Décisions

Cass. com., 14 février 2006, n° 03-19.823

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. TRICOT

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 septembre 2003), que la société PPR Interactive (la société PPRI) a signé entre le 18 février et le 1er mars 2000 une série de conventions avec la société Netbranding compagny (la société NBC), exploitant un site internet, et avec ses fondateurs, M. X... et les époux Y..., par lesquelles elle s'est engagée à apporter à la société NBC, d'une part, en mars 2000, une somme de 15 millions de francs en contrepartie de 350 actions lui conférant une participation de 39,1 % du capital, d'autre part, au plus tard le 30 novembre 2000, par l'exercice d'un bon de souscription d'actions, une somme complémentaire de 10 millions de francs, lui donnant droit à un nombre d'actions variable, aboutissant à une participation pouvant atteindre 39,14 %, 42 %, 46,3 % ou de 54 % selon des seuils décroissants de nombre de pages vues sur le site du 15 août au 15 octobre 2000, apprécié en moyenne mensuelle ;

que la société PPRI a souscrit la première augmentation de capital ; qu'à la suite d'un désaccord entre les parties sur le décompte des pages vues sur le site, la société NBC, M. X... et les époux Y... ont saisi en référé le président du tribunal de commerce qui, par ordonnance du 19 décembre 2000, a condamné la société PPRI à payer en exécution du bon de souscription d'actions la somme de 10 millions de francs à la société NBC ; que le 18 juillet 2001, l'assemblée générale extraordinaire de la société NBC a décidé la dissolution anticipée de celle-ci et sa liquidation amiable ; que le 7 et 23 août 2001, la société PPRI a assigné M. X... et les époux Y... devant le tribunal de grand instance en paiement de dommages-intérêts, invoquant un manquement à une obligation de faire assortie d'obligations de loyauté, d'information et de collaboration contractées lors des conventions signées en février et mars 2000 ; que le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance incompétent au profit du tribunal de commerce sur le fondement de l'article L. 411-4 3 du Code de l'organisation judiciaire ;

Attendu que M. X... et les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance d'incompétence du juge de la mise en état alors, selon le moyen :

1 / que c'est au jour de la conclusion du contrat que le juge doit se placer pour rechercher si une cession d'actions a ou non pour objet ou pour effet le changement de contrôle de la société ; qu'en retenant en l'espèce, pour qualifier la cession litigieuse de cession de contrôle, que la société NBC au jour de la décision, sans rechercher si, au jour de la conclusion du contrat, tel était bien l'objet ou l'effet des accords litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 411-4 du Code de l'organisation judiciaire ;

2 / qu'aucune décision n'était intervenue pour fixer le nombre d'actions conférées à la société PPR Interactive en échange de son bon de souscription, l'ordonnance de référé du 19 décembre 2000 n'ayant fait qu'ordonner à cette société de verser la somme promise de dix millions de francs sans fixer le nombre d'actions correspondantes ;

qu'en énonçant que la société PPR Interactive "détient à ce jour la majorité du capital en exécution des accords intervenus" sans indiquer d'où proviendrait cette détention, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que la cession d'actions ou de parts sociales est en principe un acte de nature civile, relevant donc de la compétence des juridictions civiles ; que par exception seule la cession, qui a pour objet ou pour effet d'assurer aux acquéreurs le contrôle de la société dont les titres sont cédés, constitue un acte de commerce relevant de la compétence des juges consulaires ; que, par définition, tel n'est pas le cas d'une cession qui n'a pas pour objet ou effet certains le transfert du contrôle, celui-ci n'étant qu'une conséquence éventuelle de l'accord et dépendant de la survenance d'un événement aléatoire extérieur aux parties ; qu'en déduisant en l'espèce la nature commerciale de la cession litigieuse du seul fait que la cession litigieuse pouvait éventuellement procurer à la société PPR Interactive le contrôle de la société, tout en constatant, qu'en fonction de l'événement aléatoire choisi par les parties, "le contrôle était conféré à la société PPR Interactive dans la seule hypothèse où le nombre de pages lues serait égal ou inférieur à 4 400 000 (lire 2 000 000)" et que la cession pouvait tout aussi bien conduire la société PPR Interactive à ne détenir que 39,14 %, 42 % ou encore 46,3 % du capital de la société NBC, et donc ne pas aboutir à une prise de contrôle à son profit, de sorte que cette cession devait conserver sa nature civile, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 411-4 du Code de l'organisation judiciaire ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 411-4,2 du Code de l'organisation judiciaire, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales ;

Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le litige entre les parties, associées de la société NBC, portait sur le nombre d'actions de cette société devant être attribuées à la société PPRI en exécution des conventions conclues entre cette dernière et la société NBC et ses actionnaires ; que par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux critiqués par le moyen, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.