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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-2, 26 novembre 2024, n° 24/00574

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Javelas

Conseillers :

Mme Thivellier, Mme Paccioni

Avocat :

Me Flaceliere

TJ Vanves, du 7 déc. 2023, n° 11-23-0032

7 décembre 2023

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 15 janvier 2022, M. [R] [J] a acquis auprès de la société Mycars un véhicule automobile d'occasion de marque Volkswagen Polo pour un montant de 5 700 euros TTC.

Se plaignant de vices affectant le véhicule, M. [J] a fait diligenter une expertise amiable dont le rapport a été établi le 12 juillet 2022.

Par acte de commissaire de justice du 15 février 2023, M. [J] a assigné M. [D] [O].

Par jugement réputé contradictoire du 7 décembre 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Vanves a :

- débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

- laissé à la charge de M. [J] les dépens,

- rappelé l'exécution provisoire de droit du présent jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 26 janvier 2024, M. [J] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 6 mars 2024, M. [J], appelant, demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 7 décembre 2023,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau ;

Vu les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil et l'article L. 211-1 du code de la consommation,

- le déclarer recevable et bien fondé en son action,

- prononcer la résolution de la vente automobile du véhicule Volkswagen immatriculé [Immatriculation 8] conclue le 15 janvier 2022 avec le vendeur M. [O] exerçant sous la dénomination commerciale Mycars,

- condamner M. [O] à lui payer :

- 5 700 euros au titre du remboursement intégral du prix de vente,

- 184,38 euros en remboursement des frais occasionnés par la vente,

- 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les entiers dépens.

M. [O] n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 8 mars 2024, la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées par remise à l'étude.

L'arrêt sera donc rendu par défaut en application de l'article 473 alinéa 1 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 octobre 2024.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler, qu'en application de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Il n'est alors fait droit à la demande que dans la mesure où elle est régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande de résolution de la vente

* Sur l'identification du vendeur

M. [J] fait grief au premier juge de l'avoir débouté de sa demande motif pris qu'il ne rapportait pas la preuve que la vente du véhicule lui avait été consentie par M. [O], le contrat mentionnant la société 'Mycars' comme vendeur.

Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement, il fait valoir que le numéro Siret qui figure sur la facture du véhicule correspond bien à celui de M. [O] comme en atteste l'extrait d'inscription au registre national des entreprises, ce qui fait foi de l'identité réelle du vendeur.

Sur ce,

En application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, la facture d'achat du véhicule du 15 janvier 2022 mentionne comme vendeur la société Mycars domiciliée à [Localité 5] et portant le numéro de Siret 79872071000036.

Ce numéro d'immatriculation correspond à l'établissement de M. [O] selon l'extrait des inscriptions au registre national des entreprises daté du 28 février 2024 pour un établissement principal situé [Adresse 2] à [Localité 4].

Dans ces conditions, M. [J] démontre que le vendeur du véhicule litigieux est bien M. [O] qui a effectué cette vente sous la dénomination commerciale Mycars, quand bien même celle-ci ne figure pas sur le registre des entreprises.

Il convient en conséquence de déclarer la demande de M. [J] au titre de la garantie des vices cachés recevable et d'infirmer le jugement déféré l'ayant débouté de sa demande pour ce motif.

* Sur la garantie des vices cachés

M. [J] demande la résolution de la vente et le remboursement des frais occasionnés par celle-ci en faisant valoir que le véhicule était atteint de désordres constitutifs de vices cachés rédhibitoires.

Au soutien de ses demandes, il se fonde sur un rapport d'expertise du 12 juillet 2022 qu'il qualifie de contradictoire et qui conclut à la responsabilité du vendeur pour la vente d'un véhicule présentant un ensemble de dommages techniques prenant naissance antérieurement à sa vente, et à la responsabilité de l'établissement Philippe Sarl du fait de ses omissions lors du contrôle technique ayant favorisé la vente du véhicule.

Sur ce,

En application de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Le vice caché se définit comme le défaut que l'acheteur ne pouvait pas déceler, compte tenu de la nature de la chose vendue, et dont il n'a pas eu connaissance au moment de la vente.

En cas de vente d'un véhicule d'occasion, la garantie ne peut s'appliquer qu'à des vices d'une particulière gravité, l'acquéreur d'un tel véhicule ayant implicitement accepté l'usure de la chose.

Pour que M. [J] puisse invoquer la garantie des vices cachés, il doit rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché, ce qui suppose la démonstration de quatre éléments.

Il est tout d'abord nécessaire d'établir l'existence d'un vice, c'est-à-dire d'une anomalie de la chose vendue, ne pouvant être la conséquence d'une usure normale, et de démontrer que le vice atteint un degré suffisant de gravité. Il est ensuite nécessaire d'établir que le vice était caché et qu'il soit antérieur à la vente.

En outre, il convient de rappeler qu'il résulte de l' article 16 du code de procédure civile que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu importe qu'elle l'ait été en présence de celles-ci (1ère civ., 6 juillet 2022, n°21.12-545).

En l'espèce, M. [J] verse aux débats une expertise non judiciaire, réalisée à la demande de la société 'litige.fr' par le cabinet Adexauto au cours de laquelle la société Mycars a été convoquée à l'adresse de [Localité 5] (AR signé) mais ne s'est pas présentée, de même que la société Philippe. M. [O] n'a pas été convoqué.

Le seul élément versé aux débats pouvant venir corroborer les éléments figurant dans ce rapport est le rapport du contrôle technique.

Il ressort de l'expertise non judiciaire que :

- le 28 décembre 2021, le véhicule a fait l'objet d'un contrôle technique réglementaire réalisé par la société Philippe. Il ressort du procès-verbal (pièce 3) que seule une défaillance mineure a été relevée, à savoir un disque ou tambour des freins légèrement usé (arrière droit et gauche).

- le véhicule a été acheté par M. [J] le 15 janvier 2022 au prix de 5 700 euros,

- en février 2022, le véhicule a subi un accident de la circulation et qu'il a été expertisé 'suite déclaration assurance caisse d'épargne dans la cie HTZ carrosserie Amberieux d'Azergues' et que suite à cette expertise, M. [J] a été informé de plusieurs désordres techniques non consécutifs au sinistre, d'où la naissance d'un différend entre vendeur et acheteur,

- le 4 février 2022, un contrôle technique réglementaire a été réalisé au centre Auto de la Vallée,

- la société Philippe a écrit pour expliquer son absence en soulignant qu'entre le premier contrôle technique du 28 décembre 2021 et celui du 4 février 2022, le véhicule a subi un accident d'où les points stipulés dans le second rapport qu'il aurait notés si le pare-choc avait été endommagé et le phare cassé.

L'expert a relevé :

1) un endommagement du bloc avant

Il a conclu qu'au vu des éléments et des relevés effectués, les déformations et détériorations du véhicule ne sont pas consécutives au sinistre mais à un sinistre antérieur, soit antérieur à l'achat du véhicule par M. [J] qui a été trompé sur le réel état du véhicule lors de son achat.

Il a précisé que:

- le bloc avant présente un ensemble de réparations sommaires en partie extérieure sur ses amovibles qui présentent des défauts de positionnement et des traces d'intervention réparation ainsi qu'un ensemble de défauts relatifs à la préparation peinture,

- un endommagement important au niveau de la partie inférieure brancard côté droit est toujours présent et qu'au vu de l'état de l'aile avant droite en place sur le véhicule, ce n'est pas cet élément (aile en place) qui est venu endommager le brancard droit (élément remplacé ),

- au niveau du pied avant droit, une déformation entre les deux charnières de fixation de la porte avant, que l'élément a dû être détérioré faisant suite à un choc assez important et que les embouts de longeron droit et gauche présentent des déformations mais que la traverse avant ne présente pas de dommage visuellement (sous réserve de dépose d'élément pour analyse précise),

- divers défauts de fixation et d'endommagement d'éléments:

- endommagement des protections inférieures des planchers en partie latérale droite,

- absence du cache avant du bouclier avant,

- défaut de fixation de la plaque de soubassement protection moteur,

- un défaut de fonctionnement est relevé au niveau des optiques avant.

Le procès-verbal de contrôle technique du 4 février 2022 a relevé, pour le bloc avant, au titre des défaillances majeures soumises à contre-visite :

- une mauvaise fixation du feu avant droit,

- que l'orientation d'un feu de croisement n'est pas dans les limites prescrites par les exigences (avant gauche et avant droit)

- au niveau du pare-choc, protection latérale et dispositifs anti-encastrement arrière: une mauvaise fixation ou endommagement susceptible de causer des blessures en cas de contact avant.

Et au titre des défaillances mineures:

- déformation mineure d'un longeron ou d'une traverse avant droit,

- déformation mineure du berceau avant.

