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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 24 octobre 2024, n° 24/12032

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

SELARL BAECHLIN MOISAN, SCP CORDELIER & ASSOCIES, SCP VAILLANT ET ASSOCIES, SELARL CABINET MAET AVOCATS, SCP LETU ITTAH ASSOCIES, SCP GRAPPOTTE BENETREAU, SELARL RODAS - DEL RIO, SELEURL FRENKIAN AVOCATS, SCP DROUINEAU, SELARL CAUSIDICOR, SARL M2J AVOCATS

TJ Paris, du 21 juin 2024

21 juin 2024

Mme est propriétaire d'un bien immobilier sis (17) dont elle a entrepris la rénovation et la restructuration.

Elle a confié une mission de maîtrise d'oeuvre à la société.

Sont intervenues à l'acte de construire les sociétés.

Se plaignant de nombreux désordres, Mme a, par actes extrajudiciaires des 11 et 12 septembre 2023, fait assigner la société et son assureur, la société d'assurance mutuelle , la société la société, la société et son assureur, la société , la société Dupeux Cedrick, la société ès qualités d'assureur des sociétés , la société Raynaud Gaëtan et son assureur la société la société et son assureur la société devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins notamment de voir ordonner une mesure d'expertise in futurum.

A l'audience du 1er février 2024, le juge des référés, en application de l'article 487 du code de procédure civile, a renvoyé l'affaire en état de référé devant la formation collégiale siégeant le 23 avril 2024.

Par jugement rendu en état de référé, réputé contradictoire, du 21 juin 2024, le tribunal judiciaire de Paris : ! a déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société architecte ;

- s'est déclaré territorialement incompétent ;

- a renvoyé l'affaire et les parties devant le président du tribunal judiciaire de La Rochelle statuant en référé ;

- a ordonné que la présente décision soit notifiée aux parties par lettre recommandée en application de l'article 84 du code de procédure civile ;

- a dit qu'à défaut d'appel dans un délai de quinze jours à compter de cette notification, le dossier de l'affaire serait transmis par le secrétariat avec une copie de la décision de renvoi à la juridiction désignée en application de l'article 82 du code de procédure civile;

- a réservé les dépens de l'instance et les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 9 juillet 2024, Mme a relevé appel de cette décision en ce qu'elle : ! a déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société ;

- s'est déclarée territorialement incompétent ;

- a renvoyé l'affaire et les parties devant le président du tribunal judiciaire de La Rochelle statuant en référé.

Par ordonnance du 8 juillet 2024, Mme a été autorisée à faire assigner les intimés à jour fixe, ce qu'elle a fait par actes extrajudiciaires des 18, 20 et 22 juillet 2024 remis au greffe le 25 juillet 2024.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 5 septembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, Mme demande à la cour de : ! infirmer le jugement rendu en état de référé le 21 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Paris en toute ses dispositions ; statuant à nouveau : ! juger que le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris était compétent pour statuer sur les demandes formées par elle ;

- désigner tel expert judiciaire architecte avec mission de : ! convoquer les parties et entendre tout sachant à titre de renseignement ;

- se rendre sur les lieux après y avoir convoqué les parties ;

- visiter l'immeuble objet des désordres constituant la propriété de Mme ! examiner les désordres, non-conformités et malfaçons visés dans l'assignation et visés dans les pièces, et plus généralement tous les désordres non-conformités existant et imputables aux travaux réalisés ;

- les décrire ;

- préciser la date d'apparition des désordres, malfaçons, non-conformités dans toute leur composante, leur ampleur et leurs conséquences ;

- dire s'ils ont été réservés à la livraison ou s'ils sont apparus durant l'année de garantie de parfait achèvement ;

- donner tous les éléments sur le point de savoir si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels, à la réglementation et règles de l'art;

- préciser de façon motivée si les désordres compromettent actuellement la solidité de l'ouvrage ou s'ils le rendent impropre à sa destination ;

- donner tous éléments motivés sur les causes et origines des désordres ;

- fournir tout élément technique et de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuelles encourues et d'évaluer, s'il y a lieu, tous les préjudices subis ;

