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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 16 novembre 2024, n° 24/05324

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 24/05324

16 novembre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 16 NOVEMBRE 2024

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/05324 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKKEY

Décision déférée : ordonnance rendue le 13 novembre 2024, à 15h14, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Pascal Latournald, magistrat à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Camille Besson, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [I] [C]

né le 05 février 1970 à [Localité 1], de nationalité srilankaise

RETENU au centre de rétention : [2]

assisté de Me Parfait Masilu-Lokubike, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis et de M. [P] [E] (Interprète en tamoule) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté

INTIMÉ :

LE PREFET DE LA SEINE-ET-MARNE

représenté par Me Jean-Alexandre Cano, du cabinet Centaure, substitué par Me Sophie Schwilden avocat au barreau de Paris

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

- Vu l'ordonnance du 13 novembre 2024 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux rejetant le moyen de nullité soutenu in limine litis, déclarant la requête du préfet de Seine-et-Marne recevable et la procédure régulière et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [I] [C] au centre de rétention administrative n°[2], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 26 jours à compter du 13 novembre 2024 à 11h21;

- Vu l'appel motivé interjeté le 14 novembre 2024, à 14h32, par M. [I] [C] ;

- Après avoir entendu les observations :

- de M. [I] [C], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet de Seine-et-Marne tendant à la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

L'article L. 141-3 du CESEDA dispose que, lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.

En application de l'article L. 741-6 du CESEDA, la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative et prend effet à compter de sa notification.

Le conseil de M. [I] [C] soutient que son client ne parle pas français et reproche à la procédure de ne pas avoir eu recours à un interprète pour la notification des droits lors de son entrée au centre de rétention.

Sur ce,

M. [I] [C] a été placé en rétention administrative le 9 novembre 2024 sur la base d'un arrêté d'expulsion du 10 septembre 2024 notifié le 12 septembre 2024 sans l'assistance d'un interprète.

La Cour rappelle qu'il convient de distinguer la compréhension d'une langue étrangère et la capacité à la lire.

En l'espèce, il est aisément concevable que M. [I] [C] comprend le français puisqu'il est établi en France depuis de nombreuses années, à l'audience il a indiqué être venu sur le territoire national en 2006.

A ce titre, il convient de prendre en considération que M. [I] [C] a sollicité son admission au titre de l'asile en France et obtenu le statut de réfugié en février 2007.

La procédure comporte un visa accordé à [I] [C] en date du 15 décembre 2010.

Il a en France 5 enfants tous majeurs.

Il a de plus passé de nombreuses années en prison pour avoir été condamné par un arrêt de la Cour d'Assises de la Seine-Saint-Denis en date du 04/06/2019 à un quantum de peine de 11 ans de réclusion criminelle pour des faits de viol incestueux commis sur mineur par un ascendant et agression sexuelle incestueuse sur un mineur de 15 ans par un ascendant et corruption de mineur de 15 ans.

Au vu des faits commis, l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatride a révoqué son statut de réfugié en août 2021. Cette révocation a été confirmée par la Cour Nationale du Droit d'Asile (CNDA) en février 2023 au motif que l'intéressé constitue une menace grave et actuelle pour la société.

Par ces éléments la Cour considère que [I] [C] dispose de suffisamment de lien avec la France pour en comprendre la langue.

L'intéressé fait l'objet d'un arrêté préfectoral d'expulsion 2024 Dll - PDFMOP n°193 du 10/09/2024 prononcé par le préfet de la Seine-et-Marne et notifié le 12/09/2024.

Si cet arrêté lui a été notifié sans interprète, il convient de rappeler que ledit arrêté a été pris après que sa situation ait été défendue contradictoirement le 20 juin 2024 à l'occasion d'une commission d'expulsion en vertu des articles L632-1 du CESEDA et suivants composée du président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département et d'un conseiller de tribunal administratif.

Ainsi, préalablement à l'édiction de l'arrêté d'expulsion [I] [C] a été en mesure de se justifier sur son maintien sur le territoire français et il connaissait les tenants et les aboutissants de la procédure. Lorsqu'il s'est rendu à la Préfecture de Seine et Marne pour se voir notifier la décision le 12/09/2024, il connaissait les enjeux de ladite décision.

Nul ne doute que l'agent notificateur lui ait fait connaître verbalement, donc dans une langue qu'il comprend le sens de la décision, en l'espèce une expulsion. A charge pour lui par la suite de se saisir utilement des conséquences d'une telle décision.

Par la suite, alors qu'il purgeait la fin de sa peine de réclusion criminelle, lors de la levée d'écrou l'administration lui notifiait le placement en rétention le 9 novembre 2024 ainsi que la notification des droits pour lesquels l'agent notificateur précisait : « l'intéressé comprenant le français mais ne sachant pas le lire, signe avec nous ».

La Cour considère que pour une telle notification à un retenu qui comprend le français pour vivre en France depuis plus de 18 ans, ne fait pas grief.

D'ailleurs, [I] [C] ne démontre aucun grief.

Le défaut de justification de tout grief effectif par [I] [C] du chef de cet absence d'interprétariat, résulte notamment de la possibilité de demander par la suite l'assistance d'un interprète, de communiquer avec son consulat et avec toute personne de son choix, de demander l'asile et de contacter une association. Cela répond en l'espèce aux exigences de l'article L. 744-4 du CESEDA.

Le moyen d'irrégularité sera donc rejeté et l'ordonnance querellée confirmée.

PAR CES MOTIFS

REJETONS l'exception d'irrégularité ,

CONFIRMONS l'ordonnance,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 16 novembre 2024 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information: L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'intéressé L'interprète L'avocat de l'intéressé