Ce contrôle technique permet ainsi de corroborer les défauts de fixation de certains éléments sans qu'il soit pour autant démontré un caractère de gravité de ces désordres tel qu'il rendrait le véhicule impropre à son utilisation ou en diminuerait de façon significative son usage, l'expert restant muet sur l'atteinte à l'usage du véhicule qui résulterait des anomalies constatées.

Par ailleurs, si l'expert a relevé, en partie supérieure moteur, que le bloc batterie est cassé, que les pattes de l'optique avant gauche présentent des réparations antérieures et que celles-ci sont cassées, ces éléments ne sont corroborés par aucun autre élément du dossier.

2) un problème sécurité passive des ceintures de sécurité

L'expert a indiqué que la ceinture de sécurité avant droite présente un défaut de fixation et bouge anormalement et qu'après décalage des garnitures, il a relevé que l'élément est mal fixé au niveau de son enrouleur indiquant une intervention antérieure. L'expert en a conclu que M. [J] avait été trompé sur le réel état du véhicule lors de son achat.

Ce défaut a été relevé également lors du contrôle technique (point d'ancrage des ceintures de sécurité gravement détérioré à l'avant droit et gauche).

Pour autant, ce défaut ne présente pas un défaut de gravité suffisant pour rendre le véhicule impropre à sa destination, ce que l'expert ne mentionne pas au demeurant.

3) Problème technique fuite amortisseur

L'expert a relevé que l'amortisseur arrière droit présente des fuites importantes et qu'au vu des amalgames de poussière relevés sur les suintements d'huile, ce défaut est non récent sans pouvoir le dater précisément.

Ainsi, outre le fait qu'il n'est pas établi que ce défaut serait antérieur à la vente, son existence même n'est corroboré par aucune autre pièce du dossier, le rapport de contrôle technique n'en faisant pas état.

4) Problème système de freinage

Il a été relevé par l'expert un désordre localisé au niveau du système de frein arrière et que les plaquettes de frein arrière portent mal sur les disques de frein.

Il a indiqué que ce défaut de portée entre les plaquettes de frein et les disques entraînent une diminution de leur efficacité lors de l'utilisation du véhicule et que les éléments doivent être remplacés. Il en conclut qu'au vu de la corrosion, ce défaut était présent antérieurement à l'achat du véhicule.

Le contrôle technique a relevé un disque ou tambour de freins légèrement usé à l'arrière droit et qualifié ce défaut de défaillance mineure ne justifiant pas une contre-visite.

Dès lors, ce défaut ne présente pas le degré de gravité requis pour caractériser un vice caché, étant en outre relevé qu'il avait été noté lors du contrôle technique antérieur à la vente.

5) Corrosion superficielle train arrière

Il a été relevé par l'expert que le train arrière du véhicule présente une corrosion superficielle assez importante et que ce type de détérioration aurait dû être signalé sur le contrôle technique.

Il a conclu que M. [J] a été trompé sur le réel état du véhicule lors de son achat.

Cependant, l'existence de ce défaut n'est corroboré par aucune autre pièce du dossier et il n'est pas démontré en quoi il rendrait le véhicule impropre à sa destination.

6) Problème plaque police

L'expert a relevé que les plaques d'immatriculation du véhicule présentent une fixation via des vis et a rappelé que celles-ci doivent être fixées sans possibilité de démontage rapide. Il a indiqué qu'elles sont en WW et provisoires mais que malgré cela, elles sont non conformes au niveau de leur fixation.

Le contrôle technique a également relevé, au niveau des plaques d'immatriculation: 'plaque manquante ou si mal fixée, elle risque de tomber AV, AR'.

Pour autant, il ne s'agit pas d'un vice caché mais apparent.

Enfin, la cour relève au surplus que l'expertise réalisée par l'assurance n'est pas produite et qu'il ne ressort pas du rapport qu'il aurait été analysé par l'expert amiable, ce qui ne permet pas de corroborer les éléments de l'expertise non judiciaire et de connaître l'état du véhicule et les dégâts subis du fait de l'accident.

En conséquence, il convient de débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes et de confirmer, par substitution de motifs, le jugement déféré.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [J], qui succombe, est condamné aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens étant confirmées. Il est en conséquence débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

Confirme, par substitution de motifs, le jugement déféré en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;

Y ajoutant,

Déclare la demande de M. [J] recevable ;

Déboute M. [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [R] [J] aux dépens d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Gaëlle RULLIER, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.