- donner son avis sur les travaux éventuellement nécessaires à la reprise des désordres et non-conformités dont il s'agit ;

- dire les travaux devant être achevés ;

- donner un avis détaillé sur les responsabilités encourues ;

- les évaluer à l'aide de devis produits par les parties ;

- faire le compte entre les parties ;

- lister les préjudices subis ;

- faire généralement toutes constatations, observations et suggestions utiles pour parvenir à la solution du différend ;

- établir un pré-rapport avant l'établissement de son rapport définitif en laissant aux parties le temps de régulariser des dires récapitulatifs ;

- réserver les dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 29 juillet 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société e, recherchée en sa qualité d'assureur de la société demande à la cour de : ! la déclarer recevable en ses écritures ;

- réformer le jugement entrepris ; statuant à nouveau, ! déclarer le président du tribunal judiciaire de Paris compétent ;

- juger bien fondées ses protestations et réserves sur la demande d'expertise sollicitée ;

- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 29 juillet 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société , demande à la cour de : ! infirmer le jugement rendu en état de référé le 21 juin 2024 en toutes ses dispositions ; statuant à nouveau, ! juger que le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris est compétent pour statuer sur la demande formée par ;

- acter les protestations et réserves formées par elle recherchée en qualité d'assureur des sociétés ;

- réserver les dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 1er août 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société demande à la cour de : ! la déclarer recevable en ses écritures ; en tout état de cause, ! constater qu'elle ne s'oppose nullement à ce que les opérations d'expertise ordonnées lui soient communes et opposables ;

- constater qu'elle formule les plus expresses protestations et réserves d'usage quant aux opérations d'expertise qui seront ordonnées ;

- confirmer le jugement rendu en état de référé le 21 juin 2024 ;

- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 7 août 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société demande à la cour de : ! la recevoir en ses conclusions et la dire bien fondée ;

- prendre acte des ses plus expresses protestations et réserves quant à la demande d'expertise de ;

- prendre acte du fait qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour d'appel en ce qui concerne la compétence du tribunal judiciaire de Paris en sa formation des référés pour connaître de la présente affaire.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 8 août 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société demande à la cour de : ! infirmer l'ordonnance du 21 juin 2024 en ce que le juge des référés s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de la Rochelle et statuant à nouveau ;

- constater qu'elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur la question de la compétence territoriale ;

- constater qu'elle ne s'oppose pas à la demande d'expertise judiciaire sous les plus expresses réserves de garantie ;

- ordonner le complément de mission suivant : ! préciser si une réception a eu lieu et à quelle date, avec ou sans réserve ;

- déterminer l'origine des désordres ;

- préciser pour chaque désordre s'il a été réservé ou s'il était caché ou apparent lors de la réception ;

- pour chacun des désordres, préciser si les dommages compromettent la solidité de l'ouvrage ou si, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, ils le rendent impropres à sa destination ;

- donner son avis sur les responsabilités de chacun des intervenants à l'acte de construire ;

- déposer un pré-rapport avec un chiffrage détaillé par désordre et poste par poste en distinguant le coût des reprises des travaux de son assuré, avec un délai d'un mois pour le dépôt des dires ;

- rejeter le surplus des demandes.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 8 août 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la compagnie demande à la cour de : à titre principal, ! juger qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour d'appel de céans sur les demandes de ;

- réserver les dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 août 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société demande à la cour de : ! juger que le tribunal judiciaire de Paris est incompétent pour statuer sur la mesure d'expertise judiciaire in futurum sollicitée par Mme ; et en ce sens, ! confirmer le jugement rendu le 21 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;

- ordonner le renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire de La Rochelle territorialement compétent pour traiter du litige dont est saisi le tribunal de céans à la suite de la requête de ; à titre subsidiaire, ! prendre acte de ce que la société entend émettre toutesles protestations et réserves tant au regard de la recevabilité que du bien fondé de la demande d'expertise judiciaire formulée à son contradictoire ;

- prendre acte de ce que la société n'entend pas s'opposer à la demande d'expertise judiciaire sollicitée aux frais avancés de la demanderesse ; en tout état de cause, ! rejeter toutes demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la société ;

- condamner à payer à la société la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ! condamner aux entiers dépens.

