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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-4 construction, 18 novembre 2024, n° 22/02207

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

S.C.C.V. L'Adresse (SCCV)

Défendeur :

Époux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Trouiller

Conseillers :

Mme Romi, Mme Moulin-Zys

Avocats :

Me Testaud, Me Fouchet, Me Cordier, Me Teule

TJ Nanterre, du 17 févr. 2022, n° 19/121…

17 février 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Le 28 juin 2017, Mme [W] [Y] épouse [D] et M. [M] [D] ont signé un contrat préliminaire de réservation avec la société SCCV L'adresse (ci-après L'adresse) pour l'acquisition en l'état futur d'achèvement d'un appartement au 3e étage et d'un parking au sein d'un futur ensemble résidentiel.

Par contrat de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) du 13 novembre 2017, M. et Mme [D] ont acquis de la société L'adresse un appartement de type T2 (42,5 m²) au 3e étage du bâtiment C et un parking situé au [Adresse 1] à [Localité 6] (92), au prix de 275 000 euros.

Aux termes dudit contrat, les travaux devaient être achevés à la fin du mois de juin 2018. La livraison a finalement eu lieu le 21 novembre 2018.

Par courrier recommandé du 7 août 2019, les époux [D] ont sollicité de leur vendeur une indemnisation en raison d'une perte d'ensoleillement et d'une vue obstruée dues à la construction d'un groupe scolaire en face de leur appartement.

Par courrier recommandé du 10 octobre 2019, ils ont mis en demeure la société L'adresse de les indemniser du retard de livraison et d'un dol.

Par exploit d'huissier du 19 décembre 2019, M. et Mme [D] ont assigné la société L'adresse devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'obtenir une indemnisation de 33 000 euros en réparation du dol, de 3 888 euros pour le retard de livraison et de 5 000 euros pour leur préjudice moral, qu'ils estiment avoir subis.

Par jugement contradictoire du 17 février 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- condamné la société SCCV L'adresse à payer à M. et Mme [D] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dol et la somme de 2 052 euros à titre de dommages et intérêts pour retard de livraison,

- débouté M. et Mme [D] de leur demande au titre du préjudice moral,

- condamné la société SCCV L'adresse à payer à M. et Mme [D] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ou contraires,

- condamné la société SCCV L'adresse aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a retenu, au visa des articles 1137 et 1101 du code civil, que le vendeur avait une obligation de renseignement et devait informer l'acquéreur des inconvénients ou nuisances particulières sur le bien vendu, que le vendeur promoteur est un professionnel de l'immobilier, que la société SCCV L'adresse avait commis un dol en fournissant des informations mensongères sur la hauteur du bâtiment voisin, trompant ainsi les époux [D] lors de l'achat de leur appartement destiné à la location.

Il a également retenu que le bâtiment C avait été mis hors d'eau le 19 février 2018 et qu'entre le 3 octobre 2017 et le 18 février 2018, il avait été relevé 68 demi-journées d'intempéries ouvrant droit à 68 jours de retard de livraison, soit jusqu'au 6 septembre 2018. Il a estimé excessif le retard de livraison invoqué et a indemnisé les acquéreurs pour l'impossibilité de louer leur bien entre le 6 septembre et le 21 novembre, soit pendant 76 jours.

Par déclaration du 1er avril 2022, la société SCCV L'adresse a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions n°2, remises au greffe le 29 mars 2024 (30 pages), la société SCCV L'adresse demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté les époux [D] de leur demande au titre du préjudice moral,

- débouter les époux [D] de toutes leurs demandes, y compris de leur appel incident,

- les condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et ceux d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions n°3, remises au greffe le 14 septembre 2023 (26 pages), M. et Mme [D] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le dol de la société L'adresse était caractérisé et en ce qu'il l'a condamnée à ce titre au paiement des sommes de 2 052 euros pour retard de livraison, 3 000 euros pour les frais irrépétibles et aux dépens,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a arrêté le préjudice subi par eux à la somme de 20 000 euros au lieu de 33 000 euros et en ce qu'il les a déboutés de leur demande au titre du préjudice moral,

- de condamner la société L'adresse à leur verser la somme de 33 000 euros TTC au titre de la réfaction du prix de vente pour dol,

- de condamner la société L'adresse à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- de condamner la société L'adresse à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2024, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 16 septembre 2024 et elle a été mise en délibéré au 18 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'indemnisation pour dol du vendeur

À l'appui de son appel, la société L'adresse conteste toute réticence ou man'uvre dolosive, toute dissimulation d'information et tout mensonge.

