CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 11 février 2014, n° 13/03424
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Office publique de l'habitat de Bourg La Reine
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Portelli
Conseillers :
Mme Fetizon, Mme Tapin
Avocats :
Me Ricard, Me Maisse Boulanger, Me Debray, Me Halimi
FAITS ET PROCEDURE,
Le 16 octobre 2009, l'Office Public de l'Habitat de Bourg la Reine a consenti à Mme X un bail pour un logement situé à Bourg la Reine, <adresse>.
L'Office a fait constater par huissier le 31 octobre 2012 que Mme X n'occupait pas les lieux. Il a demandé en justice la résiliation du bail et l'expulsion.
Par jugement contradictoire du 28 février 2013, le tribunal d'instance d'Antony a :
- prononcé la résiliation du bail,
- ordonné l'expulsion de la locataire et de tout occupant de son chef avec le concours de la force publique à défaut de départ volontaire, sous réserve des dispositions de l'article L 412-1 du code de procédures civiles d'exécution, dit que le sort des meubles et objets mobiliers sera réglé conformément aux dispositions des articles L 433-1 et R 433-1 du même code, condamné Mme X au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dues si le bail s'était poursuivi, à compter de la décision jusqu'à la libération effective,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- débouté l'Office de ses autres demandes,
- condamné Mme X aux dépens.
Mme X a relevé appel du jugement. Dans ses dernières conclusions, elle formule les demandes suivantes :
- dire et juger qu'elle n'a pas abandonné les lieux et qu'il n'y a pas lieu à résiliation du bail,
- infirmer le jugement,
- condamner l'Office à lui verser la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de l'avocat postulant.
L'Office, intimé, dans ses dernières conclusions, formule les demandes suivantes:
- débouter Mme X de son appel et de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement et notamment prononcer la résiliation, ordonner la résiliation des lieux, constater que Mme X occupe les lieux sans droit ni titre, autorisé l'expulsion avec dispense du délai de deux mois prévu par la loi du 6 juillet 1991, autoriser la séquestration des meubles, condamner Mme X au paiement d'une indemnité d'occupation,
- condamner Mme X au paiement d'une somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure dont distraction au profit de la SCP Debray Chemin, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS
Mme X soutient que le logement de Bourg la reine était bien son habitation principale et qu'elle ne l'a jamais abandonné. Elle affirme avoir été contrainte pour des motifs de santé grave de s'absenter momentanément de ce domicile qu'elle entendait réintégrer en septembre 2013. Elle fait valoir que lors du constat d'huissier du 31 octobre 2012, il a été relevé que l'appartement était normalement meublé. Mme X indique qu'elle a été victime d'un très grave accident de la route qui lui a laissé des séquelles psychologiques et physiques très conséquentes (amputation d'un bras) qui ont complètement changé sa vie. Elle a été hospitalisée du 22 avril au 29 novembre 2008 puis, suite à une aggravation de son état de santé psychologique, du 26 novembre 2009 au 17 avril 2010. Elle a alors été hébergée par ses parents et a pu regagner son appartement en septembre 2013. Mme X fait valoir qu'elle paye ses loyers, que ses abonnements téléphone, gaz, électricité sont toujours en cours et que le logement a toujours été meublé.
L'Office fait valoir que Mme X n'a jamais habité dans les lieux, que ses enfants ne sont plus scolarisés dans la commune, que le constat d'huissier a constaté son absence et que, dès lors, les dispositions du contrat de bail prévoyant une occupation effective du logement ont été violées.
Aux termes du contrat de location passé entre l'Office et Mme X, 'le logement loué constitue la résidence principale effective du locataire'. L'article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit qu'en cas de suspicion d'abandon de domicile, le bailleur peut mettre en demeure le locataire de justifier de l'occupation par voie d'huissier de justice. S'il n'a pas été déféré à cette mise en demeure un mois après signification, l'huissier de justice peut procéder à un constat sur place pour établir l'état d'abandon du logement et dresser inventaire. Il appartient au bailleur qui soutient que l'appartement loué est abandonné de démontrer l'inoccupation effective ainsi que l'intention du locataire d'abandonner les lieux.
En l'espèce, il apparaît que Mme X, à la suite d'un très grave accident de la circulation ayant entraîné notamment l'amputation d'un bras a été hospitalisée pendant de longues périodes du 22 avril au 29 novembre 2008 puis du 26 novembre 2009 au 17 avril 2010. Elle a, par la suite, compte tenu de ses séquelles psychologiques, été hébergée par ses parents. Il apparaît également que Mme X n'a jamais eu l'intention de quitter son logement: elle s'est régulièrement acquittée de son loyer, a réglé ses abonnements de gaz et électricité, a continué à laisser son appartement normalement meublé et a regagné son appartement en septembre 2013.
Il ne peut y avoir d'abandon de domicile lorsque l'inoccupation, même pour une longue durée, résulte de l'hospitalisation du locataire ou de son hébergement chez des proches en raison des soins indispensables ou de la nécessité d'un soutien psychologique. La simple inoccupation des lieux ne suffit pas à démontrer l'abandon dès lors que, comme en l'espèce, la locataire a continué à laisser son logement normalement meublé, a réglé son loyer et s'est acquitté de ses abonnements d'énergie.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de constater que Mme X n'a pas abandonné les lieux et qu'il n'y a pas lieu à résiliation du bail.
L'Office Public de l'Habitat de Bourg la Reine ayant succombé en ses prétentions, il sera condamné aux entiers dépens et à verser à Mme X la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
- infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
- constate que Mme X n'a pas abandonné les lieux et qu'il n'y a pas lieu à résiliation du bail.