Mme a fait assigner la société ès qualités de liquidateur judiciaire de la société par acte de commissaire de justice du 18 juillet 2024 remis à une personne habilitée à recevoir l'acte, annexant la déclaration d'appel, la requête aux fins d'autorisation d'assignation à jour fixe et l'ordonnance du 8 juillet 2024.

La société , ès qualités de liquidateur judiciaire de la société n'a pas constitué avocat.

Mme a fait assigner la société par acte de commissaire de justice le 18 juillet 2024, à l'étude après vérification du domicile, annexant la déclaration d'appel, la requête aux fins d'autorisation d'assignation à jour fixe et l'ordonnance du 8 juillet 2024.

La société n'a pas constitué avocat.

Mme a fait assigner la société par acte de commissaire de justice le 18 juillet 2024, remis à une personne qui a déclaré être habilitée à recevoir l'acte, annexant la déclaration d'appel, la requête aux fins d'autorisation d'assignation à jour fixe et l'ordonnance du 8 juillet 2024.

La société n'a pas constitué avocat.

Mme a fait assigner la par acte de commissaire de justice le 16 juillet 2024, remis à une personne qui a déclaré être habilitée à recevoir l'acte, annexant la déclaration d'appel, la requête aux fins d'autorisation d'assignation à jour fixe et l'ordonnance du 8 juillet 2024.

La n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce, A titre liminaire, la cour constate que le jugement n'est pas utilement critiqué en ce qu'il déclare recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la compétence territoriale Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Selon l'article 42 du même code, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux.

Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger.

L'article 46 du même code prévoit que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : ! en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ;

- en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

- en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble ;

- en matière d'aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier.

Au cas présent, Mme a, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris afin de voir ordonner une mesure d'expertise portant sur un immeuble situé (17). Elle poursuit l'infirmation de la décision attaquée qui, déclinant sa compétence territoriale, a jugé que le juge des référés du tribunal judiciaire de la Rochelle était compétent. Elle considère que cette décision viole le principe de la sécurité juridique et du droit à un procès équitable. Les sociétés , , et sollicitent également l'infirmation de la décision entreprise de ce chef.

Les sociétés s'en remettent à la sagesse de la cour.

La société , qui conclut à la confirmation du jugement entrepris, maintient l'incompétence du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris au profit du juge des référés de La Rochelle en s'appropriant les motifs du tribunal. Elle expose que la plupart des parties au litige, outre les assureurs de responsabilité, sont des intervenants au chantier qui sont domiciliés en Charente-Maritime, lieu où doit s'exécuter la mesure d'instruction in futurum alors même qu'aucune partie n'a été mise en cause.

La société demande également la confirmation du jugement. Elle affirme que les entreprises assignées par Mme ayant leursiège social dans le département de la CharenteMaritime, ne sont pas de taille importante et devront supporter des coûts de postulation disproportionnés si la compétence de la juridiction parisienne est retenue.

Pour accueillir l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société , le tribunal a retenu que les mesures d'instruction in futurum régies par l'article 145 du code de procédure civile, relevaient d'un régime autonome, y compris s'agissant des règles de compétence territoriale. D'une part, le tribunal invoquant la notion de bonne administration de la justice, a considéré que devait être privilégiée, s'agissant d'une mesure d'expertise relative à un bien immobilier, la proximité du juge des référés, plus éclairé pour faire le choix d'un expert local et celle du juge chargé du contrôle des expertises.

D'autre part, le tribunal s'est fondé sur le principe de proportionnalité justifié par la nécessaire proximité du juge et par le choix de la mesure la plus simple et la moins onéreuse. Le tribunal en a déduit que lorsque la mesure d'instruction in futurum sollicitée est une mesure d'expertise judiciaire portant sur un bien immobilier, le principe d'une bonne administration de la justice impose de retenir la compétence exclusive du président du tribunal statuant en référé dans le ressort duquel la mesure doit être exécutée, à l'exclusion de toute autre compétence et notamment celle de la juridiction des réferés du ressort du domicile d'un des défendeurs, souvent nombreux dans ces procédures (promoteurs, intervenants à l'acte de construire, assureurs), qui peut se situer à une distance très éloignée du lieu de situation de l'immeuble et du domicile de l'ensemble des autres parties.

