des heures mobilisables pour des formations et créé le compte personnel de formation (CPF).
Les heures capitalisées au titre du DIF au 31 décembre 2014 seront mobilisables (selon les modalités du CPF), jusqu'au 31 décembre 2020, en complément des heures capitalisées sur le CPF à partir du 1er Janvier 2015.
Ces heures acquises restent utilisables jusqu'au 31 décembre 2020 pour toute demande de formation autorisée dans le cadre du compte personnel de formation.
En toute hypothèse, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-45 du code du travail, vous bénéficierez d'une priorité de réembauche pendant un délai d'un an, à compter de la fin de votre contrat de travail, à condition de faire part de votre décision de faire valoir cette priorité dans ce délai. Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également, ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après le licenciement (sous réserve, cependant, que vous la fassiez connaître).
Toutes notifications à l'effet de mettre en 'uvre cette priorité de réembauche devront être adressées à l'adresse suivante : SAS Alliance, [Adresse 4].
Dans l'hypothèse où votre contrat de travail comportait une obligation de non- concurrence, je vous en libère de façon formelle.
Conformément aux dispositions de l'article L. 911-8 du code de sécurité sociale, si vous aviez adhéré à un tel contrat, vous bénéficieriez de la portabilité gratuite de la mutuelle d'entreprise et de la prévoyance, pendant une durée égale à votre période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée de votre dernier contrat de travail, et sans que cette durée puisse excéder douze mois.
Le financement du maintien de cette garantie sera assuré, sous réserve des fonds disponibles. Nous vous précisons que si vous acceptez le contrat de sécurisation professionnelle, vous bénéficiez, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-67 du code du travail, d'un délai de douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle pour former toutes contestations portant sur la rupture de votre contrat de travail ou son motif (') »
Le 17 juillet 2020, Mme [F] [D] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, emportant par suite la rupture de son contrat de travail en date du 7 août 2020.
Par requête introductive reçue au greffe le 15 avril 2021, Mme [F] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt d'une demande tendant à faire juger que la rupture de son contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 25 janvier 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :
- Dit que le caractère économique du licenciement de Mme [D] est confirmé par la liquidation judiciaire et qu'il n'y a pas lieu à requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de l'absence de preuve d'une faute de l'employeur ;
- Débouté en conséquence Mme [D] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité compensatrice de préavis correspondante ;
- Débouté Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral ;
- Débouté Mme [D] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté Mme [D] de ses demandes plus amples ou contraires ;
- Débouté la société Alliance, liquidatrice ès qualité de la société As World Company, de sa demande reconventionnelle présentée au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de rendre ce jugement opposable à l'association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS) ;
- Condamné Mme [D] aux dépens.
Par déclaration remise au greffe de la cour d'appel de Versailles le 14 mars 2022, Mme [F] [D] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre en date du 31 mars 2024, M. [P] [Y] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur, en lieu et place de Mme [E].
La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 juin 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 3 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [F] [D], appelante, demande à la cour de :
- La déclarer recevable et fondée dans son appel interjeté.
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement prononcé le 25 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, en ce que le conseil de prud'hommes :
* a dit que le caractère économique de son licenciement est confirmé par la liquidation judiciaire et qu'il n'y a pas lieu à requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de l'absence de preuve d'une faute de l'employeur ;
* l'a débouté en conséquence de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité compensatrice de préavis correspondante ;
* l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral ;
* l'a débouté de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
* l'a débouté de ses demandes plus amples ou contraires.
* A débouté la société Alliance, liquidatrice ès qualité de la société As World Company, de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
* a dit qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de rendre ce jugement opposable à l'AGS ;
* L'a condamné aux dépens ;
Et statuant à nouveau,
- Requalifier la rupture du contrat de travail de Mme [D] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société Alliance, liquidateur ès qualités de la société As World Company, à lui payer les sommes suivantes :
* 7 076 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
* 707,6 euros au titre des congés payés sur préavis ;
* 28 304 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil, eu égard au manquement à l'obligation de loyauté de l'employeur ;
- Fixer ces créances au passif de la liquidation judiciaire de la société ;
- Ordonner à la société Alliance, liquidateur ès qualités de la société As World Company, à remettre au salarié ses documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision avec une astreinte de 10 euros par jours de retard ;
- Condamner la société Alliance, liquidateur ès qualités de la société As World Company, à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil ;
- Condamner la société Alliance, liquidateur ès qualités, aux entiers dépens ;
- Rendre opposable l'arrêt à intervenir à l'AGS ;
- Dire que l'AGS devrait être appelée en garantie par la société Alliance, liquidateur judiciaire, pour lesdites sommes en cas d'insuffisance d'actif et dans la limite des plafonds applicables aux articles L.3253-8 et suivants et D. 3253-5 du code du travail ;
- Débouter la société Alliance, prise en la personne de M. [Y], es qualités de liquidateur de la société As World Company, de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouter la société Alliance, prise en la personne de M. [Y], es qualités de liquidateur de la société As World Company et les AGS de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 22 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Alliance, prise en la personne de M. [Y], mandataire liquidateur de la société As World Company, intimée, demande à la cour de :
A titre principal :
- Déclarer recevable la société Alliance, prise en la personne de M. [Y], en son intervention volontaire es qualité de liquidateur judiciaire de la société As World Company ;
- Constater l'intervention volontaire de M. [Y] es qualité de liquidateur judiciaire de la société As World Company en lieu et place de Mme [E] ;
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'enregistrement et sa transcription des débats ;
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [D] de l'ensemble de ses demandes ;
En conséquence :
- Débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant :
- Condamner Mme [D] à verser à la société Alliance, prise en la personne de M. [Y], es qualités de liquidateur de la société As World Company, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire :
- Réduire dans de plus justes proportion le montant des dommages et intérêts ;
En tout état de cause :
- Rejeter la demande d'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouter Mme [D] de toute demande de condamnation ;
- Fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société ;
- Dire que les sommes fixées sont brutes de charges et cotisations sociales ;
- Dire et juger que le jugement de liquidation judiciaire a définitivement arrêté le cours des intérêts.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 29 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la délégation de l'association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS), représentée par le centre de gestion d'études agréé (CGEA) d'Île-de-France Ouest, intimée, demande à la cour de :
- Rejeter des débats la pièce n° 25 de Mme [D] ;
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt ;
- Débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire,
- Limiter à 10 614 euros l'indemnité pour licenciement sans cause ;
En tout état de cause :
- Mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure ;
- Juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code du commerce ;
- Juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour rappelle que la société As World Company a été liquidée par jugement du 8 juillet 2020 et que l'instance prud'homale s'est donc poursuivie en présence de la société Alliance, prise en la personne de Mme [E].
Suite à l'ordonnance rendue le 31 mars 2024 par le président du tribunal de commerce de Paris, l'instance devant la cour se poursuit en présence de M. [P] [Y] qui intervient volontairement à ce titre en qualité de liquidateur.
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code du commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Les dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, précisent quant à elles que les éventuelles créances ne peuvent faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire.
