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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 25 novembre 2024, n° 22/00712

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 22/00712

25 novembre 2024

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 25 NOVEMBRE 2024

N° RG 22/00712 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRG2

S.E.L.A.R.L. IMAGERIE MEDICALE DU PONT DE LA MAYE

c/

S.C.P. JEAN DENIS SILVESTRI - BERNARD BAUJET MANDATAIRES JUDICIAIRE A LA LIQUIDATION DES ENTREPRISES

S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS

Nature de la décision : AU FOND

Copie exécutoire délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 janvier 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 19/00795) suivant déclaration d'appel du 10 février 2022

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. IMAGERIE MEDICALE DU PONT DE LA MAYE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Philippe LIEF de l'AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ ES :

S.C.P. JEAN DENIS SILVESTRI - BERNARD BAUJET , en sa qualité de représentant des créanciers au passif de la procédure de sauvegarde de la société DOCUMENT CONCEPT 33, société à actions simplifiée immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 420 415 465, dont le siège social est situé [Adresse 1]

demeurant [Adresse 2]

S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Christine COMBEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

Représentée par Me Mathieu BOLLENGIER-STRAGIER, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte LAMARQUE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Paule POIREL, présidente,

Bénédicte LAMARQUE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Suivant contrat du 3 mars 2015, la SAS Document Concept 33 (le loueur et fournisseur)

a consenti à la SELARL Imagerie médicale du Pont de la Maye (le preneur - ci après IMPM) la location d'un matériel d'impression RICOH 5100 pour une durée de 48 mois, dont elle s'était engagée à assurer la maintenance par contrat du 19 février 2015.

Le 24 janvier 2017, les parties ont conclu un contrat portant amélioration du matériel d'impression, maintenance des équipements pendant 21 trimestres et résolution de l'ancien contrat de financement avec prise en charge du solde par le loueur. Un contrat

de location du 26 janvier 2017 a prévu d'une part le montant du loyer trimestriel hors taxes et assurances, à la charge du preneur, à hauteur de 2 497 euros à échoir, d'autre

part la cession du contrat par le loueur et fournisseur à la SAS CM-CIC Leasing Solution (le bailleur cessionnaire).

Peu de temps après la livraison réalisée le 18 juillet 2017, le preneur s'est plaint auprès de la société Document Concept 33 de dysfonctionnements justifiant la suspension de son obligation de paiement à compter du 1er mars 2018. En l'absence de régularisation des impayés malgré mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juillet 2018 distribuée le 5 juillet 2018, le bailleur cessionnaire a résilié le contrat par courrier du 18 septembre 2018.

Par jugement du 30 mai 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a placé la société Document Concept 33 en procédure de sauvegarde, convertie en liquidation judiciaire le 5 décembre 2018, et désigné la SCP Jean Denis Silvestri - Bernard Baujet en qualité de liquidateur.

Le preneur a déclaré sa créance au passif de la procédure les 3 août 2018 et 5 novembre 2018 pour des montants respectifs de 10 008 euros au titre de mensualités indûment prélevées et 53 835,32 euros correspondant aux sommes réclamées par le bailleur cessionnaire au titre des loyers impayés, de la clause pénale et des loyers à échoir.

Par acte d'huissier du 24 octobre 2018, le bailleur cessionnaire (la société CM CIC Leasing Solutions) a mis en demeure, de manière infructueuse, le preneur (l'IMPM) aux fins de paiement de cette dernière somme.

Par acte d'huissier du 17 janvier 2019, le bailleur cessionnaire a fait assigner le preneur devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins d'obtenir le constat de la résiliation du contrat aux torts de ce dernier, la restitution du matériel et le paiement de la somme de 53 835,32 euros au principal.

Le 25 juin 2019, le preneur a cité en intervention forcée la société Jean Denis Silvestri - Bernard Baujet, ès qualités de liquidateur du vendeur, aux fins de voir prononcer la résolution des contrats de maintenance et de vente et constater en conséquence la caducité du contrat de location financière.