Mais il résulte des articles 145, 42 et 46 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête ou en référé sur une demande fondée sur le premier de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-21.012, publié).

D'une part, les règles de procédure civile doivent répondre à un double impératif de lisibilité et de prévisibilité. L'interprétation qui est faite de la combinaison des articles 145, 42 et 46 du code de procédure civile, par une jurisprudence constante, poursuit un objectif légitime de sécurité juridique et de bonne administration de la justice sans porter une atteinte disproportionnée aux droits des parties, notamment au droit d'accès effectif à un tribunal. La seule circonstance que la mesure d'expertise sollicitée concerne un immeuble ne saurait justifier l'abandon de cette jurisprudence.

D'autre part, en l'espèce, quatre des défendeurs assignés sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la société , la société , la société ont leur siège social à Paris. Le tribunal judiciaire de Paris est donc susceptible de connaître de l'instance au fond.

Ni la circonstance que cinq des douze défendeurs à la mesure d'expertise sollicitée soient domiciliés dans le ressort du tribunal judiciaire de la Rochelle ni le fait que le bien immobilier, objet de la mesure d'expertise, soit situé dans le ressort de cette juridiction ne justifient de déroger, au cas présent, au droit d'option susvisé dont Mme demanderesse à la mesure d'instruction in futurum, bénéficie. Au regard de l'ensemble desintérêts des parties en présence, ce droit d'option ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à l'accès des défendeurs au juge des référés puis, le cas échéant, au juge chargé du contrôle des expertises ni ne nuit à une bonne administration de la justice.

Mme pouvait donc opter pour la compétence du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris.

La décision entreprise sera en conséquence infirmée en ce qu'elle s'est déclarée territorialement incompétente et a renvoyé les parties devant le président du tribunal judiciaire de la Rochelle statuant en référé.

Sur l'évocation Aux termes de l'article 88 du code de procédure civile, lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.

Au cas présent, la cour est juridiction d'appel relativement au tribunal judiciaire de Paris.

La nature de la mesure sollicitée, à savoir une expertise fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, commande de donner à l'affaire une solution définitive et rapide, les parties, qui ont conclu sur le fond, ne s'étant pas opposées à l'évocation.

Sur la demande d'expertise Selon les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

La cour rappelle que, pour ordonner une expertise en application de l'article 145 du code de procédure civile précité, le juge des référés doit - seulement - constater l'existence d'un procès latent, possible et non manifestement voué à l'échec, dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, l'expertise judiciaire ordonnée n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

En l'espèce, au soutien de sa demande d'expertise, Mme expose que de nombreux désordres se sont révélés après les travaux de rénovation pendant l'année de la garantie de parfait achèvement. Elle soutient que demeurent les réserves et désordres relatifs à divers points dont l'étanchéité du salon, l'altimétrie des terrasses, les circuits extérieurs des eaux usées, les enduits extérieurs, le linteau du porche, la buanderie, les tuiles à reprendre dans la toiture, le plafond de la chambre 3, l'humidité au plafond de la salle-de-bains 3, une absence d'aération de la chambre 1, la cuisine 2 non ventilée par une VMC, des carreaux au sol fissurés, l'extrémité de la dalle au sol de l'entrée sur rue non collée, l'absence de carte d'identification pour refaire des doubles des clés, le nez de l'avant dernière marche de l'escalier de la maison principale insuffisamment fixé, le portail de la buanderie 2 non fixé au sol, les défauts des joints entourant l'attache au mur des bergères fixant les volets, la conduite alimentant un point d'eau extérieur mal enterrée et non repérable, l'extrémité vers l'angle de la surélévation de la partie initiale de la gouttière passant sur la façade sud de la chambre 8 non jointoyée avec la façade, l'impossibilité d'ouvrir la porte extérieure de la buanderie et l'impossibilité d'utiliser et de verrouiller la porte extérieure du garage. Mme produit le procès-verbal de réception et la liste des réserves formulées (sa pièce n° 7).