1. Sur le rejet des débats de la pièce n°25 constituée d'un fichier Mp3 contenant un enregistrement vocal.
La salariée, conteste la cause économique de son licenciement et soutient que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En ce sens, elle produit un enregistrement audio de la gérante et s'oppose au rejet de cette pièce des débats comme le sollicite le liquidateur judiciaire. Elle soutient que cet enregistrement a été recueilli dans un cadre professionnel, qu'il ne constitue pas un procédé déloyal et qu'il ne porte pas atteinte de manière disproportionnée au but poursuivi par elle puisque cette pièce strictement nécessaire à la défense de ses intérêts.
Le liquidateur judiciaire soutient quant à lui que cet enregistrement clandestin, qui contiendrait des propos tenus par la gérante lesquels ont été enregistrés à son insu, doit être écarté des débats en raison d'une atteinte disproportionnée au caractère équitable de la procédure. Il ajoute que la liquidation judiciaire de la société ne permet pas d'apprécier qui sont les personnes enregistrées pour en apprécier l'authenticité.
L'AGS sollicite également le rejet de la pièce n°25 qu'il considère comme obtenue de manière clandestine.
* *
Il résulte des articles 9 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'enregistrement d'une conversation réalisée à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal (Civ2., 7 octobre 2004, n° 03-12.653, Bull., n°447; Ass. plén. 7 janvier 2011, pourvoi n° 09-14.316, publié).
Par ailleurs, lorsque le droit à la preuve, tel que garanti par l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entre en conflit avec d'autres droits et libertés, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence.
Il en résulte que, dans un procès civil, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale, porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Ass. plén., 22 décembre 2023, pourvoi n° 20-20.648, publié).
En l'espèce, la salariée indique qu'elle a enregistré, selon elle en novembre 2019, les propos tenus par Mme [G] [N] devant les autres salariés de la société et qu'elle a alors pris « soin d'enregistrer la teneur des propos de son employeur ».
La cour relève d'abord que cet enregistrement, effectué sans l'autorisation de la personne concernée, constitue un mode de preuve illicite.
Ensuite, concernant le contrôle de nécessité, et afin de satisfaire au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, la cour observe que la salariée produit au soutien de la contestation de son licenciement de nombreuses autres pièces qui permettent à la cour de fonder sa conviction, de sorte que l'examen de l'enregistrement illicite n'est pas indispensable.
Dès lors, (et sans qu'il soit possible de savoir si le jugement avait ou non omis de statuer sur ce point dans son dispositif), il convient d'écarter des débats la pièce 25 produite par la salariée ainsi que les extraits de cette pièce repris dans les conclusions de l'appelante.
2. Sur la rupture du contrat de travail
La salariée sollicite l'infirmation du jugement et estime, au vu des autres pièces qu'elle produit, que la cessation d'activité de son employeur ne la prive pas de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de ce dernier à l'origine des difficultés financières rencontrées.
Elle soutient qu'il existe un lien de causalité, avant la date de cessation de paiement, entre l'aggravation des difficultés financières de la société As Wold Company et le détournement d'actif aux fins personnelles des dirigeants.
Elle soupçonne la gérante de la société As World Company d'avoir orchestré une faillite frauduleuse alors que les perspectives financières de la société étaient prometteuses et que la gérante avait augmenté son salaire de près de 160% quelque mois avant la liquidation judiciaire.
Elle ajoute que la faillite frauduleuse se déduit d'une part de ce que la société avait pu percevoir des fonds sur un compte bancaire situé à [Localité 13] et de ce qu'elle avait pu dissimuler ses bénéfices en procédant à des ventilations de ces derniers vers des sociétés As World en Afrique et à [Localité 10].
Elle souligne que la gérante souhaitait en réalité « faire mourir » la société afin de recréer une structure plus saine à [Localité 10].
Elle reproche aux premiers juges de ne pas avoir apprécié les éléments de preuve qu'elle a versé aux débats et qui sont postérieurs au 9 janvier 2019, date de la cessation des paiements. Elle considère que les premiers juges ont ainsi retenu à tort retenu que les malversations évoquées par la salariée n'étaient que de nature pénale et rappelle que la recevabilité de la constitution de partie civile d'un salarié victime de banqueroute de son employeur est souvent discutée de sorte qu'il ne pourrait être considéré qu'il appartient à Mme [D] d'obtenir réparation de son préjudice devant les juridictions pénales.
Elle ajoute avoir déposé plainte contre la société As World Company le 16 juin 2021 et que l'enquête est toujours en cours.
Le liquidateur judiciaire oppose à la salariée que le caractère réel et sérieux du licenciement économique n'est pas contestable puisque celui-ci trouve sa cause dans la liquidation judiciaire de la société et que la suppression effective de l'emploi de la salariée est incontestable.
Il sollicite la confirmation du jugement car il considère que la réalité de la cessation des paiements et la situation irrémédiablement compromise de la société ont été contrôlées par le tribunal de commerce et que la juridicions prudhommale n'a pas à se prononcera sur les causes de cette réalité.
Il rappelle que la fraude invoquée par la salariée ne se présume pas. Il ajoute qu'elle n'est en outre pas démontrée, pas plus que le lien de causalité allégué au soutien de cette prétention. Il souligne que la juridiction prud'homale n'avait pas à apprécier l'existence d'une faillite frauduleuse dont l'appréciation relève exclusivement des juridictions consulaires.
Il ajoute que la salariée échoue à établir l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et la liquidation judiciaire. Il conteste, au vu du bilan comptable, toute augmentation des revenus de la gérante. Il souligne que la salariée ne prouve pas que les factures produites, au soutien des dépenses somptuaires invoquées, aient été payées par la société. Il estime que les charges de la société, en lien avec son objet social à savoir l'organisation logistique dans le domaine de l'évènementiel, ont été en cohérence avec son chiffre d'affaires.
Il soutient qu'il n'y a eu aucun détournement d'actif vers des avoirs bancaires à [Localité 13] et ce notamment en raison du devoir de vigilance des banques dans le cadre de la compliance mais aussi en considération de ce que les sociétés As World Company présentes dans d'autres pays disposent chacune d'un patrimoine propre.
Le liquidateur en déduit qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les dépenses postérieures à la date de cessation des paiements et le licenciement de la salariée ce d'autant que la crise sanitaire de 2020 a grandement fragilisé les sociétés du même secteur.
Quant à l'AGS CGEA, elle conteste également les allégations de fraude à l'égard de la salariée dans le cadre de son licenciement et considère que la nature économique du licenciement ne saurait être remise en cause.
* *
Si la cessation d'activité peut en elle-même, constituer une cause économique de licenciement, il est exigé que ladite cessation d'activité ne soit pas due à une faute de l'employeur, à sa légèreté blâmable (Soc. 16 janv. 2001, pourvoi n° 98-44.647) ou résulte d'agissements fautifs de l'employeur allant au-delà des seules erreurs de gestion.
La cessation d'activité de l'entreprise qui résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité et qui serait donc de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc. 8 juill. 2020, pourvoi n° 18-26.140).
La charge de la preuve repose sur le salarié qui doit démontrer le lien de causalité entre la faute de l'employeur et la liquidation judiciaire afin d'obtenir la remise en cause de son licenciement (Soc. 16 déc. 2020, pourvoi n°19-11.125).
L'article L. 1233-3 du code du travail dispose notamment que, « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ».
Il appartient à l'employeur de démontrer de son côté la réalité du motif économique allégué, l'appréciation du motif économique devant se faire à la date de notification du licenciement, soit en l'espèce au 17 juillet 2020.
En l'espèce,
Il ressort de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que celle-ci est motivée par « la liquidation judiciaire de la société et la cessation d'activité conduisant à la suppression de la totalité des postes de travail en vertu de l'article L. 641-4 du code du commerce ».
L'employeur précise également dans la lettre de licenciement que « nous avons préalablement mis en 'uvre tous les moyens dont nous disposons pour rechercher des postes de reclassement interne. La société est toutefois dans l'impossibilité de proposer des postes de reclassement en son sein dans la mesure où elle fait l'objet d'une liquidation judiciaire ».
Le liquidateur judiciaire verse aux débats trois pièces constituées du jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 8 juillet 2020, du bilan comptable 2019 de la société et de l'ordonnance le désignant en lieu et place de Me [E].
Il résulte de la lecture du jugement précité que la Sarl As World Company employait 3 salariés et réalisait un chiffre d'affaires hors taxes annuel de 2 866 462,00 euros.
A cette date, le tribunal de commerce a constaté que le passif de la société, alors d'un montant de 559 389,96 euros, ne lui permettait pas, avec un actif non disponible d'un montant de 466 000,19 euros, de faire face à son règlement. Ce jugement non rectifié comporte une date laissée en blanc qui aurait permis à la cour d'être renseignée sur la date à laquelle les premières inscriptions de privilèges auraient été faites.
Le tribunal de commerce a constaté que la société ne pouvait donc pas faire face à son passif exigible avec son actif disponible et a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 9 janvier 2019, évoquant alors l'exigibilité d'une dette fiscale.
Le bilan versé aux débats permet de constater un résultat d'exercice déficitaire d'un montant de
655 251 euros.
La salariée fait valoir que son employeur a organisé frauduleusement les conditions d'insolvabilité de l'entreprise en utilisant l'actif de la société à des fins personnelles, en dissimulant des bénéfices vers des comptes bancaires étrangers (notamment [Localité 13]).
Elle produit en ce sens, sa pièce n°8, constituée de diverses factures et notamment :
la facture de la boutique Dior de l'aéroport de [16], d'un montant de
3 300 euros, établie au nom de la société As World Company, en date du 2 novembre 2018 et correspondant selon la salariée à l'achat d'un sac à main pour la gérante de la Sarl ;
deux factures adressées à la société As World Company par l'agence Elysées Tours, pour la première, le 14 mai 2019, d'un montant de 6 898,90 euros et mentionnant l'achat de billets d'avion pour le « passager [N] [G] » à destination de l'Ile Maurice et pour la seconde, d'un montant de 258,53 euros, mentionnant l'achat de billets d'avion pour le « passager [R] [S]» (salarié de l'entreprise) et à destination d'[Localité 11] en Algérie;
la facture de la société Les Galeries d'Art Bartoux, située à [Adresse 8] à [Localité 14], en date du 31 octobre 2019 et d'un montant de 23 950 euros correspondant à l'achat de deux tableaux ;
plusieurs factures datées du 14 février 2020, concernant des paiements effectués à [Localité 10], au bénéfice de M. [H] [O], ex-mari de Mme [N], gérante de la société et ce, au moyen de la carte American express rattachée au compte EFG [Localité 13] de la société As World Company de la manière suivante : 7 463,93 euros dans la boutique Berlutti, 38 481,90 euros dans la boutique Cartier, 6 893,17 euros dans la boutique Chanel, 25 826,78 euros dans la boutique VIP Motors et 8 786,28 euros pour le compte de l'hôtel " [12] " ;
une facture émise par l'hôtel [15] le 22 février 2020 au nom de la société As World Company d'un montant de 1 967,04 euros qui correspondent, selon l'appelante au coût du séjour de Mme [N] dans cet hôtel durant les travaux d'embellissement de son appartement.
Le fait que certaines factures soient postérieures à la date de la rupture du contrat de travail comme l'invoque le liquidateur, apparaît inopérant, dès lors que ces différentes factures montrent que Mme [N], comme M. [O] en sa qualité d'actionnaire majoritaire de la société, ont continué à procéder à des dépenses somptuaires qui au regard des prestations concernées sont étrangères à l'objet social de la société.
Ces dépenses interrogent d'autant que la société était débitrice à cette époque d'une dette fiscale importante et alors que depuis le 9 janvier 2019, la société était en état de cessation des paiements. De tels agissements n'ont pu qu'accentuer la déconfiture de la société As World Company.
En l'espèce, le liquidateur n'a pas contesté le rôle d'actionnaire majoritaire de M.[O], si son lien personnel avec Mme [N] gérante de la société litigieuse.
Par ailleurs, la salariée établit que son salaire, comme ceux de deux autres salariés (M. [R] et Mme [G] [N] elle-même) a bien été payé par chèque daté du 31 mars 2020, tiré sur le compte bancaire ouvert dans les livres de la banque « EFG Bank [Localité 13] », détenu par la société As World Company et dont le siège et l'établissement sont situés dans la Principauté.
L'appelante démontre également qu'au mois de février 2020, la société As World Company a perçu la somme de 365 395 euros sur son compte bancaire monégasque tandis qu'elle n'a déposé sur son compte bancaire détenu en France dans les livres de la Bred que la somme de 5 598 euros.
Quant au fait que la société As World Company faisait partie d'un groupe de sociétés qui donnait l'impression d'une apparence de groupe au sens juridique du terme, la cour observe que la société litigieuse procédait souvent à la ventilation de ses bénéfices vers plusieurs sociétés étrangères, comme As World Africa, As World Group Holding Ltd ([Localité 10]) et [O] Investissement Développement et Conseil Sarl (Sidc Sarl [Localité 9]).
Ainsi, en mars 2018, la délégation présidentielle du Congo a confié la logistique de son hébergement à la société As World Company lors du sommet de l'Union Africaine de Kigali mais la prestation a été facturée par la société As World Company pour 472 200 euros, par la Sidc Sarl ([Localité 9]) pour
503 772 euros et par la société As World Group Holding ([Localité 10]) pour 1 545 840 euros, ainsi que cela ressort en effet des devis et factures produits.
Une partie des bénéfices de la société était envoyée vers les sociétés étrangères dont M. [O], actionnaire majoritaire de la société As World Company, et ex-époux de Mme [N], avait entièrement le contrôle.
Enfin, Mme [F] [D] verse également aux débats copie de la plainte qu'elle a déposé le 16 juin 2021 contre la société As World Company auprès du procureur de la République de Nanterre, la procédure étant toujours en cours.
Il résulte de ces éléments que la cessation d'activité de la société As World Company, qui a été intentionnellement et artificiellement organisée, résulte d'une attitude frauduleuse de la dirigeante et ne relève pas de ses seuls choix de gestion.
Le licenciement de Mme [F] [D] est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement entrepris.
3. Sur les conséquences financières
Compte tenu de la solution retenue par la cour, Mme [F] [D], qui justifie d'une ancienneté de 7 ans et 7 mois et d'une rémunération moyenne mensuelle de 3 538 euros, est bien fondée à prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents ainsi qu'à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
En application de l'article 17 de la convention collective nationale Syntec, il sera alloué à la salariée la somme de 7 076 euros (3 538 x 2) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, outre
707,60 euros de congés payés afférents.
