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Cass. com., 27 novembre 2024, n° 23-10.621

COUR DE CASSATION

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Rejet

Cass. com. n° 23-10.621

27 novembre 2024

COMM.

SH

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 novembre 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 708 F-D

Pourvoi n° V 23-10.621

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 NOVEMBRE 2024

1°/ M. [O] [Z],

2°/ Mme [D] [C], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 2], [Localité 3],

ont formé le pourvoi n° V 23-10.621 contre l'arrêt n° RG 18/02557 rendu le 15 novembre 2022 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, civile), dans le litige les opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 15 novembre 2022, RG n° 18/02557), afin de bénéficier d'une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, M. et Mme [Z] ont joint à leurs déclarations d'ISF des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa Kappa certifiant qu'ils avaient investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe.

2. Considérant que la société Finaréa Kappa n'avait pas cette qualité, de sorte que M. et Mme [Z] ne pouvaient prétendre à l'avantage en cause, l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification.

3. Après rejet de leur réclamation contentieuse, M. et Mme [Z] ont assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions réclamées.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

En application de l'article 1014 alinéa 2 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ce grief qui est irrecevable.

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter toutes leurs demandes alors :

« 1°/ que lorsque le contribuable le demande, l'administration fiscale est tenue de transmettre, avant toute mise en recouvrement, l'intégralité des pièces obtenues de tiers figurant au dossier de l'administration ; que les pièces à communiquer ainsi au contribuable comprennent non seulement les pièces à charge, que l'administration a choisi de viser à l'appui de sa proposition de rectification, et les pièces à décharge, celles qui sont de nature à disculper le contribuable voire même simplement à jeter un autre jour sur les pièces à charge pour les contextualiser ou en amoindrir la portée ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'administration fiscale a nourri le dossier constitué à l'endroit des époux [Z] par un dossier constitué lors d'une vérification de comptabilité menée dans la société holding, dont le caractère animateur était en débat ; qu'en réponse au moyen des consorts [Z] selon lequel le défaut de transmission de cet entier dossier à la disposition de l'administration et qui aurait permis, s'il avait été soumis loyalement au juge, de jeter un regard différent sur le caractère animateur de la holding, la cour d'appel a retenu que les exposants n'auraient pas eu droit à pareille communication : "les intimés [époux [Z]] ne disposent pas d'un droit d'accès à l'ensemble des pièces détenues par l'administration" , insistant sur l'idée que l'arrêt Glencore de la CJUE "n'institue pour autant pas de droit pour le contribuable à accéder à toutes les pièces dont l'administration dispose à quelque titre que ce soit" ; qu'en statuant ainsi, cependant que, précisément, le contribuable qui le demande a droit à la communication de l'entier dossier de pièces de l'administration, celle-ci n'ayant le droit de l'expurger que des analyses de ses agents constituées par exemple sous forme de notes, mais non de pièces recueillies chez des tiers, la cour d'appel a violé l'article L. 76 B du Livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble les principes de loyauté et des droits de la défense ;

2°/ que l'administration fiscale est tenue d'établir une liste des documents figurant à son dossier, à partir desquels elle entend notifier sa proposition de rectification, avant toute mise en recouvrement, afin que le contribuable puisse utilement exercer son droit de communication, en précisant les pièces dont il entend obtenir transmission ; qu'au cas présent, en réponse au moyen des époux [Z] selon lequel l'administration n'avait pas, à tort, transmis les documents à décharge présents à son dossier, la cour d'appel a retenu que les contribuables n'établissaient pas l'existence de ces documents à décharge : "il résulte de ce qui précède que l'existence de pièces "à décharge" invoquée par les intimés et résultant de la seule issue présentée comme favorable de la procédure de vérification n'est pas établie"; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il n'incombe pas au contribuable d'établir la liste des documents de fond au dossier de l'administration, la cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé de plus fort l'article L. 76 B du Livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble les principes de loyauté et des droits de la défense. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas applicable au présent litige, dès lors que l'ISF n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union. Il en va de même de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l'espèce, à contester le bien-fondé des suppléments d'impôt mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités.

6. En second lieu, selon l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande.

7. L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition.

8. Ni ce texte ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due.

9. Ce texte n'impose pas non plus à l'administration fiscale d'adresser aux contribuables une liste spécifique des documents qu'elle invoque dés lors qu'ils sont identifiés dans le contenu de la proposition de rectification.

10. Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès.

11. L'arrêt retient que l'arrêt précité de la CJUE n'institue pas de droit pour le contribuable à accéder à toutes les pièces dont l'administration fiscale dispose à quelque titre que ce soit. Il relève également que l'administration a produit l'actif figurant au premier bilan de la société holding, le pacte d'associés ainsi que le contrat d'animation liant la holding à sa société opérationnelle Héliodore, le rapport de gestion de la holding au titre de l'exercice clos le 30 juin 2010, le contrat de prestation de services en vigueur en 2010 relatif au gérant de participations, le règlement intérieur du GIE Finaréa Services. Il ajoute que si aucune liste formelle ou énumération sous quelque forme que ce soit des pièces ayant fondé le rehaussement ne figurent à la proposition de rectification, ces éléments résultaient de la seule lecture de la motivation de l'administration. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que la procédure était régulière.

12. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [Z] et les condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.