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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 23 novembre 2024, n° 24/05452

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 24/05452

23 novembre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 23 NOVEMBRE 2024

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/05452 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKLLQ

Décision déférée : ordonnance rendue le 21 novembre 2024, à 12h34, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Aurely Arnell, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [N] [M]

né le 24 janvier 1996 à [Localité 1], de nationalité guinéenne

RETENU au centre de rétention : [2]

assisté de Me Oumar Berte, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ :

LE PREFET DE L'ESSONNE

représenté par Me Romain DUSSAULT, du cabinet Centaure, avocat au barreau de Paris

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

- Vu l'ordonnance du 21 novembre 2024 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant les conclusions de nullité et ordonnant la prolongation du maintien de M. [N] [M] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de vingt-six jours, soit à compter du 21 novembre 2024 jusqu'au 17 décembre 2024 ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 22 novembre 2024, à 12h02, par M. [N] [M] ;

- Après avoir entendu les observations :

- du conseil de M. [N] [M], qui demande l'infirmation de l'ordonnance et subsidiairement, de prononcer son assignation à résidence avec des conditions plus souples. Sur la situation personelle de l'intéressé, toute la famille de Monsieur [M] est française et vit en France. Sur le registre qui vise une OQTF de novembre: l'arreté concerné a été retiré par un autre du 18/11/23 ;

- du conseil du préfet de l'Essonne tendant à la confirmation de l'ordonnance. Sur le registre, dans l'arreté de mars 2018 rien n'impose de mentionner la mesure d'éloignement ;

- de M.[N] [M] : Je réside à la même adresse depuis plus de 13 ans, depuis que je suis en terminal pour m'éloigner du quartier. Depuis ma sortie d'incarcération, je travaille, je suis en CDI, je recherche un appartement et l'OQTF me ralentit dans mes démarches. Cette mesure est abusée, si je me retrouve là-bas je serais SDF, je n'ai aucune famille.

SUR QUOI,

Monsieur [N] [M], né le 24 janvier 1996 à [Localité 1] (Guinée), a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 17 novembre 2024.

Le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris, par ordonnance du 21 novembre 2024, a rejeté les conclusions de nullité et ordonné la prolongation de la mesure de rétention administrative.

Monsieur [N] [M] a interjeté appel et sollicite l'infirmation de la décision au motif que :

La mesure de rétention administrative est irrégulière en ce qu'elle est basée sur une OQTF prise par arrêté préfectoral du 17 novembre 2024, arrêté retiré par le préfet par un nouvel arrêté préfectoral du 19 novembre 2024, une nouvelle décision rectificative prise le 18 novembre notifiant à Monsieur [N] [M] qu'il était retenu sur le fondement d'une OQTF du 1er août 2023

La caducité de l'OQTF du 1er août 2023 datant de plus d'un an

La recevabilité de la requête de l'administration au regard des pièces justificatives utiles fournies au premier juge et de l'actualisation du registre du centre de rétention administrative a été soumise au débat contradictoire par le président d'audience.

Réponse de la cour :

Sur la recevabilité de la requête de la préfecture

Il résulte de la lecture combinée des articles L.743-9, L.744-2 et R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le juge s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention, que, depuis la précédente présentation, la personne retenue a été placée en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions du registre prévu par l'article L.744-2, qui doit être émargé par l'intéressé.

Selon le troisième de ces textes, toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.

Il s'en déduit que le registre doit être actualisé et émargé et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (Civ.1ère - 4 septembre 2024, n°23-12.550).

L'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne fixe pas la liste des pièces justificatives utiles, lesquelles dépendent à la fois des différentes mesures dont l'étranger a fait l'objet, et de la nature de la prolongation sollicitée par le préfet.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration.

Un registre actualisé doit être un document unique retraçant l'intégralité de l'historique de la mesure de rétention, depuis l'entrée, communiqué en intégralité, à chaque nouvelle saisine du juge et permettant, au surplus, à toute personne pouvant y avoir accès de visualiser immédiatement les différents événements sans qu'il soit nécessaire de se référer à des pièces complémentaires.

Aucune disposition législative ou réglementaire insérée au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne détermine les mentions devant figurer sur le registre du centre de rétention administrative, et notamment celles relatives aux instances suivies devant la juridiction administrative.

En revanche, l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L.553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) prévoit en son article 2 que ' Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement.comporte une annexe listant les informations devant figurer dans le registre'

L'annexe de l'arrêté précise, concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :

1° Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ;

2° Contentieux judiciaire : présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;

3° Demande d'asile : date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.

Toutefois, cet arrêté a pour seul objet d'autoriser l'administration à mettre en place un traitement automatisé et à collecter des données à caractère personnel dans ce cadre, et ne saurait donc être considéré comme fixant de façon définitive et intangible la liste des informations devant être contenues dans tout registre, y compris non informatisé. Il s'agit, en réalité, des informations que l'administration est autorisée à collecter et non de celles devant, de façon obligatoire figurer au registre. Des informations ne figurant pas dans cette liste qui seraient collectées conduiraient à ce que l'administration soit en infraction au regard de la loi informatique et liberté, mais à l'inverse un registre ne comportant pas l'intégralité desdites informations ne saurait, ipso facto, être considéré comme incomplet.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration.

En l'espèce, le registre unique du centre de rétention administrative de [3], renseigné le 17 novembre 2024 à 19h09 mentionne la mesure d'éloignement suivante : OQTF sans délai ' Risque de fuite L.612-2-3 prise par : Essonne (91), le 17/11/2024, notifiée le 17/11/2024. Il ne fait état ni de la décision préfectorale de retrait de l'OQTF du 18 novembre 2024, ni de la décision préfectorale du 18 novembre 2024 portant rectification d'une décision de placement en rétention administrative concernant Monsieur [N] [M] et visant une OQTF du 1er août 2023 prononcée par le préfet de l'Essonne et notifiée le 03 août 2023.

Dans ces conditions, il doit être considéré que le registre est incomplet et non actualisé, et que la requête de l'administration est irrecevable pour défaut de pièces justificatives utiles.

PAR CES MOTIFS

INFIRME l'ordonnance

Statuant à nouveau,

DÉCLARE irrecevable la requête du préfet de l'Essonne pour défaut de pièces justificatives utiles ;

DIT n'y avoir lieu à prolongation de la mesure de rétention administrative de Monsieur [N] [M] ;

RAPPELLE à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.

ORDONNE la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 23 novembre 2024 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé