CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 22 novembre 2024, n° 22/18110
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Valeo Systèmes Thermiques (SAS), Valeo Service (SASU)
Défendeur :
Nissens Cooling Solutions A/S, Nissen France (SARLU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Vice-président :
Mme Salord
Conseiller :
M. Buffet
Avocats :
Me Desrousseaux, Me Martin, Me Micallef, Me Monégier du Sorbier
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement rendu le 21 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l'appel de ce jugement par les sociétés Valeo Systèmes Thermiques et Valeo Service formé par déclaration du 20 octobre 2022,
Vu les dernières conclusions notifiées par les sociétés Valeo Systèmes Thermiques et Valeo Service le 20 mars 2024,
Vu les dernières conclusions notifiées par les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France le 15 mai 2024,
Vu l'ordonnance de clôture du 23 mai 2024,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société Valéo Systèmes Thermiques- filiale du groupe Valéo, équipementier automobile, a pour activité l'étude, la fabrication, la vente et les prestations de services concernant tous appareils, équipements et dispositifs mécaniques, électriques et électroniques de tous genres pour l'industrie en général et notamment l'industrie automobile.
Elle est titulaire de plusieurs brevets dont notamment :
- le brevet français FR 2 902 511 (ci-après FR 511) déposé le 19 juin 2006 et délivré le 8 août 2008 ayant pour intitulé « boîte collectrice pour échangeur de chaleur et échangeur de chaleur comportant une telle boîte collectrice » qui a fait l'objet d'une limitation en date du 12 avril 2009 ;
- le brevet européen EP 1 150 087 (ci-après EP 087) déposé le 25 avril 2001- sous priorité d'un brevet FR 0 005 414 délivré le 27 avril 2000- et délivré le 1er février 2006 ayant pour intitulé «échangeur de chaleur avec collecteur d'encombrement réduit, notamment pour véhicule automobile» ;
- le brevet français FR 2 929 386 (ci-après FR 386) déposé le 29 avril 2008 et délivré le 24 octobre 2014 ayant pour intitulé « module d'échange de chaleur muni de moyen d'assemblage, notamment pour véhicule automobile ».
Ces titres ont été maintenus en vigueur par le paiement régulier des annuités.
La société Valéo Service est le distributeur exclusif sur le marché français des radiateurs Valéo, notamment les pièces de rechange pour véhicules automobiles.
Le groupe Nissens A/S est un équipementier automobile danois spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de systèmes de refroidissement destinés au secteur industriel, au secteur des énergies renouvelables et au secteur automobile.
Il comprend la division «Nissens Cooling Solutions », spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de systèmes de refroidissement destinés au secteur industriel et au secteur des énergies renouvelables et la division « Nissens Automotive », spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de systèmes de refroidissement destinés au secteur automobile, et en particulier au marché des pièces de rechange automobiles.
A la suite d'une scission intervenue le 30 septembre 2018, la division Nissens Cooling Solutions est restée dans la société Nissens A/S, devenue Nissens Cooling Solutions A/S, tandis que la division Nissens Automotive a été transférée le 30 septembre 2018 à une nouvelle entité, la société Nissens Automotive A/S.
La société Nissen France se présente comme la filiale française de Nissens Automotive.
Plusieurs filiales du groupe Valéo dont les sociétés appelantes ont fait assigner en concurrence déloyale et parasitaire les sociétés Nissen France et Nissens A/S devant le tribunal de commerce de Versailles aux fins notamment de voir juger que ces dernières commercialisent des radiateurs, condenseurs et intercoolers constituant des copies serviles des produits Valéo, dans des conditions laissant à penser qu'il s'agissait de pièces d'origine.
Par jugement du 27 mai 2020, le tribunal de commerce de Versailles a dit que les faits de parasitisme allégués n'étaient pas constitués mais a considéré que les défenderesses avaient commis des actes de concurrence déloyale tenant aux conditions de commercialisation de leurs produits du fait des qualificatifs ne correspondant à leur performance.
Par arrêt du 29 juin 2023, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement en ce qu'il a retenu la concurrence déloyale commise par les sociétés Nissens et n'a pas fait droit à la demande présentée au titre du parasitisme ; elle a ordonné une expertise judiciaire pour évaluer le préjudice subi par les sociétés Valéo.
Ayant découvert que les défenderesses proposaient à la vente, directement sur le site internet de la société Nissens A/S et par l'intermédiaire de distributeurs français de pièces détachées automobiles, une gamme complète de radiateurs et des intercoolers compatibles avec certains de ses radiateurs qui reproduiraient les caractéristiques de certaines revendications des brevets litigieux, la société Valéo Systèmes Thermiques a fait dresser un procès-verbal de constat les 8, 9, 10 et 11 août 2017.
Par exploits d'huissier du 22 mai 2018, les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France en contrefaçon de brevets.
Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
- prononcé la nullité des revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet FR 2 902 511 pour défaut d'activité inventive ;
- prononcé la nullité des revendications 1 à 13, 21 et 22 du brevet FR 2 929 386 pour défaut de nouveauté ;
- dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;
- prononcé la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 du brevet EP 1 150 087 pour défaut de nouveauté ;
- dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'OEB pour être inscrite au registre européen des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;
- rejeté les demandes fondées sur la contrefaçon des brevets litigieux ;
- débouté les sociétés Nissen France et Nissens Cooling Solutions A/S de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale ;
- débouté les sociétés Nissen France et Nissens Cooling Solutions de leurs demandes fondées sur la procédure abusive ;
- condamné les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service à verser 200 000 euros aux sociétés Nissen France et Nissens Cooling Solutions A/S au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les sociétés Valéo Systèmes thermiques et Valéo Service aux dépens qui seront recouvrés par Maître Denis Monégier du Sorbier, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 20 mars 2024, les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service demandent à la cour de :
- infirmer le jugement du 29 janvier 2021en ce qu'il a :
- prononcé la nullité des revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet FR 2 902 511pour défaut d'activité inventive ;
- prononcé la nullité des revendications 1 à 13, 21 et 22 du brevet FR 2 929 386 pour défaut de nouveauté ;
- dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;
- prononcé la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 du brevet EP 1 150 087 pour défaut de nouveauté ;
- dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'OEB pour être inscrite au registre européen des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;
- rejeté les demandes fondées sur la contrefaçon des brevets litigieux ;
- condamné les sociétés Valéo Systèmes thermiques et Valéo Service à 200 000 euros aux sociétés Nissen France et Nissens Cooling Solutions A/S ensemble, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les sociétés Valéo Systèmes thermiques et Valéo Service aux dépens qui seront recouvrés par Maître Denis Monégier du Sorbier, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
Concernant la validité des brevets,
- dire que les revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet français n°FR 2 902 511 sont valides ;
- dire que les revendications 1, 3, 5,7 et 9 du brevet européen n° EP 1 150 087 sont valides ;
- dire que les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 21 et 22 du brevet français n° FR 2 929 386 sont valides ;
Concernant les actes de contrefaçon commis,
- dire qu'en important, en vendant, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce des radiateurs de références 63505et 63689A, les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet français n° FR 2 902 511, engageant leur responsabilité civile ;
- dire qu'en important, en vendant, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce des radiateurs de références 65281A, 61875A, 67246, 63764, 617853, 63762, 67286, 652011, 65277, 60299, 65295, 632461, 61347, 61379, 63761, 67229, 61764, 637647, 639371, 63769, 61277, 61284, et 67285, les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1et 5 du brevet français n° FR 2 902 511, engageant leur responsabilité civile ;
- dire qu'en important, en vendant, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce des radiateurs de références 67229 et 640012, les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 de la partie française du brevet européen n°EP 1 150 087, engageant leur responsabilité civile ;
- dire qu'en important, en vendant, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce des radiateurs de références 637617, 637647, 637608, 637607 et des intercoolers de références 96543, 96545 et 96546, les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 21 et 22 du brevet français n°FR 2 929 386, engageant leur responsabilité civile ;
- dire qu'en livrant et en offrant de livrer séparément des radiateurs de références 637617, 637647, 637608, 637607 et des intercoolers de références 96543, 96545 et 96546, les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 21 et 22 du brevet français n° FR 2 929 386, engageant leur responsabilité civile ;
En conséquence,
- interdire aux sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France la poursuite de ces actes de contrefaçon, directement ou indirectement, par l'intermédiaire de toute personne physique ou morale :
et notamment la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées, ainsi que la livraison et l'offre de livraison, sur le ou à partir du territoire français, de tous produits mettant en 'uvre les revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 902 511, et les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 21 et 22 du brevet français FR 2 929 386, et notamment des radiateurs de références 65281A, 63505, 61875A, 63689A, 67246, 63764, 617853, 63762, 67286, 652011, 65277, 60299, 65295, 632461, 61347, 61379, 63761, 67229, 637617, 637647, 637608, 637607, 639371, 63769, 61277, 61284 et 67285 et des intercoolers de références 96543, 96545 et 96546, ainsi que tous autres radiateurs et intercoolers fournis aux sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France par le même fabricant que les radiateurs de références 65281A, 63505, 61875A, 63689A, 67246, 63764, 617853, 63762, 67286, 652011, 65277, 60299, 65295, 632461, 61347, 61379, 63761, 67229, 637617, 637647, 5686530v1,637608, 637607, 639371, 63769, 61277, 61284 et 67285 et les intercoolers de références 96543, 96545 et 96546, en particulier par la société chinoise Rnbc Zhejiang Nabaichuan Auto Parts Co. Ltd. et par la société chinoise Shanghai Delang Auto Parts Manufacturing Co. Ltd. ;
