CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 22 novembre 2024, n° 24/06756
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Blue Invest (SAS)
Défendeur :
Les Cop'1 (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lagemi
Conseiller :
Mme Gaffinel
Avocats :
Me Ohana, Me Harutyunyan, Me Maupas Oudinot, Me Iorio
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
La société Les Cop'1 a acquis le 31 octobre 2013 un fonds de commerce de rôtisserie, traiteur, restauration sur place ou à emporter, sandwicherie, boulangerie, exploité au [Adresse 1], et a signé, le même jour, un nouveau bail commercial avec le propriétaire du local commercial, l'indivision [O].
Par acte sous seing privé du 22 octobre 2019, la société Les Cop'1 a conclu un contrat de location-gérance avec la société Blue Invest, société par actions simplifiées dont M. [I], ancien salarié de la société Les Cop'1 est l'unique associé, qui a pour activité "l'exploitation de restaurant, traiteur, épicerie fine ainsi que la vente de boissons et de denrées alimentaires".
Le contrat de location-gérance a été consenti pour une durée d'un an, à compter du 1er novembre 2019 avec en outre la location d'un appartement à l'usage du gérant avec paiement d'une redevance et d'un loyer mensuel pour la somme totale de 10.189,71 euros TTC.
Un avenant au contrat a été conclu le 2 septembre 2021, qui a rappelé la tacite prorogation du contrat depuis le 31 octobre 2020 et a prévu une prorogation du contrat de 3 ans à compter du 1er novembre 2021 avec possibilité de renouvellement par tacite reconduction pour des périodes de 12 mois. L'avenant prévoit également un investissement à hauteur de 90.000 euros réalisé par le locataire-gérant avec une participation à hauteur de 50% par le propriétaire, de sorte que le montant des redevances (hors loyers) des années suivantes a été adapté pour prendre en compte cette participation (remise mensuelle de 1250 euros) selon le calendrier suivant : du 1er novembre 2021 au 30 octobre 2022 : 5.250 euros HT ; du 1er novembre 2022 au 30 octobre 2023 : 5.750 euros HT ; du 1er novembre 2023 au 30 octobre 2024 : 6.250 euros HT. L'avenant stipule enfin une redevance mensuelle de 8.000 euros HT, effective à compter du 1er novembre 2024.
La société Blue Invest n'ayant pas procédé aux règlements qui lui incombaient, la société Les Cop'1 lui a fait délivrer un commandement de payer, visant la clause résolutoire, par acte de commissaire de justice du 28 novembre 2023, pour une somme de 129.221,73 euros.
Par acte du 28 décembre 2023, la société Blue Invest a assigné la société Les Cop'1 devant le tribunal de commerce de Paris en opposition au commandement précité.
Le 14 février 2024, la société Les Cop'1 a notifié à la société Blue Invest la résiliation du contrat de location-gérance à effet au 31 octobre 2024 puis, par actes des 8 et 9 février 2024, l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins notamment de voir constatée l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail, ordonnée son expulsion et la voir condamnée au paiement, à titre provisionnel de l'arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation.
Par ordonnance contradictoire du 5 mars 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de location-gérance du 22 octobre 2019 ;
- prononcé l'expulsion de la société Blue Invest et de tous occupants de son chef avec le concours d'un serrurier et de la force publique si besoin est, dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance ;
- condamné la société Blue Invest à payer, par provision, à la société Les Cop'1 la somme de 129.221,73 euros au titre de redevances de location-gérance impayées ;
- fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 13.429,71 euros à compter de la constatation de la prise d'effet de la clause résolutoire jusqu'à son départ effectif ;
- condamné la société Blue Invest à payer, par provision, à la société Les Cop'1 la somme de 394,83 euros correspondant au coût du commandement qui lui a été délivré ;
- condamné la société Blue Invest à payer à la société les Cop'1 la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;
- Condamné la société Blue Invest aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 58,92 euros TTC dont 9,61 euros de TVA.
