Décisions
CA Versailles, ch. civ. 1-2, 26 novembre 2024, n° 23/05005
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70C
Chambre civile 1-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/05005 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WAD5
AFFAIRE :
[U] [R] [K] divorcée [H]
C/
S.C. BIBI-SAMM-IMMO
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 avril 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE
Expéditions exécutoires
Copies certifiées conformes
délivrées le : 26/11/24
à :
Me Oriane DONTOT
Me Sophie JEAN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT-SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE
Madame [U] [R] [K] divorcée [H]
née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 8] (POLOGNE)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
Substitué par : Me Xavier CHEMIN, avocat au barreau de PARIS
****************
INTIMÉE
S.C. BIBI-SAMM-IMMO
N° SIRET : 880 362 785
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Sophie JEAN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 122
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 septembre 2024, Madame Anne THIVELLIER, Conseillère, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Magistrate placée,
qui en ont délibéré,
Greffière lors des débats : Madame Céline KOC
Greffière placée lors du prononcé : Madame Gaëlle RULLIER
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [U] [R] [K] divorcée [H] était propriétaire, en indivision avec les enfants de M. [H], d'un appartement (lot de copropriété n°150) et d'un parking (lot de copropriété n°170) dans l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 7].
Les enfants de M. [H] ont souhaité sortir de cette indivision et ont sollicité la licitation des biens aux enchères publiques.
Par jugements d'adjudication rendus le 7 avril 2022 et signifiés le 9 août 2022, la SCI Bibi-Samm-Immo a été déclarée adjudicataire des biens qui sont toujours occupés par Mme [K].
Par acte de commissaire de justice du 14 décembre 2022, la SCI Bibi-Samm-Immo a fait assigner Mme [K] aux fins de voir :
- constater que l'appartement et le parking dont elle est propriétaire depuis le 7 avril 2022 sont occupés sans droit ni titre par Mme [K],
- ordonner la libération des lieux par Mme [K] sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir et ce jusqu'à complète libération des lieux et la remise effective des clés,
- ordonner l'expulsion de Mme [K] et de tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique,
- ordonner l'enlèvement et le dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant le local occupé dans un lieu approprié, aux frais, risques et périls de la défenderesse,
- condamner Mme [K] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle de 2 500 euros depuis le 7 avril 2022 et jusqu'à la libération effective des locaux et la restitution des clés,
- condamner Mme [K] à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par jugement contradictoire du 6 avril 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Vanves a :
- constaté que Mme [K] occupe sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 2] à Issy-les-Moulineaux, propriété de la SCI Bibi-Samm-Immo,
- ordonné, à défaut de libération volontaire des lieux, l'expulsion de Mme [K] ainsi que celle de tous occupants de son chef avec l'éventuelle assistance de la force publique et d'un serrurier en cas de besoin,
- accordé à Mme [K] un délai de 12 mois à compter de la signification du jugement pour quitter les lieux,
- rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 2 000 euros à compter du 7 avril 2022 et condamné Mme [K] à en acquitter le paiement intégral et ce, jusqu'à la libération complète des lieux,
- débouté la SCI Bibi-Samm-Immo du surplus de ses demandes,
- condamné Mme [K] aux entiers dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 21 juillet 2023, Mme [K] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 26 février 2024, Mme [K], appelante, demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 6 avril 2023,
Statuant à nouveau,
- dire qu'elle n'a pas la qualité d'occupante sans droit ni titre du logement sis [Adresse 2] à [Localité 6],
- renvoyer la SCI Bibi-Samm-Immo à lui établir un bail et, à défaut, une convention d'occupation précaire,
- dire n'y avoir lieu à prononcer son expulsion du local litigieux,
À tout le moins,
- lui accorder un délai de trois ans pour quitter les lieux et lui permettre de se reloger en déboutant, sur ce point, la SCI Bibi-Samm-Immo de son appel incident,
- fixer le montant du loyer ou de l'indemnité d'occupation qui sera due à la somme mensuelle maximum de 1 200 euros charges comprises,
- dire que cette indemnité ne sera exigible qu'à compter de la demande qui en a été faite par assignation du 14 décembre 2022,
- lui accorder les plus larges délais (2 ans) pour s'acquitter du paiement de sa dette locative en déboutant, sur ce point, la SCI Bibi-Samm-Immo de son appel incident,
En tout état de cause,
- condamner la SCI Bibi-Samm-Immo à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 28 novembre 2023, la SCI Bibi-Samm-Immo, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de bien vouloir :
- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a accordé à Mme [K] un délai de 12 mois à compter de la signification de la présente décision pour quitter les lieux,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé un délai pour libérer les locaux, le confirmer en ses autres dispositions,
- débouter Mme [K] de sa demande de délais, que ce soit pour libérer les locaux ou pour payer les indemnités d'occupation,
A titre subsidiaire, si les délais pour libérer les locaux étaient confirmés ou si de nouveaux délais, pour libérer et/ou pour payer étaient octroyés :
- ordonner qu'à défaut de paiement d'une seule échéance sur l'arriéré ou d'une seule indemnité d'occupation courante à bonne date, non seulement l'intégralité des sommes restant dues redeviendront immédiatement exigibles, mais également l'occupante sera déchue de plein droit des délais accordés pour libérer les locaux,
- condamner Mme [K] à lui payer la somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [K] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Jean, avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 septembre 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité d'occupante sans droit ni titre de Mme [K]
Le premier juge a constaté que Mme [K] occupait les locaux sans justifier d'un droit ou d'un titre à le faire.
Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement, Mme [K] demande à la cour de dire qu'elle n'a pas la qualité d'occupante sans droit ni titre et de renvoyer la SCI Bibi-Samm-Immo à lui établir un bail d'habitation et à défaut une convention d'occupation précaire jusqu'à la reddition des comptes avec l'indivision qu'elle compose avec les enfants de son ex-époux décédé en 2016.
Elle fait valoir qu'elle a acquis ce bien avec M. [H] en 2000 à hauteur de 20% pour elle et 80% pour ce dernier et qu'elle y habite depuis cette date et ce même après leur divorce, son ex-époux ayant accepté verbalement une occupation gratuite, ce que ses héritiers ont remis en cause en exigeant le versement d'une indemnité d'occupation. Elle en déduit qu'elle ne peut être considérée comme occupante illégitime alors que, précédente propriétaire en indivision, elle détenait le droit d'en jouir. Elle ajoute que lors de son acquisition, la SCI Bibi-Samm-Immo savait que le bien était occupé.
Elle soutient que tant que les opérations de liquidation-partage ne sont pas terminées, elle peut opposer à la SCI Bibi-Samm-Immo un droit au maintien dans les lieux puisqu'elle détient en germe, dans son patrimoine, une quote-part des sommes versées à l'occasion de la vente, ce qui interdit de la considérer comme occupante sans droit ni titre.
La SCI Bibi-Samm-Immo de répliquer qu'il est incontestable que depuis la vente du bien, Mme [K] est occupante sans droit ni titre des biens cédés du fait qu'elle occupait les lieux en sa qualité de propriétaire sans avoir été titulaire d'un bail, et qu'ainsi la vente du bien a mis un terme à son droit de propriété et ainsi à son titre d'occupation. Elle soutient qu'elle ne bénéficie d'aucun droit au maintien dans les lieux et qu'elle n'a pas à consentir un bail à l'appelante, ajoutant que les opérations de liquidation-partage sont closes, l'acte de partage ayant été signé en octobre 2023.
Sur ce,
En application de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
En l'espèce, Mme [K] ne démontre pas qu'elle aurait occupé le bien autrement qu'en sa qualité d'indivisaire. Dès lors que les biens ont été acquis par la SCI Bibi-Samm-Immo par jugement d'adjudication sur licitation du 7 avril 2022, Mme [K] a perdu tout droit de propriété sur ceux-ci et par conséquent tout titre d'occupation, étant relevé qu'elle ne fait valoir aucune convention d'occupation ni contrat de bail qui aurait été conclu avant l'adjudication et qui aurait pu être opposé à la SCI Bibi-Samm-Immo.
Le fait que les opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision qu'elle compose avec les enfants de M. [H] seraient toujours en cours est indifférent à conférer à Mme [K] un droit au maintien dans les lieux et à ordonner à la SCI Bibi-Samm-Immo de conclure avec elle un contrat de bail ou une convention d'occupation précaire jusqu'à la fin de ces opérations.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que Mme [K] occupe les lieux litigieux sans droit ni titre et ordonné son expulsion.
Sur les délais pour quitter les lieux
Mme [K] demande l'infirmation du jugement lui ayant accordé un délai de 12 mois pour quitter les lieux et sollicite l'octroi d'un délai de 36 mois au regard de son âge, de la précarité de ses finances et du fait qu'elle se trouve dépossédée, par les héritiers de son mari, du bien dans lequel elle a habité durant la vie commune.
Poursuivant également l'infirmation de ce chef du jugement, la SCI Bibi-Samm-Immo s'oppose à l'octroi de tout délai pour quitter les lieux et à titre subsidiaire, demande à ce que ces délais soient assortis d'une clause de déchéance en cas de non-paiement des indemnités d'occupation.