- assortir cette interdiction d'une astreinte de 10 000 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, étant précisé que chaque livraison, offre de livraison, fabrication, offre, mise dans le commerce, utilisation, importation, exportation, transbordement ou détention à l'une quelconque de ces fins d'un produit contrefaisant constituera une infraction distincte ;
- assortir en outre cette interdiction d'une astreinte de10 000 euros par journée pendant laquelle les actes de contrefaçon se poursuivent après la signification de l'arrêt à intervenir ;
- ordonner la destruction des produits contrefaisants en possession des sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France ou dont elles sont propriétaires, à leurs frais, et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard après la signification de l'arrêt à intervenir ;
- ordonner le rappel des circuits commerciaux des produits contrefaisants et la destruction de ceux-ci, aux seuls frais des sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai d'une semaine après la signification de l'arrêt à intervenir ;
- ordonner, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification de l'arrêt à intervenir, la production de tous documents ou informations détenus par les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France utiles pour déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants, et notamment :
a) les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs de tous produits mettant en 'uvre les revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 902 511, les revendications 1, 3, 5, 6, 7, et 9 de la partie française du brevet européen n° EP 1 150 087 et les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 21 et 22 du brevet français FR 2 929 386, et notamment des radiateurs de références 65281A, 63505, 61875A, 63689A, 67246, 63764, 617853, 63762, 67286, 652011, 65277, 60299, 65295, 632461, 61347, 61379, 63761, 67229, 640012, 637617, 637647, 637608, 637607, 639371, 63769, 61277, 61284 et 67285 et des intercoolers de références 96543, 96545 et 96546, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ;
b) les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour ces produits ;
c) la marge brute réalisée pour ces produits ;
sous la certification d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes, détaillant les éléments retenus dans le calcul de la marge brute, et renvoyer l'affaire à telle audience qui plaira à la cour, afin de permettre aux sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;
- renvoyer l'affaire à telle audience qu'il plaira à la cour d'appel de fixer pour permettre aux sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service de conclure sur le montant du préjudice financier, au vu des éléments communiqués par les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France,
- condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France, prises in solidum, à payer à la société Valéo Systèmes Thermiques, à titre de provision sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet français n° FR 2 902 511, du brevet français n° FR 2 929 386 et de la partie française du brevet européen n° EP 1 150 087, la somme forfaitaire de 500 000 euros, dans l'attente de la production des documents et informations ordonnée;
- condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France, prises in solidum, à payer à la société Valéo Service, à titre de provision sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet français n° FR 2 902 511, du brevet français n° FR 2 929 386 et de la partie française du brevet européen n° EP 1 150 087, la somme forfaitaire de 500 000 euros, dans l'attente de la production des documents et informations ordonnée ;
- condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France, prises in solidum, à payer à la société Valéo Systèmes Thermiques, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon du brevet français n°FR 2 902 511, du brevet français n°FR 2 929 386 et de la partie française du brevet européen n° EP 1 150 087, la somme de 100 000 euros;
- dire et juger que la cour sera juge de l'exécution de l'arrêt à intervenir pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes ;
- condamner les sociétés Nissens Cooling S olutions A/S et Nissen France, prises in solidum, à payer à la société Valéo Systèmes Thermiques la somme de 175 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France, prises in solidum, à payer 'à chacune' la société Valéo Service la somme de 175 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France, prises in solidum, aux entiers dépens, lesquels incluront à tout le moins les frais engagés pour les constats d'achat, les constats internet et rapports d'analyse tomographique, à hauteur de 24 124 euros, à parfaire, et autoriser Maître Grégoire Desrousseaux à recouvrer les dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;
- débouter les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, y compris leurs demandes en concurrence déloyale et en procédure abusive, ainsi que leur demande en publication de l'arrêt à intervenir.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 15 mai 2024, les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France demandent à la cour de :
- débouter les sociétés Valéo Systèmes thermiques et Valéo Service de leur appel comme étant, si ce n'est irrecevable, à tout le moins mal fondé,
En conséquence,
Sur le brevet FR 2 902 511 :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité des revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet FR 2 902 511 pour défaut d'activité inventive,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente,
- à titre subsidiaire, prononcer la nullité des revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet FR 2 902 511 si ce n'est pour extension de leur objet au-delà du contenu de la demande de brevet telle que déposée, à tout le moins pour insuffisance de description ou défaut de nouveauté ;
Sur le brevet FR 2 929 386 :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité des revendications 1, 4 à 7, 12, 21 et 22 du brevet FR 2 929 386 pour défaut de nouveauté,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité des revendications 2, 3, 8, 9, 10, 11, 13 du brevet FR 2 929 386 pour défaut de nouveauté,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente,
- statuant à nouveau, prononcer la nullité des revendications 2, 3, 8, 9, 10, 11, 13 du brevet FR 2 929 386 si ce n'est pour extension de leur objet au-delà du contenu de la demande de brevet telle que déposée, à tout le moins pour défaut d'activité inventive,
- à titre subsidiaire, prononcer la nullité des revendications 1, 4, 5, 6, 7, 12, 21 et 22 du brevet FR 2 929 386, si ce n'est pour extension de leur objet au-delà du contenu de la demande de brevet telle que déposée, à tout le moins pour défaut d'activité inventive,
Sur le brevet EP 1 150 087 :
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 du brevet EP 1 150 087 pour défaut de nouveauté,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'OEB pour être inscrite au registre européen des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente,
statuant à nouveau,
- prononcer la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 de la partie française du brevet EP 1 150 087 pour défaut d'activité inventive,
- dire que la décision une fois définitive, concernant la partie française du brevet EP 1 150 087 sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente,
- à titre subsidiaire, prononcer la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 de la partie française du brevet EP 1 150 087si ce n'est pour insuffisance de description, à tout le moins pour défaut de nouveauté ;
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes des sociétés Valéo Systèmes thermiques et Valéo Service fondées sur la contrefaçon de l'un quelconque des brevets FR 2 902 511, EP 1 150 087 et FR 2 929 386,
En conséquence,
- débouter les sociétés Valéo Systèmes thermiques et Valéo Service de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions comme étant, si ce n'est irrecevables, à tout le moins mal fondées,
Sur les demandes en appel des sociétés Valéo Systèmes thermiques et Valéo Service :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les sociétés Nissens Cooling Solutions et Nissen France de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et la procédure abusive,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service à verser 200 000 euros aux sociétés Nissens Cooling Solutions et Nissen France ensemble, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service aux dépens,
Et, statuant à nouveau,
- condamner les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service pour concurrence déloyale,
- condamner les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service pour procédure abusive,
En conséquence,
- condamner les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service à payer in solidum à chacune des sociétés Nissen France et Nissens A/S un euro de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral respectif ;
- condamner les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service à payer in solidum à chacune des sociétés Nissen France et Nissens A/S un euro de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale dont elles ont été victimes,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais des sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service, qui les avanceront :
- sur la page d'accueil des sites web des Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service, et notamment sur le site web www. Valéo.com, en taille d'au moins 20 points, avec la mention suivante « Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service ont été condamnées en France pour des actes de concurrence déloyale résultant d'un abus de position dominante », en français et en anglais, pendant une durée minimale de six mois, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
- dans les publications suivantes : le magazine en ligne Auto Motor Zubehör; le magazine Zepros Auto et le magazine MRA Professionnel, sans que le coût individuel de ces trois publications n'excède la somme de 10 000 euros hors taxes,
- dire que la cour sera juge de l'exécution de l'arrêt à intervenir, en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes,
Enfin, y ajoutant,
- condamner in solidum les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service à verser à chacune des sociétés Nissen France et Nissens A/S la somme de 150 000 euros, quitte à parfaire, au titre des frais irrépétibles de la présente procédure d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service aux dépens de l'appel, lesquels pourront être recouverts directement par Maître Sophie Micallef, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mai 2024.
MOTIFS
Sur la validité des brevets :
1-Sur la validité des revendications des brevets français :
Aux termes de l'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle :
« Le brevet est déclaré nul par décision de justice :
Si son objet n'est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 ;
Selon l'article L. 611-10 du même code :
« 1. Sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle.»
L'article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle ajoute que :
« Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.
L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen'.
Il est constant que la nouveauté fait défaut, au sens de ces dispositions, lorsque l'invention se trouve toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique.
