CA Besançon, 1re ch. civ. A, 15 mai 2008, n° 07/1785
BESANÇON
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gauthier
Conseillers :
Mme Levy, M. Pollet
Avoués :
Me Graciano, SCP Dumont - Pauthier
Avocats :
SCP Serri-Pichoff, Me Levieux
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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Simon Y... est propriétaire, à MONTROND-LE-CHÂTEAU, de parcelles agricoles figurant au cadastre de ladite commune sous les numéros 365, 366 et 367 de la section C, desservies par un chemin qui passe sur les parcelles C 425 et 427, appartenant à Robert X....
En février 2007, des barrières ont été implantées en travers du chemin, sur la propriété de Robert X....
A la demande de Simon Y..., le juge des référés du tribunal de grande instance de BESANÇON a, par ordonnance du 3 août 2007, condamné Robert X... à enlever ces barrières, sous astreinte.
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Ayant régulièrement interjeté appel de cette ordonnance, Robert X... conclut :
- à titre principal, à la nullité de l'assignation, pour défaut d'indication du fondement juridique de la demande,
- à titre subsidiaire, à l'irrecevabilité de la demande, au motif que les barrières litigieuses n'ont pas été installées par lui, mais par son fils, Jacques X..., titulaire d'un bail rural sur les parcelles traversées par le chemin,
- à titre plus subsidiaire, au rejet de la demande comme non fondée, le trouble allégué étant inexistant puisque les barrières sont amovibles, et son caractère illicite n'étant au surplus pas établi, eu égard à la contestation portant sur la nature juridique du chemin.
Robert X... sollicite en outre une somme de 1 500 , sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Simon Y... conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée et à la condamnation de l'appelant à lui payer une somme de 1 500 au titre de ses frais irrépétibles.
En réponse aux moyens invoqués par l'appelant, il fait valoir :
- que, si l'assignation ne comportait pas l'indication du fondement juridique de sa demande, il a ultérieurement invoqué les dispositions des articles 1382 et 544 du code civil, et que, Robert X... ayant conclu en réponse sur ces fondements, il n'a subi aucun grief, la nullité de l'assignation n'étant dès lors pas encourue,
- que le défaut de qualité soulevé par l'appelant est un moyen irrecevable comme nouveau en cause d'appel, et qu'au surplus, il appartenait à l'appelant d'appeler en garantie, devant le premier juge, son locataire, auteur du trouble allégué,
- qu'il n'appartient pas au juge des référés de déterminer la nature juridique du chemin litigieux, mais qu'en toute hypothèse ce juge est compétent pour faire cesser le trouble apporté au libre usage du chemin.
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La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance en date du 12 décembre 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'aux termes de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation en justice doit contenir, à peine de nullité, notamment l'objet de la demande, avec un exposé des moyens en fait et en droit ;
Attendu qu'en l'espèce, l'acte introductif d'instance, en date du 23 avril 2007, ne comportait l'indication d'aucun fondement juridique et ne faisait référence à aucun texte légal ou réglementaire ;
Attendu que, postérieurement, Simon Y... a fait savoir, par voie de conclusions, que sa demande était fondée "sur les dispositions combinées des articles 1382 et 544 du code civil" ;
Attendu que l'invocation de ces dispositions, afférentes d'une part à la responsabilité civile délictuelle pour faute, d'autre part au droit de propriété, n'étaient pas de nature à éclairer l'adversaire sur la nature juridique du chemin litigieux, ni sur celle des droits du demandeur concernant l'usage de ce chemin ; que la généralité des textes juridiques invoqués équivalait à une absence de fondement ;
Attendu que, s'agissant d'une demande formée en référé et tendant à la cessation du trouble apporté au libre passage sur un chemin, il appartenait au demandeur, afin de justifier du caractère manifestement illicite du trouble, de préciser à quel titre les droits qu'il invoquait sur le chemin litigieux pouvaient être juridiquement protégés (existence d'une servitude conventionnelle ou légale pour cause d'enclave, qualification du chemin de rural, ou d'exploitation, au sens du code rural...) ;
Attendu en effet que le propriétaire d'un terrain est en droit de se clore et que les tiers qui prétendent bénéficier d'un droit de passage sur ce terrain ne peuvent se contenter d'invoquer une situation de pur fait pour caractériser l'illicéité du trouble qu'ils subissent ;
Attendu que l'absence, dans l'assignation, d'indication du fondement juridique de la demande, et l'invocation ultérieure de fondements trop généraux, n'ont pas permis à l'appelant de répondre précisément et utilement, en droit, à la demande formée contre lui, et lui ont ainsi causé grief ;
Attendu qu'il convient donc de prononcer l'annulation de l'acte introductif d'instance et, par voie de conséquence, de la décision déférée ;
Attendu que Simon Y..., qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'appelant ;
Attendu que ces dernières condamnations emportent nécessairement rejet de la propre demande de l'intimé tendant à ce qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile en sa faveur ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DÉCLARE l'appel de Robert X... recevable et bien fondé;
ANNULE l'assignation en date du 23 avril 2007 et, par voie de conséquence, l'ordonnance rendue, le 3 août 2007, par le juge des référés du tribunal de grande instance de BESANÇON ;
CONDAMNE Simon Y... à payer à Robert X... la somme de 1 500 (MILLE CINQ CENTS EUROS), au titre des frais non compris dans les dépens exposés par ce dernier tant en première instance qu'en cause d'appel ;
CONDAMNE Simon Y... aux dépens de première instance et d'appel, avec droit pour Me GRACIANO, avoué, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.