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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 16 novembre 2024, n° 24/05323

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 24/05323

16 novembre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 11

L. 743-22 du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 16 NOVEMBRE 2024

(1 pages)

Numéro d'inscription au numéro général et de décision : B N° RG 24/05323 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKKEU

Décision déférée : ordonnance rendue le 14 novembre 2024, à 10h04 , par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Pascal Latournald, magistrat, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Camille Besson, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANTS :

1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS,

MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Marie-Daphnée Perrin, avocat général

2°) LE PRÉFET DE POLICE

représenté par Me Wiyao Kao du cabinet Actis Avocats, avocats au barreau du Val-de-Marne

INTIMÉ:

M. [Z] [E]

né le 04 Octobre 1966 à [Localité 1], de nationalité Congolaise

RETENU au centre de rétention de [2],

représenté par Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris, absent à l'audience de ce jour

ORDONNANCE :

- contradictoire,

- prononcée en audience publique,

Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour.

- Vu l'ordonnance du 14 novembre 2024, à 10h04, du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

rejetant la requête de l'administration, disant n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle et rappelant à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 14 novembre 2024 à 16h02 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris, avec demande d'effet suspensif ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance, interjeté le 14 novembre 2024, à 21h31, par le préfet de police ;

- Vu l'ordonnance du 15 novembre 2024 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;

- Vu les conclusions de Me Garcia du 15 novembre 2024 à 14h22 ;

- Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;

- Vu le courriel de Me Garcia du 16 novembre 2024 à 10h10 indiquant qu'il ne pourrait être présent à l'audience de ce jour ;

- Vu les observations :

- de l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance, et qu'il y a qu'une seule ordonnance, celle rendue après n'est pas une décision de justice, pas de caractère authentique car un greffier ne peut pas rendre de décision jurdictionnelle, c'est une simple mention manuscite (une rayure), et ajoute que la déclaration d'appel et la décision statuant sur l'effet suspensif ont bien été notifiées ;

- du conseil de la préfecture lequel, s'associant à l'argumentation développée par le ministère public, nous demande d'infirmer l'ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 15 jours ;

- de M. [Z] [E] qui demande la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Le conseil de [E] [Z] soulève des incidents quant à la procédure d'appel et de CONFIRMER l'ordonnance entreprise par adoption ou substitution de motif. Par la suite, les conclusions déposées pour le compte de [E] [Z] comportent de longs développements sur le droit de l'union européenne et plus précisément sur le comportement de Monsieur [Y] qui n'est pas partie à la présente affaire.

Ainsi le conseil de [E] [Z] demande :

SUR LES INCIDENTS DE LA PROCEDURE D'APPEL :

- DIRE ET JUGER que l'absence de notification régulière au retenu de la déclaration d'appel du Parquet a porté atteinte aux droits de la défense, et en particulier à son droit de prendre connaissance des raisons pour lesquelles le Parquet a entendu contester la décision du Premier Juge, et de son droit de formuler des observations dans les deux heures, à défaut d'en avoir été informé régulièrement;

- DECLARER irrégulière la procédure d'appel, et en tout état de cause irrecevable l'appel formé par le Procureur de la République avec demande d'effet suspensif, à défaut d'avoir été porté, régulièrement, à la connaissance du retenu ;

- CONSTATER par ailleurs qu'il ne ressort d'aucune pièce de la procédure que Monsieur [E] [Z] se soit vu notifier, régulièrement, l'ordonnance du 14 novembre 2024 du Magistrat du siège ayant modifié et/ou rectifié l'ordonnance rendue le même jour ;

- DECLARER que cette décision ne saurait être exécutée, à défaut de notification régulière au retenu, ce qui vicie la privation de liberté du concluant ;

- CONSTATER par ailleurs qu'il ne ressort d'aucune pièce de la procédure que Monsieur [E] [Z] se soit vu notifier, régulièrement, l'ordonnance du 15 novembre 2024 de la Cour statuant sur les effets suspensifs ;

- DECLARER que cette décision ne saurait être exécutée, à défaut de notification régulière au retenu, ce qui vicie la privation de liberté du concluant ;