Enfin, selon l'article L. 611-14 du même code :
« Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ».
A- Sur la validité des revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet FR 2 902 511 (FR 511) :
a) Présentation du brevet FR 511 :
Le brevet FR 511, déposé le 19 juin 2006 et délivré le 8 août 2008, s'intitule 'boîte collectrice pour échangeur de chaleur et échangeur de chaleur comportant une telle boîte collectrice'.
La description du brevet indique que l'invention se rapporte au domaine des échangeurs de chaleur, en particulier pour véhicules automobiles et concerne plus précisément une boîte collectrice pour échangeur de chaleur, comportant un collecteur qui est muni de collets pour l'insertion de tubes d'échange de chaleur et qui est entouré par une bordure surélevée délimitant une gorge périphérique, la boîte collectrice comportant un joint d'étanchéité présentant des manchons introduits respectivement dans les collets du collecteur pour assurer à chaque fois l'étanchéité avec un tube d'échange de chaleur, chaque manchon dépassant au-delà du collet respectif.
La liaison des tubes avec la boîte collectrice s'effectue par assemblage mécanique avec compression des manchons pour garantir à chaque fois une étanchéité au niveau de la liaison des tubes et des collets respectifs.
La compression des manchons s'effectue par expansion radiale des tubes au moyen d'un outil, appelé 'olive', qui est introduit axialement à l'intérieur des tubes, cet outil provoquant la compression des manchons avec formation d'une surépaisseur ou bourrelet qui s'étend au-delà des collets correspondants, ce bourrelet dépassant faiblement du collet et se trouvant à une hauteur en-dessous du niveau de la bordure surélevée du collecteur.
Au titre du problème technique que l'invention couverte par le brevet FR 511 se propose de résoudre, la description indique, après ce rappel de l'art antérieur, que l'échangeur de chaleur étant placé à l'avant d'un véhicule automobile exposé à des projections extérieures, l'eau ou un autre liquide peut venir s'accumuler dans la cuvette délimitée par la bordure surélevée du collecteur et attaquer par l'extérieur les tubes placés immédiatement au-dessus du bourrelet, de sorte qu'il peut en résulter une corrosion des pieds des tubes en fonction de l'agressivité du liquide accumulé, ce qui occasionne à terme des fuites dans les tubes avec perte de fonctionnement de l'échangeur de chaleur.
L'invention a pour objet de résoudre ces inconvénients par la réalisation d'un manchon avec une surépaisseur préformée, appelée 'tétine', qui se prolonge suffisamment au-delà du collet pour que son extrémité se situe au moins à la hauteur de la bordure surélevée du collecteur.
L'art antérieur est représenté par les figures 2 et 3 du brevet :
Les sociétés appelantes se prévalent, au titre de la contrefaçon, de la revendication indépendante 1 et des revendications dépendantes 5, 6, 7 et 8 du brevet FR 511, dont la validité est contestée par les intimées.
Elles sont reproduites de la manière suivante, les parties s'entendant sur le découpage de la revendication 1 dans sa rédaction issue d'une limitation du 12 avril 2009 (les modifications étant soulignées) :
1- a) boîte collectrice pour échangeur de chaleur,
b) comportant un collecteur
c) qui est est muni de collets pour l'insertion de tubes d'échange de chaleur
d) et qui est entouré par une bordure surélevée délimitant une gorge périphérique,
e) ladite boîte correctrice comportant un joint d'étanchéité,
f) présentant des manchons introduits respectivement dans les collets du collecteur pour assurer à chaque fois l'étanchéité avec un tube d'échange de chaleur,
g) chaque manchon dépassant au-delà du collet respectif,
i) ledit collet se situant en-dessous d'une hauteur de la bordure surélevée,
h) caractérisée en ce que le manchon se prolonge sur une hauteur suffisante au-delà du collet pour que l'extrémité du manchon se situe au moins à la hauteur de la bordure surélevée du collecteur.
5- boîte collectrice selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisée en ce qu'elle comprend en outre un couvercle muni d'un talon périphérique propre à être reçu dans la gorge périphérique du collecteur en comprimant un bord du joint d'étanchéité.
6- échangeur de chaleur à écoulement vertical, caractérisé en ce qu'il comprend un faisceau de tubes verticaux dont les extrémités inférieures débouchent dans une boîte collectrice selon l'une des revendications 1 à 5.
7- échangeur de chaleur selon la revendication 6, caractérisé en ce que les tubes du faisceau traversent un ensemble d'ailettes, et en ce que les extrémités des ailettes viennent au contact des manchons respectifs du joint d'étanchéité de la boîte collectrice.
8- échangeur de chaleur selon l'une des revendications 6 et 7, caractérisé en ce qu'il est réalisé sous la forme d'un radiateur de refroidissement pour un moteur de véhicule automobile.
Le brevet FR 511 propose un exemple de réalisation de l'invention, selon les figures 4 et 5 :
b) b) Sur l'homme du métier :
Les parties conviennent que l'homme du métier doit s'entendre d'un spécialiste de la conception d'échangeurs de chaleur, notamment d'échangeurs de chaleur pour véhicules automobiles, ainsi que l'a retenu également le tribunal.
c) Sur la portée du brevet FR 511 :
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France font valoir que la description du brevet FR 511 ne met l'accent que sur une boîte collectrice inférieure pour un échangeur de chaleur à écoulement vertical et que le problème technique à résoudre, soit la corrosion résultant de l'accumulation de liquide dans la cuvette, ne se conçoit qu'eu égard à ce mode de réalisation. Elles ajoutent que les sociétés appelantes ne peuvent se prévaloir de deux extraits de la description insinuant qu'une orientation autre serait envisageable, dès lors que le brevet n'éclaire pas l'homme du métier sur d'autres cas de réalisations, le brevet ne mentionnant, page 9, lignes 12-27, que des exemples dans lesquels l'orientation de l'écoulement et donc des tubes est verticale, rien ne permettant de penser que la boîte collectrice serait utilisée dans une position différente de la seule position décrite (position inférieure).
Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service répliquent que le problème technique posé par le brevet FR 511 est l'amélioration de la protection du pied du tube contre la corrosion en raison de liquides susceptibles d'atteindre cette zone, que ces liquides viennent d'une projection ou d'une accumulation dans la cuvette définie par la bordure surélevée, contrairement à ce que retient le jugement contesté qui n'a pas tenu compte du problème des liquides projetés. Elles soutiennent que ce problème se pose quelle que soit l'orientation de la boîte collectrice et ajoutent que, comme une boîte collectrice est conçue et fabriquée indépendamment de l'orientation dans laquelle elle sera effectivement utilisée, le problème technique consiste à fournir une boîte collectrice qui soit à la fois protégée contre les projections extérieures de liquide, quelle que soit l'orientation selon laquelle la boîte sera effectivement utilisée, et protégée contre une accumulation de liquide dans la cuvette délimitée par le collet et la gorge périphérique dans le cas où la boîte serait utilisée en tant que boîte collectrice inférieure. Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service concluent donc que la solution au problème technique que se propose de résoudre le brevet vaut quelle que soit l'orientation de la boîte collectrice (limitation des risques de projection de liquide) et d'autant plus pour une boîte collectrice inférieure (empêchant de surcroît le liquide de s'accumuler dans la cuvette), se fondant sur la description qui indique clairement que l'invention ne se limite pas à une boîte collectrice inférieure pour un échangeur de chaleur à écoulement vertical, mais s'applique aussi à des boîtes collectrices présentant une autre orientation, y compris des boîtes collectrices disposées verticalement, le rédacteur du brevet n'ayant pas à fournir des exemples de toutes les orientations possibles, dès lors que l'homme du métier comprend comment adapter l'exemple fourni pour d'autres orientations.
Sur ce :
Aux termes de la description du brevet, il est mentionné que l'invention concerne plus précisément une boîte collectrice pour échangeur de chaleur, particulièrement une boîte collectrice inférieure pour échangeur de chaleur à écoulement vertical, c'est à dire dont les tubes sont verticaux pour permettre une circulation verticale d'un fluide, par exemple de haut en bas (page 1, lignes 19 à 24).
Elle rappelle que, dans ce cas, les collets du collecteur sont dirigés vers le haut, tandis que la gorge périphérique est dirigée vers le bas (page 1, lignes 25 à 27). La boîte inférieure est considérée dans sa position normale d'utilisation, soit en position horizontale (page 2, lignes 15 à 17).
La description ajoute, à cet égard, que l'invention concerne un échangeur de chaleur à écoulement vertical comprenant un faisceau de tubes verticaux dont les extrémités inférieures débouchent dans la boîte collectrice telle que décrite précédemment (page 4, lignes 21 à 25).
Il est relevé que le brevet ne décrit qu'un problème technique lié au fait que l'eau ou un autre liquide peut, en raison de l'exposition du moteur du véhicule à des projections extérieures, s'accumuler dans la cuvette délimitée par la bordure surélevée du collecteur et venir attaquer par l'extérieur les tubes dans la région de ces derniers qui se trouvent immédiatement au-dessus du bourrelet (page 2, lignes 25 à 30), insistant sur le fait que l'invention est particulièrement avantageuse dans le cas d'une boîte collectrice inférieure.
