CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 6 novembre 2024, n° 24/16914
PARIS
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Next Technologies Innovations (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hébert-Pageot
Avocats :
Me Jouhanny, Me Boumaiza
FAITS ET PROCÉDURE :
Sur requête du ministère public et par jugement du 11 décembre 2023, le tribunal de commerce de Meaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Next Technologies, qui a pour activité la conception, fabrication de tous systèmes, matériels, produits et services dans le domaine des réseaux de télécommunication et des NTIC, et désigné la SELARL Garnier [L], en la personne de Maître [L], en qualité de mandataire judiciaire et la SELARJ [V] [T], en qualité d'administrateur judiciaire, avec une mission d'assistance.
Le 5 février 2024, le tribunal a maintenu la période d'observation et la poursuite d'activité jusqu'au 11 juin 2024, puis le 22 avril 2024 a renouvelé la période d'observation pour une durée de six mois, soit jusqu'au 11 décembre 2024 et dit que l'affaire sera évoquée à l'audience du 17 juin 2024 afin de statuer sur la poursuite de l'activité.
Par jugement du 23 septembre 2024, le tribunal de commerce de Meaux a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire aux motifs que le déroulement des opérations avait fait apparaitre l'impossibilité de présentation d'un plan de redressement par continuation ou de cession, la poursuite de l'activité risquant d'entrainer une aggravation du passif et a désigné la SELARL Garnier [L] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par déclaration du 1er octobre 2024, la société Next Technologies Innovations a relevé appel de ce jugement.
Par actes du 17 octobre 2024, la SAS Next Technologies Innovations a fait assigner devant le délégataire du premier président la SELARL Garnier [L] en qualité de liquidateur judiciaire et la SELARL Ajilink-Labis-[T], ès qualités d'administrateur judiciaire pour voir arrêter l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel, ordonner le maintien de la période d'observation jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Paris à intervenir, et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
La SELARL Garnier [L], ès qualités, sollicite le rejet de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
La SELARL Ajilink-Labis-[T], ès qualités d'administrateur judiciaire, n'a pas comparu mais a indiqué par courrier du 21 octobre 2024 s'en remettre à la sagesse du ' tribunal'.
Dans son avis notifié par RPVAle 17 octobre 2024, le ministère public invite le délégataire du premier président à suspendre l'exécution provisoire en ce que l'appelante soulève des moyens qui apparaissent sérieux.
Vu l'article R 661-1 du code de commerce.
Motivation
SUR CE,
Il résulte de l'article R.661-1 du code de commerce, dérogeant aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, que seuls des moyens sérieux d'appel permettent de suspendre l'exécution provisoire attachée au jugement de conversion en liquidation judiciaire.
Au soutien de sa demande de suspension de l'exécution provisoire, la société Next Technologies Innovations fait valoir:
- qu'elle n'a pas été régulièrement convoquée en vue de l'audience du 23 septembre 2024 ayant prononcé la conversion du redressement en liquidation judiciaire, qu'elle n'a reçu aucune note sur les circonstances de nature à motiver l'exercice par le tribunal de son pouvoir d'office ou sur requête du ministère public et que le tribunal n'a pas non plus été saisi d'une requête de l'administrateur ou du mandataire judiciaire aux fins de liquidation judiciaire,
- qu'elle n'est pas en cessation des paiements,
- et que tout redressement n'est pas manifestement impossible.
Le liquidateur réplique qu'aucun de ces moyens n'est sérieux et, s'agissant du premier moyen, que la procédure ayant abouti à la conversion du redressement en liquidation judiciaire a été régulièrement conduite, le tribunal ayant statué à la demande du mandataire judiciaire qui en avait préalablement avisé le débiteur.
Aux termes de l'article L631-15, II du code de commerce, le tribunal peut à tout moment de la période d'observation, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office prononcer le liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible. Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, les organes de la procédure et avoir recueilli l'avis du ministère public.
L'article R631-24 du même code dispose qu'Aux fins de prononcé de la liquidation judiciaire, le tribunal est saisi par voie de requête ou le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévue aux articles R631-3 ou R631-4".
Il ressort des pièces aux débats qu'en vue de l'audience du 23 septembre 2024, qui a donné lieu au jugement dont appel:
- le mandataire judiciaire a établi le 12 septembre 2024 un rapport sur la période d'observation aux termes duquel il concluait à la conversion des opérations en liquidation judiciaire. Par mail du 20 septembre 2024, le mandataire a adressé ce rapport à M.[R], directeur général de la société, ainsi qu'à l'avocat de la société,
- l'administrateur judiciaire a établi le 16 septembre 2024 un rapport destiné à éclairer les organes de la procédure sur l'évolution de l'activité de l'entreprise et ses perspectives de redressement en période d'observation, dans lequel il conclut qu'en l'état de ses constatations et en l'absence de dettes de période d'observation, il est favorable à un ultime renvoi au terme de la période d'observation pour confirmer la réalisation de la vente de R&D en décembre 2024 et qu'à défaut il sera contraint de solliciter la liquidation judiciaire à bref délai.
La seule mention dans la conclusion du rapport du mandataire judiciaire faisant le point sur la période d'observation, indiquant qu'il y a lieu de convertir les opérations en liquidation judiciaire, ne constitue pas une requête au sens de l'article R. 631-24 du code de commerce, mais plutôt un avis, de sorte que la société Next Technologies Innovations discute sérieusement le fait que le tribunal aurait décidé de la conversion sur saisine par le mandataire judiciaire. La circonstance que cet avis a été porté à la connaissance du débiteur avant l'audience est sans incidence sur la nature du document en question.
Il n'est pas allégué que l'administrateur aurait saisi le tribunal d'une requête en conversion du redressement en liquidation judiciaire, son rapport suggérant au contraire un dernier renvoi en décembre 2024.
Dès lors, la société Next Technologies Innovations soutient sérieusement qu'en l'absence de requête, le tribunal s'est saisi d'office aux fins de conversion et que les dispositions de l'article R631-3 du code de commerce devaient être respectées, de sorte qu'elle aurait dû être convoquée, la convocation devant être accompagnée d'une note exposant les faits de nature à motiver l'exercice par le tribunal de son pouvoir d'office.
Or, si le débiteur a bien comparu à l'audience du 23 septembre 2024, il n'est pas justifié d'une convocation à cette l'audience en vue d'examiner la conversion du redressement en liquidation judiciaire. Seule est produite la notification au débiteur, le 24 avril 2024, du jugement rendu le 22 avril 2024, qui a renouvelé la période d'observation jusqu'au 11 décembre 2024 et ordonné une nouvelle convocation pour le 17 juin 2024 afin de statuer sur la poursuite d'activité. Le courrier de notification qui rappelle cette nouvelle comparution à l'effet de voir statuer sur le renouvellement de la période d'observation, l'arrêt d'un plan, à défaut le prononcé de la liquidation judiciaire, concerne donc l'audience du 17 juin et non celle du 23 septembre 2024 à l'issue de laquelle il a été décidé de la conversion en liquidation judiciaire. En tout état de cause il n'est pas justifié d'une note jointe à la convocation exposant les faits de nature à motiver l'exercice par le tribunal de son pouvoir d'office.
Le moyen selon lequel la procédure de conversion n'aurait pas respecté le formalisme prévu par l'article R. 631-3 du code de commerce apparaît dès lors sérieux.
Il sera en conséquence fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement dont appel.
PAR CES MOTIFS,
Arrêtons l'exécution provisoire attachée au jugement du 23 septembre 2024,
Disons que les dépens du référé suivront le sort de ceux de l'appel.