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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ., 22 novembre 2024, n° 23/01085

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Aldeano-Galimard

Conseillers :

M. Ozoux, Mme Combeau

Avocats :

Me Hoarau, Me Chane Teng

TJ Saint-Pierre, du 26 mai 2023, n° 22/0…

26 mai 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé du 14 août 2011, M. [I] [L] a donné à bail à Mme [X] [G] [U] épouse [M] et son conjoint, un local à usage d'habitation sis [Adresse 3] (ci-après les locaux B), pour un loyer mensuel de 660€ sans provision pour charges et une durée de trois ans.

Suivant acte sous seing privé du 16 avril 2014, M. [I] [L] a donné à bail à Mme [X] [G] [U] épouse [M], un local à usage " professionnel " sis [Adresse 2] (ci-après les locaux C), pour un loyer mensuel de 1 000€ sans provision pour charges et une durée de trois ans à compter du 10 juillet 2014.

Suivant acte sous seing privé du 1er juillet 2019 intitulé " bail professionnel ", M. [I] [L] a donné à bail à Mme [X] [G] [U] épouse [M], un local sis [Adresse 2] (ci-après les locaux C), pour un loyer mensuel de 1 000€ sans provision pour charges et une durée de six ans à compter du 1er juillet 2019.

Au début de l'année 2022, plusieurs échanges de courriers intervenaient entre le conseil de Mme [X] [U] et M. [I] [L].

Le 21 avril 2022, Mme [X] [U] déposait plainte contre M. [I] [L] pour injures à caractère raciste auprès de la compagnie de gendarmerie de [Localité 5]. Le même jour, M. [I] [L] effectuait une déclaration de main courante auprès de la compagnie de gendarmerie départementale de [Localité 4], afin de se plaindre d'une altercation avec ses locataires au cours de laquelle ils l'auraient traité de voleur.

Par acte de commissaire de justice du 10 mai 2022, Mme [X] [U] a fait assigner M. [I] [L] devant le tribunal judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion.

Par jugement du 26 mai 2023, le tribunal judiciaire de Saint-Pierre a statué en ces termes :

" Condamne M. [I] [L] à payer à Mme [X] [G] [M] la somme de 948 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Condamne M. [I] [L] à payer à Mme [X] [G] [M] la somme de 3800 euros au titre des charges indûment perçues avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2022 ;

Condamne M. [I] [L] à installer des compteurs individuels d'eau pour les logement sis [Adresse 3] et [Adresse 2] [Localité 4] sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir deux mois après la signification du présent jugement et limitée à une durée de quatre mots ;

Condamne M. [I] [L] à installer des compteurs individuels d'électricité pour les logement sis [Adresse 3] et [Adresse 2] [Localité 4] sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir deux mois après la signification du présent jugement et limitée à une durée de quatre mois ;

Déboute Mme [X] [G] [M] de ses autres demandes ;

Condamne Mme [X] [G] [M] à payer à Mme [X] [G] [M] la somme de 8.166,66 euros à M. [I] [L] au titre de son arriéré locatif du 26 octobre 2018 au 30 juin 2019 avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2022 ;

Condamne Mme [X] [G] [M] à fournir une attestation d'assurance des locaux sis [Adresse 2] sous astreinte de 50 euros par mois commençant à courir deux mois après la signification du présent jugement et limitée à une durée de quatre mois ;

Déboute M. [I] [L] de ses autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ".

Par déclaration du 28 juillet 2023, Mme [X] [U] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer un arriéré locatif, à fournir une attestation d'assurance et l'a déboutée de ses autres demandes, notamment au titre des frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 juin 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures au fond transmises par le RPVA le 25 janvier 2024, Mme [X] [U] demande à la cour de :

" Déclarer son appel recevable, et ledit parfaitement fondé sur le fond.