Par déclaration du 4 avril 2024, la société Blue Invest a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 mai 2024, la société Blue Invest demande à la cour de :
à titre principal, sur l'irrégularité de l'assignation tirée de l'absence de saisine du président du tribunal de commerce :
- prononcer la nullité de l'assignation du 8 février 2024 ;
- prononcer la nullité de l'ordonnance rendue le 5 mars 2024 par le président du tribunal de commerce de Paris ;
à titre subsidiaire, sur l'irrégularité de l'assignation tirée de l'absence de saisine du président du tribunal de commerce :
- infirmer l'ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
- déclarer irrecevables, pour défaut de saisine du président, l'assignation du 8 février 2024 et l'ensemble des demandes de la société Les Cop'1 ;
à titre encore plus subsidiaire,
- infirmer l'ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à référé ;
- débouter la société Les Cop'1 de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société Les Cop'1 à lui verser une provision de 198.817,19 euros, à parfaire, au titre des non-conformités et frais qu'elle a injustement supportés ;
- ordonner à la société Les Cop'1 de réaliser les travaux de conformité suivant le rapport d'audit du 23 février 2024, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
à titre infiniment subsidiaire, sur la consignation et les délais,
- infirmer l'ordonnance entreprise ;
- lui accorder les délais les plus larges pour s'acquitter des sommes qui seraient jugées dues, l'autoriser à consigner ces sommes dans l'attente du jugement du tribunal de commerce à intervenir sur le fond et suspendre les effets de la clause résolutoire ;
en tout état de cause,
- condamner la société Les Cop'1 à lui payer la somme de 1.000 euros pour procès abusif ;
- condamner la société Les Cop'1 à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Les Cop'1 aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 25 juin 2024, la société Les Cop'1 demande à la cour de :
- dire la société Blue Invest non fondée en son appel ;
- confirmer l'ordonnance entreprise sauf sur le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 1er novembre 2023 et sur le montant de la provision allouée ;
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 14.231,92 euros à compter du 1er novembre 2023 ;
- condamner la société Blue Invest à lui payer la somme de 228.845,17 euros TTC, correspondant aux redevances et loyers dus au 31 mai 2024 ;
y ajoutant,
- condamner la société Blue Invest, pour les frais irrépétibles occasionnés par la présente instance d'appel, au versement d'une somme supplémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 2 octobre 2024.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Sur la régularité de la saisine du juge des référés
L'article 873 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite et que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
La société Blue Invest soutient que l'assignation de première instance est nulle dès lors que la société Les Cop'1 l'a citée à comparaître devant le tribunal de commerce de Paris, chambre des référés alors que les attributions du juge des référés appartiennent non pas au tribunal, mais au seul président du tribunal de commerce. Elle considère en outre que celui-ci n'a pas été régulièrement saisi, qu'il ne pouvait en aucun cas s'autosaisir alors qu'en application de l'article 485 du code de procédure civile, la demande devant le président est portée par voie d'assignation et qu'en conséquence l'irrégularité affectant la saisine de la juridiction est sanctionnée par une irrecevabilité.
La société Les Cop'1 réplique que l'assignation délivrée en première instance est valable dès lors qu'elle a été délivrée selon un formulaire classique, où il était clairement indiqué le lieu et les modalités de l'audience ainsi que le fondement de la demande, au visa de l'article 873 du code de procédure civile, devant la chambre des référés.
Si l'en-tête de l'acte s'intitule « Assignation en référé devant le tribunal de commerce de Paris », il est bien précisé que la société Blue Invest est invitée à comparaitre « le 27 février 2024, à 9h30, chambre des référés ' tribunal de commerce, [Adresse 2] » et que la demande est fondée sur l'article 873 du code de procédure civile. A la page 4 de l'acte, correspondant au début des motifs de l'assignation, le demandeur s'adresse en outre au président du tribunal en mentionnant « plaise à madame ou monsieur le président ». Ainsi, à la lecture de l'assignation, il ne fait aucun doute que le demandeur a saisi le président du tribunal de commerce en référé. Il n'est d'ailleurs pas contesté que l'audience à laquelle l'affaire a été appelée était tenue par le président du tribunal de commerce, statuant en référé.
Si le premier juge, dans sa motivation, a écarté la fin de non-recevoir tirée de la nullité et de l'irrecevabilité de l'assignation, il a omis de statuer sur ce point dans son dispositif. En application de l'article 462 du code de procédure civile, la cour complètera le dispositif en rejetant les moyens soulevés par la société Blue Invest tirés de l'irrégularité de l'assignation.
Sur les conditions d'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences
Selon l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon l'article 873 du même code, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de location-gérance en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.
Il n'est pas contesté que le contrat de location-gérance prévoit à l'article VIII qu'à défaut par le propriétaire d'exécuter une seule des charges et conditions du contrat et/ou de payer à son échéance un seul terme de loyer, le contrat sera, si bon semble au propriétaire, résilié de plein droit, sans aucune formalité judiciaire, un mois après une mise en demeure d'exécuter restée sans effet ou un commandement de payer contenant déclaration par le crédit-bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause, demeuré sans effet pendant ce délai.
Il est constant que les loyers et redevances n'ayant plus été réglés à compter du mois de mai 2023, la société Les Cop'1 a fait délivrer à la société Blue Invest, par acte du 28 novembre 2023, un commandement de payer, visant la clause résolutoire, pour la somme de 129.221,73 euros, lequel est demeuré sans effet.
Il ressort en outre des tableaux récapitulatifs des règlements de la société Blue Invest que celle-ci a commencé à ne pas régler l'intégralité des loyers et redevances aux échéances convenues en 2020 et 2021.
La société Blue Invest soutient que la mauvaise foi de la société Les Cop'1 fait échec à la mise en 'uvre de la clause résolutoire. Elle précise que la société Les Cop'1 lui a délivré un fonds de commerce inexploitable, affecté de défauts et vices qu'elle ne pouvait ignorer et qu'elle lui est redevable à minima de la somme de 159.260 euros correspondant au montant des travaux et dépenses qu'elle a dû engager pour remédier aux désordres.
Mais, comme le soutient la société Les Cop'1, il n'est pas établi, avec l'évidence requise en référé, qu'elle a manqué à son obligation de délivrance ou aurait donné en location un fonds affecté de vices. En effet, la société Blue Invest ne produit aucune lettre informant la société Les Cop'1 des désordres allégués ou demandant à son bailleur d'avoir à mettre le fonds en conformité avec le bail. Au contraire, il ressort de l'avenant signé le 2 septembre 2021 qui a prorogé le contrat de location-gérance pour une durée de 3 ans, renouvelable annuellement par tacite reconduction, que les parties « compte tenu des investissements que le locataire gérant souhaite réaliser dans le fonds de commerce, portant à la fois sur l'acquisition de matériels et sur des travaux d'aménagement des locaux, permettant d'améliorer sa productivité » ont convenu que le propriétaire du fonds participera à hauteur de 45 000 euros aux investissements effectués par le locataire-gérant, estimés à 90.000 euros, en effectuant une remise de 1250 euros HT par échéance applicable sur les 36 premières échéances. Cet avenant ne mentionne aucun vice ni désordre majeur affectant le fonds mais évoque seulement des travaux « permettant d'améliorer la productivité » du locataire. En outre, comme il l'est démontré ci-dessous, la société Blue Invest ne rapporte pas la preuve de sa créance alléguée.
Ainsi, en ayant mis en 'uvre la clause résolutoire dans les conditions contractuellement prévues, six mois après la cessation de tout règlement par le locataire, il ne peut être sérieusement soutenu que la société Les Cop'1 a fait preuve de mauvaise foi, alors qu'elle avait consenti une remise de 1250 euros par redevance depuis le 2 novembre 2021 et que la société Blue Invest, seule tenue au paiement des loyers envers cette dernière, ne démontre pas avoir effectué des travaux pour la somme totale de 90.000 euros. La société Blue Invest ne peut donc, pour échapper à la clause résolutoire, invoquer une attitude abusive de son cocontractant, non établie en l'espèce avec l'évidence requise en référé.
L'ordonnance qui a constaté la résiliation de plein droit du contrat de location-gérance est confirmée sur ce point. La société Blue Invest ayant quitté les lieux, la demande d'expulsion est devenue sans objet.
Sur la demande de provision au titre des redevances mensuelles
Selon l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier, ou ordonné l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Pour réclamer la somme de 228.845,17 euros correspondant aux échéances de loyers et redevances non réglées par la société Blue Invest, la société Les Cop'1se prévaut d'un commandement d'avoir à payer la somme de 129.221,73 euros et d'un récapitulatif de la dette arrêtée au 31 mai 2024.