Elle fait valoir que Mme [K], qui se devait d'organiser son futur relogement dès février 2020, date du jugement ayant ordonné la vente des biens par adjudication préalablement aux opérations de liquidation-partage, ne verse aux débats aucune pièce justifiant de démarches en ce sens et que malgré la faiblesse de ses revenus, elle a nécessairement dû faire de larges économies grâce à l'occupation gratuite du logement.
Sur ce,
En application de l'article L. 412-3 alinéa 1 et 2 du code des procédures civiles d'exécution dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2023, le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Il résulte de l'article L. 412-4 du même code dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2023 que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an.
La réforme issue de la loi du 27 juillet 2023 ayant réduit les délais pour quitter les lieux pouvant être accordés aux occupants sans droit ni titre est entrée en vigueur le 29 juillet 2023. En vertu de l'article 2 du code civil, elle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment de son entrée en vigueur, et ce même lorsque semblable situation fait l'objet d'une instance judiciaire (Civ. 3, 23 mars 2017, n°16.11-081).
Dans ces conditions, Mme [K] ne peut qu'être déboutée de sa demande visant à se voir octroyer des délais supérieurs à un an pour quitter les lieux.
Par ailleurs, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a octroyé à Mme [K] un délai d'un an pour quitter les lieux à compter de la signification du jugement laquelle est intervenue le 3 juillet 2023. Ce chef du jugement est en conséquence confirmé.
Sur l'indemnité d'occupation
* Sur le montant
Si Mme [K] ne conteste pas le principe même du versement d'une indemnité d'occupation, elle fait grief au premier juge d'avoir fixé son montant à la somme de 2 000 euros compte tenu de la valeur locative du bien et des caractéristiques des lieux occupés afin de compenser l'occupation des locaux.
Elle affirme que ce montant ne correspond pas à la réalité du marché local et qu'elle verse aux débats des estimations d'agences immobilières évaluant la valeur locative du bien entre 1 600 et 1 800 euros charges comprises. Elle ajoute qu'il doit être tenu compte du fait qu'aucune réparation ni amélioration de confort n'a été faite depuis plusieurs années, de sorte que les évaluations standards des agences doivent être affectées d'un coefficient de minoration de 30%. Elle relève que le premier juge a admis cette réfaction, ce que la SCI Bibi-Samm-Immo, qui demande la confirmation du jugement sur ce point, ne remet donc pas en cause. Elle soutient qu'il convient de se placer à la date de la demande pour apprécier l'état du bien et ses caractéristiques.
Elle demande que l'indemnité d'occupation soit fixée à la somme mensuelle de 1 200 euros en retenant une valeur médiane de 1 700 euros par mois.
La SCI Bibi-Samm-Immo s'oppose à cette demande et sollicite la confirmation du jugement ayant fixé le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 2 000 euros.
Elle fait valoir qu'au regard des caractéristiques du bien et de sa localisation, les estimations produites par Mme [K] ne sont pas sérieuses en ce qu'elles sont inférieures au prix moyen du mètre carré dans le secteur. Elle affirme qu'il s'agit d'attestations de complaisance, les annonces locatives émanant de ces agences ne proposant aucun bien similaire à ce prix. Elle ajoute que le premier juge a déjà été particulièrement clément en retenant un prix médian. Elle soutient enfin qu'aucune minoration ne doit être retenue du fait que l'appartement est en état d'usage, ce dont Mme [K] est seule responsable puisqu'elle l'occupe depuis 2020.
Sur ce,
L'indemnité d'occupation, de nature mixte compensatoire et indemnitaire, a pour objet de réparer l'intégralité du préjudice subi par le bailleur du fait de la privation de son bien.
Au cas d'espèce, la SCI Bibi-Samm-Immo produit:
- une estimation de la valeur locative du bien effectuée par la société Century 21 le 6 septembre 2022 qui la fixe entre 2 300 et 2 500 euros au regard de sa localisation vis-à-vis des transports en commun, de l'état de la résidence et des caractéristiques de l'appartement (étage, vue, luminosité, balcon, cave, place de parking et superficie: 77,2 m²)
- une estimation de la société SeLoger, non datée, faisant état d'un prix de location moyen au m² dans la rue de l'appartement litigieux de 26 euros en précisant que le prix bas est de 21 euros et le prix haut de 35 euros, soit un prix moyen de 2 007,20 euros,
- une estimation de la société Meilleurs Agents, non datée, faisant état d'un prix de location moyen au m² dans la rue de l'appartement litigieux à 29,4 euros en précisant que le prix bas est de 23,4 euros et le prix haut de 38,90 euros, soit un prix moyen de 2 269,68 euros.
