Décisions
CA Riom, ch. com., 27 novembre 2024, n° 24/00324
RIOM
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 27 Novembre 2024
N° RG 24/00324 - N° Portalis DBVU-V-B7I-GEJJ
ADV
Arrêt rendu le vingt-sept Novembre deux mille vingt quatre
Sur APPEL d'une décision rendue le 13 Février 2024 par le Tribunal de commerce de CUSSET (RG n° 2022 003239)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Madame Anne Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
La société [I]
SARL immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le n° [Numéro identifiant 4]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
(postulant) et Me Jean-Hubert PORTEJOIE de la SCP PORTEJOIE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (plaidant)
APPELANTE
ET :
La société [M]
SAS immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° 323 049 403
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentants: Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Fabien PURSEIGLE de la SELARL ABSIDE AVOCATS, avocat au barreau de CUSSET/VICHY (plaidant)
INTIMÉE
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, à l'audience publique du 03 Octobre 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré initialement fixé au 20 novembre 2024 puis prorogé au 27 novembre 2024.
ARRET :
Prononcé publiquement le 27 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SAS [M] est une société holding ayant pour objet social la prise de participations dans toutes sociétés.
Dans le cadre de la réalisation de cet objet social, la société [M] a constitué avec M. [V] [I] la SARL [I]-[M]. Chaque associé était alors titulaire de 100 parts.
La société [M] a cédé ses parts le 1er avril 2008 et le 2 mai 2011 de sorte que la société [I]-[M] a changé de dénomination pour s'appeler la société [I].
En raison de difficultés financières de la société [I]-[M], une convention d'abandon de compte courant a été régularisée entre la société [M] et M. [I] d'une part et la SARL [I]-[M] d'autre part, le 29 décembre 2008. M. [I] et la SA [M] ont déclaré faire abandon de la somme de 23 000 euros chacun au profit de la société [I]-[M] mais avec une clause de retour à meilleure fortune.
Par ailleurs, la société [M] a avancé à la société [I] la somme de 20 530.79 euros en compte-courant.
Considérant que la société [I] était revenue à meilleure fortune et que l'avance qui lui avait été consentie n'avait été que partiellement réglée, la société [M] a mis en demeure la société [I] de lui régler la somme de 26 074,79 euros par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 octobre 2022.
A défaut d'accord, la société [M] a fait assigner la société [I] devant le tribunal de commerce de Cusset par acte du 5 décembre 2022 aux fins d'obtenir le remboursement de son compte courant d'associé mais également d'obtenir le règlement de la partie abandonnée assortie de la clause de retour à meilleure fortune.
Par jugement du 13 février 2024, le tribunal de commerce a :
- condamné la société [I] à régler à la société [M] la somme de 17 544 euros à titre de remboursement des avances en compte courant du fait de son retour à meilleure fortune,
- condamné la société [I] à payer à la société [M] la somme de 8 530,79 euros en principal au titre de cette avance en compte courant
- condamné la société [I] à payer à la société [M] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
- rejeté toutes les autres demandes.
La SARL [I] a relevé appel de ce jugement le 26 février 2024.
Par ordonnance du 14 mars 2024 l'affaire a été orientée à bref délai et fixée à l'audience du 3 octobre 2024.
Aux termes de conclusions récapitulatives notifiées le 16 mai 2024, la SARL [I] demande à la cour de :
- déclarer prescrites les demandes de la société [M]
A défaut,
- de débouter la société [M] de l'ensemble de ses demandes et de condamner cette dernière à lui verser :
* la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts
* la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner la société [M] aux dépens.
La société [I] fait valoir que la convention d'abandon de compte courant avec retour à meilleure fortune est non avenue puisqu'un protocole d'accord a été signé le 24 mars 2011 prévoyant que M. [V] [I] s'engage à rembourser les comptes courants détenus par la SA [M] dans les sociétés [I] [M] et Marbrerie Familiale ainsi que les abandons faits en 2007 et 2008 dans lesdites sociétés à compter du 1er janvier 2012.
Elle fait observer que si le tribunal puis la cour ont estimé que ce protocole était entaché de certaines irrégularités, sa nullité n'a jamais été prononcée.
Elle soutient que les demandes présentées à son encontre sont aujourd'hui prescrites dès lors que les remboursements devaient être effectués dans un délai de 4 ans à compter du 1er janvier 2012.
Elle répond à la société [M] :
- que le protocole d'accord concerne effectivement M. [I] à titre personnel en qualité de caution mais également en qualité de gérant de la société [I]-[M].
- que le cautionnement n'est que la garantie de la bonne exécution des engagements de M. [I]
- que M. [I] soutient exactement le contraire de ce qu'il a affirmé devant la cour d'appel de Riom.
- que les demandes présentées à son encontre ne sont étayées par aucun document comptable.
Aux termes de conclusions notifiées le 29 avril 2024, la SAS [M] sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a :
- rejeté la demande de porter intérêts au taux légal des sommes accordées à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2022
- rejeté la demande de capitalisation des intérêts
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour :
- de condamner la société [I] à lui verser la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- de condamner la société [I] aux intérêts au taux légal des sommes accordées à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2022
- d'ordonner la capitalisation des intérêts
- de condamner la société [I] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et 5.000 euros pour les frais exposés en appel.
La société [M] juge que les moyens développés par l'appelante sont inopérants en ce que :
- le protocole d'accord engageait M. [I] en qualité de caution des engagements des sociétés [I] et Marbrerie Familiale
- le protocole n'a pas vocation à se substituer à la convention du 29 décembre 2008
- M. [I] plaide aujourd'hui le contraire de ce qu'il a plaidé devant la cour d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2024.
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
Motivation :
I-Sur la recevabilité des demandes de la société [M] :
La société [M] fonde sa demande sur la convention d'abandon de compte courant régularisée le 29 décembre 2008 stipulant que : « le retour à meilleure fortune est défini par la constatation dans les comptes de la SARL [I]-[M] d'un résultat bénéficiaire. Lorsque le résultat sera bénéficiaire, il sera réintégré à la clôture de chaque exercice au titre des comptes courants de M. [V] [I] et de la société [M] SA, le montant de ce bénéfice réparti par moitié, et ce, à concurrence de l'abandon des 46 000€ »
Le 24 mars 2011, La SARL [I]-[M], M. [I], M.[W] [K] et la SA [M] ont signé un protocole d'accord global aux termes duquel, il est indiqué que dans le cadre de la cession des parts de la société [I]-[M] (détenues par M. [W] [K] et la SA [M]) il a été notamment convenu que M. [V] [I] s'engageait à rembourser les comptes courants que la société [M] détenait dans les sociétés [I]-[M] et Marbrerie Familiale ainsi que les abandons faits en 2007 et 2008 dans les dites sociétés, à compter du 1er janvier 2012, et dans un délai de 4 ans maximum(..) Afin de garantir la bonne exécution de ce protocole, M. [I] a apporté sa caution personnelle à ce remboursement dans la limite de 270 000 euros en ces termes : « en me portant caution de la société [I] [M] et de la société Marbrerie Familiale dans la limite de Deux cent soixante dix mille euros, couvrant le paiement en compte courant, je m'engage à rembourser à [M] SA les sommes dues sur mes revenus et mes biens si les sociétés Marbrerie Familiale et [I] [M] n'y satisfont pas elles-mêmes. (..) M. [V] [I] s'engage à rembourser les comptes courants que [M] SA détient dans les sociétés [I]-[M] et Marbrerie Familiale ainsi que les comptes courants abandonnés qui n'auront pas été reconstitués par un retour à meilleure fortune le jour de la cession, dans le cadre de leur cession à un tiers. Le remboursement des comptes courants devra être effectué au préalable à la cession. »
La société [I] soutient que ce protocole s'est substitué à la convention du 29 décembre 2008 et qu'en vertu de ce protocole les demandes formées par la SA [M] sont prescrites puisqu'une action en paiement a été dirigée contre M. [I] le 29 janvier 2016 et que l'action a été introduite à son encontre le 5 décembre 2022 soit cinq ans plus tard.
Il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 6 juin 2018, que c'est en sa qualité de caution et sur le fondement du protocole régularisé le 24 mars 2011 que M. [I] a été assigné en paiement par la société [M]. La cour d'appel a retenu que le cautionnement était établi et rejeté les demandes de la société [M] au motif que celle-ci ne rapportait pas la preuve de l'exigibilité de la créance revendiquée.
Si ledit protocole est mal rédigé, il en ressort néanmoins que M. [I] ne s'est pas substitué aux société [I]-[M] et Marbrerie Familiale en qualité de débiteur principal puisqu'il est précisé qu'il s'engage en qualité de caution à rembourser sans pouvoir exiger que la société [M] poursuive préalablement ces deux sociétés. Il n'y aurait d'ailleurs aucun sens à ce que M. [I] se soit engagé en qualité de caution à garantir ses propres engagements.
Il ne peut donc être soutenu que ce protocole s'est substitué à la convention d'abandon de compte courant avec retour à meilleure fortune.
La demande de la SA [M] sera donc déclarée recevable.
II-Sur le fond :
La société [I] soutient que la société [M] ne rapporte pas la preuve de sa créance et s'étonne de constater que la convention de règlement des comptes courants ne figure plus sur les comptes sociaux à partir de 2018.
Le tribunal a retenu :
- que les comptes sociaux de la SARL [I] des années 2008 à 2016 mentionnaient l'existence de l'abandon de compte courant avec retour à meilleure fortune de 17 544 euros au profit de la société [I]-[M] ;
- que les exercices de la SARL [I] pour les années 2019 à 2021 faisaient apparaître les bénéfices suivants :
- 2019 :100 247,27 euros
- 2020 : 44 747, 98 euros
- 2021 : 55 587,52 euros
La cour observe que les comptes de la société [I] ne sont pas produits à hauteur d'appel.
Il résulte des comptes produits par la société [M] que cette dernière a, par courrier de son conseil reçu le 20 décembre 2022, mis en demeure la société [I] d'avoir à lui régler la somme de 26 074,79 euros correspondant à une avance en compte courant de 8 530,79 euros et au remboursement sollicité pour retour à meilleure fortune à concurrence de 17 544 euros (23 000 euros ' 5 426 euros remboursés en 2009).
Suivant attestation du 28 août 2017 l'expert-comptable de la société [M] a attesté:
- des mouvements comptables ayant existés entre les sociétés [I]-[M], les Marbreries Familiales, et les SCI Maim par l'intermédiaire de la société [M] SA ;
- de l'abandon avec retour partiel en 2009 ( de 5 455,50 euros) d'une somme de 23 000 euros par la société [M] au bénéfice de la société [I]-[M], et d'un solde de cet abandon de 17 544,50 euros ;
- de ce que le montant total de comptes courants non remboursés s'élevait au 31 décembre 2016 à 8 530.79 euros pour la société [I] [M] et que s'ajoutait à cette somme les abandons avec clause de retour .
Ces sommes sont reportées sur les documents comptables produits pour l'exercice clos au 31.12.16.
Les documents comptables produits pour l'exercice clos le 31.12.22 font apparaître les mêmes sommes de sorte qu'il est établi qu'au jour de la mise en demeure, la société Bousset restait débitrice de ces sommes.
Par attestation du 17 juillet 2023, le commissaire aux comptes de la société [M] explique avoir demandé à l'expert-comptable de cette société de modifier l'annexe du bilan en retirant la mention des abandons de créance avec retour à meilleure fortune sans que ce retrait ne remette en cause la survivance de ces engagements dont le recouvrement doit être intégré en compte dans l'éventualité du succès des actions engagées.
Le bien fondé des demandes de la société [M] est donc établi et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société [I] à verser à la société [M] les sommes de 8 530,79 euros et 17 544 euros.
Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 20 octobre 2022 par application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil.
Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
III- Sur la demande de dommages et intérêts de la société [I] et de la société [M] :
Au regard de ce qui précède la demande de dommages et intérêts présentée par la société [I] pour procédure « dilatoire » sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit, et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. La SA [M] ne démontre pas que la résistance de la société [I] recèle l'une de ces trois conditions. Elle ne démontre par ailleurs pas subir un préjudice distinct de celui qui sera compensé par des intérêts moratoires. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
IV- Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société [I] succombant en son appel sera condamnée aux dépens.
La société [M] critique le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 3.000 euros le montant de l'indemnité due au titre des frais de défense et entend voir porter cette indemnité à 5.000 euros.
Il apparaît toutefois qu'au regard de la nature du litige le montant alloué par le tribunal est satisfactoire.
La même somme sera accordée au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement , en dernier ressort, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare les demandes de la SAS [M] recevables ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande portant sur la condamnation de la société [I] aux intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et la demande portant sur la capitalisation des intérêts;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la condamnation de la SARL [I] à verser à la SAS [M] les sommes de 8 530,79 euros et 17 544 euros porteront intérêts au taux légal à compter de la délivrance de la mise en demeure soit du 20 octobre 2022;
Ordonne la capitalisation des intérêts suivant les dispositions de l'article 1343-2 du code civil;
Condamne la SARL [I] à verser à la SAS [M] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Condamne la SARL [I] aux dépens.
Le greffier, La présidente,
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 27 Novembre 2024
N° RG 24/00324 - N° Portalis DBVU-V-B7I-GEJJ
ADV
Arrêt rendu le vingt-sept Novembre deux mille vingt quatre
Sur APPEL d'une décision rendue le 13 Février 2024 par le Tribunal de commerce de CUSSET (RG n° 2022 003239)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Madame Anne Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
La société [I]
SARL immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le n° [Numéro identifiant 4]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
(postulant) et Me Jean-Hubert PORTEJOIE de la SCP PORTEJOIE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (plaidant)
APPELANTE
ET :
La société [M]
SAS immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° 323 049 403
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentants: Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Fabien PURSEIGLE de la SELARL ABSIDE AVOCATS, avocat au barreau de CUSSET/VICHY (plaidant)
INTIMÉE
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, à l'audience publique du 03 Octobre 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré initialement fixé au 20 novembre 2024 puis prorogé au 27 novembre 2024.
ARRET :
Prononcé publiquement le 27 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SAS [M] est une société holding ayant pour objet social la prise de participations dans toutes sociétés.
Dans le cadre de la réalisation de cet objet social, la société [M] a constitué avec M. [V] [I] la SARL [I]-[M]. Chaque associé était alors titulaire de 100 parts.
La société [M] a cédé ses parts le 1er avril 2008 et le 2 mai 2011 de sorte que la société [I]-[M] a changé de dénomination pour s'appeler la société [I].
En raison de difficultés financières de la société [I]-[M], une convention d'abandon de compte courant a été régularisée entre la société [M] et M. [I] d'une part et la SARL [I]-[M] d'autre part, le 29 décembre 2008. M. [I] et la SA [M] ont déclaré faire abandon de la somme de 23 000 euros chacun au profit de la société [I]-[M] mais avec une clause de retour à meilleure fortune.
Par ailleurs, la société [M] a avancé à la société [I] la somme de 20 530.79 euros en compte-courant.
Considérant que la société [I] était revenue à meilleure fortune et que l'avance qui lui avait été consentie n'avait été que partiellement réglée, la société [M] a mis en demeure la société [I] de lui régler la somme de 26 074,79 euros par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 octobre 2022.
A défaut d'accord, la société [M] a fait assigner la société [I] devant le tribunal de commerce de Cusset par acte du 5 décembre 2022 aux fins d'obtenir le remboursement de son compte courant d'associé mais également d'obtenir le règlement de la partie abandonnée assortie de la clause de retour à meilleure fortune.
Par jugement du 13 février 2024, le tribunal de commerce a :
- condamné la société [I] à régler à la société [M] la somme de 17 544 euros à titre de remboursement des avances en compte courant du fait de son retour à meilleure fortune,
- condamné la société [I] à payer à la société [M] la somme de 8 530,79 euros en principal au titre de cette avance en compte courant
- condamné la société [I] à payer à la société [M] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
- rejeté toutes les autres demandes.
La SARL [I] a relevé appel de ce jugement le 26 février 2024.
Par ordonnance du 14 mars 2024 l'affaire a été orientée à bref délai et fixée à l'audience du 3 octobre 2024.
Aux termes de conclusions récapitulatives notifiées le 16 mai 2024, la SARL [I] demande à la cour de :
- déclarer prescrites les demandes de la société [M]
A défaut,
- de débouter la société [M] de l'ensemble de ses demandes et de condamner cette dernière à lui verser :
* la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts
* la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner la société [M] aux dépens.
La société [I] fait valoir que la convention d'abandon de compte courant avec retour à meilleure fortune est non avenue puisqu'un protocole d'accord a été signé le 24 mars 2011 prévoyant que M. [V] [I] s'engage à rembourser les comptes courants détenus par la SA [M] dans les sociétés [I] [M] et Marbrerie Familiale ainsi que les abandons faits en 2007 et 2008 dans lesdites sociétés à compter du 1er janvier 2012.
Elle fait observer que si le tribunal puis la cour ont estimé que ce protocole était entaché de certaines irrégularités, sa nullité n'a jamais été prononcée.
Elle soutient que les demandes présentées à son encontre sont aujourd'hui prescrites dès lors que les remboursements devaient être effectués dans un délai de 4 ans à compter du 1er janvier 2012.
Elle répond à la société [M] :
- que le protocole d'accord concerne effectivement M. [I] à titre personnel en qualité de caution mais également en qualité de gérant de la société [I]-[M].
- que le cautionnement n'est que la garantie de la bonne exécution des engagements de M. [I]
- que M. [I] soutient exactement le contraire de ce qu'il a affirmé devant la cour d'appel de Riom.
- que les demandes présentées à son encontre ne sont étayées par aucun document comptable.
Aux termes de conclusions notifiées le 29 avril 2024, la SAS [M] sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a :
- rejeté la demande de porter intérêts au taux légal des sommes accordées à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2022
- rejeté la demande de capitalisation des intérêts
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour :
- de condamner la société [I] à lui verser la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- de condamner la société [I] aux intérêts au taux légal des sommes accordées à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2022
- d'ordonner la capitalisation des intérêts
- de condamner la société [I] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et 5.000 euros pour les frais exposés en appel.
La société [M] juge que les moyens développés par l'appelante sont inopérants en ce que :
- le protocole d'accord engageait M. [I] en qualité de caution des engagements des sociétés [I] et Marbrerie Familiale
- le protocole n'a pas vocation à se substituer à la convention du 29 décembre 2008
- M. [I] plaide aujourd'hui le contraire de ce qu'il a plaidé devant la cour d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2024.
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
Motivation :
I-Sur la recevabilité des demandes de la société [M] :
La société [M] fonde sa demande sur la convention d'abandon de compte courant régularisée le 29 décembre 2008 stipulant que : « le retour à meilleure fortune est défini par la constatation dans les comptes de la SARL [I]-[M] d'un résultat bénéficiaire. Lorsque le résultat sera bénéficiaire, il sera réintégré à la clôture de chaque exercice au titre des comptes courants de M. [V] [I] et de la société [M] SA, le montant de ce bénéfice réparti par moitié, et ce, à concurrence de l'abandon des 46 000€ »
Le 24 mars 2011, La SARL [I]-[M], M. [I], M.[W] [K] et la SA [M] ont signé un protocole d'accord global aux termes duquel, il est indiqué que dans le cadre de la cession des parts de la société [I]-[M] (détenues par M. [W] [K] et la SA [M]) il a été notamment convenu que M. [V] [I] s'engageait à rembourser les comptes courants que la société [M] détenait dans les sociétés [I]-[M] et Marbrerie Familiale ainsi que les abandons faits en 2007 et 2008 dans les dites sociétés, à compter du 1er janvier 2012, et dans un délai de 4 ans maximum(..) Afin de garantir la bonne exécution de ce protocole, M. [I] a apporté sa caution personnelle à ce remboursement dans la limite de 270 000 euros en ces termes : « en me portant caution de la société [I] [M] et de la société Marbrerie Familiale dans la limite de Deux cent soixante dix mille euros, couvrant le paiement en compte courant, je m'engage à rembourser à [M] SA les sommes dues sur mes revenus et mes biens si les sociétés Marbrerie Familiale et [I] [M] n'y satisfont pas elles-mêmes. (..) M. [V] [I] s'engage à rembourser les comptes courants que [M] SA détient dans les sociétés [I]-[M] et Marbrerie Familiale ainsi que les comptes courants abandonnés qui n'auront pas été reconstitués par un retour à meilleure fortune le jour de la cession, dans le cadre de leur cession à un tiers. Le remboursement des comptes courants devra être effectué au préalable à la cession. »
La société [I] soutient que ce protocole s'est substitué à la convention du 29 décembre 2008 et qu'en vertu de ce protocole les demandes formées par la SA [M] sont prescrites puisqu'une action en paiement a été dirigée contre M. [I] le 29 janvier 2016 et que l'action a été introduite à son encontre le 5 décembre 2022 soit cinq ans plus tard.
Il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 6 juin 2018, que c'est en sa qualité de caution et sur le fondement du protocole régularisé le 24 mars 2011 que M. [I] a été assigné en paiement par la société [M]. La cour d'appel a retenu que le cautionnement était établi et rejeté les demandes de la société [M] au motif que celle-ci ne rapportait pas la preuve de l'exigibilité de la créance revendiquée.
Si ledit protocole est mal rédigé, il en ressort néanmoins que M. [I] ne s'est pas substitué aux société [I]-[M] et Marbrerie Familiale en qualité de débiteur principal puisqu'il est précisé qu'il s'engage en qualité de caution à rembourser sans pouvoir exiger que la société [M] poursuive préalablement ces deux sociétés. Il n'y aurait d'ailleurs aucun sens à ce que M. [I] se soit engagé en qualité de caution à garantir ses propres engagements.
Il ne peut donc être soutenu que ce protocole s'est substitué à la convention d'abandon de compte courant avec retour à meilleure fortune.
La demande de la SA [M] sera donc déclarée recevable.
II-Sur le fond :
La société [I] soutient que la société [M] ne rapporte pas la preuve de sa créance et s'étonne de constater que la convention de règlement des comptes courants ne figure plus sur les comptes sociaux à partir de 2018.
Le tribunal a retenu :
- que les comptes sociaux de la SARL [I] des années 2008 à 2016 mentionnaient l'existence de l'abandon de compte courant avec retour à meilleure fortune de 17 544 euros au profit de la société [I]-[M] ;
- que les exercices de la SARL [I] pour les années 2019 à 2021 faisaient apparaître les bénéfices suivants :
- 2019 :100 247,27 euros
- 2020 : 44 747, 98 euros
- 2021 : 55 587,52 euros
La cour observe que les comptes de la société [I] ne sont pas produits à hauteur d'appel.
Il résulte des comptes produits par la société [M] que cette dernière a, par courrier de son conseil reçu le 20 décembre 2022, mis en demeure la société [I] d'avoir à lui régler la somme de 26 074,79 euros correspondant à une avance en compte courant de 8 530,79 euros et au remboursement sollicité pour retour à meilleure fortune à concurrence de 17 544 euros (23 000 euros ' 5 426 euros remboursés en 2009).
Suivant attestation du 28 août 2017 l'expert-comptable de la société [M] a attesté:
- des mouvements comptables ayant existés entre les sociétés [I]-[M], les Marbreries Familiales, et les SCI Maim par l'intermédiaire de la société [M] SA ;
- de l'abandon avec retour partiel en 2009 ( de 5 455,50 euros) d'une somme de 23 000 euros par la société [M] au bénéfice de la société [I]-[M], et d'un solde de cet abandon de 17 544,50 euros ;
- de ce que le montant total de comptes courants non remboursés s'élevait au 31 décembre 2016 à 8 530.79 euros pour la société [I] [M] et que s'ajoutait à cette somme les abandons avec clause de retour .
Ces sommes sont reportées sur les documents comptables produits pour l'exercice clos au 31.12.16.
Les documents comptables produits pour l'exercice clos le 31.12.22 font apparaître les mêmes sommes de sorte qu'il est établi qu'au jour de la mise en demeure, la société Bousset restait débitrice de ces sommes.
Par attestation du 17 juillet 2023, le commissaire aux comptes de la société [M] explique avoir demandé à l'expert-comptable de cette société de modifier l'annexe du bilan en retirant la mention des abandons de créance avec retour à meilleure fortune sans que ce retrait ne remette en cause la survivance de ces engagements dont le recouvrement doit être intégré en compte dans l'éventualité du succès des actions engagées.
Le bien fondé des demandes de la société [M] est donc établi et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société [I] à verser à la société [M] les sommes de 8 530,79 euros et 17 544 euros.
Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 20 octobre 2022 par application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil.
Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
III- Sur la demande de dommages et intérêts de la société [I] et de la société [M] :
Au regard de ce qui précède la demande de dommages et intérêts présentée par la société [I] pour procédure « dilatoire » sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit, et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. La SA [M] ne démontre pas que la résistance de la société [I] recèle l'une de ces trois conditions. Elle ne démontre par ailleurs pas subir un préjudice distinct de celui qui sera compensé par des intérêts moratoires. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
IV- Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société [I] succombant en son appel sera condamnée aux dépens.
La société [M] critique le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 3.000 euros le montant de l'indemnité due au titre des frais de défense et entend voir porter cette indemnité à 5.000 euros.
Il apparaît toutefois qu'au regard de la nature du litige le montant alloué par le tribunal est satisfactoire.
La même somme sera accordée au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement , en dernier ressort, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare les demandes de la SAS [M] recevables ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande portant sur la condamnation de la société [I] aux intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et la demande portant sur la capitalisation des intérêts;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la condamnation de la SARL [I] à verser à la SAS [M] les sommes de 8 530,79 euros et 17 544 euros porteront intérêts au taux légal à compter de la délivrance de la mise en demeure soit du 20 octobre 2022;
Ordonne la capitalisation des intérêts suivant les dispositions de l'article 1343-2 du code civil;
Condamne la SARL [I] à verser à la SAS [M] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Condamne la SARL [I] aux dépens.
Le greffier, La présidente,