La société Blue Invest fait valoir que les causes du commandement de payer du 28 novembre 2023 sont erronées, au titre des montants des redevances retenus à compter du mois de novembre 2021 en considérant que l'augmentation de la redevance appliquée par la société Les Cop'1 caractérise un abus de position dominante prévu à l'article L.420-2 du code de commerce et est illicite et en tout état de cause, au titre des mois de novembre et décembre 2021 en ce qu'il est mentionné un montant de 6500 euros HT/mois au lieu de 5250 euros HT/mois tel que prévu dans l'avenant.
Mais, la société Blue Invest ne produit aucun élément permettant de considérer que la signature de l'avenant caractérise un abus de position dominante alors qu'il résulte de l'avenant que les augmentations des échéances ont été progressives afin de tenir compte des investissements et que le bailleur a participé aux investissements réalisés en effectuant une remise de 1250 euros sur les 36 premières échéances.
En revanche, comme le prétend la société Blue Invest, la société Les Cop'1 a, de façon erronée, retenu que la redevance était de 6500 euros en novembre et décembre 2021 alors qu'il résulte de l'avenant, qu'entre le 1er novembre 2021 et le 1er novembre 2022, le montant de l'échéance après la remise du bailleur était de 5250 euros. Ainsi, au jour du commandement, la somme due était de 126.721,73 euros (129.221,73 ' 2500 euros).
La société Les Cop'1 produit un décompte actualisé de la dette locative de la société Blue Invest jusqu'au mois de mai 2024 inclus que la société Blue Invest ne conteste pas. Il n'est pas plus contesté que depuis le 1er novembre 2023, le montant de la redevance du loyer et des charges mensuels s'élève à 14.231,92 euros, ce qui justifie la fixation à ce montant de l'indemnité d'occupation à compter de cette date.
La société Blue Invest est en conséquence redevable de la somme de 226.345,17 euros au titre des redevances, loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 31 mai 2024.
Sur la créance de la société Blue Invest à l'égard de la société Les Cop'1
La société Blue Invest considère qu'elle est, elle-même, créancière de la somme de 198.817,19 euros à l'égard de la société Les Cop'1 en raison des différents travaux qu'elle a dus effectuer et des indemnités de départ à la retraite de son cuisinier -ancien salarié de la société Les Cop'1- qu'elle a dus régler et fait valoir la compensation. Au visa des articles 1719 et suivants du code civil, elle soutient que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance et violé ses engagements contractuels de garanties accordés au titre du contrat de location-gérance, et que ce faisant, il l'a contraint à prendre en charge des travaux et des investissements considérables afin de lui permettre d'exploiter normalement son fonds de commerce. Elle soutient ainsi avoir dépensé les sommes de 28.127 euros en raison des non-conformités en matière d'électricité, 35.364,03 en raison des problèmes liés au matériel et équipement de cuisine, 61.569,49 euros en raison des rénovations nécessaires, 1133 euros en raison de la non-conformité du branchement des eaux usées et des eaux de pluie, 37.592,50 euros en raison de la non-conformité de l'extraction et du conduit de fumées, 24.770,44 euros en raison des autres travaux liés aux non-conformité et 10.260,73 euros en raison des indemnités à la retraite de M. [D] [T].
La société Les Cop'1 réplique que la société Blue Invest ne démontre ni les non-conformités ni les dépenses engagées. S'agissant des dépenses réalisées avant l'avenant au contrat de location-gérance, elle fait valoir que la société Blue Invest ne lui a jamais adressé d'injonction tendant à la réalisation de travaux de mise en conformité, que les devis, dont certains sont adressés à des personnes inconnues, n'établissent pas les dépenses engagées, que la société Blue Invest avait effectué des travaux d'électricité, avant même le rapport établi par le bureau Véritas sur l'électricité, ce qui invalide sa thèse sur la non-conformité, un électricien acceptant rarement d'intervenir sur une installation non conforme et que les dépenses correspondent à des dépenses de confort et d'agrément. S'agissant des dépenses réglées par la société Blue Invest après son engagement d'avoir à réaliser des travaux d'aménagement et de modernisation, elle soutient que les factures Maxima, Dehillerin, Brocante d'Epinay et Chapeau sont des dépenses d'exploitation courante du fonds ne découlant pas de la vétusté ou de l'obsolescence du matériel existant et qu'en réalité, la société Blue Invest ne justifie pas des travaux qu'elle s'était engagée à effectuer à hauteur de 90.000 euros et qui avaient donné lieu à une baisse de la redevance. Elle souligne que l'audit effectué le 23 février 2024, non contradictoire à son égard, révèle que la quasi-totalité des problèmes provient d'un manque flagrant d'entretien voire même de destruction du matériel donné en location-gérance.