DIRE et JUGER en outre que l'absence de notification régulière de l'acte d'appel du Parquet, l'ordonnance du 14 novembre 2024 du Magistrat du siège ayant modifié et/ou rectifié l'ordonnance rendue le même jour et de l'ordonnance ayant statuer sur la demande d'effet suspensif du Parquet porte atteinte aux droits de l'intéressé privé de la possibilité de prendre connaissance de la motivation de ces actes qui le privent de liberté, mais également de la possibilité de formuler toutes observations utiles dans le délai de 2 heures suivant la notification de la déclaration d'appel du Parquet ;

DIRE et JUGER que ces atteintes justifient le refus de prolongation de sa rétention administrative, au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation ;

DIRE et JUGER que ces atteintes justifient le refus de prolongation de sa rétention administrative, au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation ;

- DECLARER irrégulière la procédure d'appel ;

- ORDONNER qu'il soit mis fin immédiatement à la rétention judiciaire de l'intimé ;

- ORDONNER dès lors la remise en liberté immédiate de l'intéressé, avant tout examen des mérites de l'éventuel appel du Préfet dont le recours ne peut entraîner de privation de liberté ;

- AVISER l'intimé qu'il peut quitter librement et sans délai le CRA et/ou la Cour d'appel de PARIS;

- CONFIRMER l'ordonnance entreprise par adoption ou substitution de motif ;

ACCUEILLIR les irrégularités de procédure et moyens au fond

DIRE n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle ;

DECLARER la procédure irrégulière ;

DIRE ET JUGER que la directive 2008/115 est applicable à la situation de l'intéressé ;

DIRE ET JUGER en conséquence qu'en l'état du niveau d'exigence requis par la CJUE et de son interprétation de l'article 15§1 de la Directive 2008/115, il y a lieu de considérer que le critère général de la menace pour l'ordre public de l'article L.742-5 7° du CESEDA méconnaît les exigences de clarté, de prévisibilité et de protection contre l'arbitraire et ne permet pas à la personne maintenue en rétention administrative de prévoir, avec le niveau de certitude requis, dans quel cas de figure elle pourra être maintenue, à titre exceptionnel, en rétention administrative à l'expiration du délai de 60 jours ;

VU les arrêts de la CJUE des 2 juillet 2020 (C-18/19) et 21 septembre 2023 (C143/22) disant pour droit que la notion de « danger pour l'ordre public visé à l'article 7 §4 de la Directive 2008/115 s'interprète en ce sens qu'une atteinte à l'ordre public ou à la sécurité publique ne saurait justifier le placement ou le maintien d'un ressortissant d'un pays tiers en rétention, qu'à la condition que son comportement individuel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ou de la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat membre concerné»,

DIRE ET JUGER en conséquence que la notion de menace pour l'ordre public de l'article L.42-5 7° du CESEDA, tel qu'éclairée par l'interprétation de la CJUE de la Directive retour 2008/115/CE exige que soit rapportée la preuve que le comportement individuel du retenu « représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ou de la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat membre concerné » ;

VU les arrêts de la CJUE grande Chambre du 8 novembre 2022 (C - 704/20 et C - 39/21), du 10 mars 2022, (C-519/20), du 6 octobre 2022, (C - 241/21) disant pour droit que « la rétention d'un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier n'est destinée qu'à assurer l'effectivité de la procédure de retour et ne poursuit aucune finalité punitive »,

DIRE ET JUGER qu'il en résulte que la rétention administrative ne peut être prolongée que si celle-ci tend à l'exécution de la mesure d'éloignement à brève échéance, et ce même si les conditions de l'article L.742-5 du CESEDA sont réunies, la prolongation à titre exceptionnel de la rétention administrative ne pouvant poursuivre une finalité punitive et ne pouvant être considérée comme la sanction imposée à un étranger constituant une menace à l'ordre public ;

DIRE ET JUGER qu'il n'est pas démontré que le comportement de Monsieur [Y] « représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ou de la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat membre concerné » ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

Vu les articles L.741-3 et L.742-5 du CESEDA

Vu les arrêts de la CJUE grande Chambre du 8 novembre 2022 (C - 704/20 et C - 39/21), arrêt du 10 mars 2022, (C-519/20), arrêt du 6 octobre 2022, (C - 241/21) disant pour droit que la rétention administrative d'un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier n'est destinée qu'à assurer l'effectivité de la procédure de retour et ne poursuit aucune finalité punitive ;