Par voie d'infirmation, ces sommes seront portées au passif de la société As World Company.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail en cas de licenciement dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, Mme [F] [D] peut prétendre à une indemnité pour licenciement infondé comprise entre deux et huit mois de salaire brut.
Compte tenu notamment du contexte de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée au cours des douze derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à son âge (36 ans), de la perception de revenus de remplacement justifiés jusqu'en janvier 2022, de l'octroi par France Travail d'une formation en logiciel bureautique du 22 avril 2021 au 30 juin 2021 et de son engagement dans un nouvel emploi à compter de septembre 2021, la cour fixe par voie d'infirmation, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui est due à Mme [F] [D] à la somme de 20 000 euros et dit que ladite somme sera fixée au passif de la société As World Company.
4. Sur les dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de loyauté
Estimant que les éléments factuels communiqués dans cette présente affaire témoignent d'une attitude déloyale de son employeur dans l'exécution de son contrat de travail, la salariée expose que la gérante, Mme [N], a tenté de la rendre complice de ses agissements frauduleux en lui demandant de mettre son téléphone en « mode avion » ou « d'acheter une puce au Maroc » dans l'hypothèse d'écoutes téléphoniques judiciaires diligentées à l'encontre de la société ou encore en lui faisant bénéficier de l'usage d'un véhicule jusqu'en mai 2020 alors qu'il avait été cédé depuis un mois. Elle sollicite à ce titre l'allocation de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Le liquidateur objecte que la salariée échoue à démontrer la faute de son employeur, son préjudice distinct et un lien de causalité. Il précise que ni son contrat de travail ni ses bulletins de salaire ne font état d'un avantage en nature en faveur d'une mise à disposition d'un véhicule alors qu'elle était en activité partielle formation en avril et mai 2020. Il soutient enfin, qu'en fondant sa demande sur l'article 1240 du code civil, la demande de la salariée est mal dirigée puisqu'elle ne relève pas du contrat de travail mais de la mise en 'uvre de la responsabilité de personnelle du dirigeant et qu'il appartient dès lors à l'appelante, de le mettre dans la cause ou de la poursuivre personnellement.
L'AGS CGEA d'Ile de France quant à elle, oppose à la salariée qu'elle ne justifie d'aucun agissement, ni d'aucun préjudice distinct de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande à ce titre.
* *
Aux termes des articles 1104 du code civil et L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il ressort des articles 1231 et 1231-1 du code civil qu'en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle, le débiteur peut être condamné au paiement de dommages-intérêts.
Il incombe au salarié d'apporter des éléments de preuve pour justifier le préjudice qu'il invoque, et dont l'existence et l'évaluation relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond (Soc., 13 avril 2016, pourvoi n° 14-28.293, Bull. 2016, V, n° 72 ; Soc., 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-13.578, Bull. 2017, V, n° 136 ; Soc., 9 décembre 2020, n° 19-13.470).
En l'espèce, il a été démontré que l'employeur a commis des manquements à l'origine des difficultés financières de la société As World Company de sorte que la responsabilité extra contractuelle de cette dernière peut être recherchée.
Cependant, faute de démontrer un préjudice autre que la perte de son emploi, la salariée sera déboutée de cette demande et le jugement confirmé de ce chef.
5. Sur l'intervention de l'Unedic, Délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest
Compte tenu du jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 8 juillet 2020 relatif à l'ouverture de la procédure collective et de la nature des sommes allouées, le présent arrêt sera opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Ouest dans la limite des dispositions des articles L.3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l'indemnité de procédure.
Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.
6. Sur la remise des documents sociaux
Il convient d'ordonner à Me [P] [Y], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société As World Company, de remettre à Mme [F] [D] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation France Travail et un certificat de travail conformes au présent arrêt.
Aucun élément ne justifie le prononcé d'une astreinte.
7. Sur les dépens et l'indemnité de procédure
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la S.A.S. Alliance, prise en la personne de Me [P] [Y], en qualité de mandataire liquidateur de la société As World Company, qui succombe.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt en date du
25 janvier 2022,
Et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :
- DIT que le licenciement économique de Mme [F] [D] est sans cause réelle et sérieuse ;
- FIXE au passif de la Sarl As World Company les sommes suivantes :
7 076 euros titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
707,60 euros au titre des congés payés afférents ;
20 000 euros titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONSTATE l'intervention volontaire de M. [Y], en lieu et place de Mme [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl As World Company ;
ECARTE des débats comme étant déloyale la pièce n°25 produite par Mme [F] [D] constituée d'un fichier Mp3 contenant un enregistrement vocal ainsi que les extraits de cette pièce repris dans les conclusions de l'appelante ;
ORDONNE à Me [P] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl As World Company, de remettre à Mme [F] [D] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation France Travail et un certificat de travail conformes au présent arrêt ;
DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
DIT le présent arrêt opposable à l'Unedic, Délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail ;
DIT que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement ;
REJETTE les demandes plus amples et contraires des parties ;
REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
METles dépens de première instance et d'appel à la charge de Me [P] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl As World Company et dit que ces dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-3
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/00820 -
N° Portalis DBV3-V-B7G-VB75
AFFAIRE :
[F], [A] [D]
C/
S.A.S. ALLIANCE prise en la personne de Maître [I] [E] es qualité de liquidateur de la Société AS WORLD COMPANY
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 25 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : F21/00444
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Clémence BOUQUIN
Me Hubert MARTIN DE FREMONT
Me Sophie CORMARY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [F], [A] [D]
née le 23 Mars 1984 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Clémence BOUQUIN de la SCP A.C.B., avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 244
APPELANTE
****************
S.A.S. ALLIANCE prise en la personne de Maître [I] [E] es qualité de liquidateur de la Société AS WORLD COMPANY
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELAS SIMON ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411
Association CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98substitué à l'audience par Me Isabelle TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
****************
S.A.S. ALLIANCE, prise en la personne de Me [P] [Y] (en lieu et place de Me [I] [E]) ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AS WORLD COMPANY
N° SIRET : 830 051 512
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELAS SIMON ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Septembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Mme Florence SCHARRE, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
***
FAITS ET PROCEDURE
La société As World Company a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 448140400. Elle exploitait une activité d'organisation de foires, salons professionnels et congrès pour les entreprises et employait moins de 11 salariés.
Mme [F] [D] a été engagée par la société As World Company par contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 19 décembre 2012 en qualité d'assistante commerciale, statut employé, position 1.3.1, coefficient 220.
Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée percevait un salaire moyen brut mensuel d'un montant de 3 538 euros.
La relation de travail était régie par les dispositions de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec.
Le 8 juillet 2020 le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société As World Company et a désigné la société Alliance, prise en la personne de Mme [E], en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 9 juillet 2020, compte tenu de la procédure collective, Mme [F] [D] était convoquée par le liquidateur à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.
Par lettre du même jour, remise en main propre contre décharge, Mme [F] [D] s'est vue notifier son licenciement pour motif économique en ces termes :
« (') Par jugement du 8 juillet 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL AS WORLD COMPANY et m'a désignée es qualité de liquidateur.
Par courrier du 9 juillet 2020, vous avez été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 17 juillet 2020.
Je suis tenu de vous notifier le motif économique de la rupture envisagée de votre contrat de travail et c'est la raison pour laquelle ce courrier vous est remis, ainsi que les documents d'informations relatifs au contrat de sécurisation professionnelle.
Comme il vous a été indiqué pendant cette réunion, la liquidation judiciaire de la société et la cessation d'activité conduisent à la suppression de la totalité des postes de travail en vertu de l'article L. 641-4 du code de commerce.
Nous avons préalablement mis en 'uvre tous les moyens dont nous disposions pour rechercher des postes de reclassement interne.
La société est toutefois dans l'impossibilité de proposer des postes de reclassement en son sein, dans la mesure où elle fait l'objet d'une liquidation judiciaire.
Conformément aux articles L. 1233-65 et suivants du code du travail, le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle vous est donc proposé.
Nous vous précisons que la remise de ces documents n'a pas de lien avec votre éventuel état de santé ou votre situation personnelle et n'est liée qu'au seul jugement de liquidation judiciaire et à la cessation d'activité de la société.
A cet effet, les documents concernant le dispositif proposé sont joints à la présente :
- notice d'information destinée au salarie ;
- bulletin d'acceptation et récépissé du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle ;
- demande d'allocation de sécurisation professionnelle.
Ces documents sont à renvoyer à l'adresse suivante : SAS Alliance, [Adresse 4].
Dans la mesure où vous rempliriez les conditions requises pour bénéficier de ce dispositif, vous disposez d'un délai de réflexion de 21 jours à compter du 18 juillet 2020 pour accepter ou refuser le contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
Ce délai expirera le 7 août 2020.
Cette adhésion au CSP entrainera la rupture immédiate de votre contrat de travail.
En cas d'adhésion une indemnité compensatrice de préavis non effectué, dans la limite de trois mois, sera versée au Pôle Emploi compétent.
Je vous précise que la loi sur la formation professionnelle du 5 mars 2014 a supprimé le droit individuel à la formation (DIF), qui permettait à chaque salarié ayant au moins un an d'ancienneté de capitaliser des heures mobilisables pour des formations et créé le compte personnel de formation (CPF).
Les heures capitalisées au titre du DIF au 31 décembre 2014 seront mobilisables (selon les modalités du CPF), jusqu'au 31 décembre 2020, en complément des heures capitalisées sur le CPF à partir du 1er Janvier 2015.
Ces heures acquises restent utilisables jusqu'au 31 décembre 2020 pour toute demande de formation autorisée dans le cadre du compte personnel de formation.
En toute hypothèse, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-45 du code du travail, vous bénéficierez d'une priorité de réembauche pendant un délai d'un an, à compter de la fin de votre contrat de travail, à condition de faire part de votre décision de faire valoir cette priorité dans ce délai. Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également, ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après le licenciement (sous réserve, cependant, que vous la fassiez connaître).
Toutes notifications à l'effet de mettre en 'uvre cette priorité de réembauche devront être adressées à l'adresse suivante : SAS Alliance, [Adresse 4].
Dans l'hypothèse où votre contrat de travail comportait une obligation de non- concurrence, je vous en libère de façon formelle.
Conformément aux dispositions de l'article L. 911-8 du code de sécurité sociale, si vous aviez adhéré à un tel contrat, vous bénéficieriez de la portabilité gratuite de la mutuelle d'entreprise et de la prévoyance, pendant une durée égale à votre période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée de votre dernier contrat de travail, et sans que cette durée puisse excéder douze mois.
Le financement du maintien de cette garantie sera assuré, sous réserve des fonds disponibles. Nous vous précisons que si vous acceptez le contrat de sécurisation professionnelle, vous bénéficiez, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-67 du code du travail, d'un délai de douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle pour former toutes contestations portant sur la rupture de votre contrat de travail ou son motif (') »
Le 17 juillet 2020, Mme [F] [D] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, emportant par suite la rupture de son contrat de travail en date du 7 août 2020.
Par requête introductive reçue au greffe le 15 avril 2021, Mme [F] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt d'une demande tendant à faire juger que la rupture de son contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 25 janvier 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :
- Dit que le caractère économique du licenciement de Mme [D] est confirmé par la liquidation judiciaire et qu'il n'y a pas lieu à requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de l'absence de preuve d'une faute de l'employeur ;
- Débouté en conséquence Mme [D] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité compensatrice de préavis correspondante ;
- Débouté Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral ;
- Débouté Mme [D] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté Mme [D] de ses demandes plus amples ou contraires ;
- Débouté la société Alliance, liquidatrice ès qualité de la société As World Company, de sa demande reconventionnelle présentée au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de rendre ce jugement opposable à l'association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS) ;
- Condamné Mme [D] aux dépens.
Par déclaration remise au greffe de la cour d'appel de Versailles le 14 mars 2022, Mme [F] [D] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre en date du 31 mars 2024, M. [P] [Y] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur, en lieu et place de Mme [E].
La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 juin 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 3 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [F] [D], appelante, demande à la cour de :
- La déclarer recevable et fondée dans son appel interjeté.
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement prononcé le 25 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, en ce que le conseil de prud'hommes :
* a dit que le caractère économique de son licenciement est confirmé par la liquidation judiciaire et qu'il n'y a pas lieu à requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de l'absence de preuve d'une faute de l'employeur ;
* l'a débouté en conséquence de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité compensatrice de préavis correspondante ;
* l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral ;
* l'a débouté de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
* l'a débouté de ses demandes plus amples ou contraires.
* A débouté la société Alliance, liquidatrice ès qualité de la société As World Company, de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
* a dit qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de rendre ce jugement opposable à l'AGS ;
* L'a condamné aux dépens ;
Et statuant à nouveau,
- Requalifier la rupture du contrat de travail de Mme [D] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société Alliance, liquidateur ès qualités de la société As World Company, à lui payer les sommes suivantes :
* 7 076 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
* 707,6 euros au titre des congés payés sur préavis ;
* 28 304 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil, eu égard au manquement à l'obligation de loyauté de l'employeur ;
- Fixer ces créances au passif de la liquidation judiciaire de la société ;
- Ordonner à la société Alliance, liquidateur ès qualités de la société As World Company, à remettre au salarié ses documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision avec une astreinte de 10 euros par jours de retard ;
- Condamner la société Alliance, liquidateur ès qualités de la société As World Company, à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil ;
- Condamner la société Alliance, liquidateur ès qualités, aux entiers dépens ;
- Rendre opposable l'arrêt à intervenir à l'AGS ;
- Dire que l'AGS devrait être appelée en garantie par la société Alliance, liquidateur judiciaire, pour lesdites sommes en cas d'insuffisance d'actif et dans la limite des plafonds applicables aux articles L.3253-8 et suivants et D. 3253-5 du code du travail ;
- Débouter la société Alliance, prise en la personne de M. [Y], es qualités de liquidateur de la société As World Company, de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouter la société Alliance, prise en la personne de M. [Y], es qualités de liquidateur de la société As World Company et les AGS de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 22 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Alliance, prise en la personne de M. [Y], mandataire liquidateur de la société As World Company, intimée, demande à la cour de :
A titre principal :
- Déclarer recevable la société Alliance, prise en la personne de M. [Y], en son intervention volontaire es qualité de liquidateur judiciaire de la société As World Company ;
- Constater l'intervention volontaire de M. [Y] es qualité de liquidateur judiciaire de la société As World Company en lieu et place de Mme [E] ;
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'enregistrement et sa transcription des débats ;
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [D] de l'ensemble de ses demandes ;
En conséquence :
- Débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant :
- Condamner Mme [D] à verser à la société Alliance, prise en la personne de M. [Y], es qualités de liquidateur de la société As World Company, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire :
- Réduire dans de plus justes proportion le montant des dommages et intérêts ;
En tout état de cause :
- Rejeter la demande d'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouter Mme [D] de toute demande de condamnation ;
- Fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société ;
- Dire que les sommes fixées sont brutes de charges et cotisations sociales ;
- Dire et juger que le jugement de liquidation judiciaire a définitivement arrêté le cours des intérêts.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 29 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la délégation de l'association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS), représentée par le centre de gestion d'études agréé (CGEA) d'Île-de-France Ouest, intimée, demande à la cour de :
- Rejeter des débats la pièce n° 25 de Mme [D] ;
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt ;
- Débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire,
- Limiter à 10 614 euros l'indemnité pour licenciement sans cause ;
En tout état de cause :
- Mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure ;
- Juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code du commerce ;
- Juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour rappelle que la société As World Company a été liquidée par jugement du 8 juillet 2020 et que l'instance prud'homale s'est donc poursuivie en présence de la société Alliance, prise en la personne de Mme [E].
