Cass. soc., 5 avril 2023, n° 21-23.865
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. HUGLO
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2021), M. [C] a été engagé, le 15 juillet 2012, en qualité de directeur général de l'hôtel Pullman Deira City Centre, à [Localité 3], pour une durée déterminée de deux ans renouvelable une fois, aux termes d'un document intitulé « lettre d'intention » signé par la société Accor Middle East, la société Maf Hospitality, propriétaire de l'hôtel et le salarié. Parallèlement, un accord « de management », destiné à faciliter la mobilité du salarié entre les entités apparentées Accor, a été signé le 30 août 2012 entre la société Maf Hospitality et la société de gestion hôtelière Accor Moyen-Orient.
2. En avril 2013, il a été mis fin au contrat de M. [C] de manière anticipée.
3. M. [C] a assigné, en premier lieu, par acte du 16 décembre 2013, la société Accor centres de contacts clients devant le conseil de prud'hommes d'Evry en contestation de la rupture de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes. Par jugement du 27 octobre 2015, confirmé par un arrêt du 14 septembre 2017, le conseil de prud'hommes, retenant l'absence de caractérisation de l'existence d'un lien de subordination avec la société Accor centres de contacts clients, a rejeté ces demandes.
4. En second lieu, M. [C] a, par assignation du 22 décembre 2015, engagé une action distincte contre la société Accor devant le conseil de prud'hommes de Paris afin que soit reconnue l'existence d'un contrat de travail le liant à cette société et aux fins d'indemnisation des préjudices subis.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile , il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts au titre de la responsabilité délictuelle de la société Accor, alors « que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en va autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution d'un même contrat de travail ; qu'en l'espèce, M. [C] soutenait à titre principal que la société Accor avait la qualité de coemployeur et, à titre subsidiaire, faisait valoir qu'à supposer que tel n'ait pas été le cas, la société Accor s'était immiscée dans la relation de travail, en sorte que c'est par sa faute que la société Maf Hospitality avait mis un terme à la relation de travail ; que M. [C] faisait donc valoir qu'en toute hypothèse la société Accor avait engagé à son égard sa responsabilité délictuelle et qu'elle devait donc supporter les conséquences pécuniaires de la rupture ; qu'il en résultait que l'action initialement formée par M. [C] devant le conseil des prud'hommes, fondée sur la reconnaissance de la qualité d'employeur de la société Accor, et l'action en responsabilité délictuelle formée par M. [C] contre la société Accor à hauteur d'appel concernaient, au cours d'une même instance, l'exécution d'un même contrat de travail ; que la prescription de l'action en responsabilité délictuelle avait donc été interrompue dès la date de saisine du conseil des prud'hommes le 22 décembre 2015 ; qu'en retenant pourtant que M. [C] a formulé sa demande de dommages et intérêts à ce titre pour la première fois dans ses conclusions du 4 juin 2019, soit plus de cinq ans après la rupture du contrat de travail en sorte que son action est prescrite en application des dispositions de l'article2224 du code civil", la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil . »
Réponse de la Cour
7. L'interruption de la prescription par une action en indemnisation d'une rupture abusive du contrat de travail exercée à l'encontre de la société-mère de la société employant le salarié et fondée sur la qualité alléguée de coemployeur, ne peut s'étendre à l'action exercée, en cours d'instance, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à l'encontre de la société-mère dès lors qu'il n'existe pas de contrat de travail entre celle-ci et le salarié.
8. La cour d'appel ayant relevé que le salarié a formé, pour la première fois, sa demande de dommages- intérêts au titre de la responsabilité délictuelle de la société Accor plus de cinq ans après la rupture du contrat de travail, en a déduit à bon droit que son action était prescrite.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt, après avoir dit que son contrat de travail est soumis à la loi des Emirats Arabes Unis, de confirmer le jugement en ce qu'il le déboute de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société Accor, alors « qu'il incombe au juge qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que dès lors que les parties ont expressément convenu de soumettre les relations de travail à la loi des Emirats Arabes Unis, seul le droit de cet état est applicable à la qualité d'employeur ou de coemployeur de la société Accor", qu'ayant reconnu applicable la loi des Emirats Arabes Unis, il incombait donc à la cour d'appel, au besoin d'office, d'en rechercher la teneur quant à la détermination de la qualité de coemployeur ; qu'en retenant pourtant que M. [C] doit donc être débouté de sa demande visant à faire reconnaître, en application des dispositions de la loi française, la société Accor comme son seul employeur ou son coemployeur", quand il lui appartenait de rechercher si cette demande était fondée en droit émirati, la cour d'appel a méconnu son office et a violé l'article 3 du code civil . »
Réponse de la Cour
11. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour (1ère Civ., 28 nov. 2006, pourvoi nº 05-19838, Bull. I nº522 ; 1re Civ. 20 oct. 2010, pourvoi nº 08-17033, Bull. I nº207) qu'est irrecevable, s'agissant de droits disponibles, et ne peut être présenté pour la première fois devant la Cour de cassation, le moyen tiré de l'application du droit étranger, alors qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions que le demandeur à l'action a invoqué la loi étrangère au soutien de sa demande.
12. La cour d'appel ayant relevé que la demande du salarié au titre du coemploi était fondée sur le droit français, le moyen qui reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché la teneur de la loi étrangère est inopérant.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] aux dépens.