Débouter M. [L] de l'ensemble de ses prétentions.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Débouté Mme [X] [G] [M] de ses autres demandes ;

Condamné Mme [X] [G] [M] à payer à Mme [X] [G] [M] la somme de 8.166,66 euros à M [I] [L] au titre de son arriéré locatif du 26 octobre 2018 au 30 juin 2019 avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2022 ;

Condamné Mme [X] [G] [M] à fournir une attestation d'assurance des locaux sis [Adresse 2] sous astreinte de 50 euros par mois commençant à courir deux mois après la signification du présent jugement et limitée à une durée de quatre mois ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens

Y statuant à nouveau,

JUGER que M. [I] [L] a manqué à ses obligations en sa qualité de bailleur

CONDAMNER M. [I] [L] à verser à Mme [X] [M] la somme de 21.000 euros au titre des frais qu'elle a supportés pour les travaux concernant les locaux sis [Adresse 2]

CONDAMNER M. [I] [L] à verser à Mme [X] [M] la somme de 10.000 euros au titre du préjudice de jouissance qu'elle a subi pendant des années ;

CONDAMNER M. [I] [L] à verser à Mme [X] [M] la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral.

CONDAMNER M. [I] [L] à verser à Mme [M] la somme de 5000 euros a au titre de dommages intérêts pour injure raciale et trouble de jouissance.

DEBOUTER M. [I] de l'ensemble de ses prétentions concernant les arriérés de loyers et l'attestation d'assurance.

VOIR REQUALIFIER le bail professionnel en bail commercial, et ordonner à M. [L] d'établir un bail commercial dans le délai d'un mois de la signification de l'arrêt à intervenir. Passé ce délai, et faute par le bailleur de ce faire, dire que l'arrêt voudra bail par application des dispositions relatives aux baux commerciaux.

CONDAMNER Monsieur [I] [L] à payer la somme de 4000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Monsieur [I] [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel ".

A l'appui de ses prétentions, Mme [X] [U] fait valoir :

- qu'elle s'est entendue verbalement fin 2013 avec M. [I] [L] pour qu'elle finance les travaux de réhabilitation des locaux C ; que les travaux ont duré jusqu'en 2019 et qu'il était convenu qu'aucun loyer ne serait payé entre temps ; qu'elle exerçait son activité de préparation culinaire dans les locaux B et n'a investi les locaux C qu'au 1er juillet 2019 ; que le bailleur est mal fondé à solliciter des arriérés de loyers ;

- que M. [I] [L] a manqué à ses obligations contractuelles, en qualité de bailleur, en : mettant à sa charge les travaux importants réalisés entre 2014 et 2019 ; ne lui communiquant pas un état récapitulatif annuel des charges, impôts et taxes supportés par elle avec justificatifs : n'installant pas les compteurs et boîte aux lettres nécessaires à une jouissance paisible du bien; ne lui communiquant pas l'état des lieux d'entrée ; proférant des insultes raciales à son encontre ;

- qu'il n'est pas contesté que les locaux C étaient dépourvus en eau et en électricité ; qu'elle n'est entrée dans les lieux qu'en juillet 2019, après réalisation de travaux, le local n'étant auparavant pas adapté pour l'exploitation de son commerce ; que le compteur électrique individuel n'a été installé que le 26 décembre 2023 ;

- que malgré ses démarches, la compagnie Groupama a refusé d'assurer les locaux C au motif que le bail professionnel daté du 1er juillet 2019 ne correspondait pas à l'activité exercée et qu'il lui fallait un bail commercial, que M. [I] [L] lui a refusé ; qu'après avoir investi énormément dans le local, elle a été forcée d'accepter le bail professionnel devant le refus du bailleur de lui faire un bail commercial ; que la demande de requalification est parfaitement fondée.

***

Aux termes de ses dernières écritures au fond transmises par le RPVA le 13 février 2024, M. [I] [L] demande à la cour de :

" A titre liminaire

Vu l'article 462 du Code de procédure civile

CONSTATER que le jugement du 26 Mai 2023 (RG. : 22/01426) comporte une erreur matérielle au paragraphe 7 du dispositif " Par ces Motifs " relatif à la condamnation de Mme [M] à payer l'arriérer locatif.

