CA Agen, ch. civ., 18 novembre 2024, n° 24/00227
AGEN
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Dans Mon Monde (Sasu)
Défendeur :
Selarl LMJ (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Schmidt
Conseillers :
M. Segonnes, Mme Rigault
Avocat :
Me Delmas
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS dans mon Monde exploite un fonds de commerce esthétique avec commercialisation de produits de beauté, et accès à des spas à thèmes.
Par jugement du 14 octobre 2020, le tribunal de commerce d'Agen a notamment :
- arrêté un plan de redressement de la société débitrice et désigné Me [Z] [N], es qualité de commissaire à l'exécution du plan pour la durée de neuf années,
- donné acte aux créanciers de l'entreprise des délais et remises acceptées par eux
- imposé aux autres créanciers le délai uniforme de paiement : 9 ans, la première échéance intervenant un an à compter du jugement,
- dit que pour les créances à terme, les délais supérieurs stipulés par les parties avant l'ouverture de la procédure peuvent excéder la durée du plan,
- suspendu de plein de droit l'interdiction d'émettre les chèques,
- prononcé l'inaliénabilité des biens indispensables à la continuation de la société.
Par jugement du 13 mars 2024, le tribunal de commerce d'Agen a notamment :
- constaté l'état de cessation de paiement,
- prononcé la résolution du plan de redressement et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SAS dans mon Monde,
- désigné la Selarl LMJ en qualité de liquidateur, un juge commissaire et un commissaire priseur judiciaire,
- fixé provisoirement au 31 janvier 2024 la date de cessation de paiement,
- fixé un délai d'un an au liquidateur pour déposer la liste des créances et deux ans aux termes desquels la clôture de la procédure devra être examinée,
- ordonné les mesures de publicité,
- liquidé les dépens.
M. [H] [O] en qualité de représentant légal de la SAS dans mon Monde a interjeté appel le 20 mars 2024 en visant dans sa déclaration d'appel l'intégralité des chefs de jugement.
L'avis de fixation de l'affaire à bref délai est du 03 avril 2024.
Par ordonnance du 03 avril 2024, le premier président a ordonné la suspension de l'exécution provisoire du jugement de liquidation judiciaire prononcé le 13 mars 2024 à l'encontre de la SAS dans mon Monde.
Par uniques conclusions du 04 avril 2024, la SAS dans mon Monde prise en la personne de son représentant légal demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la SAS dans mon Monde,
y faisant droit :
- infirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions,
et, statuant à nouveau :
- constater que la SAS dans mon Monde peut faire face à son passif exigible avec son actif disponible,
- constater en conséquence que la SAS dans mon Monde n'est pas en état de cessation de paiement,
- inscrire les dépens en frais privilégiés de procédure collective.
A l'appui de ses prétentions, la SAS dans mon Monde prise en la personne de son représentant légal M. [O] fait valoir que par négligence, il a été omis de régulariser un virement alors que la trésorerie le permettait de sorte qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements. Elle ajoute que son activité est toujours viable et que le plan est respecté depuis 2020 et ce alors que l'échéance litigieuse a été régularisée entre les mains du mandataire le 14 mars 2024. Elle précise que son comptable atteste de ce qu'elle reste en mesure de faire face à son plan de redressement par voie de continuation d'activités et qu'il existe un excédent brut d'exploitation.
Par conclusions du 12 septembre 2024, le ministère public requiert de voir :
- infirmer le jugement querellé.
A l'appui de ses réquisitions, le ministère public fait valoir que les éléments du dossier produits en appel ne permettent pas d'établir un état de cessation des paiements avéré de sorte que la résolution du plan ne paraît pas devoir s'imposer.
M. [Z] [N], es qualité n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel lui ayant été signifiée le 08 avril 2024 par remise à personne habilitée conformément à l'article 658 du code de procédure civile.
Par courrier du 12 avril 2024, Me [Z] [N], es qualité, indique s'en rapporter à la décision de la cour n'ayant pas de fonds dans ce dossier.
La cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 16 septembre 2024.
Motivation
MOTIFS
Sur la cessation des paiements
L'article L626-27 du code de commerce dispose que ' I.-en cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l'exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité.
Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan. Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.
Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.
II.-dans les cas mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du I, le tribunal est saisi par un créancier, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public.
Il peut également se saisir d'office.
III.-après résolution du plan et ouverture de la nouvelle procédure, les créanciers soumis à ce plan sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues.'
Suivant l'article L. 631-1 du code de commerce, 'le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.'
Suivant l'article L. 631-1 du code de commerce, 'le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.'
En l'espèce, M. [O] n'a pas réglé la 3ème échéance annuelle du plan qui était exigible depuis le 14 octobre 2023 en dépit des relances qui lui ont été faites, pas plus qu'il ne s'est présenté à l'audience.
Toutefois, il y a lieu de relever de première part que depuis lors, il a réglé l'intégralité de cette échéance en mars 2024 de sorte que la situation a fait l'objet d'une régularisation. De seconde part, il est démontré par la production d'un contrat de réexpédition auprès de la Poste qu'il n'a pas été destinataire de la convocation pour l'audience du 13 mars 2024 expliquant ainsi son absence pour fournir les explications utiles sur sa situation.
En tout état de cause, il n'est pas démontré que la cessation des paiements soit acquise au moment où la cour statue au vu de l'attestation de l'expert-comptable qui certifie qu'au regard de sa situation financière, la SAS dans mon Monde reste en mesure de faire face à son plan de redressement par voie de continuation.
Par ailleurs, un état de situation intermédiaire de gestion s'établissant du 1er octobre 2023 au 29 février 2024 témoigne d'une production vendue pour 163.886,55 euros sur 05 mois avec un excédent brut d'exploitation de 34.394,98 euros.
Enfin, seul le passif exigible doit être pris en considération lequel n'a fait l'objet d'aucun examen pour être évalué à l'aune de l'actif disponible conformément aux exigences légales de sorte que la cessation des paiements n'est pas établie.
Par conséquent, M. [O] justifie de possibilités sérieuses de poursuite de son activité.
Le jugement déféré sera donc infirmé des chefs critiqués.
Par voie de conséquence, il sera ordonné la poursuite de la procédure de redressement judiciaire et le maintien de Me [Z] [N] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'équité commande de faire passer les dépens et frais d'exécution en frais privilégiés de procédure collective.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau ;
CONSTATE qu'il n'existe pas de cessation de paiements caractérisée ;
ORDONNE la poursuite de la procédure de redressement judiciaire ;
DIT que la Selarl LMJ, prise en la personne de Me [Z] [N], sera maintenue en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Y ajoutant,
DIT que les dépens et les frais d'exécution seront passés en frais privilégiés de procédure collective.