Par ailleurs, Mme expose que le bien a subi trois sinistres. Elle fait état de deux dégâts des eaux en janvier 2023 dans le salon et dans la cuisine qu'elle impute à des défauts de conception et d'exécution des travaux en se fondant sur un rapport d'expertise amiable (ses pièces n° 10 et 11). Elle ajoute que le rapport d'expertise amiable a mis en exergue que le réseau d'eaux usées présente “un grand nombre de dommages, cassure, perforation et nombreux écrasements ponctuels.” (sa pièce n° 12).

Enfin, elle fait valoir que la maison a subi des inondations en novembre 2023.

Elle estime que la maison est, en l'état, inhabitable.

Ces éléments rendent plausible un litige au fond à l'encontre des constructeurs qui sont intervenus à l'acte de construire et de leurs assureurs de sorte que le motif légitime prévu par l'article 145 du code de procédure civile est établi. La mesure d'instruction sollicitée sera ordonnée dans les conditions du présent dispositif, étant prise en considération la demande de la société de complément de mission.

S'agissant d'une demande d' expertise in futurum ordonnée dans l'intérêt de la demanderesse, alors qu'aucune responsabilité n'est établie avec l'évidence requise en référé, celle-ci supportera l'avance des frais d'expertise ainsi que les dépens de première instance et d'appel.

Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel ;

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il déclare recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la société ;

Dit que le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris est compétent ;

Evoquant en application de l'article 88 du code de procédure civile,

Donne acte des protestations et réserves formulées en défense ;

Ordonne une expertise judiciaire et désigne pour y procéder: lequel pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, avec pour mission de :

- se rendre sur les lieux après y avoir convoqué les parties ;

- examiner les désordres, malfaçons, non conformités et/ou inachèvements au regard des documents contractuels liant les parties tels qu'allégués dans l'assignation délivrée à la requête de Mme et, le cas échéant, sans nécessité d'extension de mission, tous désordres connexes ayant d'évidence la même cause mais révélés postérieurement à l'assignation, sans préjudice des dispositions de l'article 238 alinéa 2 du code de procédure civile ;

- les décrire, en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition ; en rechercher la ou les causes ; en détailler l'origine, les causes et l'étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions ; indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ; dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art ; fournir tous les éléments de fait permettant à la juridiction de déterminer si les travaux ont été réceptionnés par le maître de l'ouvrage ; si un procès-verbal de réception a été établi, en préciser la date, le contenu et en annexer une copie au rapport ; rechercher la date d'apparition des désordres et malfaçons et le cas échéant donner tous élément de fait permettant à la juridiction de déterminer s'ils étaient ou non apparents pour un maître d'ouvrage non professionnel ; donner son avis sur les solutions appropriées pour y remédier, telles que proposées par les parties ; évaluer le coût des travaux utiles à l'aide de devis d'entreprises fournis par les parties ; donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation ; rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ; donner, le cas échéant, son avis sur les comptes entre les parties ;

Dit qu'en cas d'urgence ou de péril en la demeure reconnue par l'expert, ce dernier pourra autoriser le demandeur à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l'expert, sous la direction du maître d'oeuvre du demandeur, par des entreprises qualifiées de son choix ; que, dans ce cas, l'expert déposera un pré-rapport, ou une note aux parties valant pré-rapport, précisant la nature, l'importance et le coût de ces travaux.

Dit que pour procéder à sa mission l'expert devra : - convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise ; - se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment, s'il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d'exécution, le dossier des ouvrages exécutés ; - se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ; - à l'issue de la première réunion d' expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations; l'actualiser ensuite dans le meilleur délai : en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations; en les informant de l'évolution de l'estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s'en déduisent ; en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées ; en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ; - au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s'expliquera dans son rapport (par ex. : réunion de synthèse; communication d'un projet de rapport), et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations: - fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ; - rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au delà de ce délai.

Fixe à la somme de 5 000 euros la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par Mme Savant le 25 novembre 2024, entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Paris ; Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée et accordée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet.

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de ce tribunal avant le 1 er mai 2025 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle.

Dit que l'exécution de la mesure d'instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Paris, spécialement désigné à cette fin ; Condamne Mme aux dépens de première instance et d'appel ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.