RECTIFIER l'erreur matérielle affectant le jugement du 26 Mai 2023 (RG. : 22/01426) rendu par le Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre Réunion en mentionnant dans l'arrêt à intervenir qu'il y a lieu de lire au paragraphe 7 du dispositif (" par ces motifs ") du jugement du 26 mai 2023 (RG. : 22/01426) :

" Condamne Mme [X] [G] [M] à payer la somme de 8.166, 66 € à M. [I] [L] au titre de son arriéré locatif du 26 octobre 2018 au 30 juin 2019 avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2022. "

Ce fait,

Vu l'article 564 du code de procédure civile

Vu l'article L. 145-60 du code de commerce

Vu les articles 1728 et suivant du code civil

Vu l'article 1231-1 du code civil

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil

Vu les pièces produites:

DÉCLARER irrecevable et non fondé l'appel formé par Mme Mme [M] [X],

CONSTATER que Mme [M] [X] a abandonné sa demande de requalification du bail professionnel, portant sur le local sis [Adresse 2], en bail commercial, lors de la première instance.

DECLARER irrecevable comme nouvelle la demande de requalification du bail professionnel en bail commercial, abandonnée en première instance, formulée pour la première fois en cause d'appel, en application de l'article 564 du code de procédure civile,

DECLARER irrecevable comme nouvelle la demande tentant à voir ordonner à M. [L] d'établir un bail commercial formulée pour la première fois en cause d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile.

DECLARER, en tout état de cause, irrecevable la demande de requalification du bail professionnel en bail commercial comme prescrite en application de l'article L. 145-60 du code de commerce.

Ce fait,

DEBOUTER Mme [M] [X] de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions comme non fondées.

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté Mme [M] de sa demande de paiement de la somme de 21.000 € au titre des frais pour travaux concernant les locaux sis [Adresse 2].

- débouté Mme [M] de sa demande de paiement de la somme de 3000€ pour manquement aux obligations contractuelles.

- débouté Mme [M] de sa demande de paiement de la somme de 10.000 € au titre du préjudice de jouissance,

- débouté Mme [M] de sa demande de paiement de la somme de 5000€ au titre du préjudice moral.

- Condamné Mme [X] [G] [M] à payer à M. [I] [L] son arriéré locatif avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2022.

- Condamné Mme [X] [G] [M] à fournir une attestation d'assurance des locaux sis [Adresse 2] sous astreinte de 50 €uros par mois commençant à courir deux mois après la signification du présent jugement et limitée à une durée de quatre mois .

- débouté Mme [M] de sa demande de paiement de la somme de 4000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

RECEVOlR M. [L] [I] en son appel incident et le dire fondé.

INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

- Condamné M. [I] [L] à payer à Mme [X] [G] [M] la somme de 948 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

- Condamné M. [I] [L] à payer à Mme [X] [G] [M] la somme de 3800 euros au titre des charges indument perçues avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2022.

- Condamné M. [I] [L] à installer des compteurs individuels d'eau pour les logements sis [Adresse 3] et [Adresse 2] [Localité 4] sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir deux mois après la signification du jugement et limitée à une durée de quatre mois .

- Condamné M. [I] [L] à installer des compteurs individuels d'électricité pour les logements sis [Adresse 3] et [Adresse 2] [Localité 4] sous astreinte de 50 €uros par jour de retard commençant à courir deux mois après la signification du jugement et limitée à une durée de quatre mois

- Limité à la somme de 8.166,66 €uros le montant de l'arriéré locatif dû par Mme [X] [M] au titre des arriérés de loyers impayés du local à usage professionnel sis [Adresse 2].

- débouté M. [I] [L] de sa demande de paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement aux obligations contractuelles.

- débouté M. [I] [L] de sa demande de paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

- débouté M. [I] [L] de sa demande de paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Statuant à nouveau,

DEBOUTER Mme [M] [X] de sa demande de paiement de la somme de 21.000 € au titre des frais pour les travaux concernant les locaux sis [Adresse 2].

DEBOUTER Mme [M] [X] de sa demande de paiement de la somme de 3800 € au titre des charges.

DEBOUTER Mme [X] [G] [M] de sa demande d'installation de compteurs individuels d'eau pour les logements sis [Adresse 3] et [Adresse 2] [Localité 4] sous astreinte, les compteurs individuels d'eau existant déjà, la ligne étant ouverte au nom de la locataire.

DEBOUTER Mme [X] [G] [M] de sa demande d'installation des compteurs individuels d'électricité pour les logements sis [Adresse 3] et [Adresse 2] [Localité 4] sous astreinte, les compteurs individuels d'électricité étant déjà installés.

DEBOUTER Mme [M] [X] de sa demande de paiement de la somme de 10.000 € au titre du trouble et préjudice de jouissance, le local loué ayant toujours été alimenté en eau et en électricité.

DEBOUTER Mme [M] [X] de sa demande de paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour injures raciales.

DEBOUTER Mme [M] [X] de sa demande de paiement de la somme de 5000 € au titre du préjudice moral.

Ce fait,

CONDAMNER Mme [M] [X] à payer à M. [I] [L] la somme de 59 666 € au titre des arriérés de loyers impayés du local à usage professionnel sis [Adresse 2] pour la période du 10 juillet 2014 au 30 juin 2019.

CONDAMNER Mme [M] [X] à payer à M. [I] [L] la somme de 5000 € pour manquement à ses obligations contractuelles.

CONDAMNER Mme [M] [X] à payer à M. [I] [L] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi.

CONDAMNER Mme [M] [X] à payer à M. [I] [L] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.

En tout état de cause:

DECLARER irrecevable et DEBOUTER Mme [M] [X] de ses demandes tendant à voir requalifier le bail professionnel en bail commercial et à voir Ordonner à M. [L] d'établir un bail commercial dans le délai d'un mois de la signification de l'arrêt à intervenir et dire que passé ce délai, et faute par le bailleur de ce faire, l'arrêt vaudra bail par application des dispositions relatives aux baux commerciaux.

DEBOUTER Mme [M] [X] de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions comme non fondées.

DEBOUTER Mme [M] [X] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

CONDAMNER Mme [M] [X] à payer à M. [I] [L] la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER Mme [M] [X] aux entiers dépens d'instance et d'appel.'

A l'appui de ses prétentions, M. [I] [L] fait valoir :

- que la demande de requalification du bail est irrecevable d'une part comme nouvelle et d'autre part comme prescrite ;

- que les locaux B sont à usage exclusif d'habitation et qu'il n'a jamais donné son accord pour que la locataire y exerce son activité professionnelle ; que Mme [X] [U] et son conjoint ont quitté ces locaux B le 14 août 2023;

- que les travaux d'aménagement et d'agencement que Mme [X] [U] a pu faire dans le local professionnel pour l'exercice de son activité n'ouvrent aucunement droit à indemnisation, ni à remboursement par le bailleur comme il résulte d'ailleurs du bail professionnel ; que par ailleurs elle n'en justifie pas ; que les locaux C étaient en parfait état de mise en location en 2014 ;

- que la participation de Mme [X] [U] à la consommation électrique était de sa seule volonté sans aucune exigence du bailleur ;

- que les locaux loués ont toujours été équipés de compteurs individuels d'eau ; que les travaux d'installation des compteurs électriques sont achevés ; que ce dont se plaint la locataire auprès de l'huissier est d'ordre purement esthétique qui n'occasionne aucun danger pour l'occupante ;

- qu'il n'a jamais proféré aucune insulte raciste envers sa locataire ; qu'il ne lui a occasionné aucun préjudice moral ;

