Cass. 2e civ., 3 octobre 2024, n° 22-15.916
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme MARTINEL
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Duhamel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 mars 2022), la société Dalkia a assigné les sociétés Kaeser Kompressoren et Kaeser compresseurs (les sociétés Kaeser) afin que soit ordonnée une mesure d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile devant un président du tribunal de commerce qui, par ordonnance du 18 juin 2013, a rejeté la demande.
2. Par arrêt infirmatif rendu le 2 octobre 2014, une cour d'appel a désigné M. [W] en qualité d'expert.
3. Le 14 novembre 2017, la société Dalkia a saisi le président du tribunal de commerce d'Avignon, chargé du contrôle de l'expertise, en vue d'une extension de la mission de l'expert. Devant le juge chargé du contrôle de l'expertise, les sociétés Kaeser ont notamment demandé au juge d'acquiescer à la demande de récusation de M. [W].
4. Par ordonnance du 18 juin 2018, le juge chargé du contrôle de l'expertise au tribunal de commerce a admis la récusation de M. [W] et mis fin à sa mission, et désigné pour le remplacer M. [T] avec une mission étendue.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen
5. Les sociétés Kaeser font grief à l'arrêt de déclarer leur déclaration d'appel du 10 avril 2019 (n° RG 19/01471) caduque, alors « que la cour d'appel, statuant sur déféré, ne peut statuer que sur les prétentions qui ont été préalablement soumises au conseiller de la mise en état et qui relèvent du champ de compétence de ce dernier ; qu'en retenant, pour conclure à la recevabilité de la demande formulée par la société Dalkia tendant à faire déclarer caduque la déclaration d'appel des sociétés Kaeser du 10 avril 2019, que cette demande tendait « globalement aux mêmes fins » que celle visant à faire déclarer irrecevable cette même déclaration d'appel (arrêt, p. 9, § 5), quand la caducité de la déclaration d'appel des sociétés Kaeser n'avait pas été soulevée devant le conseiller de la mise en état, dont l'ordonnance lui était déférée, la cour d'appel a violé les articles 564, 565, 633, 914 et 916 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. La société Dalkia conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient, d'une part, que le moyen est contraire aux prétentions émises par les requérants dans leurs conclusions d'appel, et, d'autre part, que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
7. Cependant, il ressort des énonciations de l'arrêt que les prétentions émises par les sociétés Kaeser n'avaient pu induire la société Dalkia en erreur sur leurs intentions. Par ailleurs, le moyen, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
8. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 914 et 916 du code de procédure civile :
9. Il résulte de ces textes que si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état.
10. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel du 10 avril 2019, l'arrêt retient que les conclusions des appelantes, visant les deux procédures d'appel inscrites sous les n° RG 19/1053 et 19/1471, ont été notifiées à l'avocat des intimés à un moment où cet avocat n'était pas encore constitué pour la société Dalkia, cette notification de conclusions faite à un avocat, non encore constitué sur la seconde déclaration d'appel, apparaissant donc irrégulière, et la constitution ultérieure de M. [Z] n'ayant pu avoir pour effet de la régulariser.
11. En statuant ainsi, alors que les intimés n'avaient pas invoqué la caducité de l'appel devant le conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Dalkia et la société Allianz IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dalkia et la condamne à payer aux sociétés Kaeser Kompressoren et Kaeser compresseurs la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du trois octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.