Elle fait valoir que les acquéreurs ne rapportent pas la preuve d'une intention de tromper, que le chantier du groupe scolaire a débuté en septembre 2016, que la photo de septembre 2017 montre l'avancement des deux chantiers et que M. [N], chargé de gérer les travaux modificatifs acquéreurs (TMA) a fourni en toute bonne foi les informations qu'il croyait être correctes en fonction de ses compétences. Elle admet le caractère « approximatif » de l'information donnée.

Elle rappelle qu'un promoteur immobilier est un professionnel de l'immobilier mais pas un professionnel de la construction et estime que Mme [D] doit être considérée comme un acquéreur averti.

Selon elle, les acquéreurs, qui auraient pu rechercher sur internet la consistance et l'ampleur du projet de la Ville d'[Localité 6] et consulter les panneaux d'affichage sur la clôture du chantier, ne se sont pas adressés au bon interlocuteur. Elle ajoute qu'ils ont reconnu, dans leur courrier du 7 août 2019, s'être renseignés auprès de la mairie et souligne que les permis de construire sont toujours affichés sur le terrain, avec l'indication de la hauteur de la construction, de même que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté.

Elle note que Mme [D], architecte de profession, ne pouvait ignorer la possibilité de consulter le dossier de permis de construire du bâtiment contigu en mairie.

Elle précise que le permis de construire initialement accordé le 12 août 2015 par la mairie pour le groupe scolaire a fait l'objet d'un permis modificatif le 30 août 2019.

Elle fait enfin valoir que les époux [D] ne font pas état de difficultés à trouver preneur en raison de prétendues pertes de vue et d'ensoleillement, que la distance entre les deux façades est de onze mètres et que les acquéreurs tentent injustement de contester le prix de vente.

Les intimés rétorquent de leur côté que le vendeur a un devoir d'information, particulièrement lorsqu'il est un professionnel de la promotion immobilière, qu'il ne pouvait ignorer la taille de l'immeuble voisin en construction.

Ils rappellent qu'ils ont pris le soin d'interroger le vendeur à deux reprises le 12 et le 30 septembre 2017 sur la hauteur de la construction voisine avant l'acquisition car cette information était déterminante de leur consentement pour un appartement plein sud et sans aucun vis-à-vis.

Ils estiment que le vendeur, qui avait toute compétence, a fait des déclarations mensongères, qu'ils lui ont fait confiance et qu'ils ont eu la mauvaise surprise de constater que le groupe scolaire s'élevait bien au-dessus de leur appartement, créant une perte d'ensoleillement et un important vis-à-vis.

Selon eux le vendeur a volontairement donné une information mensongère et minimisé l'ampleur de la construction pour les inciter à contracter. Ayant toute confiance en leur vendeur, ils n'avaient pas d'intérêt à vérifier ses propos.

Ils produisent des photos montrant que la vue de leur appartement n'est pas dégagée et réclament une indemnisation à hauteur de 33 000 euros dans la mesure où un appartement similaire situé plein nord s'est vendu à 242 000 euros. Ils relèvent que le tribunal n'a pas motivé la limitation du quantum accordé et qu'au vu d'un article du journal Le Monde, il aurait pu prétendre à une décote de 40 %, soit 110 000 euros au regard de l'exposition, de la perte de luminosité et du vis-à-vis.

Ils contestent enfin que Mme [D], salariée à la SNCF, puisse être considérée comme une professionnelle des transactions immobilières et rappellent qu'ils n'auraient pas été capables d'analyser le dossier du permis de construire.

Réponse de la cour

En application de l'article 1112-1 du code civil, « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. (') Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. »

Il ressort de ce texte que ce devoir porte nécessairement sur une information connue dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre partie qui, légitimement, l'ignore ou fait confiance à son cocontractant.

En application de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.

