CA Cayenne, ch. com., 25 novembre 2024, n° 23/00330
CAYENNE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Guyane Pièces Auto (SARL)
Défendeur :
Guyane Pièces Auto (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Blum
Conseillers :
M. Sochas, Mme Goillot
Avocats :
Me Bonfait, Me Marcault-Derouard
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SARL Guyane pièces auto est immatriculée au RCS de Cayenne sous le numéro B807 404 918, dont le siège est situé [Adresse 7] [Localité 6], représentée par Mme [O] [N] [M], gérante.
La SAS Guyane pièces auto est immatriculée au RCS de Montpellier sous le numéro B884 633 371, dont le siège est situé [Adresse 1], prise en son établissement principal sis [Adresse 3], représentée par son Président, M. [Z] [L] [B].
Par acte d'huissier en date du 15 juin 2022, la SARL Guyane pièces auto (ci-après dénommée SARL GPA) a fait assigner la SAS Guyane pièces auto (ci-après dénommée SAS GPA) devant le tribunal mixte de commerce de Cayenne en considération de faits de concurrence déloyale en raison de l'utilisation d'une dénomination sociale identique.
Par jugement contradictoire du 23 juin 2023, le tribunal mixte de commerce de Cayenne a, au visa des articles L716-5 et D 211-6-1 du code de la propriété intellectuelle,
- reçu l'exception d'incompétence au profit du tribunal judiciaire de Fort-de-France,
- dit qu'à défaut d'appel dans le délai prévu par l'article 84 du code de procédure civile, le dossier de la procédure sera renvoyé au tribunal judiciaire de Fort-de -France,
- réservé le surplus des demandes,
- taxé et liquidé les frais de greffe à la somme de 50,18 euros.
Par déclaration en date du 12 juillet 2023, la SARL Guyane pièces auto a relevé appel limité aux chefs de ce jugement hormis en ce qu'il a taxé et liquidé les frais de greffe à la somme de 50,18 euros.
Selon ordonnance en date du 28 juillet 2023, la Présidente de chambre déléguée par la Première Présidente de la cour d'appel de Cayenne, saisie par requête de la SARL GPA remise au greffe en date du 13 juillet 2023, a autorisé cette dernière à assigner à jour fixe la SAS GPA devant la chambre commerciale de la cour d'appel de Cayenne pour l'audience du lundi 11 décembre 2023.
Par acte d'huissier de justice en date du 8 août 2023, la SARL GPA a assigné la SAS GPA de comparaitre le 11 décembre 2023.
L'intimé a constitué avocat le 20 novembre 2023, et a déposé ses premières conclusions en date du 13 décembre 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives d'appelante transmises le 16 janvier 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, la SARL GPA, sollicite, au visa des articles 75, 83 et suivants, 699 et 700 du code de procédure civile, que la cour :
- dise et juge que la juridiction matériellement compétente pour juger du litige entre les sociétés Guyane Pièces Auto (SARL) et Guyane Pièces Auto (SAS) est le tribunal mixte de commerce de Cayenne,
- infirme le jugement rendu par le tribunal mixte de Cayenne le 23 juin 2023 sous le n°RG 2022000809 en toutes ses dispositions,
- renvoie l'affaire devant le tribunal mixte de commerce de Cayenne,
- condamne la société Guyane Pièces auto immatriculée sous le numéro 8 884 633 371 à verser à la société Guyane Pièces Auto immatriculée sous le numéro 8 807404918 la somme de 3500€ au titre des dispositions del'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Guyane pièces auto aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SARL GPA expose qu'elle a été créée le 1er décembre 2014, et qu'elle a pour objet social 'la vente de pièces détachées et accessoires pour automobiles, motos, cycles, et plus généralement tous engins roulants, de matériels de bricolage et d'électricité'.
Elle explique avoir constaté qu'une société créée le 23 juillet 2020 a repris à l'identique sa dénomination sociale 'Guyane pièces auto' sous la forme d'une SAS, qui possède un établissement dans le ressort du tribunal de commerce de Cayenne depuis le 21 octobre 2020.
Elle indique avoir adressé par l'intermédiaire d'un huissier de justice une première sommation simple le 30 mars 2021, puis une sommation interpellative le 7 juin 2021 à la SAS GPA de changer de dénomination sociale afin d'éviter toute confusion, ce à quoi celle-ci a répondu à l'huissier qu'elle ne s'exécuterait que sur décision de justice. Elle précise avoir adressé à la SAS GPA une mise en demeure de cesser les actes constitutifs de concurrence déloyale, celle-ci étant restée sans réponse.
La société appelante soutient qu'aucune marque n'est impliquée dans le présent litige, lequel ne concerne que l'usurpation d'une dénomination sociale sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Elle relève par ailleurs que la marque n° 4855192 ' GPA Guyane pièces auto' déposée le 23 mars 2022 n'a plus d'existence légale car elle a fait l'objet d'un retrait total 8 jours après l'assignation, soit le 23 juin 2022, et que la marque n°4879219 'Guyane pièces auto' a été déposée le 22 juin 2022 pour des produits ou services sans rapport avec l'activité de la SARL GPA.
La SAL GPA souligne que la SAS GPA avait soulevé en première instance l'exception d'incompétence sans désigner la juridiction qu'elle estimait compétente en ne respectant pas les exigences de l'article 75 du code de procédure civile. Elle soutient que le litige concernant des demandes qui n'impliquent aucun examen de l'existence ou de la méconnaissance d'un droit privatif rattaché aux marques n'a pas à être renvoyé devant le tribunal judiciaire compétent pour juger des droits des marques.
Elle souligne que le présent litige porte sur l'interdiction d'usage de la dénomination sociale GPA au visa des articles 1240 et 1241 sur le fondement de la concurrence déloyale, et elle en conclut que le tribunal mixte de commerce de Cayenne est bien matériellement compétent pour juger sur le fond du litige, lequel concerne deux sociétés ayant une activité commerciale.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 décembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, la SAS GPA sollicite, au visa des articles L711-2, L716-5, R716-21 et D211-6-1 du code de propriété intellectuelle et de l'article 700 du code de procédure civile, que la cour :
- déboute la SARL GPA de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- constate que la demande de la SARL GPA porte sur une marque verbale déposée à l'INPI,
- constate que le tribunal mixte de commerce est incompétent pour juger ce litige,
- confirme le jugement du tribunal mixte de commerce de Cayenne du 23 juin 2023 en toutes ses dispositions,
- condamne la SARL GPA à lui payer la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre tous les dépens de l'instance pour lesquels il sera fait éventuellement application, à l'égard de Maître Marcault-Derouard, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SAS GPA fait valoir les dispositions des articles L711-2, L716-5, R716-21 et D211-6-1 du code de propriété intellectuelle , et soutient que la compétence des juridictions spécialisées est étendue à la concurrence déloyale en cas de question connexe relative au droit des marques. Elle affirme que l'interdiction d'utilisation de la dénomination sociale revient à interdire à la SAS GPA d'utiliser une marque verbale dont elle est titulaire.
L'intimée précise avoir déposé à l'INPI la marque 'Guyane pièces auto', et elle affirme que le présent litige concerne uniquement et très spécifiquement l'utilisation prétendument abusive de la marque GPA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la compétence du tribunal mixte de commerce de Cayenne
Aux termes de l'article L716-5 du code de propriété intellectuelle, ne peuvent être forméees que devant l'Institut national de la propriété industrielle :
I- les demandes en nullité exclusivement fondées sur un ou plusieurs motifs énumérés à l'article L711-2, aux articles 1o à 5o et 10o du I de l'article L711-3 au III du même article ainsi qu'aux articles L715-4 et L715-9,
- Les demandes en déchéances fondées sur les articles L714-5, L714-6, L715-5 et L715-10,
II- Les autres actions civiles et les demandes relatives aux marques autres que celles mentionnées au I, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire,
Les tribunaux mentionnés à l'alinéa précédent sont en outre exclusivement compétents dans les cas suivants :
1°/ Lorsque les demandes mentionnées aux 1° et 2° du I sont formés à titre principal ou reconventionnel par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du tribunal, et notamment à l'occasion d'une action introduite sur le fondement des articles L716-4, L716-4-6, L716-4-7 et L716-4-9 ou à l'occasion d'une action en concurrence déloyale;
2°/ Lorsque les demandes mentionnées aux 1° et 2° du I sont formées alors que soit des mesures probatoires, soit des mesures provisoires ou conservatoires ordonnées afin de faire cesser une atteinte à un droit de marque sont en cours d'exécution avant l'engagement d'une action au fond.
III- Un décret en conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.
En application des articles R716-21 et D 211-6-1 du code de la propriété intellectuelle, la juridiction compétente exclusive pour connaître des actions en matière de marques en application de l'article L716-5 dans les ressorts de Basse-Terre, Cayenne et Fort de France est le tribunal de Fort de France.
En l'espèce, la SARL GPS fait grief à la SAS GPS de faire preuve de concurrence déloyale en utilisant la dénomination sociale de 'Guyane pièces auto' , et sollicite en première instance qu'il soit fait injonction à cette dernière de cesser d'utiliser la dénomination sociale Guyane pièces auto.
Il convient de constater que la SAS GPS établit avoir déposé électroniquement le 23 mars 2022 selon N° national 22 4 855192 la marque verbale 'GPA Guyane pièces Auto' (pièce n°6 intimée) et justifie que ce dépôt auprès de l'INPI de la marque française 'Guyane pièces Auto auprès de l'INPI a une durée prévue jusqu'au 23/06/2032 (pièce n°7 intimée).
Si la SARL GPS verse aux débats un extrait de la base marques du site DATA INPI en date du 8 juillet 2023 faisant apparaître que la marque GPS déposée le 23 mars 2022 par la SAS GPS a fait l'objet d'une retrait total le 22 juillet 2022, (pièce n°6-1 appelante), il n'en demeure pas moins que la SARL GPS a engagé une action afin que la SAS GPS cesse d'utiliser la dénomination sociale GPS, et que cette action, qui se fonde sur le fait que la SAS GPS ferait preuve de concurrence déloyale au regard de l'utilisation d'une dénomination sociale qui a fait l'objet d'un dépôt auprès de l'INPI, porte sur une question connexe de concurrence déloyale à une demande relative à une marque au sens du II de l'article L716-5 du code de propriété intelectuelle susvisé, et ce quand bien même cette marque aurait fait ultérieurement l'objet d'une retrait.
Par conséquent, et en application des textes susvisés, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a constaté que le tribunal judiciaire de Fort de France est exclusivement compétent, et a accueilli l'exception d'incompétence soulevée, étant relevé que la SAS GPS sollicite en appel la confirmation du jugement déféré qui désigne la juridiction estimée compétente.
Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d'appel, la SARL Guyane Pièces Auto sera condamnée à payer à la SAS Guyane pièces Auto la somme de 1 500€ au titre des frais exposés en appel, la SARL Guyane pièces auto étant déboutée de sa demande à ce titre.
La SARL Guyane Pièces Auto sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement du tribunal mixte de commerce de CAYENNE en date du 23 juin 2023 en toutes ses dispositions,
Et et y ajoutant,
CONDAMNE la SARL Guyane Pièces Auto à payer à la la SAS Guyane Pièces Auto la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel, et LA DEBOUTE de sa demande formée sur ce fondement,
CONDAMNE la SARL Guyane Pièces Auto aux entiers dépens d'appel, et autorise Maître Marcault-Derouard à recouvrer les siens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et la Greffière.