CONSTATER que le Préfet ne soutient pas dans sa requête ni que la délivrance d'un document de voyage interviendra à bref délai, ni que l'éloignement pourra intervenir à bref délai, invoquant des considérations d'ordre public pour motiver une prolongation de la rétention à titre exceptionnel ;

DEBOUTER dès lors la Préfecture de sa demande dans la mesure où la rétention ne saurait poursuivre une finalité punitive, et qu'il n'est pas établi que cette mesure tendra à l'éloignement au sens de l'article L.741-3 du CESEDA ;

DIRE n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle ;

DEBOUTER la Préfecture de sa demande ;

MOTIVATION

I/ SUR LE DEFAUT DE NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE PORTANT RECTIFICATION D'ERREUR MATERIELLE DU 14 NOVEMBRE 2024

Par ordonnance prononcée le 14 novembre 2024 à 10h04, en présence de Monsieur [E] et de son conseil, le juge de première instance a mis fin à la rétention administrative de [E] [Z].

Ladite ordonnance a été notifiée au retenu à 10h04, en présence de son conseil.

Cette ordonnance, bien que comportant un dispositif en faveur de [E] [Z] puisqu'en rejetant la requête de l'administration et elle mettait un terme à la mesure de rétention, comportait néanmoins dans sa motivation une contradiction de motifs en ces termes « que la préfecture ne démontre pas la possibilité d'une délivrance à bref délai, qu'il sera fait droit aux conclusions présentés, les conditions d'une nouvelle prolongation n'étant pas réunies ;

Attendu que l'autorité préfectorale justifie avoir effectué, pendant les premières périodes de prolongation de la rétention administrative, les démarches nécessaire pour mettre à exécution la mesure d'éloignement ;

Qu'il convient en conséquence, d'ordonner de façon exceptionnelle la prolongation du maintien en rétention admistrative de l'intéressé pour une durée de 15 jours supplémentaires ; »

Fort de ce constat, la juridiction de Paris, en l'occurrence le greffe procédait à la correction de l'ordonnance en rayant des mentions avec la mention manuscrite du greffier « 27 mots rayés » et paraphant de sa signature.

A 13h43, le Conseil du retenu a reçu cette ordonnance rectificative rendue, et sans que Monsieur [E] [Z] ou son conseil n'ait été valablement convoqué ou invité à formuler des observations.

De sorte que le conseil de [E] [Z] fait grief au juge s'être saisi d'office de ce qu'il a cru devoir qualifier d'une erreur matérielle sans que Monsieur [E] [Z] ou son conseil n'ait été valablement convoqué ou invité à formuler des observations. Il soutient que cela porte atteinte aux droits de la défense puisque le retenu n'a pas été placé en mesure d'en appréhender le sens, ni la motivation de la décision et donc les raisons de la poursuite de sa privation de liberté.

Le conseil de [E] [Z] demande donc à la Cour d'appel de constater :

- l'absence de notification de l'ordonnance à l'étranger portant nécessairement atteinte aux droits du retenu et interdisant d'en poursuivre l'exécution à l'égard du retenu en vertu de l'article 503 du CPP;

- de connaître la motivation de la décision portant REM pour se déterminer et se défendre efficacement, le droit de connaître les raisons pour lesquelles il perd son procès étant pour le justiciable le pendant de l'obligation de motiver pesant sur le Juge ;

- d'être informé des raisons de sa privation de liberté au sens notamment de l'article 5 de la CEDH, de pouvoir bénéficier d'un recours effectif et concret ;

- de la défense, pour se déterminer et se défendre efficacement pour la suite de la procédure, ce qui caractérisé et la violation du Principe du procès équitable.

Sur ce,

La Cour constate que le greffe a rayé des mentions antithétiques dans l'ordonnance du 14 novembre 2024 et qu'à ce titre de sa propre initiative, les mentions surabondantes ont été rayées.

Il ne s'agit donc pas d'une ordonnance en rectification d'une erreur matérielle décidée par un juge, mais de la même ordonnance portée à la connaissance du conseil sans que le dispositif décisoire n'ait été modifié.