En l'espèce, les intimés ne démontrent pas que le vendeur avait connaissance d'une information déterminante qu'il n'aurait pas porté à leur connaissance. Ils reprochent au vendeur de leur avoir donné une information qui s'est avérée fausse. Cet article n'a donc pas vocation à s'appliquer au litige.

Les premiers juges ont par ailleurs retenu l'obligation pour le vendeur en l'état futur d'achèvement d'informer l'acquéreur « des inconvénients ou nuisances particulières du bien vendu », ce qui ne concerne pas non plus les termes de ce litige.

La cour note enfin que les intimés déplorent vainement et sans fondement, au visa de l'article R.261-13 du code de la construction, le silence de l'acte authentique sur la hauteur du bâtiment mitoyen. Ne produisant pas le contrat de réservation, ils ne peuvent non plus invoquer une carence d'information à ce stade. Les jurisprudences invoquées sont inopérantes.

Les époux [D] invoquent un dol imputable au vendeur.

L'article 1137 du même code définit le dol comme étant notamment « le fait, pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des mensonges » ou « la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ».

Il est admis depuis longtemps qu'un simple mensonge, non appuyé d'actes extérieurs, peut constituer un dol. Néanmoins, le mensonge doit avoir été émis avec la volonté de tromper et le dol pour être sanctionné doit avoir été la cause déterminante du contrat.

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

En l'espèce, dans un courriel du 30 septembre 2017 précédant la signature du contrat de vente, les époux [D] écrivent : « Quelle est la position de l'appartement que nous acquérons par rapport au groupe scolaire adjacent en construction ' L'appartement se trouvera-t-il en vis-à-vis avec le groupe scolaire '

Nous sommes un peu étonnés d'acquérir un bien plein sud à 33 Keur (sic) de plus que celui de la même taille au versant nord sachant que (leur appartement) sera masqué par le groupe scolaire tout proche... »

Par courriel du 2 octobre 2017, M. [N] de la société Pichet, en charge des travaux modificatifs acquéreurs a répondu : « Concernant la position de votre logement, l'altimétrie du plancher bas du troisième étage sera d'environ 8,30 m par rapport au niveau de la rue. Le groupe scolaire étant édifié en R+2, votre logement sera au-dessus. »

Il n'est pas contesté que les acquéreurs étaient au courant du projet de construction d'un groupe scolaire à proximité de leur appartement dont les deux premiers niveaux étaient édifiés en septembre 2017. Ils écrivent eux-mêmes que leur appartement sera « masqué par le groupe scolaire tout proche ». L'existence d'un vis-à-vis entre les deux constructions était donc connue des acquéreurs qui ignoraient cependant où se situait leur appartement au regard du bâtiment scolaire.

Ainsi, il n'est pas question d'une dissimulation de l'existence d'un projet immobilier privant d'ensoleillement et la jurisprudence invoquée sur ce point n'a pas vocation à s'appliquer.

Les photos produites, peu probantes, montrent que si l'appartement est en vis-à-vis, à onze mètres de distance, d'un autre immeuble, son orientation au sud lui permet de bénéficier de l'ensoleillement, contrairement à un appartement orienté au nord. Aucune perte d'ensoleillement n'est établie.

Il est en revanche patent que l'information selon laquelle le logement des époux [D] serait « au-dessus » du bâtiment scolaire s'est avérée inexacte, ce qu'a justement constaté le tribunal.

Pour autant, le caractère dolosif et intentionnel de cette inexactitude et son caractère déterminant dans le consentement des acquéreurs, ne sont pas démontrés, la société L'Adresse, maître d'ouvrage, n'étant pas un professionnel de la construction.

La question se pose de savoir si le promoteur-vendeur était débiteur de cette information qui ne concerne pas directement le bien vendu mais son environnement.

En septembre 2017, lorsque la question du vis-à-vis est posée au vendeur, un simple déplacement sur les lieux aurait permis aux acquéreurs de voir l'avancement du chantier du groupe scolaire, de constater la distance entre les deux bâtiments et de lire l'affichage des indications réglementaires qui comprennent notamment, conformément à l'article A.424-15 du code de l'urbanisme « la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la construction, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ». Les acquéreurs, même non professionnels, étaient également en mesure de se rendre en mairie pour consulter le projet, ce qu'ils disent avoir fait, sans en préciser la date.