Le 5 juillet 2019, les deux procédures ont été jointes sous le RG n°22/00712.

Par jugement réputé contradictoire du 6 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- constaté la résiliation au 18 septembre 2018 du contrat de location financière conclu le 26 janvier 2017 entre la société CM CIC Leasing Solutions, la société Document concept 33 et la société Imagerie médicale du Pont de la Maye ;

- condamné la société Imagerie médicale du Pont de la Maye à :

* restituer à ses frais le matériel d'impression RICOH 5100, objet du contrat de location du 26 janvier 2017, à la société CM CIC Leasing Solutions ;

* à payer à la société CM CIC Leasing Solutions les sommes de :

- 8 989,20 euros TTC, avec intérêts au triple du taux légal à compter du 05 juillet 2018 sur la somme de 5 992,80 euros et à compter du 18 septembre 2018 sur le reliquat, au titre des loyers impayés ;

- 898,92 euros à titre d'indemnité proportionnelle au montant des loyers impayés ;

- 5 000 euros au titre des indemnités de résiliation ;

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties pour le surplus ;

- condamné la société Imagerie médicale du Pont de la Maye aux dépens, qui seront

recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Imagerie médicale du Pont de la Maye a relevé appel de ce jugement par déclaration du 10 février 2024, en ce qu'il a :

- constaté la résiliation au 18 septembre 2018 du contrat de location financière conclu le 26 janvier 2017 entre la société CM CIC Leasing Solutions, la société Document Concept 33 et la société Imagerie médicale du Pont de la Maye ;

- condamné la société Imagerie médicale du Pont de la Maye à restituer à ses frais le matériel d'impression RICOH 5100, objet du contrat de location du 26 janvier 2017, à la société CM CIC Leasing Solutions ;

- condamné la société Imagerie médicale du Pont de la Maye à payer à la société CM CIC Leasing Solutions de la somme de 8 989,20 euros TTC, avec intérêts au triple du taux légal à compter du 05 juillet 2018 sur la somme de 5 992,80 euros et à compter du 18 septembre 2018 sur le reliquat, au titre des loyers impayés ;

- condamné la société Imagerie médicale du Pont de la Maye à payer à la société CM CIC Leasing Solutions de la somme de 898,92 euros à titre d'indemnité proportionnelle au montant des loyers impayés ;

- condamné la société Imagerie médicale du Pont de la Maye à payer à la société CM CIC Leasing Solutions de la somme de 5 000 euros au titre des indemnités de résiliation ;

- condamné la société Imagerie médicale du pont de la Maye au paiement à la société CM CIC Leasing Solutions d'une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties pour le surplus ;

- condamné la société Imagerie médicale du Pont de la Maye aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées le 21 octobre 2022, la société Imagerie médicale du Pont de la Maye demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- constatant que la société Document Concept 33 a manqué à ses obligations contractuelles au titre du contrat de maintenance conclu avec la société Imagerie médicale du pont de la Maye, prononcer la résolution du contrat de maintenance rétroactivement au 31 août 2017, subsidiairement au 2 mars 2018 ;

- constatant le transfert de l'action en garantie par la société CM CIC Leasing Solutions, au bénéfice de la société Imagerie médicale du pont de la Maye, et à l'encontre de la société Document Concept 33, en vertu du contrat de location financière, déclarer la société Imagerie médicale du pont de la Maye recevable à obtenir la résolution du contrat de vente conclu entre la société CM CIC Leasing Solutions et la société Document Concept 33 ;

- prononcer la résolution du contrat de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés en raison des vices cachés affectant la solution d'impression ;

- constatant l'interdépendance au sens de l'article 1186 du code civil des contrats de maintenance, de vente et de location financière conclus concomitamment, constater la caducité du contrat de location financière conclu entre la société Imagerie médicale du pont de la Maye et la société CM CIC Leasing Solutions ;

En conséquence :

- débouter la société CM CIC Leasing Solutions de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société CM CIC Leasing Solutions à restituer à la société Imagerie médicale du pont de la Maye l'ensemble des loyers perçus et représentant une somme totale de 15 681,75 euros TTC ;

A titre totalement subsidiaire :

- Dans l'éventualité dans laquelle la Cour estimerait que la charge des indemnités de résiliation doit peser sur la société Imagerie médicale du Pont de la Maye, réduire les indemnités de résiliation à l'euro symbolique, sur le fondement de l'article 1231-5 du code civil ;

En tout état de cause :

- condamner in solidum la société Jean Denis Silvestri - Bernard Baujet ès qualité et la société CM CIC Leasing Solutions à payer à la société Imagerie médicale du pont de la Maye une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées le 13 avril 2023, la société CM CIC Leasing Solutions demande à la cour de :

- dire la société CM CIC Leasing Solutions recevable et bien fondée en ses conclusions d'intimée ;

- débouter la société Imagerie médicale du pont de la Maye de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer le jugement du 6 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a constaté la résiliation anticipée du contrat de location aux torts de la société Imagerie médicale du Pont de la Maye ;

- le réformer en ce qu'il a débouté la société CM CIC Leasing Solutions du surplus de ses demandes et fait droit que partiellement à l'indemnité de résiliation.

En conséquence :

- voir constater la résiliation du contrat de location aux torts et griefs de la société Imagerie médicale du pont de la Maye au 18 septembre 2018 ;

- s'entendre la société Imagerie médicale du Pont de la Maye condamnée à restituer le matériel objet de la convention résiliée et ce dans la huitaine de la signification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

- condamner la société Imagerie médicale du pont de la Maye à payer à la société CM CIC Leasing Solutions, les sommes suivantes :

- loyers impayés 8 989,20 euros TTC

- pénalités contractuelles (art.4.4) 898,92 euros TTC

- Loyers à échoir 39 952,00 euros HT

- Clause pénale 3 995,20 euros HT

Soit un total de 53 835,32 euros

Avec intérêts de droit à compter de la présentation de la mise en demeure soit le 5 juillet 2018.

A titre subsidiaire : en cas de caducité du contrat de location :

- condamner la partie fautive à l'origine de l'anéantissement de l'ensemble contractuel à indemniser la société CM CIC Leasing Solutions.

Si la Cour considère que la société Imagerie médicale du pont de la Maye est à l'origine de l'anéantissement fautif de l'ensemble contractuel :

- condamner la société Imagerie médicale du pont de la Maye à payer à la société CM CIC Leasing Solutions la somme de 53 835,32 euros correspondant aux sommes dues au titre de la résiliation du contrat de location.

Si la Cour considère que la société Document Concept 33 est à l'origine de l'anéantissement fautif de l'ensemble contractuel :

- fixer au passif de la société Document Concept 33 la somme de 53 835,32 euros.

En tout état de cause :

- condamner tout succombant à payer à la société CM CIC Leasing Solutions une somme de 4 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- la condamner aux entiers dépens.

La société Jean Denis Silvestri - Bernard Baujet n'a pas constitué avocat. Elle a été régulièrement assignée.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 14 octobre 2024.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie de l'interdépendance d'un contrat de vente d'un matériel d'impression Richo 5100 entre les sociétés Document concept 33 et CM-CIC Leasing Solutions, le contrat de vente et maintenance entre les sociétés Document concept 33 et l'IMPM et enfin le contrat de location financière entre l'IMPM et la CM-CIC Leasing Solutions contre le paiement de loyers trimestriels de 2.497 euros HT et des conséquences à en tirer quant à la résiliation du contrat principal entraînant la caducité des autres contrats.

L'appelante conteste le fait pour le premier juge, qui était saisi de deux demandes croisées de résiliation de contrats interdépendants, d'avoir fait prévaloir la résiliation du contrat de location financière sur les demandes de résiliation des contrats de maintenance et de vente qu'elle avait formée en première instance. Elle fait au contraire valoir que les deux contrats de vente du matériel et de sa maintenance sont une condition déterminante de la société IMPM dont le contrat de location financière n'est qu'un mode de financement.