Suite à l'ordonnance rendue le 31 mars 2024 par le président du tribunal de commerce de Paris, l'instance devant la cour se poursuit en présence de M. [P] [Y] qui intervient volontairement à ce titre en qualité de liquidateur.
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code du commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Les dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, précisent quant à elles que les éventuelles créances ne peuvent faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire.
1. Sur le rejet des débats de la pièce n°25 constituée d'un fichier Mp3 contenant un enregistrement vocal.
La salariée, conteste la cause économique de son licenciement et soutient que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En ce sens, elle produit un enregistrement audio de la gérante et s'oppose au rejet de cette pièce des débats comme le sollicite le liquidateur judiciaire. Elle soutient que cet enregistrement a été recueilli dans un cadre professionnel, qu'il ne constitue pas un procédé déloyal et qu'il ne porte pas atteinte de manière disproportionnée au but poursuivi par elle puisque cette pièce strictement nécessaire à la défense de ses intérêts.
Le liquidateur judiciaire soutient quant à lui que cet enregistrement clandestin, qui contiendrait des propos tenus par la gérante lesquels ont été enregistrés à son insu, doit être écarté des débats en raison d'une atteinte disproportionnée au caractère équitable de la procédure. Il ajoute que la liquidation judiciaire de la société ne permet pas d'apprécier qui sont les personnes enregistrées pour en apprécier l'authenticité.
L'AGS sollicite également le rejet de la pièce n°25 qu'il considère comme obtenue de manière clandestine.
* *
Il résulte des articles 9 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'enregistrement d'une conversation réalisée à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal (Civ2., 7 octobre 2004, n° 03-12.653, Bull., n°447; Ass. plén. 7 janvier 2011, pourvoi n° 09-14.316, publié).
Par ailleurs, lorsque le droit à la preuve, tel que garanti par l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entre en conflit avec d'autres droits et libertés, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence.
Il en résulte que, dans un procès civil, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale, porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Ass. plén., 22 décembre 2023, pourvoi n° 20-20.648, publié).
En l'espèce, la salariée indique qu'elle a enregistré, selon elle en novembre 2019, les propos tenus par Mme [G] [N] devant les autres salariés de la société et qu'elle a alors pris « soin d'enregistrer la teneur des propos de son employeur ».
La cour relève d'abord que cet enregistrement, effectué sans l'autorisation de la personne concernée, constitue un mode de preuve illicite.
Ensuite, concernant le contrôle de nécessité, et afin de satisfaire au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, la cour observe que la salariée produit au soutien de la contestation de son licenciement de nombreuses autres pièces qui permettent à la cour de fonder sa conviction, de sorte que l'examen de l'enregistrement illicite n'est pas indispensable.
Dès lors, (et sans qu'il soit possible de savoir si le jugement avait ou non omis de statuer sur ce point dans son dispositif), il convient d'écarter des débats la pièce 25 produite par la salariée ainsi que les extraits de cette pièce repris dans les conclusions de l'appelante.
2. Sur la rupture du contrat de travail
La salariée sollicite l'infirmation du jugement et estime, au vu des autres pièces qu'elle produit, que la cessation d'activité de son employeur ne la prive pas de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de ce dernier à l'origine des difficultés financières rencontrées.
Elle soutient qu'il existe un lien de causalité, avant la date de cessation de paiement, entre l'aggravation des difficultés financières de la société As Wold Company et le détournement d'actif aux fins personnelles des dirigeants.
Elle soupçonne la gérante de la société As World Company d'avoir orchestré une faillite frauduleuse alors que les perspectives financières de la société étaient prometteuses et que la gérante avait augmenté son salaire de près de 160% quelque mois avant la liquidation judiciaire.
Elle ajoute que la faillite frauduleuse se déduit d'une part de ce que la société avait pu percevoir des fonds sur un compte bancaire situé à [Localité 13] et de ce qu'elle avait pu dissimuler ses bénéfices en procédant à des ventilations de ces derniers vers des sociétés As World en Afrique et à [Localité 10].
Elle souligne que la gérante souhaitait en réalité « faire mourir » la société afin de recréer une structure plus saine à [Localité 10].
Elle reproche aux premiers juges de ne pas avoir apprécié les éléments de preuve qu'elle a versé aux débats et qui sont postérieurs au 9 janvier 2019, date de la cessation des paiements. Elle considère que les premiers juges ont ainsi retenu à tort retenu que les malversations évoquées par la salariée n'étaient que de nature pénale et rappelle que la recevabilité de la constitution de partie civile d'un salarié victime de banqueroute de son employeur est souvent discutée de sorte qu'il ne pourrait être considéré qu'il appartient à Mme [D] d'obtenir réparation de son préjudice devant les juridictions pénales.
Elle ajoute avoir déposé plainte contre la société As World Company le 16 juin 2021 et que l'enquête est toujours en cours.
Le liquidateur judiciaire oppose à la salariée que le caractère réel et sérieux du licenciement économique n'est pas contestable puisque celui-ci trouve sa cause dans la liquidation judiciaire de la société et que la suppression effective de l'emploi de la salariée est incontestable.
Il sollicite la confirmation du jugement car il considère que la réalité de la cessation des paiements et la situation irrémédiablement compromise de la société ont été contrôlées par le tribunal de commerce et que la juridicions prudhommale n'a pas à se prononcera sur les causes de cette réalité.
Il rappelle que la fraude invoquée par la salariée ne se présume pas. Il ajoute qu'elle n'est en outre pas démontrée, pas plus que le lien de causalité allégué au soutien de cette prétention. Il souligne que la juridiction prud'homale n'avait pas à apprécier l'existence d'une faillite frauduleuse dont l'appréciation relève exclusivement des juridictions consulaires.
