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Décisions

CE, 5e et 4e sous-sect. réunies, 16 mai 2007, n° 286847

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Annulation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Rapporteur :

M. Didier

Commissaire du gouvernement :

M. Olson

CE n° 286847

15 mai 2007

Vu le recours du MINISTRE DE l'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, enregistré le 10 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE l'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande au Conseil d'Etat :

1º) d'annuler le jugement du 9 septembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à payer à Mme Claudine Hornung, épouse Halter, la somme de 1 185,01 euros en réparation du préjudice résultant pour elle du refus d'octroi du concours de la force publique pour exécuter une ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Colmar du 16 novembre 2001 condamnant son époux à quitter le domicile conjugal ;

2º) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par Mme Hornung devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le nouveau code de procédure civile ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi nº 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 ;

Vu le décret nº 92-755 du 31 juillet 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : « L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation » ; qu'en vertu de l'article 50 du décret du 31 juillet 1992 pris pour l'application de cette loi, le défaut de réponse à une demande de concours de la force publique dans un délai de deux mois équivaut à un refus ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation : « Nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée…, il doit être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 15 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille … » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une ordonnance de non-conciliation du 16 novembre 2001 rendue dans le cadre d'une procédure de divorce, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Colmar a, en vertu des articles 1111 du nouveau code de procédure civile et 255 du code civil, attribué à Mme Hornung, épouse Halter, la jouissance du domicile conjugal et a en conséquence condamné son époux à quitter ce domicile au plus tard le 19 novembre 2001, au besoin avec le concours de la force publique ; que la demande de concours de la force publique formée auprès du préfet du Haut-Rhin le 26 novembre 2001 a fait naître une décision implicite de rejet à l'expiration d'un délai de deux mois ; que, postérieurement à ce refus, le préfet a, par une décision du 1er février 2002, accordé le concours de la force publique pour procéder à l'expulsion de M. Halter, tout en proposant un relogement à l'intéressé ;

Considérant que la mesure d'expulsion ordonnée par le juge aux affaires familiales, prise antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions du troisième alinéa de l'article 220-1 du code civil et de l'article 66-1 de la loi du 9 juillet 1991, dans leur rédaction issue de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, n'entrait dans aucune des exceptions à l'application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation ;

Considérant qu'il ne résulte pas de la seule circonstance que le préfet a proposé à M. Halter de le reloger lorsqu'il a pris la décision d'accorder le concours de la force publique pour procéder à son expulsion que, antérieurement à cette décision, le relogement de l'intéressé aurait été assuré dans des conditions suffisantes et que le préfet aurait été ainsi délié de son obligation de surseoir à la mesure d'expulsion pendant la période mentionnée par les dispositions de l'article L. 613-3 ; que, dès lors, en jugeant que le préfet aurait dû accorder le concours de la force publique dès le 26 janvier 2002 pour l'exécution de cette mesure sans rechercher si le relogement de M. Halter, auquel le préfet n'était pas tenu de pourvoir, était assuré dès cette date dans des conditions suffisantes, le tribunal administratif de Strasbourg a entaché d'erreur de droit le jugement par lequel il a condamné l'Etat à verser une indemnité à Mme Hornung, épouse Halter ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions du premier alinéa de l'article L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation étaient applicables à la mesure d'expulsion ordonnée par le juge judiciaire à l'encontre de M. Halter ;

Considérant que, si les dispositions du premier alinéa de l'article L. 613-3 ne permettent pas au préfet de refuser le concours de la force publique pendant la période du 1er novembre de chaque année jusqu'au 15 mars de l'année suivante lorsque le relogement des intéressés est assuré dans des conditions suffisantes, il ne résulte pas de l'instruction que le relogement de M. Halter, lequel était dépourvu de ressources, était assuré dans de telles conditions antérieurement à la date du 1er février 2002 à laquelle le préfet du Haut-Rhin a accordé le concours de la force publique pour l'exécution de l'ordonnance de non-conciliation du 16 novembre 2001 ; que, par suite, la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée pour refus de concours de la force publique ;

que Mme Hornung, épouse Halter, n'est dès lors pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle soutient avoir subis de ce chef ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 9 septembre 2005 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme Hornung, épouse Halter, devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à Mme Claudine Hornung, épouse Halter.