Il est rappelé qu'au terme de l'art L. 743-12 du CESEDA, « en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction (') qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger ». Aucune nullité ne peut être formelle, il doit donc être démontré en quoi celle-ci affecte effectivement les droits reconnus à l'étranger.

Il faut donc démontrer que l'irrégularité a causé à la personne une atteinte à ses intérêts « pas de nullité sans grief ».

De même, l'ordre administratif, par arrêt d'assemblée du 23 décembre 2011, le Conseil d'État rendait l'arrêt Danthony énonçant qu'un vice de procédure n'entraîne l'illégalité d'une décision administrative qu'en deux situations :

soit s'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise,

soit s'il a privé les intéressés d'une garantie.

(CE Ass. 23 déc. 2011, Danthony).

Cette exigence du vice substantiel développé par l'arrêt du CE assemblée 23 décembre 2011 Danthony : suppose que seuls les vices de procédure ayant eu une influence sur le contenu de la décision ou ayant privé l'administré d'une garantie entraîne une irrégularité de la décision.

Il faut donc une atteinte aux droits de la personne.

Etant précisé que les irrégularités portant ou non atteinte aux droits de la personne relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond ( Cass. 1re civ., 15 oct. 2020, n° 20-15.691. ' Cass. 1re civ., 10 févr. 2021, n° 19-25.224. Cass. 1re civ., 3 mars 2021, n° 19-23.581 ).

En l'espèce rien ne permet de relever une atteinte substantielle aux droits de [E] [Z]

puisqu'en effet l'ordonnance litigieuse, y compris dans sa version amendée a statué dans en rejetant la demande de prolongation de la rétention émanant de la préfecture, la plénitude des droits [E] [Z] a été respectée devant le juge de première instance.

La nullité sera donc rejetée.

II/ Sur la régularité de la procédure d'appel et la recevabilité de l'appel

Le conseil de [E] [Z] soutient qu'il n'est pas justifié que la déclaration d'appel aurait été régulièrement portée à la connaissance de Monsieur [E] [Z] « immédiatement et par tout moyen ». Il conclut qu'il convient de déclarer irrégulière la procédure d'appel et en tout état de cause irrecevable la déclaration d'appel, et d'ordonner la cessation immédiate de la rétention judiciaire de Monsieur [E] [Z].

Sur ce, la Cour constate qu'est présent au dossier la notification faite au retenu de la déclaration d'appel du procureur de la république de Paris réalisée le 14/11/20204 à 16H15, mais également la notification de l'effet suspensif pris par le délégué du premier président, notification réalisée le 15/11/2024 à 15H15. Les notifications étant dument signées par l'intéressé.

Le moyen manquant en fait, sera écarté.

III/ Sur la régularité de la SIGNIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 15 NOVEMBRE 2024 PRIVATIVE DE LIBERTE A LA SUITE DE L'APPEL DU PARQUET

Le conseil de [E] [Z] soulève l'irrégularité soulevée concerne l'impossibilité dans laquelle le retenu est placé de connaître les raisons pour lesquelles il reste privé de liberté, au titre d'une décision de justice qui ne lui a pas été notifiée en violation de l'article 503 du CPC.

Sur ce, la Cour constate que le dossier comporte la notification faite au retenu de l'ordonnance du 15/11/2024 statuant sur l'effet suspensif, ordonnance rendue par le délégué du premier président, la notification ayant été réalisée le 15/11/2024 à 15H15 dument signée par l'intéressé.

Le moyen manquant en fait, sera écarté.

IV/ SUR LES CONDITIONS D'UNE QUATRIÈME PROLONGATION DE LA RÉTENTION ADMINISTRATIVE

Il résulte des dispositions de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

Pour l'application du sixième alinéa (3°), il appartient à l'administration d'établir que la délivrance de documents de voyages par le consulat dont relève l'intéressé doit intervenir à bref délai.

L'impossibilité d'exécuter l'éloignement résulte, dans le présent dossier, du défaut de délivrance par les autorités consulaires d'un document de voyage. Il appartient donc au juge de rechercher les éléments permettant de considérer que l'administration établit une délivrance à bref délai au regard notamment des réponses apportées par les autorités consulaires. Un faisceau d'indices concordants peut conduire à considérer que les obstacles doivent être surmontés à bref délai.