- que Mme [X] [U] est redevable de la somme de 59 666 € au titre des loyers impayés des locaux C pour la période du 10 juillet 2014 au 30 juin 2019 ; qu'elle ne peut se prévaloir de la prescription, alors qu'elle n'a jamais contesté être redevable des arriérés de loyers et a sollicité en 2020 des délais de paiement ;

- qu'il n'y a aucune difficulté pour assurer les locaux C, comme lui-même a pu le faire en qualité de bailleur ;

- que sa locataire a délibérément manqué à ses obligations contractuelles et a profité de sa générosité ; qu'il fait l'objet d'agressions verbales de la part de Mme [X] [U] et de son conjoint.

***

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l'exposé de leurs moyens.

MOTIVATION

Sur la demande de requalification du bail du 1er juillet 2019

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Il ressort de l'exposé du litige du jugement entrepris, que Mme [X] [U] a renoncé à soumettre au premier juge sa prétention initiale relative à la requalification du bail du 1er juillet 2019, qui figurait dans son acte introductif d'instance puis a été retirée de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 6 décembre 2022.

Cette demande sera donc déclarée irrecevable.

Sur les autres demandes de Mme [X] [U]

Sur la demande au titre des travaux dans les locaux C

L'article 1731 du code civil dispose que s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.

En l'absence d'état des lieux d'entrée, il n'est pas justifié que les locaux étaient dépourvus en eau et en électricité, ce qui est contesté par le bailleur, ni qu'ils n'étaient pas clos. Il convient donc d'infirmer le chef du jugement entrepris condamnant M. [I] [L] au paiement de la somme de 948 euros correspondant à des factures de menuiseries et porte.

Comme l'a relevé par ailleurs à juste titre le premier juge, il ne ressort d'aucun élément produit aux débats, que M. [I] [L] avait l'obligation de payer les travaux entrepris dans les locaux C, dont Mme [X] [U] sollicite le remboursement.

En conclusion de ce qui précède, cette demande sera rejetée en intégralité.

Sur les charges et le préjudice de jouissance

Conformément aux stipulations contractuelles des contrats de bail conclus les 16 avril 2014 et 1er juillet 2019, M. [I] [L] doit justifier du montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à sa locataire.

Il ressort des propres écritures de M. [I] [L], que le compteur individuel d'électricité n'a été mis en service que le 26 décembre 2023. Il n'est par ailleurs pas contesté que Mme [X] [U] lui a payé la somme de 3 800€ au titre de la consommation électrique, sans que le bailleur justifie de la charge correspondante. Il convient donc de confirmer le chef de jugement condamnant M. [I] [L] à rembourser cette somme à sa locataire.

Enfin, comme l'a relevé le premier juge, il n'est justifié d'aucun préjudice de jouissance, alors que le défaut d'alimentation en eau et en électricité n'est pas établi et que le simple procès-verbal de constat d'huissier du 29 décembre 2023 est insuffisant à caractériser une malfaçon. Le chef de jugement rejetant cette demande sera également confirmé.

Sur l'installation de compteurs individuels

Pour justifier de la présence ancienne de compteurs d'eau individuel, M. [I] [L] produit une simple photographie, sans qu'il soit possible de déterminer le lieu de la prise de vue ni que les boîtiers anonymes y figurant correspondent aux différents locaux loués à Mme [X] [U]. L'existence d'un compteur individuel d'eau pour les locaux B ne ressort pas plus du procès-verbal de constat d'huissier du 24 novembre 2022, comme l'affirme M. [I] [L].

M. [I] [L] justifie toutefois d'une facture individuelle d'eau pour les locaux C en février 2023 et il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 21 février 2023, diligenté par la locataire, qu'un nouveau compteur d'eau individuel a bien été installé pour les locaux C, avant le jugement entrepris. Il convient donc d'infirmer ce chef du jugement, uniquement concernant les locaux C.