Par conséquent, si le brevet FR 511 mentionne (page 3, lignes 6 à 10) que le problème technique lié à la corrosion des tubes peut se poser pour des boîtes collectrices qui ne sont pas nécessairement des boîtes collectrices inférieures pour échangeurs de chaleur à écoulement vertical, lesquelles peuvent présenter une autre orientation, il ne le détaille pas, les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France soulignant à juste titre que seul le mode de réalisation de l'invention concernant une boîte collectrice inférieure est susceptible de définir une cuvette délimitée par la bordure surélevée du collecteur dans laquelle les liquides issus des projections peuvent s'accumuler.
Aussi, à la lumière de la description qui est confortée par les figures, le brevet ne concerne qu'une boîte inférieure dans un échangeur de chaleur à écoulement vertical, comme le tribunal l'a justement retenu.
d) Sur l'activité inventive :
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France opposent, à titre principal, dans le dispositif de leurs écritures, que les revendications opposées du brevet FR 511seraient nulles pour défaut d'activité inventive.
- Sur la revendication indépendante 1 :
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France font valoir qu'au regard de la description de l'art antérieur tel que rappelé par le préambule de la revendication 1, il était connu de l'homme du métier que les tubes existants étaient protégés jusqu'à la hauteur maximale des manchons. Elles soutiennent que, pour l'homme du métier, il s'agit seulement d'étendre une protection existante et non de créer une protection nouvelle et que le problème technique par rapport à l'art antérieur admis dans le brevet consiste à savoir comment protéger le pied d'un tube d'échangeur de chaleur contre la corrosion pouvant résulter de l'accumulation d'un liquide corrosif jusqu'au niveau d'une bordure surélevée alors qu'un manchon le protège déjà jusqu'à son sommet. Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France affirment que l'invention était évidente pour l'homme du métier au regard de l'art antérieur décrit par le brevet FR 511. Elles soulignent que, selon le brevet, seul le joint différerait de l'art antérieur, le manchon du joint étant un peu plus long que les joints conventionnels et que l'homme du métier pouvait parvenir de manière évidente à l'invention en remplaçant le manchon préexistant par un manchon s'étendant jusqu'au niveau de la bordure surélevée du collecteur.
Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service répliquent que l'art antérieur admis dans le brevet FR 511 ne décrit qu'une boîte collectrice selon le préambule de la revendication 1 qui est inventive. Elles font valoir que le brevet résout le problème technique de l'amélioration de la zone de protection des pieds de tubes contre la corrosion à partir des liquides pouvant atteindre cette zone. Elles ajoutent que l'art antérieur admis dans le brevet FR 511 ne divulgue pas la caractéristique h de la revendication 1 et qu'au contraire, partant de cet art antérieur, la solution du document FR 980 demeure et inciterait l'homme du métier à prolonger le collet pour aller au-delà de la hauteur de la bordure surélevée, ce qui est contraire à la revendication 1 du brevet FR 511, de sorte que cette revendication implique une activité inventive.
Sur ce :
La description du brevet mentionne (page 1, lignes 31-36) que la liaison des tubes avec la boîte collectrice s'effectue par assemblage mécanique avec compression des manchons pour garantir à chaque fois une étanchéité au niveau de la liaison des tubes et des collets respectifs et qu'à cet égard, la compression des manchons s'effectue par expansion radiale des tubes au moyen d'un outil olive introduit axialement à l'intérieur des tubes, qui provoque ainsi la compression des manchons avec formation d'une surépaisseur ou bourrelet qui s'étend au-delà des collets correspondants.
L'art antérieur est représenté dans la figure 3 du brevet :
Il apparaît donc que les tubes étaient protégés de la corrosion provoquée par l'exposition aux projections extérieures d'eau et de liquides par la présence d'un joint placé sous les collets comprimé en manchons le long des collets, ces manchons étirés mécaniquement dépassant le niveau des collets.
A cet égard, la revendication 1 du brevet FR 511 porte sur une boîte collectrice pour échangeur de chaleur, reprenant les caractéristiques de l'art antérieur, en ce que les manchons, qui assurent l'étanchéité d'un tube d'échange de chaleur, dépassent au-delà du collet respectif, qui se situe au-dessous d'une hauteur de la bordure surélevée.
Le problème technique présenté par l'art antérieur est donc lié à la longueur des manchons qui, bien que dépassant les collets, ne se trouvent pas au niveau de la bordure surélevée du collecteur, de sorte que les projections extérieures d'eau et de liquides vont s'accumuler dans la cuvette.
Confronté à cette difficulté, l'homme du métier était, au regard du seul art antérieur rappelé dans le brevet et de ses connaissances techniques, incité à simplement prolonger les manchons préexistants jusqu'à la hauteur de la bordure surélevée, résolvant ainsi les difficultés exposées par le brevet, sans avoir besoin d'allonger les collets dont la solution était moins évidente.
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 du brevet FR 11, qui découle de manière évidente de l'état de la technique, est dénué d'activité inventive.
- Sur les revendications 5, 6, 7 et 8 du brevet FR 511 :
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France opposent que l'objet de ces revendications est également dénué d'activité inventive.
Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service répliquent que la revendication 7 est inventive au regard des documents cités par les intimés qui ne divulguent ni ne suggèrent de prolonger le manchon jusqu'à l'ailette la plus proche de l'échangeur de chaleur.
L'objet de la revendication 5, en ce qu'elle porte sur une boîte collectrice selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisée en ce qu'elle comprend en outre un couvercle muni d'un talon périphérique propre à être reçu dans la gorge périphérique du collecteur en comprimant un bord du joint d'étanchéité, est dénué d'activité inventive, le couvercle divulgué est déjà décrit dans l'art antérieur décrit dans le brevet.
La revendication 6 porte sur un échangeur de chaleur à écoulement vertical également représenté dans l'art antérieur et son objet est donc dépourvu d'activité inventive.
L'objet de la revendication 7 est également dénué d'activité inventive, en ce qu'en prolongeant le manchon jusqu'à la hauteur de la bordure surélevée qui est à la hauteur de l'ailette la plus proche, l'homme du métier met nécessairement en contact le haut du manchon avec cette ailette, le tribunal relevant à juste titre que la revendication 7 ne fait que reformuler les caractéristiques du manchon décrites dans la revendication 1.
Enfin, la revendication 8 porte sur un échangeur de chaleur réalisé sous la forme d'un radiateur de refroidissement pour un moteur de véhicule automobile qui est déjà mentionné au titre de l'art antérieur rappelé dans le brevet.
Par conséquent, les revendications 1, 5, 6, 7 et 8 du brevet FR 511 opposées par les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service au titre de la contrefaçon, doivent être annulées, leur objet n'étant pas inventif ; le jugement dont appel sera confirmé de ce chef ainsi que son inscription au registre national des brevets.
B/ Sur la validité des revendications 1 à 13, 21 et 22 du brevet FR 2 929 386 (FR 386) :
a) Présentation du brevet :
Le brevet FR 386, déposé par la société Valéo Systèmes Thermiques, s'intitule : 'Module d'échange de chaleur muni de moyens d'assemblage, notamment pour véhicules automobiles'.
La description indique que l'invention se rapporte au domaine des échangeurs de chaleur, notamment pour véhicules automobiles, concernant plus particulièrement un module d'échange de chaleur principal et un échangeur de chaleur secondaire, dans lequel ces échangeurs ont chacun un faisceau compris entre deux boîtes collectrices, ces échangeurs de chaleur étant assemblés entre eux par l'intermédiaire de leurs boîtes collectrices.
Le brevet expose qu'il est connu d'assembler sur un échangeur de chaleur principal, tel qu'un radiateur de refroidissement d'un moteur de véhicule, un ou plusieurs échangeurs de chaleur secondaires afin de constituer un ensemble ou module prêt à être installé dans le véhicule automobile. L'échangeur de chaleur secondaire peut constituer un refroidissement d'air de suralimentation du moteur, un condenseur de climatisation, un refroidissement de gaz.
Le problème technique exposé par le brevet FR 386 est de surmonter les inconvénients connus de l'assemblage d'un échangeur de chaleur principal et d'un échangeur de chaleur secondaire.
A cet égard, la description précise qu'habituellement, les boîtes collectrices sont réalisées en matière plastique moulée et comportent des moyens de fixation venus de moulage, tels que des pattes, des brides et analogues nécessitant un assemblage par des couples vis-écrou, lequel présente un certain nombre d'inconvénients :
- la nécessité de s'approvisionner en couples vis-écrou et d'utiliser un outillage pour l'assemblage,
- un assemblage rigide du fait de la fixation par vis et écrous, alors que les échangeurs de chaleur sont sujets à des variations dimensionnelles compte tenu des tolérances de fabrication et sont soumis, en service, à des contraintes thermiques entraînant des phénomènes de dilatation différentielle,
- des problèmes d'oxydation.
Le brevet mentionne qu'il a été proposé, comme enseigné par le brevet DE 199 53 787, d'assembler les deux boîtes collectrices d'un échangeur de chaleur sur les deux boîtes collectrices d'un autre échangeur de chaleur au moyen à chaque fois d'un couple de bras de fixation, lequel nécessite cependant un mouvement de pivotement ou d'arc-boutement et les bras de fixation doivent être à chaque fois positionnnés de façon précise pour permettre l'assemblage.
Le brevet indique que l'invention vise principalement à proposer un module d'échangeur de chaleur dans lequel un échangeur de chaleur principal et un échangeur de chaleur secondaire peuvent être assemblés facilement, sans utilisation de pièces supplémentaires et d'outils, par des moyens réalisant un encliquetage ou clipsage.
Le brevet comporte 22 revendications, la revendication 1 est indépendante et les autres revendications sont dépendantes.
La revendication 1 est rédigée comme suit, les parties étant en accord sur son découpage :
a. Module d'échange de chaleur,
b. comprenant un échangeur de chaleur principal et un échangeur de chaleur secondaire, dans lequel ces échangeurs de chaleur ont chacun un faisceau compris entre deux boîtes collectrices, et dans lequel ces échangeurs de chaleur sont assemblés entre eux par l'intermédiaire de leurs boîtes collectrices,
c. caractérisé en ce qu'une première boîte collectrice de l'un des échangeurs de chaleur comprend
d. une première attache munie d'une extrémité de positionnement
e. et une seconde attache espacée de la première attache, et munie d'une extrémité de guidage s'étendant dans une direction de guidage, ladite extrémité de guidage présentant un profil choisi intégrant une languette de verrouillage élastiquement déformable s'étendant dans la direction de guidage et susceptible de se déformer dans une direction transversale à la direction de guidage et étant munie d'une dent de verrouillage;
f. et en ce qu'une première boîte collectrice adjacente de l'autre des échangeurs de chaleur comprend
g. un logement de positionnement aménagé pour recevoir l'extrémité de positionnement de la première attache
h. et une bride de réception, espacée dudit logement de positionnement, et agencée pour recevoir l'extrémité de guidage de la deuxième attache par un mouvement de rapprochement mutuel dans la direction de guidage et comportant une butée pour recevoir la dent de verrouillage de la deuxième attache en fin de course du mouvement de rapprochement;
i. et en ce que l'assemblage de l'échangeur secondaire sur l'échangeur principal s'effectue par un mouvement de translation dans la direction de guidage.
Les revendications dépendantes du brevet opposées par les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service sont les suivantes :
2.Module d'échange de chaleur selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'extrémité de positionnement et l'extrémité de guidage sont propres à entourer une tubulure de la première boîte collectrice adjacente.
3.Module d'échange de chaleur selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que ladite tubulure de la première boite collectrice adjacente s'étendant selon un axe parallèle à l'axe d'extension de ladite première boite collectrice adjacente.
4. Module d'échange de chaleur selon la revendication 1 à 3, caractérisé en ce que l'extrémité de positionnement de la première attache s'étend dans une direction parallèle à la direction de guidage de l'extrémité de guidage de la deuxième attache, et en ce que l'extrémité de positionnement et l'extrémité de guidage sont propres à être reçues respectivement, et simultanément, dans le logement de positionnement et dans un logement de guidage de la bride de réception.
5. Module d'échange de chaleur selon la revendication 2 à 4, caractérisé en ce que l'extrémité de positionnement comprend un profil constant de forme sensiblement rectangulaire et en ce que le logement de positionnement comprend un profil homologue.
6. Module d'échange de chaleur selon l'une des revendications 2 à 5, caractérisé en ce que l'extrémité de guidage comprend un profil en L formé de deux branches perpendiculaires et en ce que la languette de verrouillage s'étend à proximité immédiate des deux branches en étant inscrite dans le rectangle délimité par les deux branches.
7. Module d'échange de chaleur selon la revendication 6, caractérisé en ce que la languette de verrouillage présente un profil rectangulaire avec deux petits côtés parallèles à l'une des branches du profil en L et deux grands côtés parallèles à l'autre des branches du profil en
8. Module d'échange de chaleur selon l'une des revendications 2 à 7, caractérisé en ce que la première boîte collectrice adjacente comprend un bossage avec une face d'entrée et une face de sortie, à l'opposé de la face d'entrée, et dans lesquelles débouchent le logement de positionnement et le logement de guidage.
9. Module d'échange de chaleur selon la revendication 8, caractérisé en ce qu'en fin de course du mouvement de rapprochement, la dent de verrouillage prend appui derrière la face de sortie.
10. Module d'échange de chaleur selon l'une des revendications 6 et 7, caractérisé en ce que le bossage s'étend de part et d'autre de la tubulure de la première boîte collectrice adjacente, en sorte que le logement de positionnement et le logement de guidage se situent de part et d'autre de cette tubulure.
11. Module d'échange de chaleur selon l'une des revendications 2 à 10, caractérisé en ce que la première attache et la seconde attache sont formées en partie inférieure de la première boîte collectrice, tandis que le logement de positionnement et le logement de guidage sont formés en partie supérieure de la première boîte collectrice adjacente pour permettre un assemblage de l'échangeur de chaleur principal et de l'échangeur de chaleur secondaire dans une configuration superposée dans la direction verticale.
12. Module d'échange de chaleur selon l'une des revendications 2 à 11, caractérisé en ce qu'une deuxième boîte collectrice de l'un des échangeurs et une deuxième boîte collectrice adjacente de l'autre des échangeurs sont munis de moyens de fixation par emboîtement.
13. Module d'échange de chaleur selon la revendication 12, caractérisé en ce que les moyens de fixation coopérants comprennent un tenon et une mortaise aptes à coopérer par emboîtement dans la direction de guidage.
21. Module d'échange de chaleur selon l'une des revendications 1 à 20, caractérisé en ce que les boîtes collectrices de l'échangeur de chaleur principal et les boîtes collectrices de l'échangeur de chaleur secondaire sont formées par moulage d'une matière plastique.
22. Module d'échange de chaleur selon la revendication 21, caractérisé en ce que l'échangeur de chaleur principal est un radiateur de refroidissement d'un moteur de véhicule automobile et en ce que l'échangeur de chaleur secondaire est un refroidisseur d'air de suralimentation.
Les figures du brevet sont les suivantes :
b) Sur l'homme du métier :
L'homme du métier s'entend d'un spécialiste de la conception d'échangeurs de chaleur, notamment d'échangeurs de chaleur pour véhicules automobiles.
c) Sur la nouveauté :
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France font valoir à titre principal que les revendications 1, 4 à 7, 12, 21 et 22 du brevet FR 386 seraient nulles pour défaut de nouveauté, compte tenu de l'art antérieur admis dans le brevet lui-même et des documents US 033 et US 428.
Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service répliquent que l'objet de la revendication 1 et des revendications dépendantes du brevet est nouveau par rapport aux documents invoqués par les intimées.
Il est rappelé que, par application de l'article L. 611-11du code de la propriété intellectuelle, la nouveauté fait défaut lorsque l'invention se trouve toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique.
Il résulte du rapport de recherche préliminaire de l'examinateur de l'INPI du 15 janvier 2009, délivré dans le cadre de l'examen de la demande du brevet FR 386, qu'au regard du document US 428 du 14 août 2003, l'objet de la revendication 1 de la demande de brevet n'était pas nouveau.
Le rapport de recherche préliminaire mentionne, à cet égard, que le document US 428 décrit un module d'échange de chaleur, comprenant un échangeur de chaleur principal et un échangeur de chaleur secondaire, dans lequel ces échangeurs de chaleur ont chacun un faisceau compris entre deux boîtes collectrices, et dans lequel ces échangeurs de chaleur sont assemblés entre eux par l'intermédiaire de leurs boîtes collectrices. Les deux échangeurs sont rattachés l'un à l'autre par l'intermédiaire de quatre attaches 13, 14, 15, et 16 fixées aux boîtes collectrices respectives. Les attaches 13 et 14 sont identiques et composées chacune d'un élément femelle 140, fixé sur la première boîte collectrice et montré sur la figure 2B ainsi que d'un élément mâle 40, montré sur la figure 2A et fixé sur la boîte collectrice adjacente de l'autre des échangeurs de chaleur. En l'occurrence, l'élément femelle 140 de la première des deux attaches 13 et 14 est considéré comme élément de positionnement. Cet élément est muni d'une extrémité de positionnement représentée par le « flex finger » 100. L'élément femelle 140 de l'autre des deux attaches 13 et 14 est considéré comme élément de guidage. Il est espacé de la première attache et est muni de deux extrémités de guidage (tabs 90, figure 2B, paragraphe 28) qui s'étendent dans la direction de guidage et intègrent une languette de verrouillage élastiquementdéformable (flex finger 100). Cette languette s'étend dans la direction de guidage et est susceptible de se déformer dans une direction transversale à la direction de guidage et est munie d'une dent de verrouillage (110). La première boîte collectrice adjacente de l'autre des échangeurs de chaleur comprend les deux éléments mâles 40 des deux attaches 13 et 14 respectives. Le premier des deux éléments 40 constitue le logement de positionnement alors que l'autre des deux éléments 40 correspond à la bride de réception. En l'occurrence, le logement de positionnement (élément 40, figure 2A) reçoit l'extrémité de positionnement (la languette 100) du premier élément femelle 40. L'autre élément 40, faisant donc fonction de bride de réception, est espacé du logement de positionnement, comprend des portions 50 pour recevoir l'extrémité de guidage (tabs 90) du deuxième élément femelle 140 par un mouvement de rapprochement mutuel dans la direction de guidage et comporte une butée (opening 60) pour recevoir la dent de verrouillage (110) du deuxième élément femelle 140 en fin de course du mouvement de rapprochement. Bien que les deux attaches 13 et 14 ainsi que les éléments qui les composent soient identiques, elles peuvent être considérées ou comme élément de positionnement ou comme élément de guidage sachant qu'elles sont aptes à remplir chacune des deux fonctions.