En l'espèce,

la décision de première instance a été rendue conformément aux conditions de l'article L 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la mesure d'éloignement n'ayant pu être exécutée du fait du défaut de délivrance du laissez-passer par le consulat, document, pour lequel, l'administration justifie en procédure que ladite délivrance est susceptible d'intervenir à bref délai, la reconnaissance apparaissant acquise, dès lors que, l'intéressé s'est toujours déclaré de nationalité congolaise, que le consulat du CONGO est dûment saisi le 2 septembre 2024, que l'UCI est impliqué dans la mise en 'uvre de la mesure d'éloignement, qu'en l'absence de toute réponse de leur part depuis les relances 23 septembre, 9 octobre et 7 novembre 2024, il s'en déduit une présomption de reconnaissance de nationalité permettant de justifier que les conditions de l'article sus visé sont remplies et que la délivrance des documents de voyage interviendra à bref délai.

D'autant que par courrier du 9 octobre 2024 le préfet de Police de Paris adressé un courrier à l'ambassadeur extraordinaire plénipotentiaire de la République démocratique du Congo pour attirer son attention sur les difficultés rencontrées par ses services dans le cadre de la délivrance du laissez-passer consulaire.

Le temps critiqué, difficilement compressible, correspond donc aux diligences nécessaires pour accomplir les actes procéduraux de façon régulière et ce dans le respect des accords diplomatiques du pays concerné.

De plus, s'agissant des droits en rétention, en vertu de l'article L.744-4 et R. 744-16 du CESEDA, dès son placement en centre de rétention, l'étranger est en mesure de communiquer avec toute personne de son choix et avec les autorités consulaires du pays dont il déclare avoir la nationalité.

De sorte que puisqu'il critique l'absence de réponse de son consulat, il est en mesure d'agir lui-même et de parfaire les démarches avec le consulat du CONGO pour leur demander de traiter avec célérité son dossier et clarifier sa situation.

A cette démonstration de la délivrance à bref délai du laissez-passer s'ajoute la caractérisation de la menace à l'ordre public.

Cette menace a d'ores et déjà été consacrée par la juridiction administrative qui dans son 16 bloc de motivation retenait : « Contrairement à ce que prétend le requérant, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse, qui énumère les différents critères prévus à l'article L612-10, que le Préfet de police a examiné sa situation personnelle au regard de l'ensemble de ces derniers. Il est constaté que le quantum des peines s'élevait à 11 ans et 1 mois d'emprisonnement et qu'ainsi son comportement constitue une menace pour l'ordre public le préfet a considéré que l'intéressé ne peut se prévaloir d'attaches privées ou familiales d 'une ancienneté et d'une intensité particulières en France. Dans ces conditions, le préfet de police, en fixant à 24 mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français infligée au requérant n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a pas d'avantage entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ». Cette notion de menace d'ordre public a donc été consacré par la juridiction administrative et l'autorité judiciaire ne saurait contredire cette analyse, bien au contraire, le casier judicaire versé en procédure et les décisions pénales communiquées démontrent que la présence de [E] [Z] sur le territoire français se résume à une vie ancrée dans la criminalité et la délinquance avec depuis son enfance une condamnation criminelle pour un viol commis en réunion, arrestation séquestration en 1991 et plus récemment une condamnation pour trafic de stupéfiants le 12 avril 2019.

Les onze années et 1 mois passées en prison démontrent que le comportement individuel du retenu « représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ou la sécurité intérieure ou extérieure de l'État membre concerné » dans une analyse conforme au Droit de l'Union, suite aux arrêts l'arrêt du 6 octobre 2022 (C-241/21) ; 2 juillet 2020 (C-18/19) et 21 septembre 2023 (C143/22) de la CJUE.

En conséquence, l'ordonnance entreprise est infirmée.

PAR CES MOTIFS

RECEVONS les appels du procureur et de la préfecture,

INFIRMONS l'ordonnance,

STATUANT À NOUVEAU,

REJETONS les moyens de nullité et d'irrecevabilité,

ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. [Z] [E] dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 15 jours,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 16 novembre 2024 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'intéressé

L'avocat général