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Décisions

Cass. com., 27 novembre 2024, n° 23-21.822

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocats :

SAS Hannotin Avocats, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Versailles, du 10 oct. 2023

10 octobre 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles,10 octobre 2023), le 25 octobre 2016, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Nota conseils M a été constituée, les statuts répartissant le capital entre Mme [X] et la société Nota conseils.

2. Le 27 septembre 2017, la société Nota conseils M a été agréée comme notaire par arrêté du Garde des [Localité 6].

3. Le 9 avril 2021, soutenant que la société Nota conseils n'avait acquis la personnalité morale que le 17 novembre 2016, date de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, Mme [X] et la société Nota conseils M l'ont assignée en nullité de l'ensemble des actes conclus par elle avant cette date. La société Nota conseils a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [X] et la société Nota conseils M font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a déclaré irrecevables, comme prescrites, leurs demandes, alors « que la prescription triennale des actions en nullité, propre au droit des sociétés, ne s'applique qu'aux actes de la société qui sont argués de nullité pour une raison également propre au droit des sociétés ; que tel n'est pas le cas de l'acte de souscription, par la société en question, au capital d'une autre société, quand cet acte de souscription est exposé à la nullité absolue tenant à la circonstance que ledit acte a été conclu "par le gérant, ès qualité de représentant de la société", cependant que ladite société n'était pas immatriculée et que, l'acte n'ayant pas été conclu par une personne juridique "au nom de la société en formation", aucune procédure de reprise n'a pu intervenir ; qu'en pareille hypothèse, l'acte de souscription n'est pas l'acte d'une société mais, précisément, d'un groupement dépourvu de personnalité juridique ; qu'au cas présent, il est constant que l'acte de souscription au capital de la société d'exploitation Nota conseils M a été passé par "la société Nota Conseils [holding], représentée par son gérant", le 25 octobre 2016, cependant qu'à cette date, faute d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la société holding Nota conseils était dépourvue de personnalité morale ; qu'il en résultait que l'acte litigieux, entaché de nullité absolue, n'était pas un "acte de la société" ; que la cour d'appel a toutefois retenu l'application au cas d'espèce des textes du droit des sociétés afférents à la prescription de l'action en nullité visant les actes de la société ; qu'on lit ainsi dans l'arrêt attaqué : "En l'espèce, les deux sociétés ont été constituées le même jour, le 25 octobre 2016. En effet, une société est constituée dès la signature de ses statuts indépendamment de son immatriculation au RCS qui lui confère la personnalité morale. Le jour même de sa constitution, le 25 octobre 2016, la société Nota conseils a souscrit au capital de la société Nota conseils M. Il est bien indiqué dans les statuts de la société Nota Conseil M […] que celle-ci est constituée entre les soussignés "La société dénommée Nota Conseils, société de participation financière de profession libérale à responsabilité limitée au capital de 1 000 euros, dont le siège est à [Adresse 5], en cours d'immatriculation au RCS de [Localité 4]". La souscription par la société Nota conseils au capital de la société Nota conseils M est donc bien postérieure à sa constitution. C'est donc bien la prescription de trois ans qui trouve à s'appliquer" ; qu'en statuant ainsi, cependant que, n'étant pas en présence d'un acte d'une société, mais d'un acte d'une personne physique qui n'avait pas même la qualité d'organe d'une personne morale, faute d'immatriculation, la cour d'appel, qui a fait une application d'un droit spécial ici non applicable, a violé les articles 1842, 1844-14 et 2224 du code civil, ensemble les articles L. 110-4, L. 210-6 et L. 235-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. La prescription triennale prévue aux articles 1844-14 du code civil et L. 235-9, alinéa 1, du code de commerce est applicable aux actions en nullité des actes accomplis postérieurement à la constitution de la société, indépendamment de la date à laquelle la société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés.

7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

8. Mme [X] et la société Nota conseils M font le même grief à l'arrêt, alors « que l'assignation de Mme [X] et de la société d'exploitation Nota conseils M tendait à l'annulation, d'un côté, de l'acte de souscription par la société holding Nota conseils au capital de la société d'exploitation Nota conseils M, d'un autre côté, du pacte extrastatutaire d'associés imposé par la société holding Nota conseils, en partie seulement pour la même raison juridique (défaut d'immatriculation – était en outre visé le caractère illicite des principales clauses du pacte) ; qu'au cas présent, la cour d'appel n'a accordé aucun motif à cette question distincte liée à la nullité du pacte d'associés puisqu'elle a limité sa motivation à la prétendue prescription de l'action en nullité de l'acte de souscription de la société holding Nota conseils au capital social de la société d'exploitation Nota conseils M ; qu'en confirmant l'ordonnance entreprise, notamment en ce qu'elle avait déclaré l'ensemble des demandes de Mme [X] et de la société Nota conseils M irrecevable comme prescrit, en ce compris celle relative à la nullité du pacte extrastatutaire d'associés, sans consacrer le moindre motif à cette question spécifique, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, et partant a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

10. Pour confirmer l'ordonnance ayant déclaré irrecevables, comme prescrites, les demandes de Mme [X] et de la société Nova conseils M, l'arrêt relève que ces dernières demandent la nullité d'un acte passé par la société Nota conseils, à savoir la souscription au capital de la société Nota conseils M. Il rappelle les termes des articles 1844 du code civil et L. 235-9, alinéa 1, du code de commerce et énonce qu'une société est constituée dès la signature de ses statuts indépendamment de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés qui lui confère la personnalité morale. Il retient que la souscription, par la société Nota conseils, au capital de la société Nota conseils M est postérieure à sa constitution. Il en déduit que c'est la prescription triennale prévue aux articles 1844-14 du code civil et L. 235-9, alinéa 1, du code de commerce qui s'applique, le point de départ du délai devant être fixé au jour de l'agrément délivré à la société Nota conseils M.

11. En statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision s'agissant de la demande de nullité du pacte extra-statutaire conclu par Mme [X] et la société Nota conseils le 25 octobre 2016, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que confirmant l'ordonnance, il déclare irrecevable la demande de nullité du pacte d'associés conclu entre la société Nota conseils et Mme [X] le 25 octobre 2016 et en ce qu'il statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 10 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.