L'examinateur de l'INPI conclut, au regard de l'antériorité US 428, que toutes les caractéristiques techniques de la première invention de la demande de brevet FR 386 sont connues et que l'objet de la revendication 1 de cette demande n'est pas nouveau.
La société Valéo Systèmes Thermiques ne conteste pas formellement l'absence de nouveauté relevée par l'examinateur de l'INPI ; elle se prévaut de la nouveauté découlant des modifications apportées du fait du jeu de nouvelles revendications, qui distingueraient, selon elle, le brevet de l'art antérieur décrit par l'antériorité US 428.
La société Valéo Systèmes Thermiques a, à cet égard, par courrier du 29 juillet 2009, modifié la revendication 1 de la demande de brevet en incorporant la caractéristique i 'l'assemblage de l'échangeur secondaire sur l'échangeur principal s'effectue par un mouvement de translation dans la direction de guidage'.
Les sociétés appelantes soutiennent que la revendication 1 ainsi modifiée était donc nouvelle, faisant valoir que, concernant le document US 428, le mouvement d'assemblage entre les deux modules de chaleur est différent du brevet FR 386. Elles affirment que, tandis que la revendication 1 du brevet FR 386 décrit un mouvement de translation, le document US 428 implique un nécessaire mouvement de pivotement, le mouvement d'assemblage décrit dans ce document comprenant un premier pivotement, suivi d'une translation (d'une patte dans l'attache à gauche) et d'un autre pivotement (pour remettre à plat le radiateur) et enfin une translation supplémentaire.
Il est rappelé que, concernant la caractéristique i) ajoutée par la société Valéo Systèmes Thermiques au regard du grief d'absence de nouveauté relevé dans le rapport de recherche préliminaire de l'INPI, cette caractéristique s'appuie sur la page 11, ligne 12 à 14, de la description qui mentionne: 'Il en résulte que l'assemblage de la boîte collectrice 22 sur la boîte collectrice 16 s'effectue dans la direction de guidage D1", la description précisant, page 4, lignes 1 à 11, que l'extrémité de positionnement et l'extrémité de guidage s'étendent toutes les deux dans des directions parallèles, c'est à dire dans la direction de guidage, si bien qu'elles peuvent être introduites simultanément dans leurs logements respectifs, c'est à dire le logement de positionnement et le logement de guidage. Le rapprochement des deux boîtes collectrices s'effectue donc par un mouvement de translation et, en fin de course de ce mouvement de translation, le verrouillage s'effectue automatiquement.
Or, le document US 408 prévoit, paragraphe 8 de la description, que, dans des modes de réalisation encore plus préférés de l'invention, les éléments d'assemblage de l'échangeur de chaleur sont assemblés par un mouvement de glissement, la revendication 4 de ce document divulguant un modèle d'échangeur de chaleur selon la revendication 1 dans lequel le premier élément de fixation et le second élément de fixation sont assemblés par un mouvement de glissement, tandis que la revendication 13 décrit un modèle d'échangeur de chaleur comprenant un premier élément de fixation approximativement parallèle au second élément de fixation et assemblés en utilisant un mouvement de glissement. Le mouvement de glissement revendiqué par ce document correspond donc à une translation.
Enfin, le brevet FR 386 précise, page 4, lignes 25 à 29, de la description que, dans une deuxième forme de réalisation, le rapprochement des deux boîtes collectrices ne s'effectue pas nécessairement par un mouvement de pure translation et il est possible de prévoir un mouvement de basculement.
Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les société appelantes, le brevet FR 386 n'exclut pas un mouvement de pivotement.
L'objet de la revendication 1 du brevet FR 386, qui se trouvait donc en entier dans le document US 408, ainsi que l'a retenu à juste titre l'examinateur de l'INPI, est dépourvu de nouveauté; l'ajout de la caractéristique i en cours d'examen, qui ne fait que rappeler un mouvement de déplacement prévu par la description, sans divulguer de caractéristique technique complémentaire, ne peut faire échec au grief d'absence de nouveauté invoqué.
Aussi, de ce chef et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres antériorités invoquées, le jugement sera confirmé en ce qu'il a annulé la revendication 1 du brevet FR 386 pour défaut de nouveauté ainsi que les revendications dépendantes 4 à 7, 12, 21 et 22 pour ce même motif, ces revendications dépendantes ne comportant aucune caractéristique additionnelle au regard du document US 408.
Le jugement sera confirmé du chef de son inscription au registre national des brevets.
d) Sur l'extension au-delà du contenu de la demande et l'absence d'activité inventive :
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France soutiennent que les revendications 2, 3, 8, 9, 10, 11 et 13 du brevet FR 386 procèdent d'une extension de leur objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée et que, subsidiairement, leur objet est dénué de toute activité inventive.
Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service répliquent que le tribunal a à bon droit écarté le grief d'extension de l'objet au-delà du contenu de la demande et qu'aucune combinaison des documents invoqués en première instance ne permet à l'homme du métier d'arriver à l'objet des revendications 2, 3, 8, 9, 10, 11, 13 du brevet FR 386.
En vertu de l'article L.613-25 du code de la propriété intellectuelle, le brevet est déclaré nul par décision de justice (...) si son objet s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire, si son objet s'étend au-delà du contenu de la demande initiale telle qu'elle a été déposée.
Il est rappelé que la revendication 2 du brevet FR 386 porte sur un module d'échange de chaleur selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'extrémité de positionnement et l'extrémité de guidage sont propres à entourer une tubulure de la première boîte collectrice adjacente.
La revendication 2 a été ajoutée lors de la procédure d'examen, la société Valéo Systèmes Techniques ayant fait valoir qu'elle trouvait son support dans la description, page 11, lignes 1 et 2.
Cette partie de la description précise que la 'fourche en U formée par les attaches 32 et 36 et l'âme 42 viennent entourer la tubulure 26", s'appuyant sur les figures 3 et 6 du brevet :
Or, la description et les figures ne décrivent qu'une fourche en U placée en bas de la boîte collectrice de gauche pour entourer la tubule, tandis que la description indique expressément, page 11, lignes 8 à 10, que n'est concerné qu'un mode de réalisation de l'invention impliquant une configuration dans laquelle les échangeurs de chaleur sont superposés verticalement.
Par conséquent, l'objet de la revendication 2 du brevet FR 386, qui porte sur une généralisation à d'autres moyens que ceux divulgués par la description et les figures qui ne concernent qu'un mode de réalisation particulier, s'étend manifestement au-delà du contenu de la demande telle que déposée.
La revendication 2 de ce brevet est donc nulle de ce chef.
La revendication 3, introduite également en cours d'examen, concerne un module d'échange de chaleur selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que ladite tubulure de la première boite collectrice adjacente s'étendant selon un axe parallèle à l'axe d'extension de ladite première boite collectrice adjacente, la société Valéo Systèmes Techniques ayant exposé devant l'INPI qu'elle trouvait son support au niveau des figures 1 à 6.
Or, les sociétés intimées objectent à juste titre que ces figures ne concernent que des modes de réalisation particuliers ; à cet égard, la tubulure n'est orientée que vers le haut dans la figure 1 concernant un premier mode de réalisation de l'invention, alors que la revendication 3 nouvelle n'exige qu'un axe parallèle et permet donc une orientation de la tubulure vers le bas, ce qui n'est pas supporté par la description et les figures.
Dès lors, de ce seuf chef, l'objet de la revendication 3 procède à une généralisation d'un mode de réalisation de l'invention en supprimant ses caractéristiques.
Le grief d'extention de l'objet au-delà du contenu de la demande est donc caractérisé et la revendication 3 du brevet FR 386 encourt l'annulation.