Ayant obtenu de M. [N] en charge des travaux modificatifs la hauteur du plancher bas de leur appartement, ils auraient également été en mesure d'apprécier plus précisément le vis-à-vis, sans se contenter d'une comparaison R+2 /R+3 de bâtiments de nature et de dimension différentes.

Les époux [D] invoquent l'obligation d'information du promoteur-vendeur professionnel. Néanmoins celle-ci ne concerne que le bien vendu. Il ne peut être reproché au vendeur, qui n'a pas dissimulé aux acquéreurs l'existence du projet de construction d'un groupe scolaire, de ne pas en connaître les détails. L'information recherchée ne concernait pas la construction en cause et était librement accessible au public.

Il n'est donc rapporté la preuve d'aucun manquement à ce titre. Le seul fait de ne pas avoir dirigé les acquéreurs vers le bon interlocuteur pour obtenir une réponse à leurs questions ou de ne pas avoir vérifié l'exactitude de l'information approximative délivrée ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement.

De surcroît, l'appartement acquis bénéficie bien d'un ensoleillement, ce que ne permet jamais un appartement situé au nord. Le préjudice invoqué n'est pas démontré.

Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal a jugé que la fausse information donnée avait eu pour conséquence d'inciter les époux [D] à acquérir un appartement avec un important vis-à-vis, alors qu'ils savaient, avant la signature du contrat de vente, que leur appartement serait « masqué par le groupe scolaire tout proche » et qu'ils étaient en mesure d'obtenir des précisions s'ils les estimaient nécessaires.

Partant, le jugement est infirmé et les époux [D], qui ne rapportent pas la preuve d'un dol à l'origine du préjudice qu'ils invoquent, sont déboutés de leur demande d'indemnisation.

Sur la demande d'indemnisation pour le retard de livraison du bien

À l'appui de son appel, la société L'Adresse reproche au juge de ne pas avoir tenu compte des dispositions contractuelles claires et précises prévoyant les causes légitimes de suspension du délai de livraison comme les intempéries et d'avoir retenu des dates fantaisistes.

Elle admet que la livraison, initialement fixée au 30 juin 2018, est finalement intervenue le 21 novembre 2018, soit avec un retard de 144 jours mais soutient que ce sont les intempéries qui ont justifié la suspension du délai de livraison.

Elle précise qu'elle produit un certificat établi par le maître d''uvre, que la société Eco Tech a attesté de 165 jours d'intempéries, que le délai de livraison a donc été suspendu pendant 330 jours et que le retard de 144 jours est donc justifié par une cause légitime.

Elle conteste le raisonnement des intimés qui ne tient pas compte de la définition légale des intempéries et qui assimile par erreur les intempéries affectant un chantier définies par la norme AFNOR NFP 03-001 à celles prévues par le code du travail.

Elle souligne qu'il n'y a aucune incongruité ou anomalie à décompter des intempéries après qu'un bâtiment soit hors d'eau.

Les intimés rétorquent de leur côté que le vendeur n'a pas respecté le délai contractuel de livraison de l'immeuble et que l'attestation du maître d''uvre produite par le vendeur n'est confirmée par aucun élément probant tels que les relevés météorologiques.

Ils soutiennent que les bulletins météorologiques postérieurs à la mise hors d'eau de l'immeuble, soit le 19 février 2018, ne justifient pas une interruption de travail et encore moins ceux postérieurs aux plâtreries réalisées le 25 mai 2018.

Ils relèvent que des bulletins sont produits en doublon et que les 372 heures d'intempéries mentionnées dans les justificatifs correspondent à 16 jours (ou au maximum 39,2 jours), soit en application du contrat, 32 jours (ou 78,4) ce qui fixe à 112 jours (65,6) le retard injustifié.

Ils notent que les bulletins produits ne permettent pas de vérifier si elles ont eu lieu entre 8h et 18h.

Réponse de la cour

Les parties s'entendent sur l'application des dispositions contractuelles 42-3-3 et 42-3-4 prévoyant une livraison au 30 juin 2018 sauf survenance d'un cas de suspension du délai de livraison et notamment en cas d'intempéries retenues par le maître d''uvre et dûment justifiées par un relevé météorologique.

L'article 42-3-4 précise notamment : « Seront notamment considérés comme causes légitimes de report de délai de livraison les événements suivants : - les intempéries retenues par le maître d''uvre, gênant les travaux ou l'exécution du corps d'état considéré, et dûment justifiées par un relevé de la station météorologique la plus proche de l'immeuble. (...)

S'il survenait (') une cause légitime de suspension du délai de livraison, l'époque prévue pour l'achèvement des travaux serait différée d'un temps égal à celui du double pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux.

Pour appréciation des événements ci-dessus évoqués les parties d'un commun accord déclarent s'en rapporter (') dès à présent à un certificat établi par le maître d''uvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité. »

La cour note que la validité de cette clause contractuelle n'est pas remise en cause et qu'elle est par conséquent la loi des parties.

Si les parties s'en rapportent au certificat du maître d''uvre, les intempéries doivent être dûment justifiées.

Par courrier du 15 mars 2018, la société L'Adresse a indiqué aux acquéreurs que suite aux nombreuses journées d'intempéries, la livraison était reportée au 4e trimestre 2018 et a joint une attestation du maître d''uvre d'exécution, datée du 8 mars 2018, fixant à 133 le nombre de jours d'intempéries empêchant l'exécution des travaux.

La livraison a été reportée au 21 novembre 2018, soit avec un retard de 144 jours par rapport à la date de livraison initialement prévue.

La société L'Adresse produit une attestation du maître d''uvre d'exécution, datée du 18 septembre 2018, fixant finalement à 165 le nombre de jours d'intempéries empêchant l'exécution des travaux.

Elle conteste la décision du tribunal de fixer au 3 octobre 2017 la date de prise en compte des intempéries. Néanmoins, elle n'a produit aucun justificatif météorologique antérieur au mois de novembre 2017.

Les justificatifs produits concernent les mois de novembre 2017 à décembre 2018, ce dernier mois étant postérieur à la réception intervenue le 21 novembre 2018, donc non probant.

Comme elle le relève à juste titre, la date de la mise hors d'eau du bâtiment C le 19 février 2018 ne suffit pas à elle seule pour écarter automatiquement des jours d'intempéries qui peuvent impacter des travaux de VRD à l'extérieur, achevés en dernier, ou empêcher les corps d'état de second 'uvre de travailler normalement à l'intérieur lorsque des températures sont trop hautes ou trop basses. Tel est notamment le cas pour des travaux de peinture ou d'encollage de revêtement de sols.

En l'espèce, l'attestation du maître d''uvre est faite sous sa propre responsabilité en prenant en compte ces impossibilités.

Il est également exact que les intempéries prises en compte ne sont pas celles du code du travail mais bien celles définies par la norme AFNOR NF P 03-001 comme étant « celles pour lesquelles une impossibilité technique à poursuivre les travaux a été validée par le maître d''uvre ».

Dans ces conditions, le calcul proposé par les intimés, qui ne tient pas compte des impossibilités techniques, doit être écarté.

Néanmoins, au regard des justificatifs produits, il est manifeste que seuls 58 jours d'intempéries sont dûment justifiés par un relevé météorologique, ce qui ouvre droit, en application des dispositions contractuelles, à 116 jours de retard de livraison, soit jusqu'au 24 octobre 2018.

Comme le précisent les époux [D] dans leurs écritures, leur préjudice ne peut être constitué qu'en une perte de chance de percevoir un loyer d'un montant de 810 euros entre le 24 octobre et le 21 novembre 2018. Ce préjudice, qui repose sur une location immédiate de l'appartement, n'est pas démontré.

Partant, le jugement est infirmé et les époux [D] sont déboutés de leur demande d'indemnisation.

Au regard de la solution adoptée au litige, le jugement est confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'indemnisation au titre d'un préjudice moral.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer intégralement le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [D] qui succombent, doivent être condamnés aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient de condamner en appel les époux [D] à payer à la société L'Adresse une indemnité de 4 000 euros au titre des frais exclus des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [D] de leur demande au titre du préjudice moral ;

Statuant de nouveau,

Déboute Mme [W] [Y] épouse [D] et M. [M] [D] de toutes leurs demandes ;

Condamne Mme [W] [Y] épouse [D] et M. [M] [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [W] [Y] épouse [D] et M. [M] [D] à payer à la société SCCV L'adresse une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.