La société Blue Invest qui considère avoir une créance à l'encontre de la société Les Cop'1 doit la justifier afin de déterminer l'existence d'une obligation non sérieusement contestable à ce titre de la société Les Cop'1, étant en tout état de cause rappelé qu'il n'appartient pas au juge des référés d'ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties.
S'agissant de la créance alléguée de 28.127 euros, la société Blue Invest se borne à produire deux devis du 17 octobre 2019 et 16 février 2024 au nom de M. [L] [V], un « rapport de vérification électricité » effectué par Bureau Véritas ainsi qu'une facture de 612 euros adressée à la SAS Les Cop'1, [Adresse 3]. Or, ni des devis adressés à un tiers, ni la facture adressée par Bureau Véritas à la société Les Cop'1 n'établissent que la société Blue Invest a réglé la somme de 28.127 euros.
S'agissant de la créance alléguée de 35.364,03 euros, correspondant à des achats de matériels et équipements de cuisine, la société Blue Invest produit neuf factures attestant des dépenses effectuées. Mais d'une part, trois d'entre elles (pièces n°24, 25 et 26) sont postérieures à l'avenant signé par les parties qui prévoyait que la société Blue Invest devait réaliser des investissements estimés à 90. 000 euros ventilés entre les matériels et mobiliers et les travaux d'aménagement justifiant une remise de 1250 euros par échéance de la part de la société Les Cop'1. D'autre part, s'agissant des dépenses effectuées antérieurement (pièces n°18 à 23), la société Blue Invest n'établit ni que le matériel existant était défectueux ni qu'elle a sollicité la société Les Cop'1 afin d'obtenir son autorisation pour remplacer les matériels.
S'agissant de la créance alléguée de 61.569,49 euros, correspondant à des travaux de rénovation, la société Blue Invest produit une facture émanant de l'entreprise générale Demania du 22 décembre 2020 pour un montant de 51.240 euros et 23 autres factures Leroy Merlin établies entre le 12 novembre 2019 et le 15 décembre 2020 pour divers achats. Mais, elle ne verse aucun document permettant de justifier que ces travaux étaient à la charge de la société Les Cop'1 et qu'ils étaient indispensables pour permettre l'exploitation du fonds. Elle ne justifie ni avoir sollicité la bailleresse afin qu'elle réalise des travaux de rénovation de cette ampleur ni même l'avoir informée.
Au surplus, la cour relève que sur plusieurs factures Leroy Merlin, il n'est pas possible de déterminer les achats effectués, que d'autres portent notamment sur des ampoules, un parasol, de l'outillage de jardin etc., ces achats ne pouvant à l'évidence être mis à la charge de la bailleresse et que s'il est mentionné du matériel pour effectuer des travaux (ponceuse, matériel d'électricité, carrelage, etc.), ces achats ne sont pas cohérents avec la facture Démania précitée laquelle a été établie pour des travaux « de rénovation complète de la cuisine du restaurant, peinture des murs et plafonds et peinture de l'escalier, carrelage sols, cave du restaurant : plomberie, maçonnerie, pose chape, carrelage, électricité, peinture générale » et comprend les « achats des matériaux et transport des déchets et gravats et nettoyage général ».
S'agissant de la créance alléguée de 1.133 euros due à la non-conformité du branchement des eaux usées et des eaux de pluie, la société Blue Invest se borne à produire une facture établie par la société de plomberie Chapeau au nom du syndicat des copropriétaires sans rapporter la preuve qu'elle lui a été imputée par la société Les Cop'1 au titre de ses charges.
S'agissant de la créance alléguée de 37.592,50 euros concernant les travaux des conduits d'extraction et de fumée, la société Blue Invest se borne à fournir un devis sollicité par le syndic de copropriété afin de procéder à un chemisage en furanflex du conduit de la hotte de Rotistreet mais n'établit pas avoir réglé cette somme.
S'agissant de la créance revendiquée de 24.770,44 euros pour divers travaux et achats de matériels, la société Blue Invest fournit 3 factures pour des vitrines chaudes avec accessoires ainsi que quatre factures d'une entreprise générale pour des travaux divers, toutes les factures datant de 2022 à 2024. Ces factures étant postérieures à l'avenant, la société Blue Invest ne démontre pas qu'il s'agit de dépenses qui relevaient du bailleur et n'entraient pas dans les améliorations évoquées dans l'avenant.
Enfin, pour justifier de sa créance de 10.206,73 euros au titre des indemnités de départ à la retraite de M. [D] [T], la société Blue Invest invoque l'article 41 du contrat de location-gérance selon lequel les dettes nées des contrats de travail, antérieurement à l'entrée en jouissance des présentes, resteront à la charge du propriétaire et que celui-ci s'engage à liquider ou à rembourser au locataire-gérant toutes les dettes salariales en principal et accessoires de sorte que le gérant n'ait pas à en faire l'avance, notamment en ce qui concerne les congés payés. Mais, d'une part, la seule facture adressée par la société Blue Invest à la société Les Cop'1 le 28 novembre 2022 ayant pour objet la refacturation de l'indemnité à la retraite de M. [T] ne saurait établir la réalité du départ à la retraite de l'intéressé et le montant total des indemnités allouées. D'autre part, la dette n'était en tout état de cause pas née avant la signature du contrat de location-gérance, nonobstant les années travaillées par M. [T] pour la société Les Cop'1.
En conséquence, la société Blue Invest ne démontre pas, avec l'évidence requise en référé, avoir une créance à l'égard de la société Les Cop'1.
Elle sera condamnée à verser à la société Les Cop'1, à titre provisionnel, la somme de 226.345,17 euros au titre des redevances, loyers et charges impayées arrêtés au 31 mai 2024. L'ordonnance est infirmée sur ce point au regard du montant de la dette qui a augmenté.
Sur les autres demandes
La société Blue Invest sollicite la condamnation de la société Les Cop'1 à effectuer des travaux, mais ayant quittant les lieux, elle n'a plus aucun intérêt à formuler une telle demande, qui ne peut qu'être rejetée.
La société Blue Invest sollicite dans son dispositif des délais de paiement, l'autorisation de consigner les sommes dues et la suspension de la clause résolutoire. Mais, elle ne développe aucun moyen au soutien de ses prétentions et ne produit aucune pièce permettant de justifier l'octroi de délai de paiement alors que l'arriéré locatif est ancien, qu'elle a cessé tous règlements depuis de nombreux mois et qu'elle a quitté les lieux. Ses demandes ne peuvent en conséquence qu'être rejetées.
La société Blue Invest sollicite également des dommages-intérêts pour résistance abusive et trouble commercial. Mais d'une part, elle n'a pas formulé sa demande à titre provisionnel. D'autre part, aucune faute n'est retenue à l'égard de la société Les Cop'1. Sa demande ne peut être accueillie.
L'ordonnance entreprise sera confirmée en ses dispositions relatives au cout du commandement de payer, aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
A hauteur d'appel, la société Blue Invest, succombant à l'instance, est condamnée aux dépens et à verser à la société Les Cop'1 la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise sauf sur les dispositions relatives aux provisions à valoir sur les redevances, loyers et charges impayés et sur le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 1er novembre 2023 et l'expulsion,
Statuant à nouveau,
Fixe l'indemnité d'occupation due par la société Blue Invest à la somme mensuelle de 14.231,92 euros à compter du 1er novembre 2023 et jusqu'à son départ effectif ;
Condamne la société Blue Invest à payer à la société Les Cop'1, par provision, la somme de 226.345,17 euros au titre des redevances, loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêtés au 31 mai 2024 ;
Condamne la société Blue Invest à payer à la société Les Cop'1, par provision, une indemnité d'occupation de 14.231,92 à compter du 1er juin 2024 jusqu'à son départ effectif ;
Dit que la demande relative à l'expulsion est devenue sans objet,
y ajoutant,
Rejette les exception de procédure et fin de non-recevoir soulevées par la société Blue Invest tirées de l'irrégularité de l'assignation et de la saisine du premier juge,
Rejette toutes les demandes de la société Blue Invest,
Condamne la société Blue Invest aux dépens et à verser à la société Les Cop'1 la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.