Enfin, concernant les revendications dépendantes 8, 9, 10, 11 et 13 du brevet, dans leur numérotation issue de l'ajout des revendications 2 et 3 durant la phase d'examen, elles sont dépourvues d'activité inventive en ce qu'elles portent sur de légères modifications de construction du modèle d'échange de chaleur entrant dans le cadre de la pratique courante pour l'homme du métier, les avantages qui en résultent étant aisément prévisibles, ainsi que l'a relevé l'examinateur de l'INPI dans son rapport de recherche préliminaire.
Aussi, le jugement ayant annulé les revendications 2, 3, 8, 9, 10, 11 et 13 du brevet FR 386 sur un motif erroné tiré du défaut de nouveauté, il sera infirmé de ce chef et il convient, statuant à nouveau, de prononcer la nullité des revendications 2 et 3 du brevet pour extension de l'objet au-delà de la demande telle que déposée et la nullité des revendications 8, 9, 10, 11 et 13 du brevet pour défaut d'activité inventive.
Il y a lieu d'ordonner la transcription de l'arrêt au registre national des marques concernant l'annulation de ces revendications.
2- Sur la validité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 de la partie française du brevet européen n°EP 1 150 087 (EP 087) :
a) Présentation du brevet EP 087 :
Le brevet EP 087, déposé le 25 avril 2001 sous priorité d'une demande FR 414 du 27 avril 2000, publié le 31 octobre 2001 et délivré le 1er février 2006, s'intitule : 'Echangeur de chaleur avec collecteur d'encombrement réduit, notamment pour véhicule automobile'.
La description indique que l'invention concerne tout particulièrement un échangeur de chaleur du type comprenant un faisceau de tubes à ailettes et un collecteur qui présente une âme centrale, dans laquelle est aménagée au moins une rangée de trous bordés par des collets pour la réception des tubes du faisceau, et une gorge périphérique raccordée à l'âme centrale par un bord replié.
Le brevet EP 087 relève que, dans la plupart des collecteurs connus de ce genre, le bord replié ainsi que les collets s'étendent généralement d'un même côté de l'âme centrale; que, jusqu'à présent, la région des collets, qui se trouve la plus proche du bord replié, est à une distance qui, habituellement, ne peut descendre en dessous d'une valeur de l'ordre de 1 mm, et que, dans ces conditions, il existe un espace mort entre les collets et le bord replié.
La description indique qu'habituellement, ce bord replié présente un contour de forme générale rectangulaire et notamment deux tronçons longitudinaux qui s'étendent parallèlement aux grands côtés du collecteur et également parallèlement à la (aux) rangée(s) des tubes. Un tel échangeur de chaleur est connu du document FR-1.577.223. Ainsi, dans le cas d'un échangeur de chaleur à une seule rangée de tubes, encore appelé échangeur mono-rang, les deux tronçons du bord replié sont toujours à une distance non négligeable des collets, ce qui augmente indûment la distance entre les deux tronçons et, par conséquent, la largeur du collecteur.
La figure 3 du brevet montre :
un bord replié 20 se raccordant au collet 16 par un pliage 'en U'. Il existe un jeu 'd' entre le bord replié et le collet, identifié comme un espace mort, augmentant ainsi la distance entre les deux tronçons.
Le brevet comporte 9 revendications, la revendication 1 est indépendante et les revendications 2 à 9 dépendantes.
La revendication 1 du brevet EP087 se lit comme suit, les parties étant en accord sur le découpage :
a) Echangeur de chaleur,
b) du type comprenant un faisceau de tubes à ailettes
c) et un collecteur
d) qui présente une âme centrale, dans laquelle est aménagée au moins une rangée de trous bordés par des collets pour la réception des tubes du faisceau,
e) et une gorge périphérique comprenant une paroi de fond raccordée à ladite âme centrale par un bord replié,
f) caractérisé en ce que chaque collet est sensiblement au contact dudit bord replié de manière à définir entre eux un jeu d'une valeur minimale.
Les revendications dépendantes opposées par les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service sont les suivantes :
3. Echangeur de chaleur selon l'une des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que le bord replié comprend deux tronçons parallèles entre eux et à la (aux) rangée(s) (R) de tubes et en ce que chacun desdits tronçons est sensiblement au contact des collets.
5. Echangeur de chaleur selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que les extrémités des tubes sont reçues dans les collets avec interposition d'un joint d'étanchéité.
7. Echangeur de chaleur selon l'une des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que les collets et les extrémités des tubes sont de forme générale circulaire.
9. Echangeur de chaleur selon l'une des revendications 1 à 8, caractérisé en ce qu'une ailette est en contact avec le collecteur dans la région de la gorge périphérique.
Le brevet EP 087 est décrit par les figures suivantes :
Sur le problème technique :
Les société Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service font valoir que le problème technique posé par le brevet est celui de réduire l'encombrement des échangeurs de chaleur, la description exposant que cette réduction présente un avantage conséquent lorsque l'on sait que la place dévolue aux équipements des véhicules automobiles, en particulier dans le compartement moteur, est de plus en plus réduite ; que, plus particulièrement, le problème résolu par l'invention est celui de réduire la distance entre deux tronçons d'un échangeur de chaleur, permettant in fine de réduire la largeur du collecteur; que, pour réduire l'encombrement des échangeurs de chaleur, la solution du brevet consiste à cibler le jeu 'd' montré sur la figure 3 du brevet et le réduire, chaque collet étant sensiblement au contact du bord replié de manière à définir entre eux un jeu 'd' d'une valeur minimale.
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France opposent que le problème technique objectif à résoudre est comment améliorer un échangeur de chaleur qui présente l'inconvénient de laisser un espace mort entre des collets et un bord replié.
Il est rappelé que le brevet EP 087 mentionne que, dans la plupart des collecteurs connus, le bord replié ainsi que les collets s'étendent généralement d'un même côté de l'âme centrale et que, jusqu'à présent, la région des collets, qui se trouve la plus proche du bord replié, est à une distance qui habituellement ne peut descendre en dessous d'une valeur de l'ordre de 1 mm, de sorte qu'il existe un espace mort entre les collets et le bord replié (paragraphes 11et 12).
Le problème technique objectif clairement exposé dans l'invention concerne, de façon générale, la question de la diminution de la largeur du collecteur par la suppression des espaces morts, ainsi que le tribunal l'a justement retenu, sans qu'il soit limité à la question du seul espacement entre les collets et le bord replié.
c) Sur l'homme du métier :
Comme pour les autres brevets qui concernent le même domaine technique, l'homme du métier doit s'entendre comme d'un spécialiste de la conception d'échangeurs de chaleur, notamment d'échangeurs de chaleur pour véhicules automobiles.
d) Sur l'activité inventive :
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France demandent à la cour à titre principal de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 du brevet EP 087 pour défaut de nouveauté et statuant à nouveau, de prononcer la nullité de ces revendications pour défaut d'activité inventive.
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France font valoir qu'il était évident pour l'homme du métier, au regard du document FR 385 et de la connaissance reconnue par le brevet EP 087 lui-même de l'existence d'un espace mort entre les collets et le bord replié, de réduire au maximum cet espace mort pour qu'il ne soit plus utile, de sorte que l'objet de la revendication 1 est dénué d'activité inventive par rapport à ce document et qu'il en est de même des revendications dépendantes 3, 5, 7 et 9 dont les caractéristiques additionnelles étaient connues. Elles opposent encore que l'homme du métier, doué d'une intelligence normale, et ne pouvant ignorer l'existence d'un espace mort entre les collets et le bord replié, qui souhaiterait améliorer un échangeur de chaleur présentant cet inconvénient, aurait, au vu du document FR 042, cherché à réduire au minimu cet ultime espace inutile. Enfin, les intimées soutiennent qu'au regard de l'art antérieur admis par le brevet EP 087 lui-même, les revendications opposées n'impliquent aucune activité inventive.
Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service répliquent que les documents cités par les intimées n'identifient pas le jeu entre un collet et un bord replié comme un espace mort, et encore moins que 'chaque collet est sensiblement en contact dudit bord replié de manière à définir entre eux un jeu d'une valeur minimale'. Elles font valoir que, si l'existence d'un jeu, ou d'une distance, entre chaque collet et le bord replié, préexistait dans l'art antérieur, la notion d'espace mort part d'une réflexion qui va au-delà du simple constat technique dès lors qu'il est observé que ce jeu était inutile et qu'à la date de dépôt de priorité du brevet, personne n'avait pensé à le réduire. Elles concluent que les sociétés intimées partent à tort de la solution du brevet, raisonnant a posteriori, celles-ci échouant à démontrer le défaut d'activité inventive des revendications opposées du brevet EP 087.
L'article 138 CBE prévoit notamment qu'un brevet européen ne peut être déclaré nul, avec un effet pour un Etat contractant, que si (...) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57;'
L'article 56 de la convention précise qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique.
Au cas d'espèce, il est rappelé que le problème technique est la réduction des espaces morts, afin de réduire la largeur de l'échangeur de chaleur et limiter son encombrement.
L'homme du métier, de compétence moyenne, est supposé avoir connaissance de toutes les caractéristiques de l'état de la technique qui ont été rendues accessibles au public, dans son domaine de compétence.