Il ajoute que la salariée échoue à établir l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et la liquidation judiciaire. Il conteste, au vu du bilan comptable, toute augmentation des revenus de la gérante. Il souligne que la salariée ne prouve pas que les factures produites, au soutien des dépenses somptuaires invoquées, aient été payées par la société. Il estime que les charges de la société, en lien avec son objet social à savoir l'organisation logistique dans le domaine de l'évènementiel, ont été en cohérence avec son chiffre d'affaires.
Il soutient qu'il n'y a eu aucun détournement d'actif vers des avoirs bancaires à [Localité 13] et ce notamment en raison du devoir de vigilance des banques dans le cadre de la compliance mais aussi en considération de ce que les sociétés As World Company présentes dans d'autres pays disposent chacune d'un patrimoine propre.
Le liquidateur en déduit qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les dépenses postérieures à la date de cessation des paiements et le licenciement de la salariée ce d'autant que la crise sanitaire de 2020 a grandement fragilisé les sociétés du même secteur.
Quant à l'AGS CGEA, elle conteste également les allégations de fraude à l'égard de la salariée dans le cadre de son licenciement et considère que la nature économique du licenciement ne saurait être remise en cause.
* *
Si la cessation d'activité peut en elle-même, constituer une cause économique de licenciement, il est exigé que ladite cessation d'activité ne soit pas due à une faute de l'employeur, à sa légèreté blâmable (Soc. 16 janv. 2001, pourvoi n° 98-44.647) ou résulte d'agissements fautifs de l'employeur allant au-delà des seules erreurs de gestion.
La cessation d'activité de l'entreprise qui résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité et qui serait donc de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc. 8 juill. 2020, pourvoi n° 18-26.140).
La charge de la preuve repose sur le salarié qui doit démontrer le lien de causalité entre la faute de l'employeur et la liquidation judiciaire afin d'obtenir la remise en cause de son licenciement (Soc. 16 déc. 2020, pourvoi n°19-11.125).
L'article L. 1233-3 du code du travail dispose notamment que, « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ».
Il appartient à l'employeur de démontrer de son côté la réalité du motif économique allégué, l'appréciation du motif économique devant se faire à la date de notification du licenciement, soit en l'espèce au 17 juillet 2020.
En l'espèce,
Il ressort de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que celle-ci est motivée par « la liquidation judiciaire de la société et la cessation d'activité conduisant à la suppression de la totalité des postes de travail en vertu de l'article L. 641-4 du code du commerce ».
L'employeur précise également dans la lettre de licenciement que « nous avons préalablement mis en 'uvre tous les moyens dont nous disposons pour rechercher des postes de reclassement interne. La société est toutefois dans l'impossibilité de proposer des postes de reclassement en son sein dans la mesure où elle fait l'objet d'une liquidation judiciaire ».
Le liquidateur judiciaire verse aux débats trois pièces constituées du jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 8 juillet 2020, du bilan comptable 2019 de la société et de l'ordonnance le désignant en lieu et place de Me [E].
Il résulte de la lecture du jugement précité que la Sarl As World Company employait 3 salariés et réalisait un chiffre d'affaires hors taxes annuel de 2 866 462,00 euros.
A cette date, le tribunal de commerce a constaté que le passif de la société, alors d'un montant de 559 389,96 euros, ne lui permettait pas, avec un actif non disponible d'un montant de 466 000,19 euros, de faire face à son règlement. Ce jugement non rectifié comporte une date laissée en blanc qui aurait permis à la cour d'être renseignée sur la date à laquelle les premières inscriptions de privilèges auraient été faites.
Le tribunal de commerce a constaté que la société ne pouvait donc pas faire face à son passif exigible avec son actif disponible et a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 9 janvier 2019, évoquant alors l'exigibilité d'une dette fiscale.
Le bilan versé aux débats permet de constater un résultat d'exercice déficitaire d'un montant de
655 251 euros.
La salariée fait valoir que son employeur a organisé frauduleusement les conditions d'insolvabilité de l'entreprise en utilisant l'actif de la société à des fins personnelles, en dissimulant des bénéfices vers des comptes bancaires étrangers (notamment [Localité 13]).
Elle produit en ce sens, sa pièce n°8, constituée de diverses factures et notamment :
la facture de la boutique Dior de l'aéroport de [16], d'un montant de
3 300 euros, établie au nom de la société As World Company, en date du 2 novembre 2018 et correspondant selon la salariée à l'achat d'un sac à main pour la gérante de la Sarl ;
deux factures adressées à la société As World Company par l'agence Elysées Tours, pour la première, le 14 mai 2019, d'un montant de 6 898,90 euros et mentionnant l'achat de billets d'avion pour le « passager [N] [G] » à destination de l'Ile Maurice et pour la seconde, d'un montant de 258,53 euros, mentionnant l'achat de billets d'avion pour le « passager [R] [S]» (salarié de l'entreprise) et à destination d'[Localité 11] en Algérie;
la facture de la société Les Galeries d'Art Bartoux, située à [Adresse 8] à [Localité 14], en date du 31 octobre 2019 et d'un montant de 23 950 euros correspondant à l'achat de deux tableaux ;
plusieurs factures datées du 14 février 2020, concernant des paiements effectués à [Localité 10], au bénéfice de M. [H] [O], ex-mari de Mme [N], gérante de la société et ce, au moyen de la carte American express rattachée au compte EFG [Localité 13] de la société As World Company de la manière suivante : 7 463,93 euros dans la boutique Berlutti, 38 481,90 euros dans la boutique Cartier, 6 893,17 euros dans la boutique Chanel, 25 826,78 euros dans la boutique VIP Motors et 8 786,28 euros pour le compte de l'hôtel " [12] " ;
une facture émise par l'hôtel [15] le 22 février 2020 au nom de la société As World Company d'un montant de 1 967,04 euros qui correspondent, selon l'appelante au coût du séjour de Mme [N] dans cet hôtel durant les travaux d'embellissement de son appartement.
Le fait que certaines factures soient postérieures à la date de la rupture du contrat de travail comme l'invoque le liquidateur, apparaît inopérant, dès lors que ces différentes factures montrent que Mme [N], comme M. [O] en sa qualité d'actionnaire majoritaire de la société, ont continué à procéder à des dépenses somptuaires qui au regard des prestations concernées sont étrangères à l'objet social de la société.
Ces dépenses interrogent d'autant que la société était débitrice à cette époque d'une dette fiscale importante et alors que depuis le 9 janvier 2019, la société était en état de cessation des paiements. De tels agissements n'ont pu qu'accentuer la déconfiture de la société As World Company.
En l'espèce, le liquidateur n'a pas contesté le rôle d'actionnaire majoritaire de M.[O], si son lien personnel avec Mme [N] gérante de la société litigieuse.
Par ailleurs, la salariée établit que son salaire, comme ceux de deux autres salariés (M. [R] et Mme [G] [N] elle-même) a bien été payé par chèque daté du 31 mars 2020, tiré sur le compte bancaire ouvert dans les livres de la banque « EFG Bank [Localité 13] », détenu par la société As World Company et dont le siège et l'établissement sont situés dans la Principauté.
L'appelante démontre également qu'au mois de février 2020, la société As World Company a perçu la somme de 365 395 euros sur son compte bancaire monégasque tandis qu'elle n'a déposé sur son compte bancaire détenu en France dans les livres de la Bred que la somme de 5 598 euros.
Quant au fait que la société As World Company faisait partie d'un groupe de sociétés qui donnait l'impression d'une apparence de groupe au sens juridique du terme, la cour observe que la société litigieuse procédait souvent à la ventilation de ses bénéfices vers plusieurs sociétés étrangères, comme As World Africa, As World Group Holding Ltd ([Localité 10]) et [O] Investissement Développement et Conseil Sarl (Sidc Sarl [Localité 9]).
Ainsi, en mars 2018, la délégation présidentielle du Congo a confié la logistique de son hébergement à la société As World Company lors du sommet de l'Union Africaine de Kigali mais la prestation a été facturée par la société As World Company pour 472 200 euros, par la Sidc Sarl ([Localité 9]) pour
503 772 euros et par la société As World Group Holding ([Localité 10]) pour 1 545 840 euros, ainsi que cela ressort en effet des devis et factures produits.
Une partie des bénéfices de la société était envoyée vers les sociétés étrangères dont M. [O], actionnaire majoritaire de la société As World Company, et ex-époux de Mme [N], avait entièrement le contrôle.
Enfin, Mme [F] [D] verse également aux débats copie de la plainte qu'elle a déposé le 16 juin 2021 contre la société As World Company auprès du procureur de la République de Nanterre, la procédure étant toujours en cours.
Il résulte de ces éléments que la cessation d'activité de la société As World Company, qui a été intentionnellement et artificiellement organisée, résulte d'une attitude frauduleuse de la dirigeante et ne relève pas de ses seuls choix de gestion.
Le licenciement de Mme [F] [D] est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement entrepris.
3. Sur les conséquences financières
Compte tenu de la solution retenue par la cour, Mme [F] [D], qui justifie d'une ancienneté de 7 ans et 7 mois et d'une rémunération moyenne mensuelle de 3 538 euros, est bien fondée à prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents ainsi qu'à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
En application de l'article 17 de la convention collective nationale Syntec, il sera alloué à la salariée la somme de 7 076 euros (3 538 x 2) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, outre
707,60 euros de congés payés afférents.
Par voie d'infirmation, ces sommes seront portées au passif de la société As World Company.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail en cas de licenciement dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, Mme [F] [D] peut prétendre à une indemnité pour licenciement infondé comprise entre deux et huit mois de salaire brut.
Compte tenu notamment du contexte de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée au cours des douze derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à son âge (36 ans), de la perception de revenus de remplacement justifiés jusqu'en janvier 2022, de l'octroi par France Travail d'une formation en logiciel bureautique du 22 avril 2021 au 30 juin 2021 et de son engagement dans un nouvel emploi à compter de septembre 2021, la cour fixe par voie d'infirmation, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui est due à Mme [F] [D] à la somme de 20 000 euros et dit que ladite somme sera fixée au passif de la société As World Company.
4. Sur les dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de loyauté
Estimant que les éléments factuels communiqués dans cette présente affaire témoignent d'une attitude déloyale de son employeur dans l'exécution de son contrat de travail, la salariée expose que la gérante, Mme [N], a tenté de la rendre complice de ses agissements frauduleux en lui demandant de mettre son téléphone en « mode avion » ou « d'acheter une puce au Maroc » dans l'hypothèse d'écoutes téléphoniques judiciaires diligentées à l'encontre de la société ou encore en lui faisant bénéficier de l'usage d'un véhicule jusqu'en mai 2020 alors qu'il avait été cédé depuis un mois. Elle sollicite à ce titre l'allocation de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Le liquidateur objecte que la salariée échoue à démontrer la faute de son employeur, son préjudice distinct et un lien de causalité. Il précise que ni son contrat de travail ni ses bulletins de salaire ne font état d'un avantage en nature en faveur d'une mise à disposition d'un véhicule alors qu'elle était en activité partielle formation en avril et mai 2020. Il soutient enfin, qu'en fondant sa demande sur l'article 1240 du code civil, la demande de la salariée est mal dirigée puisqu'elle ne relève pas du contrat de travail mais de la mise en 'uvre de la responsabilité de personnelle du dirigeant et qu'il appartient dès lors à l'appelante, de le mettre dans la cause ou de la poursuivre personnellement.
L'AGS CGEA d'Ile de France quant à elle, oppose à la salariée qu'elle ne justifie d'aucun agissement, ni d'aucun préjudice distinct de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande à ce titre.
* *
Aux termes des articles 1104 du code civil et L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il ressort des articles 1231 et 1231-1 du code civil qu'en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle, le débiteur peut être condamné au paiement de dommages-intérêts.
Il incombe au salarié d'apporter des éléments de preuve pour justifier le préjudice qu'il invoque, et dont l'existence et l'évaluation relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond (Soc., 13 avril 2016, pourvoi n° 14-28.293, Bull. 2016, V, n° 72 ; Soc., 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-13.578, Bull. 2017, V, n° 136 ; Soc., 9 décembre 2020, n° 19-13.470).
En l'espèce, il a été démontré que l'employeur a commis des manquements à l'origine des difficultés financières de la société As World Company de sorte que la responsabilité extra contractuelle de cette dernière peut être recherchée.
Cependant, faute de démontrer un préjudice autre que la perte de son emploi, la salariée sera déboutée de cette demande et le jugement confirmé de ce chef.
5. Sur l'intervention de l'Unedic, Délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest
Compte tenu du jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 8 juillet 2020 relatif à l'ouverture de la procédure collective et de la nature des sommes allouées, le présent arrêt sera opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Ouest dans la limite des dispositions des articles L.3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l'indemnité de procédure.
Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.
6. Sur la remise des documents sociaux
Il convient d'ordonner à Me [P] [Y], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société As World Company, de remettre à Mme [F] [D] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation France Travail et un certificat de travail conformes au présent arrêt.
Aucun élément ne justifie le prononcé d'une astreinte.
7. Sur les dépens et l'indemnité de procédure
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la S.A.S. Alliance, prise en la personne de Me [P] [Y], en qualité de mandataire liquidateur de la société As World Company, qui succombe.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt en date du
25 janvier 2022,
Et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :
- DIT que le licenciement économique de Mme [F] [D] est sans cause réelle et sérieuse ;
- FIXE au passif de la Sarl As World Company les sommes suivantes :
7 076 euros titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
707,60 euros au titre des congés payés afférents ;
20 000 euros titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONSTATE l'intervention volontaire de M. [Y], en lieu et place de Mme [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl As World Company ;
ECARTE des débats comme étant déloyale la pièce n°25 produite par Mme [F] [D] constituée d'un fichier Mp3 contenant un enregistrement vocal ainsi que les extraits de cette pièce repris dans les conclusions de l'appelante ;
ORDONNE à Me [P] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl As World Company, de remettre à Mme [F] [D] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation France Travail et un certificat de travail conformes au présent arrêt ;
DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
DIT le présent arrêt opposable à l'Unedic, Délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail ;
DIT que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement ;
REJETTE les demandes plus amples et contraires des parties ;
REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
METles dépens de première instance et d'appel à la charge de Me [P] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl As World Company et dit que ces dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente