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Décisions

Cass. soc., 28 mars 2006, n° 04-16.558

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sargos

Rapporteur :

Mme Morin

Avocat général :

M. Duplat

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Boullez

Cass. soc. n° 04-16.558

27 mars 2006

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X... et Mlle Y..., salariés de la société Entreprise Jean Spada, ont adhéré les 24 novembre 1998 et 21 janvier 1999 à la convention de conversion proposée par l'employeur dans la cadre d'une procédure de licenciement économique ; qu'en application de l'article L. 321-6, alinéa 4, du Code du travail, l'employeur a convenu avec M. X... de poursuivre son contrat de travail jusqu'au 2 janvier 1999 et, avec Mlle Y..., jusqu'au 31 janvier 1999 ; que l'ASSEDIC des Alpes-Maritimes, aux droits de laquelle vient l'ASSEDIC de la Côte-d'Azur, a réclamé à l'employeur le paiement de la contribution prévue par l'article L. 321-13 du Code du travaildans sa rédaction issue de la loi n° 99-570 du 8 juillet 1999tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans et applicable, en vertu de son article 3, pour toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999 ; que la procédure de redressement judiciaire de l'employeur a été ouverte le 26 décembre 2002 ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Entreprise Jean Spada fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à la demande de l'ASSEDIC alors, selon le moyen, que l'article L. 321-6, alinéa 4, du Code du travailprévoit que la rupture du contrat de travail d'un salarié ayant adhéré à une convention de conversion ne prend "effet" qu'à l'expiration du délai de réponse de vingt-et-un jours dont dispose le salarié, sauf si l'employeur et le salarié conviennent de poursuivre le contrat de travail pour une durée maximale de deux mois à compter de cette date ; que la prorogation de la fin du contrat de travail par l'employeur et le salarié ne donne donc effet à la rupture au plus tard qu'à la fin du second mois suivant l'échéance de deux mois à compter de cette date ; qu'en estimant que la lettre rédigée en application de cette disposition légale visait le report de la date de la rupture du contrat de travail des salariés ayant adhéré à une convention de conversion et non le report de la date d'effet de cette rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 321-6, alinéa 4, du Code du travail ;

Mais attendu qu'il résulte des alinéas 3 et 4, alors applicables, de l'article L. 321-6 du Code du travail que le contrat de travail d'un salarié ayant accepté le bénéfice d'une convention de conversion visée à l'article L. 322-3 et proposée à l'initiative de l'employeur est rompu d'un commun accord des parties à l'expiration du délai de réponse dont dispose le salarié, sauf si l'employeur et le salarié conviennent de poursuivre le contrat de travail pour une durée maximale de deux mois à compter de cette date ; qu'il s'ensuit, dans cette seconde hypothèse, que la date de la rupture du contrat est celle qui a été convenue par les parties ; que la cour d'appel, qui a constaté la volonté des parties de poursuivre les relations de travail au-delà de l'expiration des délais de réponse dont disposaient les salariés, a décidé à bon droit que les contrats de travail des salariés concernés avaient été rompus aux dates qu'ils avaient fixées avec l'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen :

1 ) que porte atteinte au principe de sécurité juridique et de confiance légitime la rétroactivité d'une loi non justifiée par d'impérieux motifs d'intérêt général, peu important que sa promulgation ne se traduise pas par une ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice ; qu'en l'espèce, la société Entreprise Jean Spada soutenait expressément que la loi du 8 juillet 1999, modifiant l'article L. 321-13 du Code du travail en ce qu'elle supprimait l'exonération dont bénéficiait jusqu'alors l'employeur du paiement de la contribution dite "Delalande" quand le salarié, âgé de plus de 50 ans, adhérait à une convention de conversion, s'était vu conférer une portée rétroactive au mépris du principe de sécurité juridique et de celui des droits acquis ; qu'en retenant que seules les lois rétroactives permettant l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges étaient susceptibles de porter atteinte au principes de sécurité juridique et de confiance légitime et en en déduisant que les dispositions de la loi du 8 juillet 1999 prévoyant une rétroactivité au 1er janvier 1999 n'avaient pas à être écartées, la cour d'appel a violé lesdits principes de même que les articles 2 du Code civil, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 321-13 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1999 ;

2 ) qu'en l'état d'une contestation portant sur l'atteinte au principe de sécurité juridique portée par une loi rétroactive, il appartient au juge de vérifier que la rétroactivité contestée était commandée par des motifs impérieux d'intérêt général ; qu'en reprochant à la société Entreprise Jean Spada de ne pas avoir démontré que la loi du 8 juillet 1999, modifiant l'article L. 321-13 du Code du travail, prévoyant une rétroactivité au 1er janvier 1999 et soumettant désormais l'employeur au paiement d'une contribution aux ASSEDIC en cas d'adhésion par un salarié âgé de plus de 50 ans à une convention de conversion ne répondait pas à des impératifs d'intérêt général sans justifier elle-même en quoi, en considération, notamment, des termes de la loi ou des travaux parlementaires, la rétroactivité de cette loi aurait répondu à d'impérieux motifs d'intérêt général, la cour d'appel a violé les articles 2 du Code civil et 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de même que, par fausse application, l'article L. 321-13 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1999 ;

Mais attendu que le législateur peut, sans méconnaître les exigences de l'article premier du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives lorsque celles-ci obéissent à un impérieux motif d'intérêt général ;

Et attendu que les dispositions de l'article 3 de la loi n° 99-570 du 8 juillet 1999, aux termes duquel l'obligation pour l'employeur, instituée par l'article 1er de ladite loi, de verser une contribution pour chaque rupture de contrat de travail intervenue du fait de l'adhésion d'un salarié à une convention de conversion alors prévue à l'article L. 322-3 du Code du travail, est applicable pour toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999, obéissent à un impérieux motif d'intérêt général ; qu'il résulte, en effet, des travaux parlementaires que, par les mesures qu'il a adoptées, le législateur a entendu limiter le recours aux licenciements économiques des salariés âgés de plus de cinquante ans et mettre un terme à des manoeuvres qui avaient pour but d'éluder le versement de contributions patronales au régime de financement de l'assurance chômage ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel, qui a retenu que la rupture des contrats de travail des deux salariés était intervenue les 2 et 31 janvier 1999 a exactement décidé que l'employeur était tenu de verser à l'ASSEDIC les contributions qui lui étaient réclamées en application des textes précités ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Jean Spada et Mme Z..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille six.