S'agissant d'un spécialiste de la conception d'échangeurs de chaleur, en particulier les échangeurs de chaleur pour véhicules automobiles, il est réputé avoir lu le document FR 385 qui concerne une demande publiée le 19 mai 1995, ce document étant relatif à l'assemblage d'un collecteur applicable à la construction automobile.
Si ce document enseigne des moyens de garantir l'assemblage du collecteur, en matière plastique avec un fond métallique recouvert d'un joint d'étanchéité, en évitant que le joint ne soit endommagé ou déformé, la figure 2 reproduite dans ce document :
montre qu'il existe un espace sans fonctionnalité dans l'échangeur de chaleur, entre les collets et le bord replié.
Le document FR 042, correspondant à une demande publiée le 23 février 1994, concerne un échangeur de chaleur, en particulier pour les véhicules automobiles.
Ce document concerne une invention applicable en particulier aux échangeurs de chaleur dont la capacité doit être accrue par le rapprochement des tubes. Il mentionne un échangeur de chaleur qui comprend un collecteur et un plateau métallique à tubes, lequel présente un côté primaire et un côté secondaire à partir desquels sont formées des collerettes dans lesquelles des tubes sont maintenus et étanchéifiés. Des collerettes voisines sont dirigées alternativement vers le côté primaire et vers le côté secondaire. Les collerettes sont notamment placées directement les unes à côté des autres et les rayons de raccordement de collerette au plan du plateau de deux collerettes dirigées dans des sens contraires se rejoignent directement en forme de S en coupe.
A cet égard, ce document enseigne (description, lignes 7-12) que, dans le cadre de l'accroissement de la capacité de tels échangeurs de chaleur, il devient nécessaire de placer les tubes, qu'ils soient ronds ou ovales, plus étroitement les uns à côté des autres, c'est à dire avec un écartement aussi faible que possible.
La figure 4 a du document FR 042 :
montre encore un écartement sans nécessité technique entre les collets et le bord replié.
Le brevet EP 087 rappelle (page 1, paragraphe 10) que, dans la plupart des collecteurs connus de l'art antérieur, donc nécessairement ceux visés par les documents FR 385 et FR 042, la région des collets, qui se trouve la plus proche du bord replié, est à une distance qui, habituellement, ne peut descendre en dessous d'une valeur de l'ordre de 1 mm.
Aussi, l'homme du métier savait nécessairement, à la lecture de la documentation technique mise à sa disposition, dont les documents suvisés, qu'il existait un espace inutile entre les collets et le bord replié, ce que rappelle la description du brevet EP 087, qu'il qualifie d''espace mort'.
Par conséquent, pour réduire l'encombrement lié à la largeur de l'échangeur de chaleur, l'homme du métier, au regard de ses connaissances techniques, aurait été incité à définir entre les collets et le bord replié un jeu d'une valeur minimale, afin que chaque collet soit sensiblement au contact du bord replié, ce qui constitue la solution la plus simple et évidente, l'activité inventive ne pouvant découler d'un seul constat connu par l'homme du métier.
L'objet de la revendication 1 du brevet EP 087 est donc dénué de toute activité inventive.
Sur les revendications dépendantes, la revendication 3 du brevet se borne à mettre en application la revendication 1sans caractéristique spécifique.
La revendication 5 ne fait que reproduire l'état antérieur concernant l'insertion des tubes dans l'échangeur de chaleur, de même que la revendication 7 sur la forme générale circulaire des collets et des extrémités des tubes.
Enfin, la revendication 9 vise un dispositif imposé aux échangeurs de chaleur par des nécessités techniques.
Par conséquent, l'objet des revendications 3, 5, 7 et 9 est dépourvu d'activité inventive.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 de la partie française du brevet EP 087 pour défaut de nouveauté, le dispositif du jugement étant affecté d'une erreur matérielle en ce qu'il résulte de la motivation que le tribunal a, en réalité, annulé ces revendications pour défaut d'activité inventive.
Statuant à nouveau, il y a lieu de prononcer la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 de la partie française du brevet EP 087 pour défaut d'activité inventive et d'ordonner la transcription de l'arrêt au registre national des brevets.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre de la contrefaçon des brevets litigieux.
Sur la demande reconventionnelle en concurrence déloyale :
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France soutiennent qu'elles font l'objet d'un harcèlement par les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service ayant causé leur désorganisation, constitutif de concurrence déloyale; qu'elles ont, à cet égard, été victimes d'une véritable stratégie de minage par les sociétés appelantes ; que des modifications apportées au brevet FR 386 ont été dissimulées à l'INPI ; que les brevets opposés en l'espèce étaient manifestement nuls; que le brevet FR 386 ne résoud aucun problème technique et constitue une facilité essentielle puisqu'il interdit, à défaut de licence, d'accéder au marché des échangeurs de rechange ; que la mesure d'interdiction sollicitée caractérise un abus de position dominante.
Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service contestent toute stratégie de minage. Elles font notamment valoir que les brevets contestés sont exploités et ont été déposés avant 2014, à une époque où la société Valéo Systèmes Thermiques déposait peu de brevets dans les systèmes thermiques ; que les brevets opposés étaient valables et que s'agissant du brevet FR 386, il ne correspond pas à une facilité essentielle, Valéo n'étant pas en position dominante et le brevet est une exception à cette notion.
En vertu de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La concurrence déloyale, en tant que limite à la liberté du commerce et de l'industrie, doit être appréciée à l'aune de celle-ci. Elle consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires.
En premier lieu, ne constitue pas une faute le seul fait pour un titulaire de brevets d'agir en contrefaçon de titres qui bénéficient d'une présomption de validité, tandis qu'il n'est pas caractérisé que la société Valéo Systèmes Thermiques aurait été l'auteur de manoeuvres dolosives en vue de leur obtention.
Par ailleurs, il n'est pas plus établi que les sociétés appelantes auraient mis en oeuvre une stratégie de minage à l'encontre des intimées par des comportements déloyaux étrangers aux droits revendiqués sur les brevets contestés.
Enfin, les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France échouent à rapporter la preuve d'une situation de position dominante de la société Valéo Systèmes Thermiques ni que le brevet FR 386 constituerait une facilité essentielle.
C'est donc par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a débouté les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France de leurs demandes formées au titre de la concurrence déloyale, la demande de publication judiciaire formalisée à hauteur d'appel étant rejetée.
Sur la procédure abusive :
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France font valoir que l'action introduite par les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service est dépourvue de tout fondement et n'a d'autre objectif que de sortir un concurrent du marché des échangeurs de chaleur, la demande d'interdiction reposant sur des brevets dont elles ne pouvaient ignorer qu'ils étaient nuls, tandis que les produits réputés contrefaisants ne faisaient que reproduire ceux de l'art antérieur.
Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service répliquent que l'action qu'elles ont engagée n'a rien d'artificiel ; que les titres examinés par l'OEB et l'INPI ont été déclarés valables tandis qu'il n'y a aucun abus à agir en justice au titre de la contrefaçon des brevets qui met en péril les investissements qu'elles ont réalisés.
En vertu de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France ne démontrent pas le caractère fautif faisant générer en abus de l'action introduite par les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service en contrefaçon de brevets régulièrement délivrés, même si leur nullité a été judiciairement prononcée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France de leur demande indemnitaire formée au titre de la procédure abusive.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement sera confirmé du chef des dépens et de l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles aux sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France.
Les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service seront condamnées aux dépens d'appel et in solidum à payer à chacune des sociétés Nissens Cooling Solutions A/S et Nissen France la somme de 50 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :
- prononcé la nullité des revendications 2, 3, 8, 9, 10, 11 et 13 du brevet FR 2 929 386 pour défaut de nouveauté,
- prononcé la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 de la partie française du brevet EP 1 150 087 pour défaut de nouveauté,
- ordonné l'inscription du jugement au registre national des marques concernant la nullité des revendications 2, 3, 8, 9, 10, 11 et 13 du brevet FR 2 929 386 pour défaut de nouveauté et au registre européen des brevets concernant la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 de la partie française du brevet EP 1 150 087,
STATUANT A NOUVEAU :
PRONONCE la nullité des revendications 2 et 3 du brevet FR 2 929 386 pour extension de l'objet au-delà de la demande telle que déposée,
PRONONCE la nullité des revendications 8, 9, 10, 11 et 13 du brevet FR 2 929 386 pour défaut d'activité inventive,
PRONONCE la nullité des revendications 1, 3, 5, 7 et 9 de la partie française du brevet EP 1 150 087 pour défaut d'activité inventive,
ORDONNE la transmission de l'arrêt à l'INPI pour transcription sur le registre national des brevets, à la requête de la partie la plus diligente,
CONDAMNE les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement par Me Sophie Micallef, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service à payer à la société Nissens Cooling Solutions A/S la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
CONDAMNE in solidum les sociétés Valéo Systèmes Thermiques et Valéo Service à payer à la société Nissen France la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
REJETTE le surplus des demandes des parties.