Elle soutient que la maintenance était facturée par le bailleur-cessionnaire en même temps que la location du matériel, une seule facture trimestrielle étant éditée par cette dernière pour l'ensemble des prestations, le contrat ne prévoyant pas de facturation distincte de sorte que la maintenance était bien dépendante du contrat de location.

Elle s'appuie sur le caractère d'ordre public des dispositions de l'article 1186 du code civil ainsi que sur la chronologie des événements, sollicitant en premier lieu la résolution

du contrat de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, laquelle anéantit rétroactivement le contrat à la date de sa formation, la résiliation du contrat de maintenance au 31 août 2017 ou subsidiairement au 31 mars 2018 au moment de la souscription du contrat de crédit-bail en remplacement du contrat de location financière et la résiliation du contrat de location financière le 18 septembre 2018.

Elle soutient que la priorité aurait dû être accordée à la demande de résiliation des contrats de vente et maintenance, car c'est du fait de la perte par le loueur de la chose louée que l'exécution du contrat de location financière est rendue impossible et que dès lors le premier juge aurait dû lui appliquer la caducité du contrat de location financière.

A ce titre, elle relève que le défaut de maintenance correcte, le bien loué est inutilisable et équivaut à la perte de la chose louée au sens de l'article 1722 du code civil.

Au contraire, au soutien de ses demandes :

- en résolution du contrat de maintenance, elle invoque le défaut de maintenance par la société Document concept 33 de l'appareil, comme elle s'y était contractuellement engagée (article 2 et suivants), malgré une réclamation le 31 août 2017 pour une panne survenue le 18 juillet 2017, puis des mises en demeures après une panne totale le 18 janvier 2018, l'appareil étant laissé en l'état de dysfonctionnement total depuis cette date,

- en résolution du contrat de vente, dont l'appelante soutient qu'elle est bien recevable à agir contre la société Document Concept 33 alors même que le matériel et la solution d'impression ont été cédés à la société CM-CIC Leasing Solutions, par application de l'article 6 du contrat de location financière qui a transféré la garantie contre le fournisseur du matériel au locataire, l'appelante fait valoir l'existence d'un vice caché, l'appareil livré en juillet 2017 ayant cessé de fonctionné par intermittence en août 2017 puis novembre 2017 et de manière complète le 18 janvier 2018.

- en constatation de la caducité du contrat de location financière, elle fait valoir l'interdépendance des contrats successifs incluant l'opération de location financière.

En réponse à l'intimée, elle n'entend pas opposer l'exception d'inexécution tirée de la défaillance de l'imprimante fournie par la société Document Concept 33 au bailleur cessionnaire, la CM-CIC Leasing Solutions.

Elle confirme enfin qu'en raison de la particularité du matériel et de sa solution d'impression, la maintenance ne pouvait pas être effectuée par n'importe quel autre prestataire.

La société CM-CIC Leasing Solutions soutient au contraire que les prétendus manquements du fournisseur dans la maintenance du matériel ne lui sont pas opposables, n'étant intervenue qu'à titre financier. Elle a ainsi cédé à son locataire tous ses droits et actions à l'encontre du fournisseur.

Elle relève que la locataire ne peut lui opposer les termes du bon de commande ni du contrat de vente auquel elle n'est pas partie, conformément au principe de l'effet relatif des contrats.

Elle ajoute que si les contrats qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, il n'existe, en l'espèce, une interdépendance qu'entre le contrat de fourniture du matériel et le contrat de financement portant sur le matériel acquis par la société CM-CIC Leasing Solutions, l'article 6 du contrat de location confirmant que celle-ci n'inclut pas le contrat de maintenance qui relève de la seule responsabilité du locataire, de sorte que ne peut lui être imputée aucune faute, aucun motif ne permettant de justifier la résolution du bon de commande.