M. [I] [L] justifie enfin avoir entrepris à compter du mois de juin 2023, soit après le jugement du 26 mai 2023, les travaux de compteur d'électricité individuel pour les locaux B et C, qui ont été finalisés en décembre 2023. Le chef de jugement correspondant sera donc confirmé.

Sur le préjudice moral

Les injures raciales ne sont étayées que par le dépôt de plainte de Mme [X] [U], insuffisant à en établir la preuve alors qu'elles sont contestées par M. [I] [L]. Il n'est pas plus établi l'existence d'un préjudice moral, en l'absence de trouble de jouissance.

Il convient donc de confirmer le rejet des demandes y afférentes.

Sur les demandes de M. [I] [L]

Sur l'arriéré de loyers

L'article 7-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose que toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit. L'application de cette disposition au contrat de bail du 16 avril 2014, qui mentionne expressément la loi précitée, n'est pas discutée.

M. [I] [L] réclame un arriéré de loyers correspondant au contrat de bail du 16 avril 2014, pour la période du 10 juillet 2014 au 30 juin 2019. Les courriers des 27 avril 2020 et 6 juillet 2020 dont il se prévaut pour faire échec à la prescription, concernent des demandes de délais de paiement pour des loyers de 2020 dans le cadre du dispositif mis en place pendant la période de pandémie du Covid 19. Ils ne constituent donc pas une reconnaissance de l'arriéré précité, qui interromprait le délai de prescription.

Comme l'a relevé le premier juge, la demande interruptive de prescription de M. [I] [L] date de ses conclusions enrôlées par RPVA le 26 octobre 2022 et en application des dispositions précitées, il n'est recevable à solliciter le paiement d'un arriéré locatif qu'à partir du 26 octobre 2019 - et non 2018 suite à une erreur de calcul dans le jugement entrepris.

En conclusion de ce qui précède, la demande de M. [I] [L] est prescrite dans son intégralité et le jugement sera infirmé sur ce chef. La demande de rectification d'erreur matérielle est en conséquence sans objet.

Sur l'attestation d'assurance des locaux C

Si Mme [X] [U] justifie du refus de la société Groupama de l'assurer en l'absence de bail commercial, cela ne l'exonère pas de son obligation d'assurance de locataire conformément à l'article 7 du contrat de bail du 1er juillet 2019.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Comme rappelé ci-avant, les seules déclarations de M. [I] [L] auprès de la compagnie de gendarmerie de [Localité 4], ne peuvent suffire à établir la preuve des agressions dont il s'estime victime et du préjudice moral allégué.

Par ailleurs, il n'est justifié d'aucun préjudice lié aux manquements de Mme [X] [U] à ses obligations de locataire.

Le rejet des demandes de dommages et intérêts de M. [I] [L] sera en conséquence confirmé.

Sur les autres demandes

Chaque partie succombe partiellement et conservera la charge de ses dépens d'appel.

Il n'est pas justifié de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Confirme le jugement du 26 mai 2023 du tribunal judiciaire de Saint-Pierre en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il :

- condamne M. [I] [L] à payer à Mme [X] [G] [U] épouse [M] la somme de 948 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- condamne M. [I] [L] à installer un compteur individuel d'eau pour les locaux sis [Adresse 2] sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir deux mois après la signification du présent jugement et limitée à une durée de quatre mots ;

- condamne Mme [X] [G] [U] épouse [M] à payer la somme de 8.166,66 euros à M. [I] [L] au titre de son arriéré locatif du 26 octobre 2018 au 30 juin 2019 avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2022 ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de requalification du bail du 1er juillet 2019,

Rejette la demande de dommages et intérêts pour frais de travaux de Mme [X] [G] [U] épouse [M] dans son intégralité,

Rejette la demande d'installation d'un compteur individuel d'eau pour les locaux sis [Adresse 2],

Déclare prescrite la demande de M. [I] [L] au titre de l'arriéré de loyers dans son intégralité,

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Vincent ALDEANO-GALIMARD, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.