De son côté, Mme [K] produit des évaluations de la valeur locative du bien effectuées en juillet 2023 tenant compte des prix de location dans le secteur, de l'état de l'appartement, de ses caractéristiques et de son emplacement, ainsi que de son environnement, effectuées par :
- la société Foncia estimant le bien à 1 690 euros charges comprises,
- la société Century 21 estimant le bien à 1 790 euros, charges comprises,
- la société Nestenn estimant le bien entre 1 700 et 1 800 euros charges comprises,
- la société Orpi estimant le bien entre 1 750 et 1 800 euros charges comprises.
Il n'y a pas lieu d'écarter ces estimations dans la mesure où il n'est pas établi qu'elles seraient de pure complaisance, le seul fait de produire quelques annonces de location de biens émanant de ces agences mentionnant un prix au mètre carré supérieur étant insuffisant à l'établir.
Les évaluations produites par Mme [K] tenant compte de l'état du bien, il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de vétusté comme elle le demande, étant au surplus relevé qu'elle ne produit aucun élément quant à l'état de l'appartement.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 1 850 euros. Le jugement déféré est donc infirmé de ce chef.
* Sur le point de départ
Mme [K] demande que le point de départ de l'indemnité d'occupation soit fixé au 14 décembre 2022, date de l'assignation.
Elle soutient qu'une indemnité ne peut être accordée qu'à compter de la demande qui en est faite et que le jugement d'adjudication, qui confère propriété à l'adjudicataire, ne vaut pas demandes annexes auprès de tiers comme peut l'être un occupant.
Elle s'oppose à ce que cette date soit fixée au jour de l'adjudication en faisant valoir que les fonds provenant de la vente n'ont été perçus par le notaire que le 26 mai 2023, soit plus d'un an après, et qu'elle n'a pas à supporter seule les conséquences de ce retard.
La SCI Bibi-Samm-Immo demande la confirmation du jugement ayant fixé le point de départ de l'indemnité d'occupation au jour du jugement d'adjudication conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Sur ce,
En application de l'article L. 322-10 du code des procédures civiles d'exécution, l'adjudication emporte vente forcée du bien saisi et en transmet la propriété à l'adjudicataire.
Elle ne confère à celui-ci d'autres droits que ceux appartenant au saisi. Ce dernier est tenu, à l'égard de l'adjudicataire, à la délivrance du bien et à la garantie d'éviction.
La Cour de cassation en déduit que, sauf disposition contraire du cahier des conditions de vente, le saisi perd tout droit d'occupation dès le prononcé du jugement d'adjudication. Elle précise que l'indemnité d'occupation est la contrepartie de l'utilisation sans titre du bien ; que l'adjudicataire est devenu propriétaire dès le jugement d'adjudication et le saisi occupant sans droit ni titre, et qu'il est en conséquence tenu au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de cette date (Civ. 2ème, 6 juin 2019, n°18-12.353).
Il convient ainsi de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé le point de départ de l'indemnité d'occupation au 7 avril 2022, date du jugement d'adjudication, le fait que les fonds aient été versés postérieurement étant indifférent.
Sur les délais de paiement
Mme [K] demande à bénéficier de délais de paiement sur une durée de 24 mois pour régler l'arriéré qui serait dû entre le 14 décembre 2022 et la date de l'arrêt à venir compte tenu de sa bonne foi et de ses difficultés financières.
La SCI Bibi-Samm-Immo s'oppose à cette demande en faisant valoir que Mme [K] n'a effectué aucun versement et qu'elle devrait disposer d'économies en l'absence de charges de logement.
Sur ce,
Il résulte de l'article 1343-5 du code civil que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, Mme [K] justifie avoir perçu en 2021, selon son avis d'imposition 2022, un revenu annuel de 17 768 euros. Pour 2023, elle a perçu une pension de l'assurance retraite nette de 928 euros et des pensions de retraite complémentaires nettes de 632 euros.
Elle ne conteste pas n'avoir effectué aucun règlement au profit de la SCI Bibi-Samm-Immo au titre des indemnités d'occupation. Au vu de sa situation financière, elle ne démontre pas être en capacité financière d'apurer sa dette dans le délai de 24 mois.
En outre, force est de constater qu'elle a déjà bénéficié de fait de larges délais qu'elle n'a pas mis à profit pour commencer à apurer sa dette à l'amiable.
Il convient en conséquence de la débouter de sa demande de délais de paiement.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [K], qui succombe à titre principal, est condamnée aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens étant par ailleurs confirmées.
Elle est en outre condamnée à payer à la SCI Bibi-Samm-Immo la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré sauf sur le montant de l'indemnité d'occupation mise à la charge de Mme [K] divorcée [H] ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Fixe le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 1 850 euros ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [K] divorcée [H] de sa demande en délais de paiement ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne Mme [U] [R] [K] divorcée [H] à payer à la SCI Bibi-Samm-Immo la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [U] [R] [K] divorcée [H] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Jean, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, président et par Madame Gaëlle RULLIER, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière placée, Le président,
DE
VERSAILLES
Code nac : 70C
Chambre civile 1-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/05005 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WAD5
AFFAIRE :
[U] [R] [K] divorcée [H]
C/
S.C. BIBI-SAMM-IMMO
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 avril 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE
Expéditions exécutoires
Copies certifiées conformes
délivrées le : 26/11/24
à :
Me Oriane DONTOT
Me Sophie JEAN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT-SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE
Madame [U] [R] [K] divorcée [H]
née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 8] (POLOGNE)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
Substitué par : Me Xavier CHEMIN, avocat au barreau de PARIS
****************
INTIMÉE
S.C. BIBI-SAMM-IMMO
N° SIRET : 880 362 785
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Sophie JEAN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 122
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 septembre 2024, Madame Anne THIVELLIER, Conseillère, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Magistrate placée,
qui en ont délibéré,
Greffière lors des débats : Madame Céline KOC
Greffière placée lors du prononcé : Madame Gaëlle RULLIER
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [U] [R] [K] divorcée [H] était propriétaire, en indivision avec les enfants de M. [H], d'un appartement (lot de copropriété n°150) et d'un parking (lot de copropriété n°170) dans l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 7].
Les enfants de M. [H] ont souhaité sortir de cette indivision et ont sollicité la licitation des biens aux enchères publiques.
Par jugements d'adjudication rendus le 7 avril 2022 et signifiés le 9 août 2022, la SCI Bibi-Samm-Immo a été déclarée adjudicataire des biens qui sont toujours occupés par Mme [K].
Par acte de commissaire de justice du 14 décembre 2022, la SCI Bibi-Samm-Immo a fait assigner Mme [K] aux fins de voir :
- constater que l'appartement et le parking dont elle est propriétaire depuis le 7 avril 2022 sont occupés sans droit ni titre par Mme [K],
- ordonner la libération des lieux par Mme [K] sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir et ce jusqu'à complète libération des lieux et la remise effective des clés,
- ordonner l'expulsion de Mme [K] et de tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique,
- ordonner l'enlèvement et le dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant le local occupé dans un lieu approprié, aux frais, risques et périls de la défenderesse,
- condamner Mme [K] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle de 2 500 euros depuis le 7 avril 2022 et jusqu'à la libération effective des locaux et la restitution des clés,
- condamner Mme [K] à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par jugement contradictoire du 6 avril 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Vanves a :
- constaté que Mme [K] occupe sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 2] à Issy-les-Moulineaux, propriété de la SCI Bibi-Samm-Immo,
- ordonné, à défaut de libération volontaire des lieux, l'expulsion de Mme [K] ainsi que celle de tous occupants de son chef avec l'éventuelle assistance de la force publique et d'un serrurier en cas de besoin,
- accordé à Mme [K] un délai de 12 mois à compter de la signification du jugement pour quitter les lieux,
- rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 2 000 euros à compter du 7 avril 2022 et condamné Mme [K] à en acquitter le paiement intégral et ce, jusqu'à la libération complète des lieux,
- débouté la SCI Bibi-Samm-Immo du surplus de ses demandes,
- condamné Mme [K] aux entiers dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 21 juillet 2023, Mme [K] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 26 février 2024, Mme [K], appelante, demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 6 avril 2023,
Statuant à nouveau,
- dire qu'elle n'a pas la qualité d'occupante sans droit ni titre du logement sis [Adresse 2] à [Localité 6],
- renvoyer la SCI Bibi-Samm-Immo à lui établir un bail et, à défaut, une convention d'occupation précaire,
- dire n'y avoir lieu à prononcer son expulsion du local litigieux,
À tout le moins,
- lui accorder un délai de trois ans pour quitter les lieux et lui permettre de se reloger en déboutant, sur ce point, la SCI Bibi-Samm-Immo de son appel incident,
- fixer le montant du loyer ou de l'indemnité d'occupation qui sera due à la somme mensuelle maximum de 1 200 euros charges comprises,
- dire que cette indemnité ne sera exigible qu'à compter de la demande qui en a été faite par assignation du 14 décembre 2022,
- lui accorder les plus larges délais (2 ans) pour s'acquitter du paiement de sa dette locative en déboutant, sur ce point, la SCI Bibi-Samm-Immo de son appel incident,
En tout état de cause,
- condamner la SCI Bibi-Samm-Immo à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 28 novembre 2023, la SCI Bibi-Samm-Immo, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de bien vouloir :
- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a accordé à Mme [K] un délai de 12 mois à compter de la signification de la présente décision pour quitter les lieux,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé un délai pour libérer les locaux, le confirmer en ses autres dispositions,
- débouter Mme [K] de sa demande de délais, que ce soit pour libérer les locaux ou pour payer les indemnités d'occupation,
A titre subsidiaire, si les délais pour libérer les locaux étaient confirmés ou si de nouveaux délais, pour libérer et/ou pour payer étaient octroyés :
- ordonner qu'à défaut de paiement d'une seule échéance sur l'arriéré ou d'une seule indemnité d'occupation courante à bonne date, non seulement l'intégralité des sommes restant dues redeviendront immédiatement exigibles, mais également l'occupante sera déchue de plein droit des délais accordés pour libérer les locaux,
- condamner Mme [K] à lui payer la somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [K] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Jean, avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 septembre 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité d'occupante sans droit ni titre de Mme [K]
Le premier juge a constaté que Mme [K] occupait les locaux sans justifier d'un droit ou d'un titre à le faire.
Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement, Mme [K] demande à la cour de dire qu'elle n'a pas la qualité d'occupante sans droit ni titre et de renvoyer la SCI Bibi-Samm-Immo à lui établir un bail d'habitation et à défaut une convention d'occupation précaire jusqu'à la reddition des comptes avec l'indivision qu'elle compose avec les enfants de son ex-époux décédé en 2016.
Elle fait valoir qu'elle a acquis ce bien avec M. [H] en 2000 à hauteur de 20% pour elle et 80% pour ce dernier et qu'elle y habite depuis cette date et ce même après leur divorce, son ex-époux ayant accepté verbalement une occupation gratuite, ce que ses héritiers ont remis en cause en exigeant le versement d'une indemnité d'occupation. Elle en déduit qu'elle ne peut être considérée comme occupante illégitime alors que, précédente propriétaire en indivision, elle détenait le droit d'en jouir. Elle ajoute que lors de son acquisition, la SCI Bibi-Samm-Immo savait que le bien était occupé.
Elle soutient que tant que les opérations de liquidation-partage ne sont pas terminées, elle peut opposer à la SCI Bibi-Samm-Immo un droit au maintien dans les lieux puisqu'elle détient en germe, dans son patrimoine, une quote-part des sommes versées à l'occasion de la vente, ce qui interdit de la considérer comme occupante sans droit ni titre.
La SCI Bibi-Samm-Immo de répliquer qu'il est incontestable que depuis la vente du bien, Mme [K] est occupante sans droit ni titre des biens cédés du fait qu'elle occupait les lieux en sa qualité de propriétaire sans avoir été titulaire d'un bail, et qu'ainsi la vente du bien a mis un terme à son droit de propriété et ainsi à son titre d'occupation. Elle soutient qu'elle ne bénéficie d'aucun droit au maintien dans les lieux et qu'elle n'a pas à consentir un bail à l'appelante, ajoutant que les opérations de liquidation-partage sont closes, l'acte de partage ayant été signé en octobre 2023.
Sur ce,
En application de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
En l'espèce, Mme [K] ne démontre pas qu'elle aurait occupé le bien autrement qu'en sa qualité d'indivisaire. Dès lors que les biens ont été acquis par la SCI Bibi-Samm-Immo par jugement d'adjudication sur licitation du 7 avril 2022, Mme [K] a perdu tout droit de propriété sur ceux-ci et par conséquent tout titre d'occupation, étant relevé qu'elle ne fait valoir aucune convention d'occupation ni contrat de bail qui aurait été conclu avant l'adjudication et qui aurait pu être opposé à la SCI Bibi-Samm-Immo.
Le fait que les opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision qu'elle compose avec les enfants de M. [H] seraient toujours en cours est indifférent à conférer à Mme [K] un droit au maintien dans les lieux et à ordonner à la SCI Bibi-Samm-Immo de conclure avec elle un contrat de bail ou une convention d'occupation précaire jusqu'à la fin de ces opérations.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que Mme [K] occupe les lieux litigieux sans droit ni titre et ordonné son expulsion.
Sur les délais pour quitter les lieux
Mme [K] demande l'infirmation du jugement lui ayant accordé un délai de 12 mois pour quitter les lieux et sollicite l'octroi d'un délai de 36 mois au regard de son âge, de la précarité de ses finances et du fait qu'elle se trouve dépossédée, par les héritiers de son mari, du bien dans lequel elle a habité durant la vie commune.
Poursuivant également l'infirmation de ce chef du jugement, la SCI Bibi-Samm-Immo s'oppose à l'octroi de tout délai pour quitter les lieux et à titre subsidiaire, demande à ce que ces délais soient assortis d'une clause de déchéance en cas de non-paiement des indemnités d'occupation.
Elle fait valoir que Mme [K], qui se devait d'organiser son futur relogement dès février 2020, date du jugement ayant ordonné la vente des biens par adjudication préalablement aux opérations de liquidation-partage, ne verse aux débats aucune pièce justifiant de démarches en ce sens et que malgré la faiblesse de ses revenus, elle a nécessairement dû faire de larges économies grâce à l'occupation gratuite du logement.
Sur ce,
En application de l'article L. 412-3 alinéa 1 et 2 du code des procédures civiles d'exécution dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2023, le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Il résulte de l'article L. 412-4 du même code dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2023 que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an.
La réforme issue de la loi du 27 juillet 2023 ayant réduit les délais pour quitter les lieux pouvant être accordés aux occupants sans droit ni titre est entrée en vigueur le 29 juillet 2023. En vertu de l'article 2 du code civil, elle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment de son entrée en vigueur, et ce même lorsque semblable situation fait l'objet d'une instance judiciaire (Civ. 3, 23 mars 2017, n°16.11-081).
Dans ces conditions, Mme [K] ne peut qu'être déboutée de sa demande visant à se voir octroyer des délais supérieurs à un an pour quitter les lieux.
Par ailleurs, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a octroyé à Mme [K] un délai d'un an pour quitter les lieux à compter de la signification du jugement laquelle est intervenue le 3 juillet 2023. Ce chef du jugement est en conséquence confirmé.
Sur l'indemnité d'occupation
* Sur le montant
Si Mme [K] ne conteste pas le principe même du versement d'une indemnité d'occupation, elle fait grief au premier juge d'avoir fixé son montant à la somme de 2 000 euros compte tenu de la valeur locative du bien et des caractéristiques des lieux occupés afin de compenser l'occupation des locaux.
Elle affirme que ce montant ne correspond pas à la réalité du marché local et qu'elle verse aux débats des estimations d'agences immobilières évaluant la valeur locative du bien entre 1 600 et 1 800 euros charges comprises. Elle ajoute qu'il doit être tenu compte du fait qu'aucune réparation ni amélioration de confort n'a été faite depuis plusieurs années, de sorte que les évaluations standards des agences doivent être affectées d'un coefficient de minoration de 30%. Elle relève que le premier juge a admis cette réfaction, ce que la SCI Bibi-Samm-Immo, qui demande la confirmation du jugement sur ce point, ne remet donc pas en cause. Elle soutient qu'il convient de se placer à la date de la demande pour apprécier l'état du bien et ses caractéristiques.
Elle demande que l'indemnité d'occupation soit fixée à la somme mensuelle de 1 200 euros en retenant une valeur médiane de 1 700 euros par mois.
La SCI Bibi-Samm-Immo s'oppose à cette demande et sollicite la confirmation du jugement ayant fixé le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 2 000 euros.
Elle fait valoir qu'au regard des caractéristiques du bien et de sa localisation, les estimations produites par Mme [K] ne sont pas sérieuses en ce qu'elles sont inférieures au prix moyen du mètre carré dans le secteur. Elle affirme qu'il s'agit d'attestations de complaisance, les annonces locatives émanant de ces agences ne proposant aucun bien similaire à ce prix. Elle ajoute que le premier juge a déjà été particulièrement clément en retenant un prix médian. Elle soutient enfin qu'aucune minoration ne doit être retenue du fait que l'appartement est en état d'usage, ce dont Mme [K] est seule responsable puisqu'elle l'occupe depuis 2020.
Sur ce,
L'indemnité d'occupation, de nature mixte compensatoire et indemnitaire, a pour objet de réparer l'intégralité du préjudice subi par le bailleur du fait de la privation de son bien.
Au cas d'espèce, la SCI Bibi-Samm-Immo produit:
- une estimation de la valeur locative du bien effectuée par la société Century 21 le 6 septembre 2022 qui la fixe entre 2 300 et 2 500 euros au regard de sa localisation vis-à-vis des transports en commun, de l'état de la résidence et des caractéristiques de l'appartement (étage, vue, luminosité, balcon, cave, place de parking et superficie: 77,2 m²)
- une estimation de la société SeLoger, non datée, faisant état d'un prix de location moyen au m² dans la rue de l'appartement litigieux de 26 euros en précisant que le prix bas est de 21 euros et le prix haut de 35 euros, soit un prix moyen de 2 007,20 euros,
- une estimation de la société Meilleurs Agents, non datée, faisant état d'un prix de location moyen au m² dans la rue de l'appartement litigieux à 29,4 euros en précisant que le prix bas est de 23,4 euros et le prix haut de 38,90 euros, soit un prix moyen de 2 269,68 euros.
De son côté, Mme [K] produit des évaluations de la valeur locative du bien effectuées en juillet 2023 tenant compte des prix de location dans le secteur, de l'état de l'appartement, de ses caractéristiques et de son emplacement, ainsi que de son environnement, effectuées par :
- la société Foncia estimant le bien à 1 690 euros charges comprises,
- la société Century 21 estimant le bien à 1 790 euros, charges comprises,
- la société Nestenn estimant le bien entre 1 700 et 1 800 euros charges comprises,
- la société Orpi estimant le bien entre 1 750 et 1 800 euros charges comprises.
Il n'y a pas lieu d'écarter ces estimations dans la mesure où il n'est pas établi qu'elles seraient de pure complaisance, le seul fait de produire quelques annonces de location de biens émanant de ces agences mentionnant un prix au mètre carré supérieur étant insuffisant à l'établir.
Les évaluations produites par Mme [K] tenant compte de l'état du bien, il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de vétusté comme elle le demande, étant au surplus relevé qu'elle ne produit aucun élément quant à l'état de l'appartement.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 1 850 euros. Le jugement déféré est donc infirmé de ce chef.
* Sur le point de départ
Mme [K] demande que le point de départ de l'indemnité d'occupation soit fixé au 14 décembre 2022, date de l'assignation.
Elle soutient qu'une indemnité ne peut être accordée qu'à compter de la demande qui en est faite et que le jugement d'adjudication, qui confère propriété à l'adjudicataire, ne vaut pas demandes annexes auprès de tiers comme peut l'être un occupant.
Elle s'oppose à ce que cette date soit fixée au jour de l'adjudication en faisant valoir que les fonds provenant de la vente n'ont été perçus par le notaire que le 26 mai 2023, soit plus d'un an après, et qu'elle n'a pas à supporter seule les conséquences de ce retard.
La SCI Bibi-Samm-Immo demande la confirmation du jugement ayant fixé le point de départ de l'indemnité d'occupation au jour du jugement d'adjudication conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Sur ce,
En application de l'article L. 322-10 du code des procédures civiles d'exécution, l'adjudication emporte vente forcée du bien saisi et en transmet la propriété à l'adjudicataire.
Elle ne confère à celui-ci d'autres droits que ceux appartenant au saisi. Ce dernier est tenu, à l'égard de l'adjudicataire, à la délivrance du bien et à la garantie d'éviction.
La Cour de cassation en déduit que, sauf disposition contraire du cahier des conditions de vente, le saisi perd tout droit d'occupation dès le prononcé du jugement d'adjudication. Elle précise que l'indemnité d'occupation est la contrepartie de l'utilisation sans titre du bien ; que l'adjudicataire est devenu propriétaire dès le jugement d'adjudication et le saisi occupant sans droit ni titre, et qu'il est en conséquence tenu au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de cette date (Civ. 2ème, 6 juin 2019, n°18-12.353).
Il convient ainsi de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé le point de départ de l'indemnité d'occupation au 7 avril 2022, date du jugement d'adjudication, le fait que les fonds aient été versés postérieurement étant indifférent.
Sur les délais de paiement
Mme [K] demande à bénéficier de délais de paiement sur une durée de 24 mois pour régler l'arriéré qui serait dû entre le 14 décembre 2022 et la date de l'arrêt à venir compte tenu de sa bonne foi et de ses difficultés financières.
La SCI Bibi-Samm-Immo s'oppose à cette demande en faisant valoir que Mme [K] n'a effectué aucun versement et qu'elle devrait disposer d'économies en l'absence de charges de logement.
Sur ce,
Il résulte de l'article 1343-5 du code civil que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, Mme [K] justifie avoir perçu en 2021, selon son avis d'imposition 2022, un revenu annuel de 17 768 euros. Pour 2023, elle a perçu une pension de l'assurance retraite nette de 928 euros et des pensions de retraite complémentaires nettes de 632 euros.
Elle ne conteste pas n'avoir effectué aucun règlement au profit de la SCI Bibi-Samm-Immo au titre des indemnités d'occupation. Au vu de sa situation financière, elle ne démontre pas être en capacité financière d'apurer sa dette dans le délai de 24 mois.
En outre, force est de constater qu'elle a déjà bénéficié de fait de larges délais qu'elle n'a pas mis à profit pour commencer à apurer sa dette à l'amiable.
Il convient en conséquence de la débouter de sa demande de délais de paiement.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [K], qui succombe à titre principal, est condamnée aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens étant par ailleurs confirmées.
Elle est en outre condamnée à payer à la SCI Bibi-Samm-Immo la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré sauf sur le montant de l'indemnité d'occupation mise à la charge de Mme [K] divorcée [H] ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Fixe le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 1 850 euros ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [K] divorcée [H] de sa demande en délais de paiement ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne Mme [U] [R] [K] divorcée [H] à payer à la SCI Bibi-Samm-Immo la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [U] [R] [K] divorcée [H] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Jean, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, président et par Madame Gaëlle RULLIER, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière placée, Le président,