CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 22 novembre 2024, n° 24/04066
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
La Clinique Du Scooter (SARL)
Défendeur :
La Clinique Du Scooter (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lagemi
Conseiller :
Mme Gaffinel
Avocats :
Me Tobolski, Me Douëb
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Par acte sous seing privé du 5 juillet 2016, l'établissement public [Localité 6] Habitat OPH (ci-après désigné [Localité 6] Habitat) a consenti à la société ADM André Doucet Motor, aux droits de laquelle est ultérieurement venue la société la Clinique du Scooter, un bail commercial portant sur des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 7] pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2016, moyennant un loyer de 71.586,16 euros par an hors taxes et hors charges, payable par trimestre et d'avance.
Le 16 août 2023, [Localité 6] Habitat a fait signifier à la société la Clinique du Scooter un commandement visant la clause résolutoire du bail d'avoir à lui payer la somme de 78.845,71 euros au titre des loyers et des charges, outre les frais de l'acte.
Par acte du 2 octobre 2023, Paris Habitat a fait assigner la société la Clinique du Scooter devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris notamment aux fins de voir constatée l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial, ordonnée son expulsion et sa condamnation à lui verser la somme de 78.845,71 euros à titre d'arriéré locatif et une indemnité d'occupation.
Par ordonnance réputée contradictoire du 14 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail du 5 juillet 2016 portant sur les locaux situés [Adresse 1], [Localité 7], avec effet à la date du 16 septembre 2023 à 24h00 ;
- dit qu'à défaut de restitution volontaire des locaux précités dans le délai de 30 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, la société la Clinique du Scooter pourra être expulsée, ainsi que tous occupants de son chef avec le cas échéant le concours d'un serrurier et de la force publique ;
- dit que le sort des meubles se trouvant dans les lieux loués sera régi conformément aux articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
- débouté [Localité 6] Habitat de sa demande de prononcé d'une astreinte ;
- condamné la société la Clinique du Scooter à payer à [Localité 6] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation fixée à titre provisionnel au montant du loyer augmenté des charges et taxes, tel qu'il résulterait de la poursuite du bail, à compter du 17 septembre 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés ;
- condamné la société la Clinique du Scooter à payer à [Localité 6] Habitat la somme provisionnelle de 78.845,71 eux à valoir sur l'arriéré de loyers et charges selon décompte arrêté au 13 juillet 2023, échéance du 3ème trimestre 2023 incluse, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 août 2023 ;
- condamné la société la Clinique du Scooter à payer à [Localité 6] Habitat la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes ;
- condamné la société la Clinique du Scooter au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 16 août 2023 et les frais de levée de 1'extrait Kbis et des états d'endettement acquittés auprès du tribunal de commerce.
Par déclaration du 21 février 2024, la société la Clinique du Scooter a relevé appel de cette décision sauf en ce qu'elle a débouté [Localité 6] Habitat de sa demande de prononcé d'une astreinte et a dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 mars 2023, la société la Clinique du Scooter demande à la cour de :
- la dire recevable et bien fondée en son appel ;
y faisant droit,
- infirmer en tous points l'ordonnance de référé entreprise ;
en conséquence,
- prononcer la suspension des effets de la clause résolutoire ;
- ordonner un délai de paiement de 10 mois à son bénéfice lui permettant de s'acquitter de sa dette en 10 mensualités auprès de [Localité 6] Habitat conformément à l'article 1345-5 du code civil,
- laisser à chaque partie la charge de ses frais de conseils ainsi que ses dépens.
Par ordonnance du 2 octobre 2024, les conclusions de [Localité 6] Habitat, remises et notifiées le 13 mai 2024, ont été déclarées irrecevables.
La clôture de la procédure a été prononcée le 17 octobre 2024.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement et qu'il n'est pas opposé de contestation sérieuse susceptible d'y faire obstacle.
Selon l'article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
La Clinique du Scooter ne conteste pas les causes du commandement de payer qui lui a été adressé.
C'est donc à juste titre que le premier juge a constaté la réunion des conditions d'acquisition de la clause résolutoire à la date du 16 septembre 2023 à 24h.
La Clinique du Scooter qui sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire aux motifs qu'elle a rencontré des difficultés financières à la suite de la crise sanitaire du Covid, justifie avoir déjà versé les sommes de 10. 000 euros en février et mars 2024 et avoir trouvé un accord avec [Localité 6] Habitat afin de s'acquitter du solde de sa dette (58.845,71 euros) en dix échéances de 5.884,55 euros.
En considération des efforts consentis par la Clinique du Scooter et de l'accord de [Localité 6] Habitat, il convient de permettre au locataire d'apurer sa dette locative tout en conservant son bail, selon les conditions prévues au dispositif, et de suspendre les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai.
Le sort des dépens de première instance et des frais irrépétibles a été exactement apprécié par le premier juge, la locataire étant débitrice de loyers impayés ayant justifié la procédure engagée par la bailleresse.
En appel, la demande de délais formée par la Clinique du Scooter étant accueillie, elle n'est pas partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile et ne sera donc pas tenue aux dépens, qui resteront à la charge de chacune des parties.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a condamné la Clinique du Scooter aux dépens de l'instance, incluant le coût du commandement de payer, les frais de levée de Kbis et des états d'endettement acquittés auprès du tribunal de commerce et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
o
Constate que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 16 septembre 2023 à 24h00 ;
Condamne la Clinique du Scooter à payer à [Localité 6] Habitat la somme provisionnelle de 58.845,71 euros à valoir sur l'arriéré de loyers et charges selon décompte arrêté au 13 juillet 2023, échéance du 3ème trimestre 2023 incluse, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 août 2023 ;
Autorise la Clinique du Scooter à s'acquitter de la somme de 58.845,71 euros, en plus des loyers courants, en 10 mensualités de 5.884,55 euros, le premier versement devant intervenir avant le 15 du mois suivant le mois de signification du présent arrêt et les versements suivants avant le 15 de chaque mois ;
Suspend les effets de la clause résolutoire et dit qu'elle sera réputée n'avoir jamais joué si la Clinique du Scooter se libère de sa dette dans les conditions prévues ci-dessus et si le loyer courant augmenté des charges est payé pendant le cours de ce délai ;
o
Dit qu'à défaut de paiement d'une seule des mensualités à bonne date dans les conditions ci-dessus fixées ou du loyer courant augmenté des charges à son échéance, et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception :
' la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible ;
' la clause résolutoire reprendra son plein effet ;
' faute de départ volontaire des lieux loués, il pourra être procédé à l'expulsion de la société la Clinique du Scooter et de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 7], avec le concours de la force publique si nécessaire ;
' le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
' la société la Clinique du Scooter sera condamnée à payer à [Localité 6] Habitat une indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi jusqu'à la reprise effective des lieux ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés en appel.