Elle conteste avoir facturé d'autres sommes que celles relative au montant du loyer, qui couvrait la seule mise à disposition du matériel, le contrat de prestation de service prévoyant un montant par impression au titre de la maintenance qui n'a jamais été recouvré et qu'en tout état de cause, la société IMPM pouvait faire appel à un autre prestataire pour gérer la maintenance, ce qui va à l'encontre de l'interdépendance des contrats.

Elle relève en outre que la conclusion du contrat de prestation n'était pas déterminante pour la locataire lors de la conclusions du contrat de location, ce dernier n'y faisant pas référence.

Sur l'interdépendance des contrats

Conformément à l'article 1186 du code civil, un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble.

Le caractère d'une interdépendance doit donc se rechercher en présence de contrats concomitants ou successifs s'inscrivant dans une opération incluant une location financière si l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

En l'espèce, par contrat du 24 janvier 2017, la société IMPM a signé avec la société Document Concept 33 un contrat relatif à la maintenance d'une solution d'impression DICOM HL 7, relié à un logiciel qui récupère les imageries des différentes modalités (échographies, radiographies, mammographies ...), pour les fusionner au compte rendu d'examen du patient, actualisant et mettant fin à un précédant contrat en cours de location financière d'une imprimante Ricoh 5100 pour lequel des échéances courraient jusqu'au 3 mars 2019. Concomitamment, la société Document Concept 33 a cédé la propriété du matériel et la solution d'impression, objet du contrat de maintenance à la société CM-CIC Leasing Solutions, au terme d'un contrat de vente au prix de 55.110,77 euros.

Le 26 janvier 2017, la société IMPM, la société Document Concept 33 et la société CM-CIC Leasing Solutions ont signé un contrat de location financière ayant pour objet la mise à disposition de la solution d'impression DICOM HL 7, cette dernière intervenant en qualité de bailleur moyennant le règlement de redevances trimestrielles par la société IMPM de 2.497 euros hors-taxes, le prix de la prestation de maintenance étant détaillé au nombre de copie en dehors du forfait.

Dans les contrats de maintenance ou de prestation de service signés entre l'IMPM et la société Document concept 33 en 2010 tout d'abord puis en 2015 et 2016, il est précisé le nombre de copies incluses dans le forfait trimestriel et le coût de chaque copie supplémentaire hors forfait. De même dans le contrat de prestation de service du 24 janvier 2017, est précisé que la facturation des pages se fait trimestriellement, par mandat sépa à terme échu ainsi que le coût de la copie supplémentaire au forfait dont le nombre de copies n'apparaît pas dans l'offre, celle de 2010 l'ayant fixé à 3.000 copies.

Aux termes de l'article 7 des conditions générales du contrat de location financière, relatives aux prestations de service, il est prévu que par commodité de gestion, les sommes dues au titre de prestation de service peuvent être facturées en même temps que les loyers afférents au présent contrat, en vertu d'un mandat donné au loueur de facturer et percevoir lesdites sommes concomitamment à l'émission de ses propres factures et/ou la perception de ses propres loyers.

Il n'est pas contesté qu'aucune facturation spécifique n'a été établie par la société Document Concept 33 au titre des prestations de service, de sorte que la maintenance comprise dans le contrat de location financière était incluse dans la facturation trimestrielle éditée par CM-CIC Leasing Solutions comme cela était pratiqué avant cession du matériel.

Dès lors, il se déduit une indivisibilité des contrats entre les trois sociétés constituant une opération commerciale unique, la location souscrite auprès de la société CM-CIC Leasing Solutions n'ayant aucun sens sans les prestations de maintenance du matériel assurant son bon fonctionnement, contractuellement dues à l'IMPM par la société Document Concept 33.

Sur la connaissance par les sociétés de l'opération d'ensemble

La société CM-CIC Leasing Solutions qui a signé en même temps que les deux autres sociétés le contrat de location financière, ne pouvait ignorer que la société Document Concept 33 qui a apposé son cachet sur le contrat de location financière était à la fois le vendeur de matériel et le prestataire de services et que le matériel ne pouvait, sans modifications substantielles, avoir un usage autre que l'impression d'imagerie médicale spécifique par l'IMPM en cause, dont le défaut de fonctionnement perdait par sa nature même toute utilité.

L'exécution du contrat de maintenance qui a disparu était une condition déterminante du consentement de l'IMPM au contrat de location financière, le paiement des loyers étant réalisé en vue du profit d'un matériel fonctionnel.

Sur la résolution du contrat de maintenance avec la société Document Concept 33

Au titre de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut (...) provoquer la résolution du contrat.

Le contrat de prestation de service précise en son article 2 le périmètre des prestations à savoir une assistance à distance, un dépannage de l'équipement, la fourniture des versions révisées de logiciels, les formations et la fourniture de consommable.

La société IMPM verse aux débats trois courriers adressés à la société Document concept 33 dans lequel elle fait part dès le 31 août 2017 des dysfonctionnements du matériel installé le 18 juillet et la met en demeure d'intervenir très rapidement, sous peine de dénoncer le contrat, lui fait part d'une nouvelle panne de l'imprimante, désorganisant son activité le 23 novembre 2017, et d'une panne complète le 18 janvier 2018, lui fixant un rendez-vous. L'IMPM précise que pour palier ces pannes, elle a du éditer des films, plus onéreux que le papier.

A partir du 2 mars 2018, la société IMPM a fait appel à un autre prestataire (Systémax) pour lui fournir et assurer la maintenance sur un autre matériel (Xerox C60V), dans le cadre d'un contrat de crédit bail avec la NCM Groupe BNP Paribas pour lequel elle s'est engagée à verser des loyers mensuels de 103,24 euros, comprenant l'impression de 2.500 pages par mois en CL et 2.000 pages par mois en noirs en NB, le coût du matériel étant de 49.353,60 euros.

L'absence de réponse de la société Document Concept 33, qui ne s'est pas déplacée pour assurer la maintenance de l'appareil, les courriers adressés par l'IMPM faisant référence aux propos tenus par le secrétariat sur l'indisponibilité des techniciens ou du gérant, et le dysfonctionnement total de l'appareil dont la technicité et la spécificité ne permettaient pas de faire appel à une autre société de maintenance pour pallier les carences de la société Document Concept 33 a contraint l'IMPM a souscrire un nouveau contrat de location sur une nouvelle imprimante.

Ces manquements de la société Document Concept 33 qui n'ont plus permis l'utilisation du matériel loué sont d'une gravité suffisante permettant de constater la résolution du contrat de maintenance.

Cette résolution prendra effet à date de la décision de la société IMPM de mettre fin au contrat, laquelle a souscrit le contrat de crédit-bail sur le nouveau matériel en l'espèce le 2 mars 2018.

La résolution du contrat de maintenance ayant été constatée et par l'effet de l'interdépendance des contrats, la cour n'a pas à se prononcer sur la demande en résiliation du contrat de vente du matériel au titre de la garantie des vices cachés.

Sur la caducité du contrat de location financière

La société CM-CIC Leasing Solutions met en avant l'article 3-4 du contrat de location financière qui, de manière dérogatoire à l'article 1722 du code civil selon lequel 'le locataire ne peut prétendre à aucune remise, prorogation ou diminution de loyers, ni à résiliation ou dommages et intérêts de la part du loueur. En cas de défaut de rendement ou d'insuffisance technique du matériel, qui a été choisi par lui sous sa responsabilité. Il en sera de même en cas de non-utilisation partielle ou totale du matériel pour quelque cause que ce soit, ou en cas d'arrêt nécessité par l'entretien ou les réparations et quand bien même le matériel serait hors d'usage pendant plus de 40 jours'.

Elle rappelle également les termes de l'article 7-2 de ce même contrat précisant que 'le contrat de prestation étant directement conclu entre le locataire et le prestataire, la responsabilité du loueur qui reste étranger à ce contrat ne pourra être recherchée quant à l'exécution de ces prestations. Toute modification, interruption ou rupture du contrat de prestation de service pour quelque cause que ce soit n'est pas opposable au loueur et n'a aucune incidence sur le respect par le locataire des clauses du contrat de location. En conséquence, le locataire s'interdit de refuser le paiement des loyers de location du fait d'un litige pouvant l'opposer à un prestataire quant à l'exécution ou la fabrication des prestations de service.'

Toutefois, selon l'article 1186 alinéas 2 et 3, les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. Dans les contrats formant une opération incluant une location financière, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance (Cass. com., 10 janv. 2024, n° 22-20.466).

En l'espèce, il est établi que l'interdépendance des contrats de mise à disposition d'un matériel d'impression d'imagerie médicale et sa maintenance en vue d'assurer son bon fonctionnement a été déterminante pour l'une au moins des parties, ici l'IMPM et que le contrat de maintenance a été résolu judiciairement au 2 mars 2018, la CM-CIC Leasing Solutions ayant mis en demeure l'IMPM de payer les loyers pour la première fois le 18 septembre 2018.

Il y a donc lieu de constater la caducité du contrat de location financière.

Sur les effets de la caducité et les demandes en restitution

Aux termes de l'article 1187 du code civil,'la caducité met fin au contrat.

Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.'

L'IMPM sollicite la restitution des loyers afférents à l'ensemble des loyers perçus pendant la durée de la location financière de mars 2017 à mars 2018, soit la somme de 15.681,75 euros TTC.

Toutefois la caducité étant la conséquence de la résolution du contrat de maintenance, il convient de faire remonter ses effets à la date de résolution du contrat de maintenance, soit le 2 mars 2018, tel le que retenue par la cour, la rétroactivité n'ayant pas lieu dès lors qu'il n'est pas contesté que les prestations échangées ont trouvé leur utilité a fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, jusqu'à cette date.

L'IMPM ayant réglé les loyers dus auprès de la CM-CIC Leasing Solutions au 31 mars 2018, elle n'est redevable d'aucune somme en restitution. Ses demandes seront rejetées à ce titre.

N'étant plus tenue du paiement des loyers à la date du 2 mars 2018, et en raison de la caducité du contrat de location financière, les demandes en paiement de la société CM-CIC Leasing Solutions tant des loyers impayés de mars à septembre 2018 que du solde restant dû après déchéance du terme et des indemnités de résiliation seront rejetées.

Le jugement déféré sera infirmé de ces chefs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société CM-CIC Leasing Solutions et la société Document Concept 33 sont parties perdantes, seront condamnées in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, étant précisé que pour s'agissant de la société Document Concept 33, ils seront supportés par la liquidation judiciaire

La société CM-CIC Leasing Solutions sera tenue au paiement à la société IMPM de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, l'équité commandant ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de la liquidation judiciaire de la société Document Concept 33.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Constate la résolution du contrat de maintenance entre la société Document Concept 33 et la société SELARL Imagerie médicale du Pont de la Maye à la date du 2 mars 2018,

Constate la caducité du contrat de location financière conclu entre la société Document Concept 33, la société SELARL Imagerie médicale du Pont de la Maye et société CM-CIC Leasing Solutions à la date du 2 mars 2018,

Déboute la société SELARL Imagerie médicale du Pont de la Maye de ses demandes en restitution des loyers déjà réglés auprès de la société CM-CIC Leasing Solutions,

Déboute la société CM-CIC Leasing Solutions de ses demandes,

Condamne la société CM-CIC Leasing Solution à payer à la société SELARL Imagerie médicale du Pont de la Maye la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de la liquidation judiciaire de la société Document Concept 33, représentée par la SCP Silvestri-Beaujet,

Condamne la société CM-CIC Leasing Solution aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,