ADLC, 4 décembre 2024, n° 24-D-10
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du transport aérien de passagers inter-îles*
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Mme Laure Meyssonnier, rapporteure, et l’intervention de Mme Laure Gauthier, rapporteure générale adjointe, par M. Thibaud Vergé, vice-président, président de séance, Mme Catherine Prieto et M. Jérôme Pouyet, membres
L’Autorité de la concurrence (section IA),
Vu la décision n° 19-SO-23 du 4 novembre 2019, enregistrée sous le numéro 19/0072 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur du transport aérien de passagers inter-îles ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 101 ;
Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;
Vu la décision du rapporteur général du 2 février 2023 disposant que l’affaire fera l’objet d’une décision de l’Autorité de la concurrence sans établissement préalable d’un rapport ;
Vu le procès-verbal de transaction du 12 juillet 2023, signé par la rapporteure générale adjointe et les sociétés Air Caraïbes, Groupe Dubreuil Aéro et Groupe Dubreuil en application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce ;
Vu le procès-verbal de transaction du 12 juillet 2023, signé par la rapporteure générale adjointe et la société Aérogestion en application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce ;
Vu les observations présentées par les sociétés Assist’Air Cargo, Caraïbes Call Center, ESCA Conseils, Eurofinance Travel, Express Handling & Maintenance, Guyane Aéroinvest, K Finance, Aérogestion, Air Caraïbes, Compagnie Aérienne Inter Régionale Express, Groupe Dubreuil Aéro, Groupe Dubreuil, Travel Technologie Interactive et Travel Technologie Interactive France et le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, les représentants des sociétés Assist’ Air Cargo, Caraïbes Call Center, ESCA Conseils, Eurofinance Travel, Express Handling Maintenance, Guyane Aéroinvest, K Finance, Aérogestion, Air Caraïbes, Compagnie Aérienne Inter Régionale Express, Groupe Dubreuil Aéro, Groupe Dubreuil, Travel Technologie Interactive et Travel Technologie Interactive France, et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence des 24 et 25 juin 2024 ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après l’« Autorité ») sanctionne à hauteur de 14 570 000 euros, plusieurs entreprises actives dans le secteur du transport aérien de passagers inter-îles pour avoir mis en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles.
L’instruction a été ouverte à l’initiative du rapporteur général après la constatation d’une augmentation importante et simultanée du prix des billets d’avions à l’automne 2017 sur la liaison Pointe-à-Pitre / Fort-de-France par deux compagnies aériennes, Air Antilles et Air Caraïbes, et a donné lieu à des opérations de visite et saisie.
Les éléments du dossier attestent de la mise en oeuvre de quatre ententes horizontales entre les sociétés Compagnie Aérienne Inter Régionale Express (ci-après « CAIRE », opérant sous le nom commercial Air Antilles), Air Caraïbes et Miles Plus (active commercialement sous le nom Aérogestion).
Accord de baisse d’offre et de partage des créneaux horaire (grief n° 1)
Les entreprises mises en cause ont participé à une entente visant à diminuer l’offre et à se répartir les créneaux horaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales, à tout le moins entre le 29 juin 2017 et le 31 octobre 2019.
Un plan commun visait, dès le 29 juin 2017, à réduire les capacités sur l’ensemble des liaisons en concurrence grâce à une répartition des créneaux horaires et à la diffusion quasi-simultanée d’un programme de vol conjoint afin de limiter voire d’éliminer la concurrence entre les deux compagnies et d’augmenter le prix moyen des billets vendus.
L’accord des parties sur un programme conjoint pendant la saison hiver 2017/18 faisait en outre l’objet d’un « accord de non-agression » visant à pérenniser, au moins jusqu’à fin octobre 2019, le niveau d’offre atteint fin octobre 2018.
Entente sur la fixation des prix et des conditions applicables aux tarifs (grief n° 4)
En parallèle de leur accord concernant les capacités, les entreprises mises en cause ont participé à une entente sur la fixation des prix et des conditions applicables aux tarifs des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales, à tout le moins entre le 13 avril 2017 et le 31 décembre 2019.
Un plan commun visait, dès le 13 avril 2017, à fixer les conditions tarifaires ainsi que le niveau des prix des billets d’avion vendus par les deux compagnies aériennes.
Ces pratiques s’inscrivaient elles aussi dans le cadre d’un « accord de non-agression » dont le volet tarifaire interdisait à chacune des deux compagnies d’être moins disante en termes de tarifs. Cet accord leur a permis de pérenniser le niveau des prix et les nouvelles conditions applicables aux tarifs atteints fin décembre 2017, et ce au moins jusqu’au 31 décembre 2019.
Ententes sur les prix et conditions tarifaires en 2015 et en 2016 (griefs n° 2 et n° 3)
Les entreprises mises en cause ont participé à deux ententes sur les prix et conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales, et ce pendant quelques mois en 2015 puis en 2016.
Dans le cadre de la première entente, Air Antilles et Air Caraïbes, avec le soutien d’Aérogestion, ont échangé sur leurs intentions tarifaires futures à partir du 8 février 2015 et ont pris des engagements tarifaires réciproques sur les conditions tarifaires des billets en juin 2015, afin de parvenir à une augmentation des prix. Cette entente a été mise en oeuvre à tout le moins entre le 8 février et le 16 juin 2015.
Dans le cadre de la deuxième entente, ces mêmes sociétés ont échangé sur leurs intentions tarifaires futures et ont pris des engagements tarifaires réciproques concernant la réintroduction des APEX (conditions de disponibilité des billets pour un achat à l’avance), afin de parvenir à une augmentation des prix. Cette entente a été mise en oeuvre à tout le moins entre le 26 septembre et le 20 décembre 2016.
Les sanctions
Le groupe Dubreuil Aéro et Groupe Dubreuil (société mère d’Air Caraïbes) et la société Miles Plus (Aérogestion) ont sollicité de l’Autorité le bénéfice de la procédure de transaction, en application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce. La mise en oeuvre de cette procédure a donné lieu à l’établissement de deux procès-verbaux de transaction fixant les montants minimaux et maximaux des sanctions pécuniaires qui pourraient être infligées par l’Autorité.
Eu égard à la capacité contributive nulle de la société CAIRE qui fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, et de sa société mère Guyane Aéroinvest, l’Autorité a considéré, conformément à sa pratique constante, qu’il n’y avait pas lieu de leur appliquer de sanction pécuniaire, mais qu’il convenait en revanche d’infliger une telle sanction au titre de la solidarité à leur société mère K Finance.
Rappelant que les ententes horizontales entre concurrents sur un même marché sont parmi les pratiques anticoncurrentielles les plus graves, et prenant en considération leurs caractéristiques objectives, l’Autorité inflige, au titre des quatre ententes susmentionnées, des sanctions d’un montant total de 14 570 000 euros, qui se répartissent comme suit :
− 13 000 000 euros solidairement aux sociétés Air Caraïbes, Groupe Dubreuil Aéro et Groupe Dubreuil ;
− 1 500 000 euros à la société K Finance, tenue solidairement responsable des pratiques mises en oeuvre par CAIRE, dont 1 397 000 euros au titre des ententes visées par les griefs n° 1 et n° 4, 55 000 euros et 48 000 euros au titre des ententes visées par les griefs n° 2 et n° 3 respectivement ;
− 70 000 euros à la société Miles Plus.
I. Constatations
A. LA PROCEDURE
1. Sur initiative du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence (ci-après « le rapporteur général »), une enquête portant le numéro 17/0225 E a été ouverte dans le secteur du transport aérien de passagers inter-îles, après la constatation d’une augmentation simultanée et importante du prix des billets d’avion à l’automne 2017 sur la liaison entre Fort-de-France et Pointe-à-Pitre (FDF / PTP) par deux compagnies aériennes, Air Antilles et Air Caraïbes.
2. Sur autorisation du 2 janvier 2018 du juge des libertés et de la détention (ci-après le « JLD ») du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, des opérations de visite et saisie (ci-après « OVS ») ont été effectuées le 11 janvier 2018 dans les locaux de la Compagnie Aérienne Inter Régionale Express (ci-après « CAIRE »)2.
3. Par décision n° 19-SO-23 du 4 novembre 2019, enregistrée sous le numéro 19/0072 F, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») s’est saisie d’office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur du transport aérien de passagers inter-îles3.
4. Sur autorisation du JLD du tribunal judiciaire de Senlis du 24 septembre 2021, des opérations de visite et saisie ont été effectuées, le 1er octobre 2021, au domicile de M.X, directeur général délégué de CAIRE4.
5. Le 2 février 2023, le rapporteur général a informé les parties et le commissaire du Gouvernement de sa décision de faire examiner l’affaire par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport, en application de l’article L. 463-3 du code de commerce5.
6. Le 16 mars 2023, le rapporteur général a adressé une notification de griefs portant sur des pratiques prohibées au titre de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE ») et de l’article L. 420-1 du code de commerce aux sociétés et groupes suivants : Assist’ Air Cargo, Caraïbes Call Center, ESCA Conseils, Eurofinance Travel, Express Handling Maintenance, Guyane Aéroinvest, K Finance, Aérogestion, Air Caraïbes, CAIRE, Groupe Dubreuil Aéro, Groupe Dubreuil, Travel Technologie Interactive et Travel Technologie Interactive France.
7. Par lettres rectificatives du 29 septembre 2023, le rapporteur général a adressé une notification de griefs portant sur ces mêmes pratiques aux sociétés El Baze-Charpentier et SELARL BCM & Associés, mandataires-liquidateurs et administrateurs judiciaires de la société CAIRE désignés par jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre du 2 août 20236.
8. Par deux procès-verbaux signés le 12 juillet 2023, les sociétés Air Caraïbes, Groupe Dubreuil Aéro, Groupe Dubreuil, d’une part, et Aérogestion d’autre part, se sont engagées à ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et à bénéficier de la procédure de transaction en application du III de l’article L. 464-2 du code de commerce7.
9. L’affaire a été examinée par l’Autorité lors de la séance des 24 et 25 juin 2024.
B. LE SECTEUR CONCERNE
10. Les pratiques constatées dans la présente affaire relèvent du secteur du transport aérien entre différentes îles de la zone des Caraïbes.
1. LES CARACTERISTIQUES DU SECTEUR AERIEN
11. Le transport aérien se caractérise par l’existence de règles internationales de fonctionnement fixées par l’Association du transport aérien international (ci-après « IATA »)8. L’IATA octroie ainsi à chaque compagnie aérienne un nom de code (par exemple 3S pour Air Antilles ou TX pour Air Caraïbes) et fixe le calendrier des programmes de vols de l’ensemble des compagnies selon un découpage en deux saisons (hiver et été) dont les dates charnières sont fixées aux jours des changements d’heure saisonniers en Europe.
12. Au niveau national, en application de l’article R. 330-8 du code de l’aviation civile, la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) reçoit de la part de chaque compagnie aérienne, un mois avant le début de chaque saison, un programme d’exploitation prévisionnel. Elle instruit ce dernier qui peut ensuite être mis en oeuvre si une suite favorable lui est donnée.
13. Le principal paramètre de concurrence entre les compagnies aériennes est celui du prix des billets. Le secteur aérien se caractérise par une forte transparence des prix puisque l’ensemble des conditions tarifaires associées à un billet d’avion, sur une période variable en fonction des compagnies, est visible par les concurrents sur les réseaux globaux de distribution des billets (ci-après « GDS », pour Global Distribution System)9. Il se caractérise également par un ajustement très fin des prix à la demande, grâce à des ressources (humaines et technologiques) allouées à la révision des tarifs. Cette méthode de gestion des tarifs (aussi appelée « revenue management » ou « yield management ») est souvent très sophistiquée et prend en compte un nombre important de variables telles que la classe tarifaire, la date d’achat des billets, l’horaire du vol, le type de voyageur ciblé. La sophistication de ces outils varie entre les compagnies, leur permettant d’en tirer un avantage concurrentiel sur la finesse de leur tarification.
14. Au-delà du prix du trajet, d’autres paramètres animent la concurrence tels que les conditions d’achat du billet (remboursable ou modifiable) ou les prestations associées à ce dernier (gratuité de services additionnels comme les bagages, la restauration, la priorité d’embarquement, etc.).
15. La taille et le maillage du réseau de liaisons aériennes constituent également un atout majeur pour les compagnies aériennes puisqu’en fonction de ce dernier elles pourront proposer des vols directs ou une importante diversité de correspondances. Pour densifier leur réseau, les compagnies concluent des accords de partage de code (également appelés « codeshare »). Ainsi, les compagnies vendent des billets (dans ce rôle, la compagnie sera désignée « marketing ») pour des vols opérés par une autre compagnie (alors désignée « operating »). Il existe une grande diversité d’accords de partage de code en fonction des modalités de mise à disposition des sièges et de rémunération.
16. La concurrence repose également sur la capacité offerte, c’est-à-dire le nombre de sièges offerts (ci-après également « SO »), terme qui désigne les sièges effectivement proposés à la vente sur les vols réellement opérés10.
17. D’autres paramètres de concurrence peuvent être mentionnés tels que la qualité du service, en particulier la ponctualité et la fiabilité des compagnies aériennes ainsi que le nombre et la qualité des fréquences proposées par chaque opérateur.
18. Les billets d’avion sont commercialisés directement par les compagnies aériennes ainsi qu’au travers d’une grande diversité d’intermédiaires comme les agences de voyages ou les tours opérateurs.
2. LES SPECIFICITES DU TRANSPORT INTER-ILES DANS LES CARAÏBES
19. Il ressort de pièces issues du dossier d’instruction datant de 2017 que le secteur aérien de la Caraïbe peut être décomposé en trois ensembles :
− le réseau intra-français, comprenant des liaisons entre Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, représentant environ 650 000 passagers par an ;
− le réseau franco-caribéen, constitué des lignes entre les Antilles françaises et la Caraïbe internationale, représentant environ 100 000 passagers par an ;
− le réseau intra-caribéen comportant toutes les liaisons de la Caraïbe internationale et représentant environ 1 million de passagers par an.
20. Les pratiques constatées dans la présente affaire concernent les liaisons suivantes :
− Pointe-à-Pitre / Fort-de-France (PTP / FDF) ;
− Pointe-à-Pitre / Saint-Martin (PTP / SFG-SXM) ;
− Pointe-à-Pitre / Saint-Domingue (PTP / SDQ) ;
− Pointe-à-Pitre / Sainte-Lucie (PTP / SLU) ;
− Fort-de-France / Saint-Martin (FDF / SFG-SXM) ;
− Fort-de-France / Saint-Domingue (FDF / SDQ) ; et
− Fort-de-France / Sainte-Lucie (FDF / SLU).
21. L’une des spécificités du transport dans les Antilles françaises est que l’acquisition d’avions pour le transport de passagers donne droit à des réductions ou déductions d’impôts substantielles pour les entreprises qui apportent des financements (qu’il s’agisse de l’entreprise qui exploite les avions ou de celles qui apportent les financements) au titre des investissements productifs neufs dans les départements d’outre-mer, conformément aux articles 199 undecies B et 217 undecies du code général des impôts11.
22. Selon les parties, ce type de transport inter-îles se caractérise par des vols plus fréquents et de courte durée ce qui entraîne des surcoûts logistiques, humains et financiers du fait de la répétition des décollages et atterrissages des appareils.
3. L’AJUSTEMENT DES PRIX PAR LES COMPAGNIES AERIENNES
23. Comme indiqué ci-avant, les tarifs des compagnies aériennes sont ajustés en fonction du taux de remplissage de l’avion selon les méthodes de revenue management. Ils sont aussi le plus souvent ajustés en fonction du type de passagers concernés, comme dans le cas des tarifs familles ou week-end (appelés « Sunday Rule » ou « SU ») ou en fonction des contraintes minimales de séjour (appelées « minimum stay » ou « MINSTAY »).
24. Un dispositif appelé « delay out » permet « de fermer automatiquement une classe à un délai donné, selon un schéma prédéterminé ». Air Antilles l’utilise afin « de contrôler l’accès au stock de places (…) pour l’ensemble du marché », c’est-à-dire vis-à-vis des compagnies avec lesquelles elle a signé un accord de partage de code et qui vendent des places sur ses vols12.
25. Un autre dispositif, nommé APEX (pour Advanced Purchase Excursion, ou voyage acheté en avance) permet de déterminer à l’avance le prix payé selon la date d’achat du billet. Les APEX les plus bas concernent les classes tarifaires les plus hautes et permettent qu’un passager qui achète son billet tardivement (par exemple trois jours avant le départ pour un APEX de trois jours) paie le prix le plus élevé. Au contraire, les APEX les plus élevés permettent de constituer un prix d’appel pour les passagers qui achètent leurs billets très à l’avance (par exemple au moins 60 jours avant le vol pour les APEX de 60 jours).
26. Les APEX constituent un instrument important du revenue management en permettant d’augmenter les prix des billets au fur et à mesure de l’approche de la date du départ.
C. LES ENTREPRISES CONCERNEES
1. AIR CARAÏBES
27. La société Air Caraïbes, immatriculée en Guadeloupe, exploite la compagnie aérienne du même nom. Elle est principalement active dans le transport aérien long-courrier entre la France métropolitaine et les Antilles via des vols opérés par sa société soeur Air Caraïbes Atlantique. Elle propose également des liaisons aériennes entre les îles des Caraïbes.
28. Aïr Caraïbes est détenue à plus de 97 % par la société Groupe Dubreuil Aéro (ci-après, « GDA »), elle-même filiale de la société Groupe Dubreuil. En plus d’Air Caraïbes, Groupe Dubreuil Aéro exploite deux autres compagnies aériennes : Air Caraïbes Atlantique et French Bee. Le groupe Dubreuil est également actif dans d’autres secteurs tels que l’automobile, le matériel pour le BTP, le machinisme agricole ou l’énergie. En 2023, son chiffre d’affaires consolidé s’élevait à 3,16 milliards d’euros.
2. AEROGESTION
29. Aérogestion est le nom commercial de la société Miles Plus qui exerce une activité de conseil spécialisée dans le secteur aérien (tarification, analyses de marché, programmes d’avions, choix des flottes, etc.). Aérogestion fournit notamment des conseils à Air Caraïbes pour ses activités long-courrier et court-courrier.
3. COMPAGNIE AERIENNE INTER REGIONALE EXPRESS (« CAIRE ») ET LES SOCIETES MISES EN CAUSE AU TITRE DE LEURS LIENS AVEC CAIRE
30. Jusqu’en 2023, la société CAIRE exploitait une compagnie aérienne régionale moyen-courrier (fret et passagers) proposant des liaisons inter-îles dans la zone caribéenne sous le nom commercial Air Antilles et des liaisons intérieures en Guyane sous la marque Air Guyane.
31. La société CAIRE est détenue à hauteur de 36 % par la société Guyane Aéroinvest (ci-après « GAI »). Selon les informations les plus récentes disponibles dans le dossier d’instruction, le reste du capital était, de 2015 à 2019, détenu par quatre autres sociétés, Centrale d’Achat Guadeloupéenne YXOR (16 %), Soc Developp Transport Aérien Guyane (16 %), Stardust Investissements (5 %), Dimeco (4 %) et des personnes physiques13.
32. GAI est une société holding proposant également des prestations de conseil en lien avec l’industrie aéronautique, détenue à [90-100 %] par K Finance14. K Finance est une société holding détenue à [90-100] % par cinq membres de la famille Y, dont [10-30] % par M.Y15, le fondateur d’Air Antilles et Air Guyane16.
33. D’autres sociétés entretenant des liens capitalistiques et fonctionnels avec CAIRE et/ou ses sociétés mères ont été destinataires de la notification de griefs du 13 mars 2023 :
− Assist’Air Cargo (ci-après « AAC »), détenue à [90-100] % par K Finance et gérée depuis 2015 par M.Y, propose des services de transport de fret via les avions d’Air Antilles et de services à bord de restauration et sécurité à cette dernière17 ;
− Caraïbes Call Center (ci-après « CCC »), détenue à [90-100]% par K Finance, propose des services de domiciliation d’entreprises, de centre d’appels et d’agence de voyages18 ;
− ESCA Conseils (ci-après « ESCA »), dirigée par M.Y, détenue à [70-90] % par K Finance et à [20-30] % par AAC, propose des services de conseil en défiscalisation et montage financier en vue, notamment, de l’acquisition d’aéronefs ;
− Express Handling & Maintenance (ci-après « EHM »), détenue à [90-100]% par GAI, propose des prestations de services dans le domaine aéroportuaire, notamment en lien avec la maintenance des avions19.
34. La notification de griefs a également été adressée à la société Travel Technology Interactive (ci-après « TTI »), à sa filiale détenue à [90-100]% Travel Technology Interactive France (ci-après « TTI France ») et à la société Eurofinance Travel (ci-après, « EFT »). TTI, cofondée par M.Y, et sa filiale TTI France ont comme activité principale l’édition et la gestion de logiciels informatiques destinés au transport aérien cargo (Nexlog) et passager (Zénith). TTI est détenue à [50-60] % par EFT, elle-même détenue à [40-50] % par K Finance20 et à [0-10] % par M.Y21.
35. Le 2 août 2023, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a ordonné l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire concernant la société CAIRE avec une poursuite d’activité d’une durée de deux mois22. Les sociétés El Baze-Charpentier et SELARL BCM & Associés ont été respectivement désignées mandataires-liquidateurs et administrateurs judiciaires de la société CAIRE par ce jugement du 2 août 202323. Par jugement du 29 septembre 2023, ce même tribunal a ordonné la cession de certains actifs de la société CAIRE au bénéfice de la Collectivité de Saint-Martin et de la société CIPIM24.
D. LES PRATIQUES CONSTATEES
36. Avant de présenter les différents échanges constatés, qu’ils portent sur les prix ou sur l’offre, il convient d’exposer les outils de communication et appellations utilisés.
1. LES OUTILS DE COMMUNICATION ET APPELLATIONS UTILISES
a) Sur l’adresse « [email protected] »
37. Plusieurs courriels ont été adressés à partir ou à destination de l’adresse « [email protected] ».
38. M.X (Air Antilles) a déclaré que cette adresse, ne reprenant ni son nom, ni son prénom, lui a « peut-être » permis d’écrire à ses interlocuteurs chez Air Caraïbes et Aérogestion.25
39. Il a admis avoir utilisé cette adresse en juillet et août 2017 pour envoyer des propositions de programme conjoint26 et avoir continué à utiliser cette adresse en septembre 201727.
40. Les courriels remis par Air Caraïbes à la demande des services d’instruction lors des recueils de déclarations dans les locaux de cette société montrent que cette adresse a été utilisée au moins jusqu’au 9 novembre 201728.
41. Par ailleurs, M.X utilisait plusieurs adresses de messagerie « anonymes » pour communiquer avec Aérogestion et Air Caraïbes29.
b) Sur l’utilisation du nom de code « CV »
42. Air Antilles a également utilisé le signe « CV », en objet de courriel, pour transférer en interne des documents échangés avec Air Caraïbes relatifs à un projet de baisse d’offre et d’augmentation des tarifs.
43. Le thème du « CV » est en outre décliné jusqu’au titre des documents joints dans le courriel, par exemple, « commentaires CV Pauline Durantel.pdf » et « Retour de candidature 2017.pdf »30.
c) Sur l’utilisation des termes « compagnie 1 » et « compagnie 2 »
44. À plusieurs reprises, ont été utilisés, dans des échanges et documents saisis, les termes « compagnie 1 » et « compagnie 2 ».
45. Qu’il s’agisse des échanges entre Aérogestion et Air Antilles via l’adresse électronique [email protected] ou des documents échangés en interne chez Air Antilles, « compagnie 1 » désigne toujours Air Caraïbes et « compagnie 2 » Air Antilles.
46. Les codes « compagnie 1 » et « compagnie 2 » ont continué à être utilisés après les OVS de janvier 2018 et jusqu’en février 2019 dans des projets de programme portant sur l’année 2019.
2. LES ECHANGES SUR LES PRIX AVANT LA PERIODE DITE DE « GUERRE TARIFAIRE »
47. Il ressort de discussions internes à Air Antilles que des échanges ont eu lieu, de février à juin 2015, entre Air Antilles, d’une part, et Air Caraïbes et Aérogestion, d’autre part, portant sur les tarifs des billets d’avion et leurs conditions tarifaires. S’il ressort de ces discussions qu’une méfiance régnait entre les deux compagnies, ces échanges ont néanmoins effectivement mené à des engagements pris par Air Antilles relatifs aux conditions applicables aux tarifs.
48. Ainsi, dès février 2015 puis en mars de la même année, des échanges portant sur une augmentation des prix ont eu lieu entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion31.
49. Par la suite, le 14 juin 2015, des messages internes à Air Antilles précisent que, lors d’un échange avec Air Caraïbes, cette dernière aurait expliqué avoir supprimé ses APEX du fait de l’absence de delay out chez Air Antilles vis-à-vis d’Air France. Il est ensuite précisé qu’Air Antilles s’est engagée auprès d’Air Caraïbes à remettre lesdits APEX et les delay out pour Air France32 :
« M.Z a été tout raconter à TX...qui n’avait pas le temps de discuter avec lui!! […] Apparemment ca vient du fait que Dubre[u]il aurait pété une grosse gueulante sur leur perte de PDM et aurait demandé de creuser L’argument viendrait du fait qu’on a fait sauter les Delay Out pour AF. […] M.Z a demandé à ce qu’on les remette. Je m’y oppose et ai invoqué une raison technique […] m.z s’est engagé devant TX à remettre apex et DO pour demain. […] On ne peut pas se coordonner. C’est trop risqué. Ca peut couter cher […] Arretons de parler ensemble! » (soulignements ajoutés).
50. D’autres échanges ont eu lieu en juin 2015 entre Air Antilles et Air Caraïbes33. Les relations se sont ensuite dégradées34 et les échanges ont pris fin le 22 juin 2015 avant le début d’une période dite de guerre tarifaire comme l’indique un message d’un dirigeant de CAIRE :
« Je considère pour ma part qu’on n’a plus rien a se dire avec TX. Il faudra donc mettre une veille performante »35.
3. LES ECHANGES SUR LES PRIX DURANT LA PERIODE DITE DE GUERRE TARIFAIRE
51. Entre mars 2016 et mars 2017, une période dite de guerre tarifaire a eu lieu entre Air Antilles et Air Caraïbes. Il ressort d’un procès-verbal du conseil d’administration d’Air Antilles que sur l’exercice 2016, le tarif affaires a chuté de 50 % et le tarif loisir de 30 %, entraînant une hausse de 15 % du nombre de billets vendus mais une diminution des recettes de 6 millions d’euros36. Air Antilles considère cependant que cette guerre tarifaire « n’a pas changé le rapport de concurrence. Les parts de marché des deux compagnies concurrentes sont restées stables »37.
52. Une agence de voyages précise ainsi, à propos de cette période, qu’à « cette époque, lorsqu’une compagnie faisait un tarif promotionnel, nous recevions quelques heures après le même tarif inférieur au concurrent d’ 1€. En général, Air Caraïbes était à l’initiative du premier tarif attractif. »38
53. De septembre à décembre 2016, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont néanmoins, lors d’appels téléphoniques et de réunions, continué à échanger sur les tarifs des billets d’avion et leurs conditions tarifaires, et pris des engagements concernant lesdits tarifs.
54. En effet, dès le 26 septembre 2016, Air Caraïbes s’est rapprochée d’Air Antilles en sollicitant de cette dernière qu’elle remette en place des APEX et assurant qu’elle ferait de même ensuite39. Il ressort d’échanges internes d’Air Antilles que, le 10 octobre 2016, certains de ses salariés ont à leur tour sollicité la mise en place d’APEX auprès d’Air Caraïbes40. Air Caraïbes aurait accepté à condition qu’Air Antilles prenne l’initiative du processus :
« Bonjour messieurs, TX accepterait, selon M.A, de remettre des conditions sur la grille...à condition que nous initions le process. »41
55. Une rencontre entre Air Antilles et Air Caraïbes a eu lieu le 11 octobre 201642. Les deux compagnies ont, à cette occasion, abordé la question de la surcharge carburant (ou la « YQ ») et de sa mise en place43.
56. Trois échanges sur les tarifs ont également eu lieu entre Air Antilles et Air Caraïbes antérieurement au 3 décembre 2016, selon des échanges internes à Air Antilles. Il en ressort qu’Air Caraïbes restait ferme sur sa position de ne remettre les APEX qu’après avoir constaté qu’Air Antilles avait remis et conservé ses APEX pendant deux semaines. Air Antilles convenait alors de remettre les APEX à partir du 5 décembre 2016 et d’attendre jusqu’au 15 décembre 2016 pour vérifier si Air Caraïbes suivait :
« Bon c’est pas gagné pour les apex […] M.B a déjeuné avec M.A qui était ok mais n’a rien compris et nous demande des choses inimaginables (…) M.C a rappelé M.B hier (…) En lui disant: […] " […] on peut pas diffuser avant d’être sûr que vous le fassiez aussi sur internet donc c’est pas grave on attend janvier pour voir et on diffusera après" […] En gros ils demandent à ce qu’on diffuse pendan[t] 2 semaines tout seuls .
- Tu connais ma position, je trouvais que ce n’étais pas le moment opportun à cause des pdm [parts de marché] de sept à nov, et qu’il valait mieux le tenter en février. La on risque de rater pour 6 mois. En tout cas si le 15/12 c pas bouclé il faut stopper.
- Ils ont pas compris le process […] Ils ont demandé à M.B qu’on diffuse pour la semaine prochaine […] Et qu’ils diffusent e[u]x seulement après […] Pour moi la limite c’est le 15 dec »44 (soulignements ajoutés).
57. Le 5 décembre 2016, Aérogestion a annoncé à Air Antilles qu’Air Caraïbes était favorable à la mise en place de l’APEX45.
58. Le 21 décembre 2016, quelques jours après la date limite fixée par Air Antilles pour s’assurer du suivi d’Air Caraïbes dans la mise en place de l’APEX, des courriels internes ont annoncé l’échec de la coordination46.
59. Air Antilles a estimé qu’il aurait fallu attendre mars 2017, le temps de reprendre des parts de marché47.
4. LES ECHANGES SUR LES PRIX APRES LA PERIODE DE GUERRE TARIFAIRE
60. Afin de sortir de la période qu’elles considéraient comme « de guerre tarifaire », Air Antilles et Air Caraïbes se sont rapprochées pour négocier des accords de fixation des tarifs et des conditions tarifaires. Ces négociations ont démarré, comme anticipé par Air Antilles, en avril 2017 et les acquis ont été pérennisés par un accord de non-agression jusqu’en décembre 2019.
a) L’élaboration d’une grille tarifaire pour juillet 2017
61. Il ressort d’échanges internes d’Air Antilles que les échanges entre Air Antilles et Air Caraïbes concernant la remise des APEX ont repris dès avril 2017, avec le concours d’Aérogestion :
« J’ai eu M.D [Air Caraïbes] (…) On avance dans la segmentation. (…) j’ai demandé 30/21/14/7/3/3/3.48
- Il est ok ?
- Oui (…) Il va tâter le pou[ls]des équipes (…) C’est aérogestion qui a fait les nouveaux tarifs segmentés. »49 (soulignements ajoutés).
62. Les négociations entre les deux compagnies se sont ensuite poursuivies en juin 201750 et ont abouti à la mise en place d’APEX à 14 jours dans un premier temps51. Une nouvelle rencontre a eu lieu entre Air Antilles et Air Caraïbes pour allonger les APEX et les porter à 60 jours avant le départ :
« AP60 sur un tarif sans bagage à 118 euros TTC AR franchement c’est pas choquant(…) M.D [Air Caraïbes] était en phase (…) C’est 60 ou rien (…) Donc soit ils.s’alignent soit on reporte »52.
63. Le 14 juin 2017, par courriel interne, Air Antilles a constaté qu’Air Caraïbes avait bien introduit les nouvelles contraintes de segmentation dans sa nouvelle grille tarifaire (dont les APEX), mais qu’en modifiant sa grille dans le système de réservation Amadeus (utilisé par de très nombreuses compagnies aériennes), elle avait supprimé les APEX sur deux classes tarifaires53. Des échanges internes d’Air Antilles montrent qu’ils ont cherché avec Air Caraïbes à remédier à cette suppression qui était une erreur54.
64. Un tableau de comparaison des APEX avant et après juillet 2017, intitulé « 3S-TX.xlsx »55 figure dans un courriel interne d’Air Antilles56. Celui-ci montre qu’Air Antilles a bien diffusé le 13 juin 2017, pour une mise en oeuvre à partir du 1er juillet 2017, les mêmes APEX (60/45/28/14/7/3) que ceux diffusés par Air Caraïbes dès le 14 juin 2017, pour une application au 1er juillet 2017 également. Ces APEX vont jusqu’à 60 jours, comme les deux compagnies s’y étaient engagées.
b) L’élaboration d’une grille tarifaire pour septembre 2017
65. Dès le 29 juin 2017, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont échangé à propos de leur politique tarifaire57 afin notamment de préparer une augmentation homogène de leurs grilles tarifaires (« buy up ») : « TX a trouvé l’idée du nouveau buyup séduisante on la met en place »58.
66. À la suite de ces échanges, Air Antilles a préparé une nouvelle grille tarifaire qui devait être appliquée à partir du 1er septembre 2017, comme en témoigne un courriel interne du 27 juillet 2017 ayant pour objet « Nouvelle grille au 1er septembre »59, lequel contient la nouvelle grille tarifaire intitulée « Tarifs FDF SFG SLU SDQ au 01092017 v0. xlsx »60. Cette nouvelle grille portait uniquement sur des augmentations de tarifs sur les liaisons en concurrence avec Air Caraïbes61.
67. Pour chacune de ces liaisons, on constate une hausse (ou « buy-up ») quasiment uniforme de la grille tarifaire déclinée en huit classes tarifaires :
− concernant PTP / FDF, un « buy up » de 29 euros sur presque toutes les classes ;
− concernant PTP / SFG, un « buy up » de 28 euros sur presque toutes les classes ;
− concernant FDF / SFG, un « buy up » de 28 euros sur presque toutes les classes ;
− concernant FDF / SDQ, un « buy up » de 32 euros sur la majorité des classes mais pouvant aller jusque 114 euros ;
− concernant PTP / SLU, un « buy up » de 38 euros sur presque toutes les classes ;
− concernant FDF / SLU, un « buy up » de 58 euros sur presque toutes les classes.
68. Des échanges de courriels entre le 28 juillet et le 1er août 2017 font apparaître qu’Air Antilles a constaté un « apaisement des relations avec TX »62 et considérait que si cette hausse des prix pouvait freiner les ventes, ils gagneraient « beaucoup plus au final »63.
69. Après avoir fait évoluer la grille pour inclure un tarif week-end64, Air Antilles a confié à TTI la nouvelle grille tarifaire à publier :
« Comme convenu, vous trouverez ci-joint les grilles de tarifs à importer dans ZT. J’ai créé les périodes correspondantes avec des dates fictives. Dès confirmation du succès des import (sic) je modifierai les dates de période comme suit :
-Période actuelle
-Révision de grille juillet 2017 jusqu’au 31 jul
-Révision de grille sept2017 du 01 sept 17 jusqu’au 21 sept 2032 »65.
70. Le 23 août 2017, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont échangé sur une proposition de grille tarifaire intitulée « Tarifs FDF SFG SLU SDQ au 01092017 v1.pdf »66. Ces échanges s’inscrivent dans la stratégie de dissimulation détaillée aux paragraphes 37 à 43 par l’usage de l’adresse [email protected] et du sigle CV utilisé en objet du courriel.
71. Un document intitulé « Commentaire EB.pptx », rédigé par Aérogestion67, constitue le retour d’Air Caraïbes et Aérogestion sur cette proposition de grille tarifaire. Cinq points sont abordés dans ce document : (i) l’introduction d’un tarif week-end (« Sunday rule »), (ii) les conséquences de ce tarif week-end, (iii) le tarif de la gamme tarifaire FFLEX, (iv) les conditions de la gamme tarifaire THE BEST et (v) l’APEX à 60 jours.
72. Un autre document intitulé « Retour de candidature 2017 »68 contient la réponse d’Air Antilles aux commentaires d’Aérogestion et Air Caraïbes.
73. Le 24 août 2017, Air Antilles a envoyé à Air Caraïbes une nouvelle grille tarifaire intitulée « Tarifs FDF SFG SLU SDQ au 11092017 v1.pdf »69 apportant des modifications en réponse à certains commentaires du document « Commentaire EB.pptx ».
74. Début septembre 2017, Air Antilles a décidé de publier sa nouvelle grille tarifaire et considérait son application primordiale, afin de sortir de la période de guerre tarifaire à laquelle elle estimait se livrer avec Air Caraïbes :
« 1- L’import des nouveaux tarifs le 10 septembre au soir heure de PTP.
C’est la priorité des priorités. Nous sortons d’une guerre tarifaire de 18 mois. Le marché devrait publier ses nouvelles grilles cette semaine pour une émission à compter du 11 septembre. Il devrait suivre la nôtre qui est déjà visible en GDS à partir de cette date et qui doit améliorer notre PMC de 30% par rapport à N-1.
Si on rate cette action, on repart pour plusieurs mois de guerre et de lourdes pertes. En effet s’ils constatent le lundi 11 à la première heure qu’on est moins chers en ZT qu’en GDS et donc moins chers qu’eux, on rompt la confiance et la guerre repart de plus belle »70.
75. Le 12 septembre 2017, par courriel interne ayant pour objet « GRILLES TARIFAIRE 3S », Air Antilles a fait circuler sa grille tarifaire : « [c]i-joint la grille de 3S valide à compter du 13 sept 17 »71.
76. La grille tarifaire, intitulée « TARIFS.xlsx »72, contenait des tarifs identiques aux trois précédentes grilles et des APEX identiques de 3 à 60 jours sur les liaisons en concurrence avec Air Caraïbes. Les seules différences avec la précédente grille tarifaire envoyée le 24 août 2017 à Air Caraïbes concernaient :
− le choix du tarif week-end pour les gammes tarifaires où l’option restait ouverte entre APEX et tarif week-end ;
− l’ajout d’une « farebasis »73 pour sept classes tarifaires ;
− la modification d’un APEX en classe M (28 jours au lieu de 14).
77. Cette nouvelle grille tarifaire ne concernait que les liaisons en concurrence avec Air Caraïbes74.
78. Le 15 septembre 2017, les deux compagnies ont modifié leurs tarifs : « [n]ouveaux tarifs depuis hier en ligne […] Tx a suivi »75.
79. Afin de faire respecter cette nouvelle grille tarifaire, Air Antilles a « fait pression sur Air France pour que cette dernière modifie sa politique tarifaire à la hausse, à travers une demande de renégociation du RSA en vigueur et des menaces de fermeture de certaines classes tarifaires en connexion avec les vols long courrier d’Air France »76. En effet, dès juillet 2017, Air Antilles a cherché à pousser Air France à augmenter ses prix77 et écrivait à cette dernière en novembre :
« Pour être plus clair: je ferme vos classes pour vous contraindre aux apex du point à point car vos grilles n’ont pas évolué, et ils sont très restrictifs (60/45/28/14/7/3), cela a pour effet secondaire de vous fermer drastiquement l’accès pour la connexion long courrier. »78
c) Accord de non-agression et modifications de la grille tarifaire
80. En novembre 2017, Air Caraïbes a contacté Air Antilles pour justifier de la nécessité de mettre en place une promotion tarifaire en raison d’une baisse constatée de la demande (donc d’un taux de remplissage des avions inférieur aux prévisions). Air Caraïbes souhaitait ainsi ne pas prendre Air Antilles au dépourvu tout en lui proposant de mettre en place cette promotion de manière conjointe79.
81. En décembre 2017, Aérogestion a contacté Air Antilles pour modifier la grille tarifaire de septembre afin de la rendre plus restrictive en imposant un séjour maximum de trois jours pour bénéficier du tarif week-end80 :
« Pour info j’ai eu un coup de fil de nos “amis” aujourd’hui (…) Ils veulent encore resserer (sic) la grille […] On va limiter le tarif week end pour qu’il ne soit pas utilisable pour des vacances mais uniquement pour des week end (sic)
- Yess (sic)
- C’est très bien […] C’est fait de notre côté […] Ca devrait être pareil chez eux demain »81 (soulignements ajoutés).
82. Enfin, à la suite de l’ouragan Irma, Air Antilles et Air Caraïbes ont maintenu leur accord de non-agression et ont échangé quant au « tarif compassionnel » à appliquer dans le cadre du « rapatriement humanitaire » et aux entités chargées des secours et de la reconstruction.
83. Concernant le tarif « rapatriement humanitaire », des échanges internes chez Air Caraïbes comme chez Air Antilles témoignent du caractère élevé du tarif proposé82. Air Antilles83 et Air Caraïbes84 affirment qu’elles se sont concertées à la demande des autorités préfectorales. Cette affirmation a été contredite par ces dernières85.
84. S’agissant du tarif pour les entités chargées des secours et de la reconstruction, des messages internes d’Air Antilles témoignent d’échanges avec Air Caraïbes86. Ces discussions, selon les déclarations d’Air Antilles87 et d’Air Caraïbes88, auraient pris place à la suite d’une réunion à la préfecture de Guadeloupe. Celle-ci affirme cependant que l’État n’a procédé qu’à des réquisitions89.
d) Les prix pratiqués par Air Antilles et Air Caraïbes sur les liaisons en concurrence
Les prix pratiqués jusqu’au 30 octobre 2018
85. Un document comparatif intitulé « COMPARATIF MC CC OCT18.xlsx »90, élaboré par Air Caraïbes, concernant les tarifs, les APEX et les conditions relatives aux tarifs week-end d’Air Caraïbes et d’Air Antilles montre qu’au 30 octobre 2018 :
− Air Antilles et Air Caraïbes ont, classe par classe, les mêmes tarifs au centime près (à l’exception d’une classe de tarifs sur la liaison PTP / SDQ qui présente un écart de prix de trois euros et de deux classes de tarifs sur les liaisons FDF / SFG et FDF / SDQ avec deux euros d’écart) ;
− par rapport à la grille tarifaire en vigueur à partir de décembre 2017 (la grille de septembre 2017 modifiée conjointement entre Air Antilles et Air Caraïbes fin décembre 2017)91, des « buy up » ont été mis en place sur toutes les liaisons en concurrence à l’exception de la liaison PTP / FDF (qui a vu ses tarifs diminuer uniformément de 0,27 euro) avec des hausses de :
− 1,36 euro sur la liaison PTP / SFG ;
− 1,18 euro sur la liaison FDF /SFG ;
− 13,13 euros sur la liaison PTP / SDQ ;
− 12,19 euros sur la liaison FDF / SDQ ;
− 0,82 euro sur la liaison FDF / SLU ;
− 0,86 euro sur la liaison PTP / SLU ;
− par rapport à la grille tarifaire en vigueur à partir de fin décembre 2017, les tarifs week-end sont positionnés sur les mêmes classes tarifaires et sont également contraints par des « maximum stay » de trois jours (« 3JRS »), et les APEX à 3/7/14/28/45/60 jours sont toujours présents.
Les prix pratiqués jusqu’au 31 décembre 2019
86. Le graphique suivant présente l’évolution de la moyenne des prix moyens coupons (ci-après « PMC »)92 mensuels d’Air Antilles et d’Air Caraïbes pour toutes les liaisons directes en concurrence : PTP / FDF, PTP / SFG (SXM), PTP / SDQ, FDF / SLU. En ce qui concerne les trois liaisons indirectes (FDF / SFG via PTP, FDF / SDQ via PTP, et PTP / SLU via FDF), les lacunes concernant les données relatives au nombre de sièges offerts ne permettent pas de les inclure dans l’analyse.
87. Après une période de baisse modérée des prix en 2014 et 2015 (baisse de l’ordre de 10 % en deux ans), la période dite de guerre des prix (de mars 2016 à mars 2017) a fait fortement chuter les PMC des deux compagnies, avec, selon les liaisons, des baisses de l’ordre de 20 à 40 % en l’espace de quelques mois. Dès avril 2017 et la reprise des échanges sur les prix, les PMC connaissent une très forte hausse (de 30 à 80 % selon les liaisons) et atteignent des niveaux supérieurs à ceux observés avant mars 2016, voire même supérieurs à ceux de début 2014. Les prix se stabilisent ensuite sur un plateau haut jusqu’à la fin 2019.
5. LES ECHANGES POSTERIEURS A LA PERIODE DITE DE GUERRE TARIFAIRE RELATIFS AU PARTAGE D’OFFRE
88. En parallèle de leur négociation commune sur les tarifs et les autres conditions tarifaires, Air Antilles et Air Caraïbes ont également cherché à négocier un accord de baisse d’offre et de partage de créneaux horaires de vols. Cette négociation a démarré en juin 2017 et l’accord auquel sont parvenues les parties a été pérennisé, grâce à un pacte de non-agression, au moins jusqu’au 31 octobre 2019.
a) Le rapprochement en vue de négocier un accord
89. Des échanges internes à Air Antilles du 16 juin 2017 témoignent de la reprise des négociations entre Air Antilles et Air Caraïbes :
« Bon pour les negos avec tx, il faudrait que tu cadres M.Z. Il part dans tous les sens.
- M.Z n’a qu’une délégation de ma part c de répondre que JE suis prêt à regarder une collaboration.
- Je suis sûr que tu vois où je veux en venir. Pas de précipitation. Il est déjà en train de prévoir les meeting (sic) et une propal
- En effet j’ai donc donné mon accord pour un meeting
- Oui, mais il faut cadrer les choses. […] Attention à ce qui se dit et ce qu’on propose. Il veut déjà proposer un schedule. […] 8 avions. Horaires différenciés, etc.
- ???
- On est concurrent! »94
90. En vue de ce rapprochement et en préparation d’une rencontre avec Air Caraïbes, il ressort d’échanges internes qu’Air Antilles travaillait sur des propositions concrètes permettant de mettre en place un programme de vols commun à Air Antilles et Air Caraïbes95.
91. Une première réunion entre les deux compagnies aériennes a eu lieu le 29 juin 201796 lors de laquelle Air Antilles a proposé de mettre en commun les flottes d’Air Antilles et d’Air Caraïbes sur les liaisons en concurrence afin de dégager un avion de réserve qui permettrait aux deux compagnies d’être présentes sur de nouvelles liaisons inter-îles dans le secteur des liaisons caribéennes internationales97.
92. À la suite de cette réunion, Air Antilles a travaillé sur l’élaboration d’objectifs de remplissage associés à des objectifs de baisse du nombre d’heures de vol, de sièges offerts et de fréquences pour chacune des deux compagnies98. Elle en a déduit que la baisse d’offre envisagée permettrait d’augmenter le PMC en l’absence de toute concurrence agressive, en raison de l’amélioration sensible du taux de remplissage des avions et grâce au « revenue management »99, c’est-à-dire grâce à l’optimisation des recettes rendue possible par la segmentation en différentes classes tarifaires et à la fermeture des classes de tarifs les plus économiques au fur et à mesure du remplissage de chaque vol100.
93. Air Caraïbes et Aérogestion ont également étudié en interne la stratégie à adopter dans le cadre du rapprochement avec Air Antilles101. Un document intitulé « compar pgm TX 3S2.xlsx »102, réalisé par Air Antilles en vue de la prochaine réunion avec Air Caraïbes, qui porte sur les quatre tronçons en concurrence, propose pour chaque tronçon des objectifs de remplissage associés à des objectifs de baisse du nombre d’heures de vol, de sièges offerts et de fréquences.
94. Une nouvelle réunion a eu lieu entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion le 20 juillet 2017 actant une réduction de l’offre de chaque compagnie pour la saison d’hiver 2017/2018 comme indiqué dans le compte-rendu de réunion échangé en interne chez Air Caraïbes ainsi qu’avec Aérogestion103.
« Suite à la réunion de ce jour, il en ressort que nous pouvons avancer sur les problématiques suivantes dans un premier temps :
1/ Coordination et harmonisation programme sur les lignes PTP/FDF et PTP/SFG, ou la surcapacité programme globale base annuelle des deux compagnies seraient équivalente à 1000 HDV sur la première ligne, et 700 HDV sur la deuxième ligne ; chiffrage bien sûr à confirmer de notre côté.
L’idée serait de travailler sur la diminution de l’offre sur les plages horaires journée, en maintenant l’offre matin et soir, en respectant la notion de saisonnalité.
Pour ces deux lignes, on ne vise pas de code share à ce stade.
2/Travailler sur une base de code share et réduction d’offre globale sur PTP/SDQ, ou la surcapacité globale serait de l’ordre de 500 HDV, avec comme objectif maintien de 2 vols TX en BS et 3 vols TX en HS (à valider bien entendu).
3/ Décider comment se répartit la diminution de ces 2200 HDV entre les compagnies et en fonction de quelles critères la répartition s’établit.
4/ Voir comment, sur la base d’un code share, faire évoluer la liaison FDF/SLU pour la passer en quotidien.
5/ Analyser et chiffrer le gain engendré pour TX du à cette limitation de l’offre et à l’augmentation du PMC liée.
Pour ces quatre points, l’objectif est de lancer ces nouveaux programmes pour saison hiver 2017/2018 »104 (soulignements ajoutés).
b) La détermination du programme
95. La réduction des capacités ayant été entérinée, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont ensuite, en interne et dans le cadre de réunions, déterminé un programme de réduction et partage de l’offre sur les différentes liaisons.
96. Une première réunion en ce sens a eu lieu le 2 août 2017 entre Air Antilles et Air Caraïbes105. Air Antilles a préparé cette réunion en amont et prévoyait initialement une baisse de capacité de 15 % et une augmentation du PMC d’environ 6 % sur les lignes en concurrence avec Air Caraïbes106. Sur cette base, Air Antilles a préparé un programme intitulé « programme TX-3S.xlsx »107, lequel comprend sept avions soit l’intégralité des flottes d’Air Caraïbes (trois ATR 72) et d’Air Antilles (trois ATR 42 et un ATR 72108) sur les liaisons en concurrence. Des modifications ont été apportées à ce programme à la suite de la réunion du 2 août 2017, comme en témoignent des échanges internes d’Air Antilles109.
97. Une deuxième réunion entre Air Antilles et Air Caraïbes a eu lieu le 24 août 2017110. Lors de cette réunion, ont notamment été abordés le programme commun afin de mettre en place une baisse de capacité et de partager les créneaux horaires sur les tronçons en concurrence ainsi que la coordination sur les régulations comme en témoignent les échanges du 22 août 2017 entre les dirigeants d’Air Antilles en préparation de cette réunion :
« Programme, offre, prix […] À partir de la saison hiver Je t’envoie ce soir la propal que j’ai faite […] A mon avis tx voudra plus mais j’ai gardé les arguments pour plus tard […] Ils devaient me faire un retour hier mais je pense qu’ils ne trouvent pas mieux […] On fait voler 4ATR sur le réseau commun, TX en fait voler 2,25 […] -15% d’offre chacun (…) Qualité horaire […] Le[s] horaires nobles sont identiques pour les deux […] Sdq 7/7, 5/7 pour 3s, 7/7 en pointe (…) Slu 7/7 à deux sur des horaires comparables […] On partage slu et bgi [principal aéroport de la Barbade] pour la connexion […] Mais pas le reste
- Pas sdq?
- A voir […] Pour le moment non […] Le but c’est pas qu’ils continuent sdq […] On leur montre l’intérêt sur le reste et les fait arreter sdq […] M.E n’a aucun scrupule à arrêter […] Je pense qu’il n’en veut plus […] Il l’a répété plusieurs fois à M.Z quand on était chez eux.
- […]
- Voilà […] Pour la partie régulations […] Il faudra trouver une méthode (…) Un volume fixe d’échange […] Pas de cash out […] Un échange de 300h/an […] Ou autre […] Au delà de ce volume on arrête […] Le 28 on aura pas tout finalisé […] Mais le programme et les principes doivent l’être »111 (soulignements ajoutés).
98. La proposition de programme, intitulée « Programme TX-3S v120817.pdf »112, envoyée par Air Antilles à Air Caraïbes préalablement à la réunion du 24 août 2017, a également été transférée en interne chez Air Antilles113. Ces échanges s’inscrivent de nouveau dans la stratégie de dissimulation détaillée aux paragraphes 37 à 43 par l’usage de l’adresse électronique [email protected] et du sigle CV utilisé en objet du courriel.
99. Cette proposition de programme contient deux planches de programmes de vols en période basse (« low ») et en période de base (« medium ») concernant les sept avions d’Air Antilles et d’Air Caraïbes sur les tronçons en concurrence, ainsi qu’un fréquencemètre (les fréquences hebdomadaires de vol) et un bilan global de l’offre en fréquences, en heures de vol et en sièges offerts sur douze mois.
100. Air Caraïbes et Aérogestion ont fait un retour sur cette proposition de programme le 23 août 2017114. Un document intitulé « commentaires CV Pauline Durantel.pdf » contient des commentaires d’Aérogestion ayant trait (i) aux données du tableau « compar pgm TX 3S2.xlsx »115 réalisé par Air Antilles et présenté à Air Caraïbes lors de la réunion du 20 juillet 2017, (ii) à la « coordination sur les régulations », présentée par Air Antilles à l’issue de la réunion du 20 juillet 2017 et (iii) à des « planches programme et les fréquencemètres » faisant référence au document intitulé « Programme TX-3S v120817.pdf »116.
101. Air Antilles a ensuite répondu aux commentaires d’Aérogestion dans un fichier intitulé « Retour de candidature 2017.pdf »117.
102. À la suite de ces échanges, un nouveau document intitulé « Programme TX-3S v240817.pdf »118 a été élaboré. Ce nouveau programme comprend (i) un bilan global de l’offre prévisionnelle en fréquences, heures de vol et sièges offerts avec un fréquencemètre et (ii) des planches programme pour les périodes basses (« low », 20 semaines) et de base (« medium », 14 semaines) ainsi qu’une planche programme pour la période de maintenance des avions (période dite « check C ») de la « compagnie 2 ». Il fait notamment apparaître une offre globale en baisse du nombre de sièges offerts pendant la saison de l’ordre de 3 % (de 1 005 600 à 978 996 sièges).
103. Il ressort d’échanges internes qu’Air Antilles a produit, à la suite de la réunion du 24 août 2017, une nouvelle proposition de programme119, enregistrée sous le titre « Programme TX-3S v260817.pdf »120. Le document contient des objectifs annuels de réduction de capacité pour l’offre globale ainsi que par liaison :
− baisse globale annoncée des fréquences de 14 % pour Air Antilles et Air Caraïbes, même si le programme présenté ne permet d’atteindre qu’une baisse de 12 % par rapport à la base de référence 2017 ;
− baisse globale annoncée des heures de vols de 14 % pour Air Antilles et Air Caraïbes, même si le programme présenté ne permet d’atteindre qu’une baisse de 13 % par rapport à la base de référence 2017 ;
− baisse globale annoncée du nombre de sièges offerts de 14 % pour Air Antilles et Air Caraïbes, même si le programme présenté ne permet d’atteindre qu’une baisse de 12 % par rapport à la base de référence 2017.
104. Dans les trois cas, l’effort est à peu près également réparti entre Air Antilles et Air Caraïbes (à un ou deux points de pourcentage près à chaque fois).
105. Une troisième réunion ayant pour objet « Programme, offre, prix (…) À partir de la saison hiver » a eu lieu le 28 août 2017 entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion121.
106. À la suite de cette réunion, un nouveau programme, intitulé « Programme TX-3S v290817.pdf »122, est venu amender le « Programme TX-3S v260817.pdf » avec des modifications concernant les planches programme mais avec des objectifs de baisse de capacité très similaires.
107. Le 6 septembre 2017, Air Caraïbes a organisé une présentation interne reprenant les éléments en cours de négociation avec Air Antilles123.
108. À la suite d’une réunion du 8 septembre 2017124, Air Antilles a créé une nouvelle version du programme conjoint avec Air Caraïbes, intitulé « Programme Final v11092017.xlsx »125, sous le même format que les versions précédentes avec des planches programmes (comprenant désormais en sus un programme coordonné haute saison - « high ») et un bilan des objectifs de baisse de capacité à atteindre.
109. Une présentation d’Air Antilles, envoyée en interne le 12 septembre 2017, reproduit le tableau de bilan d’offre du « Programme Final v11092017.xlsx »126. La présentation expose les gains à attendre d’une mise en place du « programme structurel », le dispositif de « coordination sur les régulations » en faisant partie. La présentation aborde ensuite la méthode et les résultats de la répartition des créneaux horaires entre Air Antilles et Air Caraïbes127.
110. À titre d’exemple, sur le tronçon PTP / FDF, à l’exception des horaires du matin, le programme permet aux deux compagnies d’occuper à tour de rôle les créneaux les plus rémunérateurs et ainsi d’éviter une concurrence frontale sur une partie des créneaux horaires. Ce « programme structurel » correspond donc à ce qu’Air Caraïbes appelle le « programme cadencé »128, c’est-à-dire un programme où les compagnies se répartissent les créneaux horaires.
111. Pour finir, la présentation aborde les principes directeurs du programme conjoint, dont :
− une « baisse d’activité relative Cie1 vs Cie2 homogène (-x% d’heures de vol) » ;
− une « qualité horaire comparable (autant de fréquences sur les horaires nobles, autant sur les moins bons horaires) » ;
− « [r]enoncer à certains jours de fonctionnement historiquement forts pour une Cie dans le cas de vols rendus quotidiens à deux ».
112. Il ressort d’échanges internes d’Air Antilles qu’Air Caraïbes s’est opposée au programme proposé du fait de l’affectation d’un avion d’Air Antilles sur la liaison PTP / SFG129. Une contreproposition a ensuite émané d’Aérogestion lors d’un entretien ayant eu lieu le 20 septembre 2017130 à la suite duquel Air Antilles et Air Caraïbes ont échangé sur leurs parts d’offres respectives afin de recalculer leurs nombres de sièges offerts131.
113. Des messages internes d’Air Antilles témoignent de négociations en cours avec Air Caraïbes du fait de leur « nouvel avion » qui vient augmenter leur offre et repose la question de l’affection des avions sur les différentes liaisons132. Air Antilles a tenté de maintenir sa position d’une baisse d’offre équivalente en heures de vol, alors qu’Air Caraïbes a souhaité conserver une référence de baisse de capacités en sièges offerts plutôt qu’en heures de vol133.
114. Le 23 septembre 2017, Air Antilles a estimé avoir trouvé une solution et préparé une nouvelle version de programme conjoint134 adressée à Aérogestion et Air Caraïbes le 25 septembre 2017135. Ce nouveau document, intitulé « Programme v240917 », prévoit l’affectation de l’ATR 72 non plus sur la liaison PTP/SFG mais sur la liaison PTP/SDQ136. En outre, les pourcentages de baisse du nombre d’heures de vol prévus pour Air Antilles et Air Caraïbes dans ce programme correspondent aux pourcentages indiqués dans leurs échanges précédents, soit respectivement 17 % et 14 %137.
115. Ce nouveau programme a fait l’objet de discussions lors d’une réunion du 26 septembre 2017 impliquant Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion138. À la suite de cette réunion, Air Antilles a travaillé sur un programme, intitulé « Programme v270917.pdf », qu’elle a mis en ligne139.
116. Le 29 septembre 2017, par courriels ayant pour objet « Confirmation de validation Programme », le programme conjoint prévu pour débuter le 7 novembre 2017 a été validé140. Il s’agit de la nouvelle version du programme intitulée « Programme v290917.pdf »141 comprenant des modifications souhaitées par Air Caraïbes142.
c) Le programme final
117. Le 16 octobre 2017, Air Antilles a diffusé en interne le programme conjoint avec Air Caraïbes143. Ce nouveau programme, le « programme Final V14102017 », est proche du programme précédent du 29 septembre 2017 avec une harmonisation de la réduction de capacité en nombre de sièges offerts à 12 % pour chacune des deux compagnies (contre 13 % pour Air Caraïbes à l’origine).
118. Le document présente un calendrier précis d’application du programme : du 8 novembre 2017 au 7 novembre 2018. Le calendrier détaille les périodes d’application des planches programme « [c]heck », « low », « medium » et « high » :
119. Il ressort également de ce programme qu’Air Caraïbes prévoyait d’amorcer de manière régulière une baisse significative d’offre dès novembre 2017 tandis qu’Air Antilles ne voyait son offre diminuer de manière très importante qu’à partir de février 2018.
d) La mise en oeuvre du programme
120. Air Antilles a travaillé en interne sur la mise en place de ce « programme Final V14102017 » et notamment sur la question de la gestion du personnel navigant, comme en témoignent des échanges internes144.
121. Le 21 octobre 2017, Air Antilles informait Air Caraïbes de la mise en place de ce programme :
« Nous avons déjà bien avancé dans la mise en ligne. Qqles jours étaient déjà néanmoins bien engagés sur les vols qui ne sont plus quotidiens mais qu’on supprime (ex:sdq) avant le 31/12. Je vous propose qu’on partage chacun le volume de legs maintenus quitte à les compenser par la suite. »145
122. Début novembre 2017, Air Antilles s’inquiétait de ce qu’après avoir elle-même « correctement diffusé », Air Caraïbes ne fasse pas de même146. Elle a finalement eu confirmation qu’Air Caraïbes avait bien mis son programme en ligne :
« Tx a parfaitement diffusé son programme …à partir du 27/11 […] Donc on est les seul[s] à baisser l’offre du 20 au 26 inclus »147.
123. Il apparaît donc qu’Air Antilles a diffusé le « Programme Final v14102017 » le 4 novembre 2017, pour une baisse d’offre à partir du 20 novembre 2017, tandis qu’Air Caraïbes a diffusé « parfaitement » le « Programme Final v14102017 » le 14 ou le 15 novembre 2017, pour une baisse d’offre à partir du 27 novembre 2017, soit avec une semaine de décalage dans l’application du programme.
124. Des échanges internes d’Air Antilles confirment cette mise en oeuvre : « [o]n a augmenté le pmc de 50% et réduit l’offre de – 10% »148, « [o]n a commencé la réduction d’offre le 20 novembre »149. De plus, l’agence chargée de réaliser les campagnes de communication d’Air Antilles estimait qu’il était important d’annoncer la nouvelle offre long-courrier entre Paris et Pointe-à-Pitre (en partage de code avec Corsair) afin de rendre plus discrètes la baisse d’offre et la diffusion simultanée du programme conjoint par Air Caraïbes :
« Je pense que le fait d’annoncer Corsair au moment où on reduit l’offre et où les programmes changent simultanément permettra de noyer le poisson. »150
125. En ce qui concerne Air Caraïbes, un compte-rendu de son comité exécutif du 14 novembre 2017 confirme qu’elle a diffusé son nouveau programme autour de cette date151.
126. De même, en ce qui concerne le programme de la saison été 2018, un courriel envoyé par la responsable des programmes d’Air Caraïbes en interne, ainsi qu’aux aéroports concernés, ayant pour objet « PROGRAMME CC-MC ETE 2018 » avec en pièce jointe un document intitulé « PROGRAMME S18.xlsm », confirme non seulement que le programme envoyé est quasi-identique152 au « Programme Final v14102017 », mais encore que sa période d’application débute le 25 mars 2018 (jusqu’au 27 octobre 2018).
127. Par la suite, Air Antilles a souhaité obtenir une modification du programme conjoint avec Air Caraïbes153. Cela ressort notamment d’échanges internes à Air Antilles du 28 décembre 2017 :
« [J]e négocie les quelques modifes ptpfdf, ptpsfg et ptpsdq avec tx Ca il y a des impacts sur l’offre »154.
« Bon, vu le msg de M.Z, il ne maîtrise vraiment pas le pgm...ni actuel, ni les leviers (…) Je te ferai un brief demain matin sur le pgm ce sera plus simple (…) Mais en deux mots tu as deux slides. Le premier c’est le pgm actuel le deuxième c’est la proposition (…) Le fait de sortir le 72 de SDQ a un impact positif sur l’offre 3S, qui ne sera pas accepté par TX, d’où les ajustements que je propose qui à la fois améliorent notre qualité horaire et à la fois permettent de conserver notre part d’offre (…) Le seul transit que je supprime c’est 2x/semaine FDFPTPSDQ qui passe en connexion su[r] le FDFPTP du FDFPTPSFG »155 (soulignements ajoutés).
« Ci-joint le programme revu ce soir et minimisant les impacts sur l’existant et sur la négo à mener avec TX. La variation d’offre 3S est insignifiante sur FDFPTP. »156
128. Ces éléments montrent que, dans la continuité du programme conjoint, Air Antilles a continué à proposer une baisse d’offre identique à celle d’Air Caraïbes en pourcentage du nombre de sièges offerts.
e) Données relatives à l’offre de novembre 2017 à octobre 2018
La baisse d’offre mise en place par Air Caraïbes
129. Air Caraïbes reconnaît :
− avoir mis en place une baisse d’offre importante et pérenne lors de la saison hiver 2017157 ;
− avoir appliqué un programme mi-novembre 2017 quasi-identique au « programme Final v14102017 »158.
130. Conformément aux tableaux ci-dessus, les données transmises par Air Caraïbes et par les aéroports concernés confirment la mise en oeuvre d’une baisse d’offre de 12 % sur l’ensemble des tronçons en concurrence avec Air Antilles, telle que prévue par le « Programme Final v14102017 ».
131. Ces données montrent également qu’Air Caraïbes a respecté, tronçon par tronçon, les pourcentages de baisse d’offre tels que prévus par le « Programme Final v14102017 ». Ainsi, la capacité offerte baisse dès le mois de novembre 2017 sur les deux principaux tronçons (PTP / FDF et PTP / SFG) et, de manière globale, dès le mois de décembre 2017 – et jusqu’au mois d’octobre 2018 – à l’exception du mois de septembre 2018. Néanmoins, en ce qui concerne le mois de septembre 2018, la hausse d’offre constatée sur PTP / SFG était également prévue par le « Programme Final v14102017 ». Ainsi, chaque variation mensuelle de l’offre prévue par le « Programme Final v14102017 » a été respectée.
La baisse d’offre mise en place par Air Antilles
132. Les données relatives au nombre de sièges offerts transmises par Air Antilles à la demande des services d’instruction le 31 juillet 2020 et le 28 juillet 2021 indiquent une baisse d’offre importante à partir de février 2018, et une hausse d’offre parfois très importante sur certaines liaisons en novembre et décembre 2017. Si les hausses concernant le mois de novembre 2017 peuvent s’expliquer par le fait que le « programme Final v14102017 » n’a été diffusé que mi-novembre 2017 avec une date d’application au 20 novembre 2017, les données du mois de décembre 2017 présentent des écarts importants au regard des indices précités.
133. Les services d’instruction ont donc demandé aux aéroports concernés la transmission de leurs données. Or, il apparaît que les données transmises par leurs soins 159 :
− diffèrent parfois jusqu’à plus de 100 % des données transmises par Air Antilles ;
− témoignent d’une baisse d’offre conséquente dès novembre/décembre 2017.
134. Les données mensuelles communiquées par les aéroports confirment la mise en place d’une baisse d’offre progressive, globalement proche de celle prévue par le « Programme Final v14102017 ».
135. Il existe parfois des écarts significatifs au niveau mensuel, consistant généralement en un report de la baisse sur les mois suivants, de sorte que les données les plus pertinentes sont les données annuelles qui permettent de vérifier l’atteinte ou non des objectifs de baisse d’offre à l’issue de la période d’application du « Programme Final v14102017 ».
136. Ainsi, en ce qui concerne l’analyse des variations observées entre la période de référence et la période d’application du « Programme Final v14102017 » :
− sur le tronçon PTP / FDF, Air Antilles a diminué sa capacité par rapport à la période de référence de 11,7 % à 12,3 % selon les aéroports (11,5 % selon Air Antilles), conformément au « Programme Final v14102017 » qui prévoit une baisse annuelle de 11,9 %. Les données communiquées par les aéroports confirment que le rythme mensuel de baisse prévu par le programme final a été respecté sur ce tronçon, qui est le tronçon le plus important (une baisse dès novembre 2017 et plus importante à partir de février 2018) ;
− sur le tronçon PTP / SFG, alors que le « Programme Final v14102017 » affiche un objectif annuel de baisse de 9,4 %, les données transmises par Air Antilles montrent une baisse annuelle par rapport à la période de référence de 6,5 % et celles transmises par l’aéroport de Guadeloupe une baisse de 5,7 %. Les données communiquées par l’aéroport de Guadeloupe confirment la légère baisse prévue par le « Programme Final v14102017 » concernant le mois de décembre 2017. Les données communiquées par Air Antilles, comme celles communiquées par l’aéroport de Guadeloupe, confirment la forte baisse à partir du mois de mars 2018 ;
− sur le tronçon FDF / SLU, alors que le « Programme Final v14102017 » affiche un objectif de baisse de 18,9 %, les données transmises par l’aéroport de Guadeloupe confirment une baisse mais nettement plus faible (- 5,8 %) alors que les données d’Air Antilles indiquent une hausse de capacité de 3,1 %. Au niveau mensuel, les données de l’aéroport, contrairement à celles communiquées par Air Antilles, confirment la mise en place d’une baisse d’offre très importante dès le mois de novembre 2017, telle que prévue par le « Programme Final v14102017 » ;
− sur le tronçon PTP / SDQ, alors que le « Programme Final v14102017 » affiche un objectif de baisse de 19,5 %, les données transmises par Air Antilles comme par l’aéroport de Guadeloupe confirment l’atteinte de l’objectif (- 19,3 % selon Air Antilles et - 17,3 % selon l’aéroport). Les données mensuelles transmises par Air Antilles et l’aéroport montrent que si Air Antilles n’a pas respecté les objectifs importants de baisse d’offre fixés en novembre et décembre 2017, le décalage est néanmoins rattrapé dès les mois suivants.
f) Le respect des parts de marché d’octobre 2018 à octobre 2019
137. Air Caraïbes affirme que les programmes pour les saisons hiver 2018 et été 2019 n’ont subi que très peu de modifications par rapport aux programmes des saisons hiver 2017 et été 2018 : « [l]es programmes hiver 2018 et été 2019, ont été respectivement construits sur la base de ceux des saisons hiver 2017 et été 2018, moyennant quelques réajustements apportés »160, comme le confirme la courte liste des ajustements effectués et les programmes transmis par Air Caraïbes161.
138. En ce qui concerne Air Antilles, tant les projets de programme saisis lors des OVS réalisées en octobre 2021 au domicile de son directeur général délégué que les documents transmis par les aéroports de Pointe-à-Pitre162 et de Fort-de-France163 montrent que les programmes d’Air Antilles postérieurs à octobre 2018 font toujours référence au programme d’Air Caraïbes et contiennent un bilan d’offre commun sous le même format que le « Programme Final v14102017 », avec notamment l’indication pour la « compagnie 1 » et la « compagnie 2 » des parts de marché (en nombre de sièges offerts) sur chacun des tronçons en concurrence :
139. Le tableau ci-dessus présente la répartition des capacités (en nombre de sièges offerts) entre les « compagnie 1 » et « compagnie 2 » dans les différentes évolutions des programmes communs. Il fait clairement apparaître – à tout le moins en ce qui concerne les deux principales liaisons (PTP/FDF et PTP/SFG qui représentent à elles seules plus de 90 % de l’offre des deux compagnies) que les projets de planches programme pour l’année 2019 respectent globalement les parts de marché (en nombre de sièges offerts) d’Air Antilles et d’Air Caraïbes pour toutes les périodes (« low » (L), « medium » (M) ou « high » (H)), telles que fixées dans le bilan d’offre du « Programme Final v14102017 ».
140. En ce qui concerne le tronçon FDF / SLU (3 % du total de la capacité concernée), si des différences ont pu exister dans certaines propositions, la dernière modification du projet en mars 2019, « schedule 2019 Wo Divi. », respecte au point près les parts de marché fixées dans le « Programme Final v14102017 ».
141. Enfin, en ce qui concerne le tronçon PTP / SDQ, s’il existe des différences entre le « Programme Final v14102017 » et les trois projets de programme postérieurs, celles-ci ne portent que sur une part très faible de l’accord de baisse d’offre et de partage des créneaux et ne remettent pas en cause « l’accord de non agression ». D’une part, ces différences concernent principalement la période haute, donc quelques semaines seulement, sur une route qui ne représente qu’à peine 5 % des sièges offerts sur les lignes concernées. D’autre part, elles sont en faveur d’Air Caraïbes car elles consistent en un retrait d’offre par Air Antilles, ce qui ne contrevient pas au respect d’un « accord de non agression ».
142. Des échanges internes d’Air Antilles mentionnent l’existence d’un « accord de non agression » entre Air Antilles et Air Caraïbes portant à la fois sur l’offre et sur les prix :
« Sans le mentionner, l’accord de non agression qu’on a mis en place avec nos concurrents signifie que le challenge repose sur la qualité du produit, la fiabilité, la notoriété. »167 (soulignement ajouté).
143. Les données collectées auprès d’Air Antilles, d’Air Caraïbes et des aéroports de Guadeloupe et de Martinique168 montrent qu’après avoir diminué leurs capacités entre novembre 2017 et octobre 2018, Air Antilles et Air Caraïbes ont stabilisé leurs offres respectives entre novembre 2018 et octobre 2019. Le taux de variation annuel était, selon les liaisons, compris entre 0 et 5 % pour Air Antilles et entre - 5 % et 3 % pour Air Caraïbes, alors que les années précédentes, ce taux était beaucoup plus élevé (compris entre - 14 % et + 58 % pour Air Antilles et – 17 % et + 20 % pour Air Caraïbes).
144. Compte tenu de la marge d’erreur des données aéroport initialement indiquée par Air Antilles, de 2 %, pour mémoire, le taux de variation d’offre en 2019 est ainsi particulièrement faible.
E. RAPPEL DES GRIEFS NOTIFIES
145. Le 13 mars 2023, les services d’instruction ont notifié les griefs suivants :
1. GRIEF N° 1
« Il est fait grief aux sociétés ci-après:
- la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express (RCS 441 160 355), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Assist Air Cargo (RCS 432 757 003), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Caraïbes Call Center (RCS 479 862 922), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société ESCA Conseils (RCS 498 125 780), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Express Handling Maintenance (RCS 480 027 739), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Guyane Aéroinvest (RCS 441 160 298), pour la période 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure et de société mère de la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express et de Express Handling Maintenance ;
- la société K Finance (RCS 398 244 020), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Assist Air Cargo, Caraïbes Call Center, ESCA Conseils, Guyane Aéroinvest et Compagnie Aérienne Inter Régionale Express ;
- la société Travel Technology Interactive France (RCS 751 750 480), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Travel Technology Interactive (RCS 480 040 880), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Travel Technology Interactive Caraïbes (jusque fin 2017) et Travel Technology Interactive France ;
- la société Eurofinance Travel (RCS 437 971 419), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Travel Technology Interactive, Travel Technology Interactive Caraïbes (jusque fin 2017) et Travel Technology Interactive France ;
- la société Air Caraïbes (RCS 414 800 482), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Groupe Dubreuil Aéro (RCS 513 221 606), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité de société d’auteure et de société mère de la société Air Caraïbes ;
- la société Groupe Dubreuil (RCS 320 651 649), pour la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, en sa qualité de société mère de la société Air Caraïbes et Groupe Dubreuil Aéro ;
- la société Miles Plus (nom commercial Aérogestion) (RCS 505 093 427), pour la période du 29 juin 2017 au 26 septembre 2017, en sa qualité d’auteure ;
d’avoir pris part à une entente anticoncurrentielle dans le secteur du transport aérien de passagers sur les liaisons inter-îles en concurrence entre CAIRE et Air Caraïbes, qui a consisté :
− en la négociation et la mise en place d’un accord de baisse d’offre et de partage des créneaux horaires, incluant un dispositif d’échange de quotas de passagers au prorata des parts d’offre respectives, accord qui vise à limiter la production, à figer les parts de marché d’offre, à éviter une concurrence frontale entre CAIRE et Air Caraïbes et à engendrer une augmentation des prix liée à la baisse d’offre ;
− en l’adoption et au respect d’un accord de non-agression visant à pérenniser dans le temps les acquis permis par l’accord de baisse d’offre et de répartition des créneaux horaires.
Cette pratique a eu pour objet et pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur les différents marchés comprenant les liaisons PTP/FDF ; PTP/SFG ; FDF/SLU ; PTP/SDQ ; PTP/SXM ; PTP/SLU ; FDF/SFG ; FDF/SDQ et FDF/SXM. Elle est prohibée par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE. »
2. GRIEF N° 2
« Il est fait grief aux sociétés ci-après :
- la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express (RCS 441 160 355), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure ;
- la société Assist Air Cargo (RCS 432 757 003), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure ;
- la société Caraïbes Call Center (RCS 479 862 922), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure ;
- la société ESCA Conseils (RCS 498 125 780), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure ;
- la société Express Handling Maintenance (RCS 480 027 739), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure ;
- la société Guyane Aéroinvest (RCS 441 160 298), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure et en sa qualité de société mère de la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express et de la société Express handling Maintenance ;
- la société K Finance (RCS 398 244 020), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Assist Air Cargo, Caraïbes Call Center, ESCA Conseils, Guyane Aéroinvest et Compagnie Aérienne Inter Régionale Express ;
- la société Travel Technology Interactive France (RCS 751 750 480), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure ;
- la société Travel Technology Interactive (RCS 480 040 880), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Travel Technology Interactive Caraïbes (jusque fin 2017) et Travel Technology Interactive France ;
- la société Eurofinance Travel (RCS 437 971 419), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Travel Technology Interactive, Travel Technology Interactive Caraïbes (jusque fin 2017) et Travel Technology Interactive France ;
- la société Air Caraïbes (RCS 414 800 482), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité d’auteure ;
- la société Groupe Dubreuil (RCS 320 651 649), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, en sa qualité de société mère de la société Air Caraïbes ;
- la société Miles Plus (nom commercial Aérogestion) (RCS 505 093 427), pour la période du 8 février 2015 au 16 juin 2015, la société Guyane Aéroinvest ;
d’avoir pris part à une entente anticoncurrentielle dans le secteur du transport aérien de passagers sur les liaisons inter-îles en concurrence entre CAIRE et Air Caraïbes, qui a consisté :
− en des échanges sur les tarifs des billets d’avion et les conditions tarifaires applicables à ces tarifs ;
− et en des engagements concernant les conditions applicables aux tarifs,
ayant pour finalité l’augmentation des prix.
Cette pratique a eu pour objet et pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur les différents marchés comprenant les liaisons PTP/FDF ; PTP/SFG ; FDF/SLU ; PTP/SDQ ; PTP/SXM ; PTP/SLU ; FDF/SFG ; FDF/SDQ et FDF/SXM. Elle est prohibée par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE. »
3. GRIEF N° 3
« Il est fait grief aux sociétés ci-après :
- la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express (RCS 441 160 355), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure ;
- la société Assist Air Cargo (RCS 432 757 003), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure ;
- la société Caraïbes Call Center (RCS 479 862 922), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure ;
- la société ESCA Conseils (RCS 498 125 780), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure ;
- la société Express Handling Maintenance (RCS 480 027 739), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure ;
- la société Guyane Aéroinvest (RCS 441 160 298), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure et de société mère de la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express et de la compagnie Express Handling Maintenance ;
- la société K Finance (RCS 398 244 020), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Assist Air Cargo, Caraïbes Call Center, ESCA Conseils, Guyane Aéroinvest et Compagnie Aérienne Inter Régionale Express ;
- la société Travel Technology Interactive France (RCS 751 750 480), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure ;
- la société Travel Technology Interactive (RCS 480 040 880), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Travel Technology Interactive Caraïbes (jusque fin 2017) et Travel Technology Interactive France ;
- la société Eurofinance Travel (RCS 437 971 419), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Travel Technology Interactive, Travel Technology Interactive Caraïbes (jusque fin 2017) et Travel Technology Interactive France ;
- la société Air Caraïbes (RCS 414 800 482), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité d’auteure ;
- la société Groupe Dubreuil Aéro (RCS 513 221 606), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité de société mère de la société Air Caraïbes ;
- la société Groupe Dubreuil (RCS 320 651 649), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en sa qualité de société mère des sociétés Groupe Dubreuil Aéro et Air Caraïbes ;
- la société Miles Plus (nom commercial Aérogestion) (RCS 505 093 427), pour la période du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016, en raison de sa participation directe ;
d’avoir pris part à une entente anticoncurrentielle dans le secteur du transport aérien de passagers sur les liaisons inter-îles en concurrence entre CAIRE et Air Caraïbes, qui a consisté :
− en des échanges sur les tarifs des billets d’avion et les conditions tarifaires applicables à ces tarifs ;
− et en des engagements concernant les conditions applicables aux tarifs,
ayant pour finalité l’augmentation des prix.
Cette pratique a eu pour objet et pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur les différents marchés constitués par les liaisons PTP/FDF ; PTP/SFG et PTP/SXM ; FDF/SLU ; PTP/SDQ ; PTP/SLU ; FDF/SFG ; FDF/SXM, et FDF/SDQ. Elle est prohibée par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE. »
4. GRIEF N° 4
« Il est fait grief aux sociétés ci-après :
- la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express (RCS 441 160 355), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Assist Air Cargo (RCS 432 757 003), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Caraïbes Call Center (RCS 479 862 922), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société ESCA Conseils (RCS 498 125 780), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Express Handling Maintenance (RCS 480 027 739), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Guyane Aéroinvest (RCS 441 160 298), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Compagnie Aérienne Inter Régionale Express et Express Handling Maintenance ;
- la société K Finance (RCS 398 244 020), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Assist Air Cargo, Caraïbes Call Center, ESCA Conseils, Guyane Aéroinvest et Compagnie Aérienne Inter Régionale Express ;
- la société Travel Technology Interactive France (RCS 751 750 480), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Travel Technology Interactive (RCS 480 040 880), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Travel Technology Interactive Caraïbes (jusque fin 2017) et Travel Technology Interactive France ;
- la société Eurofinance Travel (RCS 437 971 419), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure et de société mère des sociétés Travel Technology Interactive, Travel Technology Interactive Caraïbes (jusque fin 2017) et Travel Technology Interactive France ;
- la société Air Caraïbes (RCS 414 800 482), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure ;
- la société Groupe Dubreuil Aéro (RCS 513 221 606), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité d’auteure et de société mère de la société Air Caraïbes ;
- la société Groupe Dubreuil (RCS 320 651 649), pour la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, en sa qualité de société mère des sociétés Groupe Dubreuil Aéro et Air Caraïbes ;
- la société Miles Plus (nom commercial Aérogestion) (RCS 505 093 427), pour la période du 29 juin 2017 au 21 décembre 2017, en sa qualité d’auteure ;
d’avoir pris part à une entente anticoncurrentielle dans le secteur du transport aérien de passagers sur les liaisons inter-îles en concurrence entre CAIRE et Air Caraïbes, qui a consisté :
– en des accords de fixation des tarifs et des conditions tarifaires associées visant à augmenter et aligner les prix ;
– ainsi qu’en l’adoption et au respect d’un accord de non-agression visant péreniser dans le temps les acquis en termes de niveau de prix et de conditions tarifaires associées, déjà atteints par la mise en place des différents accords tarifaires.
Cette pratique a eu pour objet et pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur les différents marchés constitués par les liaisons PTP/FDF ; PTP/SFG et PTP/SXM ; FDF/SLU ; PTP/SDQ ; PTP/SLU ; FDF/SFG ; FDF/SXM, et FDF/SDQ. Elle est prohibée par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE. »
II. Discussion
A. SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCEDURE DE TRANSACTION
146. Le III de l’article L. 464-2 du code de commerce dispose que « [l]orsqu'une association d’entreprises ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'association d'entreprises s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'entreprise ou l'association d'entreprises donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'association d'entreprises et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction »
147. Air Caraïbes, ainsi que ses sociétés mères, et Aérogestion ont sollicité l’application de ces dispositions auprès de la rapporteure générale adjointe de l’Autorité, qui leur a soumis une proposition de transaction.
148. Par deux procès-verbaux de transaction du 12 juillet 2023, ces mises en cause se sont engagées à ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés.
149. Lors de la séance des 24 et 25 juin 2024, elles ont confirmé leur accord avec les termes de la transaction dont elles ont accepté, en toute connaissance de cause, les conséquences juridiques, notamment une sanction pécuniaire.
B. SUR LE DROIT APPLICABLE
150. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « Cour de justice ») et la communication de la Commission européenne (ci-après la « Commission ») portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE171, trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres : l’existence d’échanges entre États membres portant sur les produits ou les services en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette possible affectation.
151. La circonstance que des ententes ou abus de position dominante ne soient commis que sur le territoire d’un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. À cet égard, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 31 janvier 2012, que les termes « susceptibles d’affecter » énoncés par les articles 101 et 102 du TFUE « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d’un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire »172.
152. S’agissant du troisième élément, la Cour de cassation a jugé, dans ce même arrêt que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause »173.
153. Il est également constant que la notion d’affectation du commerce entre États membres est indépendante de celle de la dimension géographique des marchés définis. Ainsi, la Cour de cassation et la cour d’appel de Paris ont pu reconnaître l’applicabilité du droit de l’Union a des pratiques cantonnées à des marchés ultra-marins compte tenu des activités affectées par ces dernières174.
154. Le paragraphe 52 des lignes directrices précitées se réfère à deux seuils cumulatifs en deçà desquels un accord est présumé, du point de vue de la Commission, ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres :
− la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l’accord n’excède pas 5 % ;
− dans le cas d’accords horizontaux, le chiffre d’affaires annuel moyen réalisé dans l’Union par les entreprises en cause avec les produits concernés par l’accord n’excède pas 40 millions d’euros.
155. En l’espèce, les pratiques concernées sont des ententes horizontales portant sur les prix et les volumes entre concurrents, relatives au transport aérien inter-îles dans la zone des Caraïbes sur des liaisons nationales et internationales. Aussi, tout d’abord, les activités affectées par les pratiques ont, par nature, une composante transfrontalière entre territoires appartenant à des États membres de l’Union. Ensuite, compte tenu des infractions en cause, qui portent sur la fixation des prix et du volume d’offre de vols, les pratiques sont susceptibles d’affecter la structure de la concurrence sur ce type d’activité transfrontalière. Enfin, s’agissant du critère lié au caractère sensible de l’affectation, il convient de noter que, outre le fait que la part de marché et le chiffre d’affaires des entreprises mises en cause dépassent largement les seuils fixés au paragraphe 58 des lignes directrices précitées, il n’existait, à l’époque des pratiques, aucune alternative à l’offre proposée par ces dernières de transport par avion entre la Martinique, la Guadeloupe et l’île de Saint-Martin, tant pour la clientèle loisir que pour la clientèle affaires.
156. Il résulte de ce qui précède, et sans que ce point soit contesté par les entreprises mises en cause, que les pratiques analysées sont susceptibles d’affecter de manière sensible le commerce entre États membres. Elles peuvent donc être examinées au regard, non seulement des dispositions du droit national, notamment de l’article L. 420-1 du code de commerce, mais aussi au regard du droit de l’Union, et notamment de l’article 101 du TFUE.
C. SUR LES MARCHES PERTINENTS
1. RAPPEL DES PRINCIPES
157. Afin de définir le marché de produits ou de services, il convient de rechercher si les produits ou les services en cause sont considérés par les acheteurs « comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de leur usage »175.
158. Dans le même sens, la Commission a rappelé, dans sa communication n° C/2024/1645 du 22 février 2024 sur la définition du marché en cause, que le marché de produits « comprend tous les produits que les clients considèrent comme interchangeables ou substituables à celui ou ceux de la ou des entreprises concernées, en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés, compte tenu des conditions de concurrence et de la structure de la demande et de l’offre sur le marché »176.
159. Le marché géographique, quant à lui, comprend « le territoire sur lequel les entreprises concernées offrent ou demandent des produits en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes pour que les effets du comportement ou de la concentration faisant l’objet de l’enquête puissent être appréciés et qui peut être distingué des autres territoires en particulier en raison des conditions de concurrence sensiblement différentes de celles prévalant sur ces territoires »177.
160. Il ressort de la jurisprudence que l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 101 du TFUE s’impose uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre les États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun178.
161. De même en droit interne, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes horizontales, comme c’est le cas en l’espèce, il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en oeuvre179.
2. APPLICATION DES PRINCIPES
162. En l’espèce, le secteur concerné par les pratiques est celui du transport aérien régulier de passagers sur des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales. Tant Air Caraïbes qu’Air Antilles étaient simultanément actives sur les vols suivants, en liaison directe ou avec escale :
− Pointe-à-Pitre / Fort-de-France (PTP / FDF) ;
− Pointe-à-Pitre / Saint-Martin (PTP / SFG-SXM) ;
− Pointe-à-Pitre / Sainte-Lucie (PTP / SLU) ;
− Pointe-à-Pitre / Saint-Domingue (PTP / SDQ) ;
− Fort-de-France / Saint-Martin (FDF / SFG-SXM) ;
− Fort-de-France / Sainte-Lucie (FDF / SLU) ; et
− Fort-de-France / Saint-Domingue (FDF / SDQ).
163. S’agissant de la définition de marchés dans le secteur du transport aérien régulier de passagers, la pratique décisionnelle européenne en matière de contrôle des concentrations180 définit traditionnellement les marchés du transport aérien de passagers selon deux approches : celle du point de vue des lignes aériennes (du point d’origine au point de destination) et celle du point de vue des aéroports. Selon la première approche, chaque liaison entre un aéroport ou ville de départ et un aéroport ou ville d’arrivée constitue un marché distinct. Selon la seconde, chaque aéroport constitue un marché distinct.
164. S’agissant de l’approche par liaisons aériennes, d’autres segmentations ont été envisagées comme celle en fonction des catégories de passagers (affaires / loisirs), en fonction de la présence d’escales sur le trajet. Enfin, en fonction des points de départ ou d’arrivée, les autorités de concurrence ont pu considérer la substituabilité entre aéroports se situant à proximité.
165. Pour les besoins de la présente décision, les pratiques seront analysées en référence à des marchés définis par liaisons aériennes, correspondant au voyage offert dans les deux sens entre deux aéroports, qu’il y ait une escale ou non, sur lesquelles tant Air Caraïbes que Air Antilles étaient simultanément actives. Les liaisons concernées sont celles citées au paragraphe 162.
D. SUR LE BIEN-FONDE DES GRIEFS NOTIFIES
1. SUR LA QUALIFICATION DES PRATIQUES MISES EN OEUVRE
a) Rappel des principes
L’accord de volontés
166. L’article 101, paragraphe 1, du TFUE interdit comme étant incompatibles avec le marché intérieur tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur.
167. L’article L. 420-1 du code de commerce prohibe les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites entre les entreprises lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.
168. L’existence d’un accord est ainsi établie dès lors que les entreprises ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée181.
169. La jurisprudence européenne et nationale a admis une grande liberté des autorités de concurrence dans le choix des formules retenues pour qualifier une entente.
170. Ainsi, dans son arrêt Asnef-Equifax du 23 novembre 2006, la Cour de justice a rappelé que si l’article 101, paragraphe 1, du TFUE « distingue la notion de « pratique concertée » de celle d’« accords entre entreprises » ou de « décisions d’associations d’entreprises », c’est dans le dessein d’appréhender, sous les interdictions de cette disposition, différentes formes de coordination et de collusion entre entreprises »182.
171. De même, en droit national, la cour d’appel de Paris a admis que, pour qualifier les pratiques, les autorités de concurrence peuvent se référer aux différentes notions d’accords et de pratiques concertées183.
172. S’agissant du standard de preuve général applicable en matière d’ententes horizontales, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice que « [l]’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence »184. Une solution similaire est retenue par les juridictions françaises185.
173. Par ailleurs, si les autorités de concurrence doivent faire état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence d’une infraction, chacune des preuves ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. En effet, les indices ne doivent pas être appréciés isolément, mais dans leur ensemble186.
174. Il convient également de relever que rien n’interdit aux autorités de concurrence de se fonder sur une seule pièce et non sur un faisceau d’indices dès lors que la valeur probante de cette pièce n’est pas douteuse, et que cette dernière atteste de manière certaine de l’existence de l’infraction187.
175. La preuve des accords et pratiques concertées peut donc résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d’instruction, qui peuvent être tirés d’un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant188. Les juridictions nationales ont confirmé la valeur probatoire d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants189.
176. S’agissant du standard de preuve applicable aux éléments documentaires, la cour d’appel de Paris a, à plusieurs reprises, et notamment dans son arrêt Beauté Prestige International du 26 janvier 2012, indiqué : « quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité ; que selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et partant la valeur probante d’un document dépend de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu »190. À cet égard, une grande importance doit être apportée à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits ou par un témoin direct de ces faits191. Il en est de même pour les documents qui ont été établis sans qu’il puisse être pensé qu’ils seraient ultérieurement portés à la connaissance de tiers192.
177. Enfin, il convient de rappeler, en ce qui concerne le standard de preuve de la participation d’une entreprise à une entente horizontale, qu’une entreprise doit s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur leurs politiques commerciales et notamment sur le prix des biens ou des services qu’elles offrent sur le marché.
L’accord de volontés concernant la participation d’un tiers
178. Le Tribunal de l’Union européenne (ci-après le « Tribunal ») a considéré, s’agissant de la responsabilité des entreprises ayant facilité la mise en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles, que « l’interprétation littérale des termes “accords entre entreprises” n’impose pas une interprétation restrictive de la notion d’auteur d’infraction »193. Dès lors, selon le Tribunal, « afin que l’on puisse imputer l’ensemble de l’infraction à une entreprise, il faut, d’une part, que cette entreprise ait contribué, même de façon subordonnée, à la restriction de concurrence en cause et, d’autre part, que la condition subjective tenant à la manifestation de volonté de cette entreprise à cet égard soit remplie »194. Le Tribunal a poursuivi en relevant qu’il doit exister « un lien de causalité suffisamment concret et déterminant entre cette activité et la restriction de la concurrence sur le marché »195.
179. Plus récemment, la Cour de justice a considéré, dans un arrêt AC-Treuhand du 22 octobre 2015, que « rien dans le libellé de cette disposition (Article 81 du Traité) [devenu article 101 du TFUE] n’indique que l’interdiction qui y est énoncée vise uniquement les parties à de tels accords ou pratiques concertées qui sont actives sur les marchés affectés par ceux-ci »196. La Cour a également précisé « [qu’]il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que l’article 81, paragraphe 1, CE [devenu article 101, paragraphe 1, du TFUE] concerne uniquement soit les entreprises actives sur le marché concerné par les restrictions de la concurrence, ou encore sur des marchés situés en amont, en aval ou voisins dudit marché, soit les entreprises qui limitent leur autonomie de comportement sur un marché donné en vertu d’un accord ou d’une pratique concertée »197.
180. Par ailleurs, le Tribunal a jugé que toute entreprise ayant adopté un comportement collusif, y compris les entreprises « non actives sur le marché en cause affecté par la restriction de concurrence, pouvait raisonnablement prévoir que l’interdiction édictée à l’article 81, paragraphe 1, CE [devenu article 101, paragraphe 1, du TFUE] lui était en principe applicable »198. De même, dans l’arrêt AC-Treuhand précité, la Cour de justice a confirmé que la société de conseil AC-Treuhand aurait « dû s’attendre, au besoin après avoir recouru à des conseils éclairés, à ce que son comportement puisse être déclaré incompatible avec les règles de concurrence du droit de l’Union, eu égard, notamment, à la portée large des notions d’“accord” et de “pratique concertée” résultant de la jurisprudence de la Cour »199.
181. Enfin, le Tribunal a considéré qu’il importe peu que l’entreprise ayant facilité la mise en oeuvre de pratiques anticoncurrentielles « ne fût pas formellement et directement partie contractante à l’accord », tout en rappelant qu’« aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE [devenu article 101, paragraphe 1, du TFUE], n’est pas déterminante la question de savoir s’il existe ou non un accord écrit ou autrement explicite entre les entreprises participantes tant que celles-ci se comportent de manière collusive »200.
182. Ainsi, afin d’assurer l’effet utile des articles 101 et 102 du TFUE, le Tribunal a considéré que la notion d’entreprise vise toute entité ayant contribué à la commission de l’infraction, indépendamment de son secteur d’activité habituel et du rôle qu’elle a pu jouer dans les pratiques – auteur ou complice201 –, en relevant notamment que la restriction de la concurrence découlant d’un accord entre entreprises résulte « de la manifestation suffisamment établie d’une volonté concordante entre les entreprises impliquées »202.
La restriction de concurrence par objet
183. L’article 101, paragraphe 1, du TFUE et l’article L. 420-1 du code de commerce prohibent les accords et pratiques concertées entre les entreprises lorsqu’ils ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.
184. Il résulte de ces dispositions que l’objet et l’effet anticoncurrentiels d’une pratique sont des conditions alternatives pour la mise en oeuvre de l’interdiction prévue par celle-ci.
185. Dans ce cadre, la Cour de justice a précisé qu’il convenait d’examiner, en premier lieu, l’objet même de l’accord, et qu’il n’y avait lieu, dans un second temps, d’en examiner les effets que si l’analyse de l’objet de l’accord ne révélait pas un degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence pour caractériser une entente prohibée203.
186. De manière générale, l’appréciation de l’existence d’un degré suffisant de nocivité nécessite d’examiner concrètement et cumulativement la teneur et les objectifs de la disposition restrictive de concurrence, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel elle s’insère204.
187. Il résulte tant de l’article 101 du TFUE que de l’article L. 420-1 du code de commerce que les accords visant à fixer de façon directe ou indirecte les prix de vente et à se répartir des marchés ont en eux-mêmes un objet restrictif de concurrence. À cet égard, la Cour de justice a souligné que « certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité́ à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré́ que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire »205.
188. Ainsi, la Cour de justice a pu considérer qu’il « est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré inutile, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, l’expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 51 et jurisprudence citée) »206. La jurisprudence nationale va dans le même sens207.
189. Dans le même sens, la Cour de justice considère également que « les accords qui visent la répartition des marchés ont un objet restrictif de la concurrence en eux-mêmes et relèvent d’une catégorie d’accords expressément interdite par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un tel objet ne pouvant être justifié au moyen d’une analyse du contexte économique dans lequel le comportement anticoncurrentiel en cause s’inscrit (arrêt Siemens e.a./Commission, C-239/11 P, C-489/11 P et C-498/11 P, EU:C:2013:866, point 218) »208.
190. Enfin, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte209.
b) Application en l’espèce
Sur le bien-fondé du grief n° 1
Sur l’accord de volontés
191. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’une entente sur la baisse d’offre et la répartition de créneaux horaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion, à tout le moins entre le 29 juin 2017 et le 31 octobre 2019.
192. La preuve de cette entente repose sur (i) des conversations instantanées internes à Air Antilles décrivant les échanges physiques, par téléphone ou par courriel avec Air Caraïbes et Aérogestion, (ii) des courriels internes à Air Antilles et Air Caraïbes portant sur l’agenda prévisionnel des réunions ou leurs comptes rendus et (iii) des courriels et leurs pièces jointes, notamment des courriels échangés entre Aérogestion et Air Antilles avec une adresse de courriel anonyme. Ces éléments sont corroborés par de nombreux éléments documentaires et des déclarations d’Air Antilles et Air Caraïbes.
193. Les éléments exposés aux paragraphes 88 à 144 témoignent de l’existence d’un plan commun, dès le 29 juin 2017, visant à réduire les capacités sur l’ensemble des liaisons en concurrence grâce à une répartition des créneaux horaires afin d’assurer une concurrence moins frontale entre les deux compagnies et la diffusion quasi-simultanée d’un programme de vol conjoint (le « Programme Final v14102017 »).
194. Par l’organisation de nombreuses réunions et d’échanges, les parties ont façonné ce programme de juin 2017 à octobre 2017. Air Antilles et Air Caraïbes ont d’abord cherché à mettre en commun leur flotte afin de dégager un avion de réserve. Elles ont ensuite travaillé sur l’élaboration d’objectifs de remplissage associés à des objectifs de baisse du nombre d’heures de vol, de sièges offerts et de fréquences.
195. Après avoir acté une réduction de l’offre de chaque compagnie lors d’une réunion du 20 juillet 2017, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont déterminé, au fil de réunions, un programme conjoint. À la suite d’une réunion du 2 août 2017, les parties ont incorporé à ce dernier un mécanisme appelé « coordination sur les régulations » leur permettant de se transférer, à un coût très bas, les passagers sur des vols peu remplis ou annulés en raison de la baisse d’offre, grâce à un mécanisme de quotas d’échanges de passagers.
196. Ce programme de vol a été finalisé en octobre 2017, a été mis en place à la mi-novembre 2017 grâce à une diffusion quasi-simultanée par Air Antilles et Air Caraïbes et appliqué du 8 novembre 2017 au 7 novembre 2018.
197. L’accord des parties sur ce programme faisait l’objet d’un « accord de non agression » visant à pérenniser dans le temps, au moins jusqu’à fin octobre 2019, le niveau d’offre atteint fin octobre 2018.
198. Les parties ne contestent pas l’accord de volontés.
199. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’accord de volontés entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion visant à réduire les capacités sur les liaisons en concurrence est, en l’espèce, établi, et partant, l’existence d’une entente entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion sur la baisse d’offre et la répartition de créneaux horaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales.
Sur la restriction de concurrence
200. Les pratiques mises en oeuvre ont eu pour objet de diminuer durablement le niveau d’offre d’Air Antilles et Air Caraïbes, proportionnellement à leurs parts d’offre respectives, sur les différents tronçons en concurrence et de répartir l’offre à travers la différenciation des créneaux horaires de vol.
201. La finalité poursuivie par cet accord de baisse d’offre, de répartition des créneaux horaires et de coordination sur les régulations, a été de limiter la concurrence entre Air Antilles et Air Caraïbes, de réduire le nombre de vols, tout en figeant les parts de marché passées de chaque compagnie et d’engendrer une hausse mécanique des prix du fait de la suppression de la concurrence par le niveau d’offre, dès la mise en place de l’accord, c’est-à-dire en novembre 2017.
202. Ces pratiques sont intervenues dans le contexte spécifique des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales, mode de déplacement essentiel dans cette région. De plus, les pratiques ont été mises en oeuvre par les deux seules compagnies aériennes qui opéraient sur les liaisons concernées à l’époque des faits.
203. Un tel comportement contrevient au principe d’autonomie dont les entreprises doivent faire preuve lorsqu’elles sont en concurrence sur un marché. Chaque entreprise doit en effet s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et, notamment, sur les stratégies qu’ils envisagent de mener, notamment à l’égard de leurs clients.
204. Il en résulte que, à travers leurs échanges, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont exprimé la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée, en participant de façon répétée à des réunions et échanges visant à élaborer et mettre en oeuvre un plan de baisse d’offre et à s’accorder sur la répartition de créneaux horaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales. Une telle pratique est constitutive d’un accord anticoncurrentiel au sens des dispositions et principes mentionnés aux paragraphes 167 à 190.
205. Comme rappelé aux paragraphes 187 à 189, il résulte de l’article 101 du TFUE et de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que d’une jurisprudence et d’une pratique décisionnelle constantes, qu’un accord visant à la répartition des marchés constitue une restriction de concurrence par objet. Il n’est dès lors pas nécessaire d’établir l’existence des effets qu’il est à même d’engendrer.
206. Il résulte de ce qui précède que, eu égard à leur nature et à leur finalité, les pratiques en litige, qui comportent un degré de nocivité réel pour la concurrence, présentent le caractère d’un accord ayant un objet anticoncurrentiel.
Sur le bien-fondé du grief n° 2
Sur l’accord de volontés
207. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’une entente sur les prix et conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion, à tout le moins du 8 février 2015 au 16 juin 2015.
208. Il en ressort qu’Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont échangé sur leurs intentions tarifaires futures à partir du 8 février 2015 et ont pris des engagements tarifaires réciproques sur les APEX et delay out en juin 2015, afin de parvenir à une augmentation des prix.
209. CAIRE (Air Antilles) soutient que les éléments de preuve sont insuffisants pour démontrer sa participation à des échanges anticoncurrentiels et a fortiori à un accord de volontés210.
210. Elle reproche à la notification de griefs de se fonder exclusivement sur des échanges internes à Air Antilles sans faire état d’échanges directs entre elle et Air Caraïbes. Elle ajoute que « ces conversations internes sont intervenues de manière totalement erratique », ne couvrant pas les mois d’avril et mai. CAIRE soutient par ailleurs qu’il ne pourrait y avoir eu d’accord de volontés du fait de l’absence de respect par les parties de leurs engagements tarifaires. Enfin, les échanges internes visés par les services d’instruction pourraient être expliqués par des rivalités entre deux salariés d’Air Antilles et par la transparence des marchés sur lesquels Air Antilles et Air Caraïbes opèrent.
211. Ces arguments ne sauraient prospérer.
212. En premier lieu, CAIRE ne saurait se fonder sur le fait que les pièces concernées ne constituent pas des échanges directs entre les entreprises pour contester la force probante desdites pièces. De plus, les pièces en question font toutes état d’échanges entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion et témoignent donc bien d’actes positifs d’échanges d’informations.
213. En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence citée aux paragraphes 172 à 175 qu’il est commun, s’agissant de pratiques menées de manière clandestine et par conséquent peu documentées, que les pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs soient fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Ainsi, la circonstance que les pièces attestant l’accord de volontés entre les parties mises en cause n’émanent que d’échanges internes à Air Antilles est sans incidence sur la preuve de l’accord.
214. En deuxième lieu, s’il est exact que les pièces ne portent pas sur les mois d’avril et mai 2015, les indices recueillis en juin 2015 montrent qu’Air Antilles poursuivait les contacts entrepris les mois précédents avec Air Caraïbes et que ces contacts portaient toujours sur les tarifs et notamment sur les conditions tarifaires octroyées par Air Antilles.
215. Ainsi, et au regard de la jurisprudence citée aux paragraphes 172 à 175, le caractère fragmentaire des pièces ne s’oppose pas à ce qu’une reconstitution du déroulé des pratiques s’établisse par déduction. CAIRE ne saurait donc contester la valeur probante des pièces au seul regard de leur nombre.
216. En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel l’accord n’aurait pas été mis en place, CAIRE se fonde notamment sur un arrêt de la cour d’appel de Paris énonçant que « la seule tentative d’accord anticoncurrentiel non suivie d’effet […] ne saurait caractériser une entente »211. Cette affirmation s’applique au cas particulier où, comme dans cette espèce, aucun comportement consistant pour une entreprise à en rencontrer une autre pour lui proposer une pratique anticoncurrentielle n’a été démontré, quand bien même une ou plusieurs entreprises auraient individuellement émis ce souhait.
217. Au contraire, il est de jurisprudence constante, tant nationale212 qu’européenne, qu’un accord anticoncurrentiel qui n’a pas été mis en place ne constitue pas une tentative d’entente mais une entente anticoncurrentielle si un accord de volontés est établi, caractérisé par la participation à des échanges ou la présence à des réunions dont l’objet était anticoncurrentiel, quand bien même l’accord n’a pas été mis en place, les engagements n’ont pas été tenus ou certaines parties ont échangé des informations erronées.
218. Ainsi, le Tribunal a souligné que « le fait que les prix existants ont simplement été maintenus, et non augmentés, ne plaide nullement contre l’existence d’un accord, pas plus que le fait que les nouveaux prix peuvent ne pas avoir été entièrement respectés »213.
219. Plus encore, la Commission a pu considérer que le fait de ne pas respecter une entente ne remet pas en cause son existence et ajoute que les critiques d’une des parties à l’entente concernant l’absence de respect de l’accord par l’autre sont la preuve que les deux entreprises étaient bien parties à l’accord214.
220. En l’espèce, l’argument de CAIRE tiré du non-respect de l’entente ne saurait caractériser l’absence d’accord de volontés. Il ne s’agissait pas en l’espèce d’une tentative d’entente mais bien d’une entente anticoncurrentielle par laquelle Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont échangé sur les prix et conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales, comme en témoignent les indices évoqués aux paragraphes 47 à 52. La preuve qu’une ou la totalité des parties mises en cause a transmis des informations erronées n’est donc pas de nature à remettre en cause l’accord de volontés et partant le caractère anticoncurrentiel des pratiques.
221. En quatrième lieu, comme rappelé au paragraphe 176, les éléments documentaires bénéficient d’une valeur probante forte dès lors qu’ils sont crédibles. En l’espèce, les éléments retenus par la notification de griefs sont des éléments documentaires portant sur des échanges internes à Air Antilles entre M.X et M.Z, d’une part, et M.X et M.Y, d’autre part. Ces derniers font clairement état d’échanges entre Air Antilles et Air Caraïbes sans que les propos de M.X soient remis en cause par ses interlocuteurs. En tout état de cause, CAIRE ne démontre pas en quoi la prétendue rivalité entre les deux salariés d’Air Antilles ou la transparence des marchés sur lesquels opèrent les deux compagnies remettraient en cause la valeur probante de ces éléments.
222. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’accord de volontés entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion visant à fixer les prix et conditions tarifaires sur les liaisons en concurrence est, en l’espèce, établi, et partant, l’existence d’une entente entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion sur les prix des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales.
Sur la restriction de concurrence
223. Les échanges sur les prix et les conditions tarifaires ainsi que la prise d’engagements réciproques ont eu pour objet de maintenir le niveau moyen des prix fixés par Air Antilles et Air Caraïbes à partir de février 2015 jusqu’en juin 2015 et de limiter voire de supprimer la concurrence par les prix.
224. Ces pratiques sont intervenues dans le contexte spécifique des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales, mode de déplacement essentiel dans cette région. De plus, les pratiques ont été mises en oeuvre par les deux seules compagnies aériennes qui opéraient sur les liaisons concernées à l’époque des faits.
225. Un tel comportement contrevient au principe d’autonomie dont les entreprises doivent faire preuve lorsqu’elles sont en concurrence sur un marché. Chaque entreprise doit en effet s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et, notamment, sur les prix qu’ils ont l’intention de proposer sur le marché, ou encore sur les stratégies qu’ils envisagent de mener, notamment à l’égard de leurs clients.
226. Il en résulte que, à travers leurs échanges, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont exprimé la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée, en participant de façon répétée à des réunions et échanges visant à fixer les tarifs et les conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales. Une telle pratique est constitutive d’un accord au sens des dispositions et principes mentionnés aux paragraphes 166 à 190.
227. Comme rappelé aux paragraphes 187 à 189, il résulte de l’article 101 du TFUE et de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que d’une jurisprudence et d’une pratique décisionnelle constantes, qu’un accord visant à la fixation horizontale des prix constitue une restriction de concurrence par objet. Il n’est dès lors pas nécessaire d’établir l’existence des effets qu’il est à même d’engendrer.
228. Il résulte de ce qui précède que, eu égard à leur nature et à leur finalité, les pratiques en litige, qui comportent un degré de nocivité réel pour la concurrence, présentent le caractère d’un accord ayant un objet anticoncurrentiel.
Sur le bien-fondé du grief n° 3
Sur l’accord de volontés
229. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’une entente sur les prix et les conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion, à tout le moins, du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016.
230. Il en ressort qu’Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont échangé sur leurs intentions tarifaires futures à partir du 26 septembre 2016 et ont pris des engagements tarifaires réciproques concernant la réintroduction des APEX, afin de parvenir à une augmentation des prix.
231. CAIRE soutient que les éléments de preuves sont insuffisants pour démontrer sa participation à des échanges anticoncurrentiels et a fortiori à un accord de volontés215.
232. Elle reproche à la notification de griefs de se fonder exclusivement sur des échanges internes à Air Antilles sans faire état d’échanges directs entre elle et Air Caraïbes. Elle ajoute que les éléments de preuve sont « très limités » ne portant que sur une dizaine de pièces. CAIRE soutient en outre qu’il y a seulement eu tentative d’accord anticoncurrentiel et partant, pas d’accord de volontés. Enfin, elle argue que les échanges internes visés par les services d’instruction pourraient être expliqués par des rumeurs et la transparence des marchés sur lesquels Air Antilles et Air Caraïbes opèrent.
233. Ces arguments ne sauraient prospérer.
234. En premier lieu, comme mentionné aux paragraphes 212 et 213, CAIRE ne saurait se fonder sur fait que les pièces concernées ne constituent pas des échanges directs entre les entreprises pour contester la force probante desdites pièces. De plus, les pièces en question font toutes état d’échanges entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion et témoignent donc bien d’actes positifs d’échanges d’informations.
235. En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence citée aux paragraphes 172 à 175 déjà rappelée qu’il est commun, s’agissant de pratiques menées de manière clandestine et par conséquent peu documentées, que les pièces attestant de manière explicite d’une prise de contact illégitime entre des opérateurs soient fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Ainsi, la circonstance que les pièces attestant de l’accord de volontés entre les parties mises en cause n’émanent que d’échanges internes à Air Antilles est sans incidence sur la preuve de l’accord.
236. En deuxième lieu, au regard de la jurisprudence citée aux paragraphes 172 à 175, le caractère fragmentaire des pièces ne s’oppose pas à ce qu’une reconstitution du déroulé des pratiques s’établisse par déduction. CAIRE ne saurait donc contester la valeur probante des pièces au seul regard de leur nombre.
237. En troisième lieu, CAIRE s’appuie sur trois pièces pour affirmer qu’il n’y aurait pas eu d’accord de volontés entre les parties mais seulement tentative d’accord anticoncurrentiel.
238. Concernant la première pièce, il s’agit d’un courriel interne à Air Caraïbes faisant état de différentes informations stratégiques recueillies à propos d’Air Antilles dans lequel il est affirmé : « [c]oncernant les résultats, sont dans le rouge ...mais toujours décidés à faire la guerre »216. Ce courriel est daté du 11 août 2016 et est, par conséquent, antérieur d’un mois et demi à la date de début des pratiques (le 26 septembre 2016). Par conséquent, cette pièce n’indique en aucun cas qu’il était impossible qu’Air Antilles et Air Caraïbes décident de s’entendre sur les tarifs fin septembre 2016. En tout état de cause, CAIRE soutient dans ses écritures qu’il était nécessaire pour les deux compagnies aériennes de s’entendre sur les prix afin de mettre fin à la guerre tarifaire qui concerne la période visée217, ce qui est contradictoire avec son affirmation selon laquelle aucun accord de volontés n’aurait pu avoir lieu du fait de cette guerre tarifaire.
239. Concernant les deux autres pièces citées par Air Antilles, issues d’échanges de SMS entre dirigeants d’Air Antilles, et faisant état d’une « tentative de coordination »218 et de « l’échec de la coordination »219, force est de constater qu’Air Antilles et Air Caraïbes se sont bien rencontrées, chacune présentant des demandes tarifaires et des engagements tarifaires, qui, effectivement, semblent ne pas avoir abouti. Ainsi, au regard de la jurisprudence et la pratique décisionnelle rappelées aux paragraphes 216 à 219, les pratiques reprochées ne correspondent pas à une tentative d’entente mais témoignent bien d’une entente anticoncurrentielle par laquelle Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont échangé sur les prix et conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales, comme le démontrent les indices évoqués aux paragraphes 51 à 59. L’absence de mise en oeuvre effective de l’entente n’est donc pas de nature à remettre en cause l’accord de volontés et partant le caractère anticoncurrentiel des pratiques.
240. En quatrième lieu, comme rappelé au paragraphe 176, les éléments documentaires bénéficient d’une valeur probante forte dès lors qu’ils sont crédibles. En l’espèce, les éléments retenus par la notification de griefs sont des éléments documentaires portant sur des échanges internes à Air Antilles entre M.X et M.Z, d’une part, et M.X et M.Y, d’autre part. Ces derniers font clairement état d’échanges entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion. En tout état de cause, Air Antilles ne démontre pas en quoi la transparence des marchés sur lesquels opèrent les deux compagnies remettrait en cause la valeur probante de ces éléments.
241. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’accord de volontés entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion visant à fixer les prix et conditions tarifaires sur les liaisons en concurrence est, en l’espèce, établi, et partant, l’existence d’une entente entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion sur les prix des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales.
Sur la restriction de concurrence
242. Les échanges sur les prix et les conditions tarifaires ainsi que la prise d’engagements réciproques ont eu pour objet d’augmenter les prix des billets d’avion pour sortir de la période dite de guerre tarifaire à partir de septembre 2016 (et jusqu’en décembre 2016) et de supprimer la concurrence par les prix.
243. Ces pratiques sont intervenues dans le contexte spécifique des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales, mode de déplacement essentiel dans cette région. De plus, les pratiques ont été mises en oeuvre par les deux seules compagnies aériennes qui opéraient sur les liaisons concernées à l’époque des faits.
244. Un tel comportement contrevient au principe d’autonomie dont les entreprises doivent faire preuve lorsqu’elles sont en concurrence sur un marché. Chaque entreprise doit en effet s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et, notamment, sur les prix qu’ils ont l’intention de proposer sur le marché, ou encore sur les stratégies qu’ils envisagent de mener, notamment à l’égard de leurs clients.
245. Il en résulte que, à travers leurs échanges, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont exprimé la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée, en participant de façon répétée à des réunions et échanges visant à fixer les tarifs et les conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales. Une telle pratique est constitutive d’un accord au sens des dispositions et principes mentionnés aux paragraphes 166 à 190.
246. Comme rappelé aux paragraphes 187 à 189, il résulte de l’article 101 du TFUE et de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que d’une jurisprudence et d’une pratique décisionnelle constantes, qu’un accord visant à la fixation horizontale des prix constitue une restriction de concurrence par objet. Il n’est dès lors pas nécessaire d’établir l’existence des effets qu’il est à même d’engendrer. Il résulte de ce qui précède que, eu égard à leur nature et à leur finalité, les pratiques en litige, qui comportent un degré de nocivité réel pour la concurrence, présentent le caractère d’un accord ayant un objet anticoncurrentiel.
Sur le bien-fondé du grief n° 4
Sur l’accord de volontés
247. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’une entente sur la fixation des prix et des conditions applicables aux tarifs des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion, à tout le moins entre le 13 avril 2017 et le 31 décembre 2019.
248. La preuve de cette entente repose sur (i) des conversations instantanées internes à Air Antilles décrivant les échanges physiques, par téléphone ou par courriel avec Air Caraïbes et Aérogestion, (ii) des courriels internes à Air Antilles et Air Caraïbes portant sur l’agenda prévisionnel des réunions ou leurs comptes rendus et (iii) des courriels et leurs pièces jointes, notamment des courriels échangés entre Aérogestion et Air Antilles avec une adresse de courriel anonyme. Ces éléments sont corroborés par de nombreux éléments documentaires et des déclarations d’Air Antilles et Air Caraïbes.
249. Les éléments exposés aux paragraphes 60 à 87 témoignent de l’existence d’un plan commun, dès le 13 avril 2017, visant à fixer les conditions tarifaires ainsi que le niveau des prix des billets d’avion vendus par les deux compagnies aériennes.
250. Dès avril 2017, des rapprochements ont eu lieu entre Air Antilles et Air Caraïbes ayant pour objet la remise en place d’APEX.
251. En juin 2017, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont travaillé conjointement à l’élaboration de paramètres tarifaires clefs (tarif d’entrée de grille tarifaire, augmentation des tarifs de toutes les classes de la grille et nouvel allongement des APEX), dans l’optique de l’adoption commune d’une nouvelle grille tarifaire mise en place au 1er juillet 2017.
252. À partir du 20 juillet 2017, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont à nouveau élaboré en commun une grille tarifaire mise en place mi-septembre 2017, modifiée à nouveau conjointement en décembre 2017, pour la rendre plus restrictive, grâce à la limitation d’application des tarifs week-end.
253. Ces pratiques s’inscrivent dans le cadre d’un « accord de non-agression » dont le volet tarifaire interdit à chacune des deux compagnies d’être moins disante en termes de tarifs que l’autre. Cet accord leur a permis de pérenniser le niveau des prix atteint fin décembre 2017, ainsi que les nouvelles conditions applicables aux tarifs à partir de cette date, au moins jusqu’au 31 décembre 2019.
254. La volonté commune de respecter cet accord s’est manifestée à deux reprises :
− d’abord en septembre 2017, à la suite de l’ouragan Irma sur l’île de Saint-Martin, par des échanges entre Air Antilles et Air Caraïbes donnant lieu à un accord ponctuel et conjoncturel portant sur une déviation de l’accord tarifaire de septembre 2017 ;
− ensuite en novembre 2017, lors d’un échange entre Air Antilles et Air Caraïbes, à l’initiative de cette dernière, afin d’obtenir l’assentiment d’Air Antilles pour la mise en place d’une promotion commerciale, justifiée par un remplissage des avions conjoncturellement trop bas.
255. Les parties ne contestent pas l’accord de volontés.
256. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’accord de volontés entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion visant à augmenter conjointement les prix des billets d’avion sur les liaisons en concurrence est, en l’espèce, établi, et partant, l’existence d’une entente entre Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion sur le niveau des tarifs et les conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales.
Sur la restriction de concurrence
257. Les pratiques mises en oeuvre ont eu pour objet la fixation des tarifs et des conditions tarifaires associées à partir d’avril 2017 jusqu’en décembre 2019 et de supprimer la concurrence par les prix.
258. Ces pratiques sont intervenues dans le contexte spécifique des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales, mode de déplacement essentiel dans cette région. Elles ont par ailleurs été mises en oeuvre dans le cadre d’une situation d’urgence, après le passage de l’ouragan Irma. De plus, les pratiques ont été mises en oeuvre par les deux seules compagnies aériennes qui opéraient sur les liaisons concernées à l’époque des faits.
259. Un tel comportement contrevient au principe d’autonomie dont les entreprises doivent faire preuve lorsqu’elles sont en concurrence sur un marché. Chaque entreprise doit en effet s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et, notamment, sur les prix qu’ils ont l’intention de proposer sur le marché, ou encore sur les stratégies qu’ils envisagent de mener, notamment à l’égard de leurs clients.
260. Il en résulte que, à travers leurs échanges, Air Antilles, Air Caraïbes et Aérogestion ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée, en participant de façon répétée à des réunions et échanges visant à fixer les tarifs et les conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales. Une telle pratique est constitutive d’un accord au sens des dispositions et principes mentionnés aux paragraphes 166 à 190.
261. Comme rappelé aux paragraphes 187 à 189, il résulte de l’article 101 du TFUE et de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que d’une jurisprudence et d’une pratique décisionnelle constantes, qu’un accord visant à la fixation horizontale des prix constitue une restriction de concurrence par objet. Il n’est dès lors pas nécessaire d’établir l’existence des effets qu’il est à même d’engendrer. Il résulte de ce qui précède que, eu égard à leur nature et à leur finalité, les pratiques en litige, qui comportent un degré de nocivité réel pour la concurrence, présentent le caractère d’un accord ayant un objet anticoncurrentiel.
2. SUR L’IDENTIFICATION DES PERSONNES MORALES MISES EN CAUSE EN TANT QU’AUTEURES DES PRATIQUES
262. À titre liminaire, l’Autorité note que la mise en cause en tant qu’auteures des sociétés d’Air Caraïbes, de GDA et de Miles Plus n’est pas contestée. Au demeurant, s’agissant de ces trois sociétés ainsi que de la société CAIRE, leur mise en cause se fonde sur les pièces versées au soutien des griefs notifiés, qui illustrent leur participation aux pratiques. Aussi, s’agissant de ces sociétés, il n’apparaît pas nécessaire d’analyser si leur responsabilité peut être retenue.
263. L’Autorité analysera donc ci-après le bien-fondé de la mise en cause en qualité d’auteures des pratiques des sociétés liées à CAIRE, à savoir, AAC, CCC, ESCA, EHM, GAI, K Finance, TTIF, TTI et Eurofinance Travel, du fait de la participation de M.Y, M.Z, M.X et M.B aux pratiques.
a) Rappel des principes
264. S’agissant de la responsabilité des personnes morales du fait des agissements de personnes physiques, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice que « [l]’application de l’article 101 TFUE suppose non pas une action ou même une connaissance des associés ou des gérants principaux de l’entreprise concernée, mais l’action d’une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l’entreprise »220. Le fait que le comportement de la personne ne réponde pas à un mandat spécifique des gérants de l’entreprise est indifférent221. Aussi, le Tribunal reconnaît que « la présence d’un employé ou d’autres représentants aux réunions anticoncurrentielles est un élément factuel qui permet à la Commission d’établir la responsabilité d’une entreprise pour une infraction à l’article 81 CE » (soulignement ajouté)222.
265. En outre, dans l’affaire H&R ChemPharm, la Cour de justice avait reconnu qu’il « ne saurait être exclu qu’une même personne physique agisse simultanément dans l’intérêt de différentes sociétés impliquées dans une entente »223. La Commission avait ainsi pu condamner plusieurs entités se présentant comme une seule dans le cadre de l’entente du fait de la participation des employés de ces dernières aux réunions anticoncurrentielles. La Cour de justice a retenu que le Tribunal a vérifié « si, compte tenu, en particulier, de la portée du volet principal de l’infraction, à savoir celui qui a été retenu contre cette société, ainsi que des fonctions exercées par M. G. auprès de cette dernière, M. G. [avait] agi spécifiquement dans l’intérêt de celle-ci, dans le cadre de l’entente en cause » (soulignements ajoutés)224.
266. Dans cette espèce, pour retenir la date de début et de fin de l’infraction de chacune des mises en cause au titre de la participation de leur employé à l’entente, le Tribunal avait vérifié à partir de quand « les responsabilités assumées par M. G. lui avaient permis d’influencer, dès cette date, le comportement de cette société sur le marché, conformément aux arrangements anticoncurrentiels en question » (soulignement ajouté)225.
267. Au niveau national, dans la décision n° 19-D-09 sanctionnant la société Akka pour obstruction, l’Autorité a considéré que pouvaient être imputés à cette dernière les agissements d’individus ayant agi de manière isolée dans ses locaux, indépendamment de l’existence d’un contrat de travail ou de l’exercice d’une responsabilité particulière au sein de l’entreprise226. Saisie d’un recours contre cette décision, la cour d’appel de Paris a confirmé, conformément à la jurisprudence européenne, que « l’imputation à une entreprise d’une infraction à l’article L.420-1 du code de commerce ne suppose pas une action ou même une connaissance de cette infraction par les associés ou des gérants principaux de l'entreprise concernée, mais l'action d'une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l’entreprise » (soulignement ajouté)227.
268. Par ailleurs, plusieurs personnes morales peuvent être tenues responsables des agissements d’une seule partie à une entente sur le fondement de la théorie de l’unité économique fonctionnelle désignant une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé228, qui est appréciée au regard de l’objet de l’accord en cause229. Dans son arrêt Sumal du 6 octobre 2021, la Cour de justice a considéré que la responsabilité d’une société filiale pouvait être mise en oeuvre pour les agissements d’une société mère eu égard (i) aux liens économiques, organisationnels et juridiques et (ii) à l’existence d’un lien concret entre l’activité économique de cette société filiale et l’objet de l’infraction dont la société mère a été tenue responsable230.
269. Dans son arrêt Akka précité, la cour d’appel de Paris a, quant à elle, rappelé que le principe d’unité économique « ne saurait permettre d’imputer le comportement d’une des filiales à toutes les autres, sans justifier en quoi ces dernières ont déterminé ce comportement. La notion d’unité économique ne saurait en effet conduire à engager la responsabilité des filiales au-delà du principe de responsabilité personnelle sur lequel repose le droit de la concurrence » (soulignement ajouté)231.
b) Application en l’espèce
270. En l’espèce, si l’Autorité note l’existence de liens étroits d’interdépendance entre les sociétés susmentionnées, en particulier entre les sociétés AAC, CCC, ESCA Conseil, EHM, GAI, K Finance, d’une part, et CAIRE, d’autre part, il apparaît que la responsabilité de ces sociétés en qualité d’auteures ne saurait être retenue du fait de la participation de M.Y, M.Z, M.X et M.B aux pratiques.
271. D’une part, ainsi qu’il ressort de la description des paragraphes 32 à 33 ci-avant, ces sociétés ne sont pas actives dans le transport aérien régulier de passagers, CAIRE étant la seule société à exploiter la compagnie aérienne (Air Antilles) en lien direct avec les pratiques.
272. D’autre part, il ne ressort pas davantage des pièces au dossier que les autres membres de l’entente aient perçu la participation de ces personnes physiques comme englobant, dans l’accord anticoncurrentiel, les sociétés autres que CAIRE dans lesquelles les personnes physiques sus-mentionnées avaient un rôle de dirigeant, étaient salariées ou prêtaient des services.
273. Aucun autre élément au dossier ne permettant de démontrer que ces personnes auraient, outre leur participation dans l’intérêt de CAIRE, également agi dans l’intérêt des sociétés AAC, CCC, ESCA, EHM, GAI, K Finance, TTIF, TTI et Eurofinance Travel, il convient de mettre ces dernières hors de cause – en qualité d’auteures – des infractions visées par les griefs n° 1 à n° 4.
3. SUR L’EXEMPTION
a) Rappel des principes
274. Les pratiques prohibées par les articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’une exemption individuelle.
275. Le paragraphe 3 de l’article 101 du TFUE dispose que « les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises, à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :
a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;
b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence ».
276. Le 2° du I de l’article L. 420-4 du code de commerce prévoit que : « ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques […] [d]ont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Ces pratiques qui peuvent consister à organiser, pour les produits agricoles ou d'origine agricole, sous une même marque ou enseigne, les volumes et la qualité de production ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d'un prix de cession commun ne doivent imposer des restrictions à la concurrence, que dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès ».
277. Il résulte de la jurisprudence européenne et interne qu’il incombe à celui qui se prévaut des dispositions en question de démontrer, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que les conditions requises pour bénéficier d’une exemption sont réunies232.
278. Quatre conditions cumulatives doivent être satisfaites à cette fin : la réalité du progrès économique engendré par les pratiques en cause, le caractère indispensable et adapté des pratiques en cause pour l’obtenir, l’existence d’un bénéfice pour les consommateurs et l’absence d’élimination de toute concurrence233. Chacune de ces quatre conditions doit être remplie pour que le bénéfice d’une exemption individuelle soit accordé234.
279. Par ailleurs, lorsque sont en cause, comme en l’espèce, des pratiques susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, le bénéfice de l’exemption prévue par l’article L. 420-4 du code de commerce ne peut être accordé que pour autant que les conditions prévues par l’article 101, paragraphe 3, du TFUE sont cumulativement réunies.
280. S’agissant des gains d’efficacité, la Commission a retenu que « [l]’argument affirmant que des accords restrictifs sont justifiés parce qu’ils visent à assurer des conditions de concurrence équitables sur le marché est, par nature, dénué de fondement et doit être rejeté. L’article [101] a pour objet la protection efficace de la concurrence en assurant que les marchés restent ouverts et concurrentiels. Il incombe au législateur de défendre des conditions de concurrence équitables conformément aux obligations du droit communautaire et non aux entreprises de pratiquer l’autoréglementation »235.
281. Le Tribunal a pu relever qu’il « n’est pas possible de distinguer la concurrence normale de la concurrence ruineuse. Toute concurrence est potentiellement ruineuse pour les entreprises les moins efficaces. C’est pourquoi en luttant contre ce qu’elles qualifient de concurrence ruineuse, les requérantes aboutissent nécessairement à restreindre la concurrence et donc à priver les consommateurs de ses bénéfices »236. Dans le même sens, la Commission a estimé que « si les sociétés [en situation supposée de concurrence ruineuse] sont susceptibles de subir des pertes comptables prolongées, les clients profitent pour leur part de prix peu élevés »237.
282. La Cour de justice a également précisé que « [p]ar définition, la concurrence par les mérites peut conduire à la disparition du marché ou à la marginalisation des concurrents moins efficaces et donc moins intéressants pour les consommateurs du point de vue notamment des prix, du choix, de la qualité ou de l’innovation »238.
283. En outre, dans sa décision n° 15-D-19 relative à l’affaire des Messageries express, l’Autorité, confirmée sur ce point par la cour d’appel de Paris239, n’a pas admis l’argument selon lequel les entreprises contribueraient au progrès économique en s’entendant sur les prix afin de remédier aux difficultés ou à la situation de crise d’un secteur, retenant ainsi que « [l]e secteur connaissant durablement des surcapacités, le maintien artificiel par le biais d’une entente de l’ensemble des entreprises présentes sur le secteur ne peut être porteur d’un progrès économique. »240.
b) Application en l’espèce
284. CAIRE estime que les pratiques relevées par les services d’instruction au titre des griefs n° 1 et n° 4 devraient faire l’objet d’une exemption en application des articles 101, paragraphe 3, du TFUE et L. 420-4 du code de commerce. Elle estime que la coopération entre les deux compagnies aériennes était nécessaire et proportionnée en ce qu’elle a réservé à leurs clients une part équitable du profit et n’a pas supprimé toute concurrence241.
285. CAIRE avance que les pratiques étaient nécessaires car seule une coopération entre Air Antilles et Air Caraïbes pouvait permettre aux deux compagnies de sortir de la période dite de guerre tarifaire. Les pratiques auraient permis de préserver la concurrence sur les marchés concernés car en l’absence de coopération, cette guerre tarifaire aurait entraîné l’arrêt d’activité de l’une des deux compagnies et partant, la création d’un monopole.
286. Elle considère en effet que le prolongement de la guerre tarifaire aurait provoqué la sortie d’Air Caraïbes du réseau intra-caribéen du fait de pertes opérationnelles qui auraient été supérieures aux pertes supportées en cas de sortie du marché. Air Antilles ayant une activité exclusivement régionale, elle aurait été la seule compagnie à avoir un intérêt à se maintenir sur le marché.
287. CAIRE soutient ensuite que la coopération avec Air Caraïbes était proportionnée car (i) en situation de monopole, Air Antilles aurait été en mesure d’imposer des prix supérieurs à ceux constatés lors des pratiques, (ii) la coopération des deux compagnies n’aurait pas conduit à une baisse de capacité car les taux de remplissage étaient inférieurs au standard du marché et (iii) Air Antilles a vu son positionnement concurrentiel amélioré.
288. Ces arguments ne sauraient prospérer.
289. S’agissant du premier critère, CAIRE soutient que les pratiques auraient permis de maintenir une situation concurrentielle et ainsi d’éviter la création d’un monopole. Pour autant, au regard des principes cités aux paragraphes 280 à 283, un accord visant à maintenir artificiellement un opérateur qui se trouverait dans une situation supposée intenable sur un marché donné ne peut être considéré comme un progrès économique. Ainsi, le maintien artificiel d’Air Antilles ou Air Caraïbes sur un marché caractérisé par des surcapacités, s’il peut être de nature à préserver les gains de ces deux entreprises, ne saurait constituer un progrès économique pour les consommateurs.
290. À la lumière des développements qui précèdent, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres conditions de l’exemption, il convient donc de rejeter les arguments de CAIRE.
291. Les éléments suivants sont, par conséquent, uniquement développés à titre surabondant.
292. S’agissant du deuxième critère, CAIRE n’apporte pas la preuve que seule une entente combinée sur l’offre et sur les prix aurait pu permettre de sortir d’une guerre des prix supposée nocive pour la concurrence en ce que cette guerre était susceptible de conduire à la disparition d’Air Caraïbes sur les liaisons concernées.
293. Il résulte de ce qui précède que CAIRE n’apporte pas la preuve de la nécessité d’une entente pour sortir d’une guerre tarifaire et qu’en tout état de cause, l’entente a duré bien au-delà de la fin de cette guerre tarifaire.
294. S’agissant du troisième critère, CAIRE souligne dans ses observations qu’Air Caraïbes et Air Antilles « proposaient des offres homogènes (i.e. services peu différenciés, programmes similaires si bien que toute hausse de tarifs couplée à une baisse de capacité d’une des deux compagnies aurait conduit à des reports de demande importants »242.
295. Toutefois, des accords qui suppriment le paramètre de concurrence de l’offre (capacités, fréquences et créneaux horaires) et le paramètre de concurrence des prix ne sauraient laisser subsister un véritable espace de concurrence entre les parties. S’agissant des arguments de CAIRE selon lesquels Air Antilles aurait augmenté tant ses parts de marché que ses capacités, elle se fonde sur une période de référence non pertinente à travers des moyennes agrégées, allant de 2014 à 2018, alors que la notification de griefs se fonde sur la période qui précède l’entente.
296. Par conséquent, CAIRE ne démontre à aucun moment que les pratiques ont laissé subsister un espace sensible de concurrence entre elle et Air Caraïbes.
297. S’agissant du quatrième critère, CAIRE se contente d’affirmer, sans le démontrer, qu’en monopole, les prix auraient été beaucoup plus élevés et les capacités réduites. Elle ne fournit en effet aucune analyse de la part du gain qui aurait été laissé au consommateur.
298. Il résulte de ce qui précède que les conditions de l’article 101, paragraphe 3, du TFUE, ne sont pas satisfaites en l’espèce.
4. SUR LA DUREE DE L’INFRACTION
a) Rappel des principes
299. Il ressort de la jurisprudence de l’Union que la durée d’une infraction aux règles de la concurrence est déterminée au regard de la période qui s’est écoulée entre la date de la conclusion de l’accord et la date à laquelle il y a été mis fin243.
300. En l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, doivent être démontrés, « au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises »244.
301. Une infraction continue peut ainsi être caractérisée sur une période donnée sans que soit démontrée l’existence d’actes matériels tout au long de cette période. Cette jurisprudence est reprise par les juridictions nationales qui précisent « qu’une pratique anticoncurrentielle revêt un caractère instantané lorsqu’elle est réalisée en un trait de temps, dès la commission des faits qui la constituent et qu’elle revêt au contraire un caractère continu lorsque l’état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou par la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l’acte initial sans qu’un acte matériel ait nécessairement à la renouveler dans le temps »245. Enfin, la Cour de cassation a, dans un arrêt Farines du 8 novembre 2016, confirmé le raisonnement de la cour d’appel de Paris qui s’était appuyée sur « la persistance de l’objectif commun anticoncurrentiel » pour juger que l’infraction s’était poursuivie pendant plusieurs années, même en l’absence de nouveaux actes matériels246.
b) Application en l’espèce
S’agissant du grief n° 1
302. La notification de griefs considère que les pratiques d’entente relative à la baisse d’offres et à la répartition des marchés, analysées dans le cadre du grief n° 1, ont été mises en oeuvre du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019.
303. CAIRE ne conteste pas sa participation à cette entente du 29 juin 2017 au 11 janvier 2018. Elle estime cependant que la durée des pratiques ne pourrait courir après le 11 janvier 2018, date des OVS ou à défaut, après le 7 novembre 2018247.
304. Elle considère, en premier lieu, qu’aucune pièce ne permettrait d’étendre la durée de l’infraction postérieurement au 11 janvier 2018. D’une part, la notification de griefs ne démontrerait pas l’existence d’un « accord de non agression » car l’utilisation de cette expression par un salarié d’Air Antilles relèverait « de la maladresse et de l’abus de langage ». D’autre part, il ne serait fait état d’aucun échange qui démontrerait l’accord d’Air Caraïbes pour respecter ce pacte de non-agression.
305. Elle ajoute, en second lieu, que la date de fin des pratiques ne pourrait, en tout état de cause, être postérieure au 7 novembre 2018. Elle se fonde sur des échanges internes d’Air Antilles et Air Caraïbes qui démontreraient que le programme de baisse d’offre et de partage des créneaux ne devait être appliqué que lors de la saison hiver 2017/2018248.
306. Ces arguments ne sauraient prospérer.
307. En premier lieu, CAIRE ne démontre pas en quoi la mention d’un « accord de non agression » relèverait d’une « maladresse » ou d’un « abus de langage ». En effet, le salarié d’Air Antilles a décrit précisément les modalités de cet « accord de non agression », indiquant qu’il vise à ne laisser subsister de concurrence que sur « la qualité du produit, la fiabilité, la notoriété »249.
308. En tout état de cause, l’existence de ce pacte de non-agression est étayée par la notification de griefs.
309. Ainsi, dès après la diffusion du programme de vol et de baisse d’offre élaboré en commun avec Air Caraïbes en novembre 2017, il a été démontré au paragraphe 141 qu’Air Antilles ne pouvait plus établir de modifications, même mineures, sans devoir proposer des contreparties à Air Caraïbes.
310. De plus, des pièces saisies lors de l’OVS du 1er octobre 2021, correspondant à des projets de programme pour l’année 2019, montrent que les programmes d’Air Antilles postérieurs à octobre 2018 font toujours référence au programme d’Air Caraïbes et contiennent un bilan d’offre commun sous le même format que le « Programme Final v14102017 », avec notamment l’indication, pour la « compagnie 1 » et la « compagnie 2 », des parts de marché (en nombre de sièges offerts) sur chacun des tronçons en concurrence250.
311. En second lieu, il convient de rejeter l’argument de CAIRE concernant l’absence de faisceau d’indices permettant d’accréditer l’existence d’un accord de volontés noué entre Air Antilles et Air Caraïbes pour respecter jusqu’en 2019 le volet relatif à l’offre de « [l’]accord de non agression ». Il ressort en effet des constatations (paragraphes 121 à 144) qu’Air Caraïbes respectait à la lettre, au moins jusque fin octobre 2019, l’accord constitué par le « programme Final v14102017 », que des documents saisis lors de l’OVS de 2021 font état des efforts d’Air Antilles pour respecter les parts d’offres fixées dans ce programme, que les données de sièges offerts montrent que chacune des deux compagnies a respecté ses engagements jusque fin octobre 2019 et qu’elles s’étaient entendues fin 2017 sur les modalités pratiques de la poursuite du respect de l’accord de non-agression.
312. Des messages internes à Air Antilles font état, le 29 juin 2017, d’une rencontre entre les deux compagnies lors de laquelle elles ont échangé sur un projet de partage d’offre. Il ressort des éléments au dossier qu’Air Antilles et Air Caraïbes ont respecté leur accord de partage d’offre au moins jusqu’au 31 octobre 2019.
313. Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’infraction est établie du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019.
S’agissant du grief n° 2
314. Comme évoqué aux paragraphes 212 et 213, CAIRE ne saurait se fonder sur l’absence de pièce faisant état d’échanges directs entre Air Antilles et Air Caraïbes pour contester l’existence de l’accord en cause pendant toute la durée du grief notifié.
315. Dès le 8 février 2015, des messages internes à Air Antilles font état d’échanges avec Air Caraïbes portant sur la fixation des prix. Le dernier acte anticoncurrentiel au dossier est un rendez-vous le 16 juin 2015 entre les deux compagnies aériennes afin d’échanger sur les prix.
316. L’infraction est donc établie du 8 février 2015 au 16 juin 2015.
S’agissant du grief n° 3
317. Comme évoqué aux paragraphes 234 et 235, CAIRE ne saurait se fonder sur l’absence de pièce faisant état d’échanges directs entre Air Antilles et Air Caraïbes pour contester l’existence de l’accord en cause pendant toute la durée du grief notifié.
318. Dès le 26 septembre 2016, des messages internes à Air Antilles font état d’échanges avec Air Caraïbes portant sur la fixation des prix et notamment la remise en place d’APEX. Le dernier acte anticoncurrentiel établi au dossier est un appel du 20 décembre 2016 entre les deux compagnies aériennes afin d’échanger sur les prix.
319. L’infraction est donc établie du 26 septembre 2016 au 20 décembre 2016.
S’agissant du grief n° 4
320. La notification de griefs considère que les pratiques d’entente sur la fixation des prix et des conditions tarifaires, analysées dans le cadre du grief n° 4, ont été mises en oeuvre du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019.
321. CAIRE ne conteste pas sa participation à cette entente du 29 juin 2017 au 11 janvier 2018. Elle estime cependant que la durée des pratiques ne pourrait courir ni entre le 13 avril 2017 et le 29 juin 2017, ni après le 11 janvier 2018, date des OVS251.
322. S’agissant du point de départ des pratiques, elle relève que le grief n° 4 est notifié comme débutant le 13 avril 2017 alors que le paragraphe 1070 de la notification de griefs indique une autre date, celle du 29 juin 2017, de sorte qu’au regard de cette « incohérence » sans « justification », il conviendrait de retenir la date du 29 juin 2017 comme début des pratiques.
323. Concernant la date de fin des pratiques, CAIRE considère qu’aucune pièce du dossier ne permettrait d’étendre la durée des pratiques au-delà du 11 janvier 2018. Elle soutient que l’existence d’un accord de non-agression n’est pas démontrée, du fait notamment de l’absence d’échanges directs entre Air Antilles et Air Caraïbes à ce sujet. De plus, la notification de griefs ne ferait état d’aucun échange postérieur au 11 janvier 2018. Ainsi, la similitude des grilles tarifaires résulterait non de la poursuite de cet accord mais de la transparence du secteur du transport aérien.
324. Ces arguments ne sauraient prospérer.
325. En premier lieu, s’agissant du point de départ des pratiques, le premier élément de preuve au dossier est un échange interne à Air Antilles du 13 avril 2017 relatant une rencontre entre Air Antilles et Air Caraïbes lors de laquelle ces deux compagnies ont échangé sur la remise en place d’APEX.
326. Cet élément est expressément retenu par la notification de griefs tant dans les constatations que dans la rédaction même du grief. La date du 29 juin 2017, mentionnée par ailleurs dans le corps de la notification de griefs résulte à l’évidence d’une erreur matérielle et ne saurait être retenue comme point de départ de l’infraction.
327. En second lieu, s’agissant des arguments de CAIRE concernant la date de fin des pratiques, comme évoqué aux paragraphes 307 à 310 et contrairement à ce qu’elle avance, la preuve de l’existence de l’accord de non-agression jusqu’au 31 décembre 2019 est parfaitement étayée par la notification de griefs.
328. S’agissant plus spécifiquement du volet tarifaire de cet accord, il a été démontré qu’après l’adoption de la grille tarifaire commune de septembre 2017, il n’était plus possible pour les parties de modifier de manière unilatérale les prix, même à la marge (voir paragraphes 80 à 84), démontrant ainsi le fonctionnement de l’accord de non-agression dans son volet tarifaire.
329. Il apparaît également qu’Air Antilles et Air Caraïbes ont continué à respecter la grille tarifaire, et par conséquent l’accord de non-agression, postérieurement au 11 janvier 2018 (voir les paragraphes 85 à 87). Cela ressort notamment d’une comparaison des prix pratiqués par Air Antilles avec la grille tarifaire d’Air Caraïbes pour l’année 2018. L’identité des prix pratiqués jusqu’au 31 décembre 2019 ressort également d’une comparaison du PMC des deux compagnies aériennes.
330. Enfin, un accord de non-agression, dont les modalités et le modus operandi ont déjà été fixés, ne requiert pas nécessairement des échanges ultérieurs. Contrairement aux affirmations d’Air Antilles, la transparence du marché, au regard de la diffusion publique des prix en temps réel sur des périodes temporelles longues (environ neuf mois), permet aux parties qui peuvent s’appuyer sur la visibilité future des prix, de respecter l’engagement pris antérieurement, soit en ne baissant pas les prix, soit, en cas de hausse, en s’alignant sur les prix du mieux-disant.
331. Au regard de ces éléments, l’infraction est donc établie du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019.
E. SUR L’IMPUTABILITE
1. RAPPEL DES PRINCIPES
332. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles 101 et 102 du TFUE, ainsi que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, se rapportent aux infractions commises par des entreprises. La notion d’entreprise au sens de la jurisprudence de l’Union désigne toute entité qui exerce une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement252. Elle doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales253. C’est cette entité économique qui doit, lorsqu’elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction conformément au principe de responsabilité personnelle254.
333. En droit interne comme en droit de l’Union, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités255.
334. Lorsqu’une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans cette hypothèse, il suffit pour l’autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère. Il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve qui démontrent que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché. Si la présomption n’est pas renversée, l’autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère solidairement responsable du paiement de la sanction infligée à sa filiale256.
335. En outre, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 18 octobre 2017, le fait qu'une entreprise soit une holding non opérationnelle assurant une direction financière, en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe, ne suffit pas à exclure l'exercice d'une influence déterminante sur ses filiales et la non-immixtion de la holding dans les activités de la filiale ne suffit pas à renverser cette présomption257.
336. Si, en revanche, une société mère ne détient pas, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il est nécessaire de vérifier que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et, en particulier, un pouvoir de direction sur celle-ci258. Dans un tel cas, il convient de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents propres aux circonstances de l’espèce, relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à la société mère, afin d’établir si une filiale détermine de façon autonome ou non son comportement sur le marché, tels que les liens capitalistiques, l’identité des dirigeants, l’existence d’un pouvoir de décision de la société mère sur sa filiale, les instructions, directives ou sujétions imposées à la filiale, ou encore la définition de la stratégie commerciale par la société mère259.
337. Enfin, il ressort d’une jurisprudence constante que tant que la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a mis en oeuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit en être tenue responsable260.
2. APPLICATION EN L’ESPECE
a) Imputabilité des pratiques d’Air Caraïbes
338. Il ressort du dossier d’instruction261 que le capital d’Air Caraïbes était détenu en totalité ou en quasi-totalité soit par GDA, soit par Groupe Dubreuil et/ou des sociétés détenues à plus de 99 % par Groupe Dubreuil. Par ailleurs, pendant cette même période, GDA était détenue à 100 % par des sociétés présidées ou contrôlées par le président de GDA.
339. Par conséquent, conformément aux principes rappelés ci-dessus, au regard de la détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital d’Air Caraïbes ou, à défaut, des liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent les sociétés Air Caraïbes, GDA et Groupe Dubreuil, il convient de retenir :
− la responsabilité d’Aïr Caraïbes en qualité d’auteure au titre de l’ensemble des griefs notifiés ;
− la responsabilité de GDA en tant que société mère d’Air Caraïbes au titre du grief n° 3 et en qualité d’auteure et de société mère d’Air Caraïbes au titre des griefs n° 1 et n° 4 ;
− la responsabilité de la société Groupe Dubreuil, en qualité de société mère de GDA, au titre des griefs n° 1, 3 et 4, et d’Air Caraïbes au titre des quatre griefs.
b) Imputabilité des pratiques de Miles Plus (Aérogestion)
340. Pendant toute la durée de la période infractionnelle, la société Miles Plus (Aérogestion) était détenue par des personnes physiques. Par conséquent, il y a lieu d’imputer les pratiques mises en oeuvre par Miles Plus à cette seule société.
c) Imputabilité des pratiques de CAIRE
Sur la qualité de société mère de GAI
341. Pendant la période infractionnelle, le capital de CAIRE était détenu à 36,33 % par GAI262, le reste de l’actionnariat étant composé de plusieurs sociétés et personnes physiques263.
342. Au regard du pourcentage de détention de GAI sur CAIRE, la présomption d’influence déterminante ne peut pas être appliquée.
343. K Finance et GAI contestent que cette dernière ait exercé une influence déterminante sur CAIRE dans la mesure où (i) elle ne dispose que d’une participation minoritaire non contrôlante, (ii) les services d’instruction n’auraient pas démontré que GAI pouvait imposer des décisions stratégiques au sein des organes de délibération de CAIRE, notamment par la nomination des administrateurs de la société CAIRE, (iii) l’existence de conventions de trésorerie ne suffirait pas à démontrer que GAI et CAIRE forment un même groupe de sociétés et (iv) les comptes de CAIRE n’étaient pas consolidés au sein de GAI.
344. Néanmoins, l’instruction a permis de réunir un nombre significatif d’éléments qui, pris ensemble, permettent de démontrer l’influence déterminante exercée par GAI sur CAIRE. L’Autorité relève que les constatations de fait reprises ci-après ne sont pas contestées par GAI.
345. En premier lieu, GAI est la société administratrice de CAIRE et le principal actionnaire de CAIRE. En effet, les deux autres principaux actionnaires sont deux sociétés, CAG Yxor et Sodetraguy, détenant chacune 15 % du capital, les autres actionnaires disposant de parts inférieures à 5 % du capital264. Par ailleurs, le siège social de GAI est situé à la même adresse que l’établissement secondaire de CAIRE en Guyane265.
346. En deuxième lieu, GAI et CAIRE avaient, à l’époque des faits, plusieurs dirigeants et salariés en commun. Tout d’abord, M.Y était président de GAI et, ainsi que l’ont indiqué les services d’instruction aux points 90 à 104 de la notification de griefs, plusieurs éléments au dossier démontrent qu’il dirigeait de fait la société CAIRE. Ainsi, M.Y:
− figurait comme administrateur de CAIRE jusqu’en 2021266 ;
− dans le cadre du contentieux contre le déroulement des opérations de visite et saisie, la cour d’appel de Basse-Terre a constaté qu’il disposait d’un bureau au sein des locaux d’Air Antilles dédié à son activité au sein de cette société267 ;
− était impliqué dans la prise de décisions stratégiques et la gestion des affaires courantes de la société268 ;
− se présentait ou était publiquement perçu comme dirigeant de CAIRE269 ;
− a été condamné pour avoir créé la société Air Antilles Express en violation d’une clause de non concurrence signée après la vente d’Air Caraïbes à la société Groupe Dubreuil270 ;
− était (et est toujours) président de la société ESCA Conseil qui présidait les huit filiales de CAIRE propriétaires des avions exploités sous la marque commerciale Air Antilles (chaque société détenant un appareil)271 ;
− a été nommé président-directeur général de CAIRE en juillet 2021272.
347. Ensuite, ainsi qu’il ressort des constatations figurant à l’annexe 6 à la notification de griefs, GAI et CAIRE avaient conclu plusieurs conventions par lesquelles elles mettaient à disposition l’une de l’autre des moyens humains, soit à compétence administrative273 soit de cadres spécialisés dans l’aérien274. S’agissant plus spécifiquement des salariés mis à disposition par GAI, il est intéressant de noter qu’ils correspondent à des postes de cadres et de cadres dirigeants. Ainsi, dans une liste fournie par CAIRE concernant notamment la période 2014 à 2019, il est possible de constater que le directeur général lui-même (par ailleurs aussi directeur des opérations aériennes), la secrétaire générale et le directeur des affaires aériennes de la société CAIRE étaient des salariés de GAI275. D’autres postes clés au sein de la direction opérationnelle276 et la fonction juridique277 étaient également occupés par des salariés de GAI.
348. Il en résulte que l’ensemble des postes clés au sein de CAIRE étaient occupés par des personnes dont le contrat de travail dépendait exclusivement de GAI. Par ailleurs, CAIRE ne pouvait pas fonctionner sur le plan administratif, commercial, opérationnel et juridique sans le soutien de GAI.
349. En troisième lieu, les services d’instruction ont constaté qu’il existait des flux financiers très importants entre les sociétés. D’une part, CAIRE recevait un soutien financier significatif de GAI. Ainsi qu’il ressort des procès-verbaux du conseil d’administration de CAIRE de 2018278 et de conventions transmises pour les années 2017 et 2018279, M.Y a, au nom de GAI, consenti des avances en compte courant bloqué d’un montant allant jusqu’à [confidentiel] au 1er janvier 2019280. D’autre part, [confidentiel]281. Enfin, les services d’instruction ont constaté, aux paragraphes 1 254 et 1 255 de la notification de griefs, qu’il existait une grande flexibilité s’agissant des créances entre les sociétés, notamment en ce qui concerne la rémunération due par CAIRE au titre des nombreux salariés qui ont été mis à sa disposition par GAI282.
350. En quatrième et dernier lieu, K Finance, K Finance Investissement (ci-après « KFI », société absorbée par K Finance en 2018 avec effet rétroactif au 1er janvier 2017283), GAI et CAIRE se considéraient elles-mêmes comme un groupe. En effet, les quatre sociétés avaient signé, en 2014, une convention de trésorerie, en vigueur au moins jusqu’en 2019, dont la motivation était, selon un tableau recensant les différentes conventions : « ces quatre sociétés appartiennent au même groupe et souhaitent optimiser les opérations d’ordre financier de ce groupe »284.
351. Il résulte de l’ensemble de ces considérations que, si, comme l’indique GAI, ces éléments pris isolément ne permettraient pas, à eux seuls, de démontrer l’exercice d’une influence déterminante de GAI sur CAIRE, l’Autorité considère que, pris ensemble, ils permettent de démontrer, conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus au paragraphe 336, que les liens économiques, organisationnels et juridiques entre GAI et CAIRE étaient d’une telle force que CAIRE ne pouvait pas déterminer de façon autonome, sans l’intervention et le soutien de GAI, son comportement sur le marché.
352. Par conséquent, il convient d’imputer les pratiques mises en oeuvre par CAIRE à GAI en qualité de société mère et de retenir sa responsabilité sur ce fondement.
Sur la qualité de société mère de K Finance
353. Il résulte du dossier d’instruction que, pendant la durée des pratiques, le capital de GAI était détenu de la manière suivante :
− de février 2015 à novembre 2017, à [70 – 80 %] par KFI, à [0 – 10 %] par K Finance et à [15 – 20 %] par M.F, président-directeur général de CAIRE et salarié de GAI285 ;
− de novembre 2017 à décembre 2019, à [90 – 100 %] par K Finance.
354. L’Autorité relève que si K Finance conteste pouvoir se voir imputer en qualité de société mère les infractions mises en oeuvre par CAIRE du fait des liens unissant GAI à cette dernière, elle ne conteste pas en revanche sa qualité de société mère de GAI.
355. S’agissant de la période de février 2015 à novembre 2017, la participation de près de [70 – 90 %] des parts détenues par K Finance et KFI n’exclut pas l’application de la présomption capitalistique d’influence déterminante de K Finance sur GAI.
356. En tout état de cause, plusieurs éléments au dossier permettent de considérer qu’une telle influence était effectivement exercée par K Finance. D’une part, le seul actionnaire aux côtés de KFI et K Finance pendant cette période ne disposait pas de minorité de blocage.286 Il était aussi salarié de GAI, et mis à disposition de CAIRE, pour exercer les fonctions de président-directeur général de CAIRE287. Son contrat de travail dépendait donc de GAI, dont le président dirigeait également K Finance. Ainsi, sa capacité à s’opposer aux décisions proposées par K Finance et KFI se serait vu obérée par les liens l’unissant à cette dernière.
357. D’autre part, K Finance (et avant elle, KFI), GAI et CAIRE, la filiale de GAI, disposaient de cadres dirigeants communs, ce qui laisse présumer une gouvernance en commun de l’ensemble de ces sociétés. Ainsi, peuvent être cités M.Y, président des sociétés K Finance (et détenant, à titre personnel 20 % du capital de cette société, voir ci-avant le paragraphe 32) et GAI, ainsi que dirigeant de fait de CAIRE (voir ci-avant le paragraphe 346) et M.F, déjà mentionnés288. À cet égard, comme il a été indiqué au paragraphe 350 ci-avant, ces quatre sociétés se considéraient comme un groupe et étaient également unies par des conventions de trésorerie.
358. S’agissant de la période postérieure à novembre 2017, compte tenu de la part du capital détenue par K Finance, il est possible de présumer, conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, que cette dernière a exercé une influence déterminante sur GAI.
359. Par conséquent, il convient de retenir la responsabilité de K Finance en qualité de société mère de GAI pour les pratiques mises en oeuvre par CAIRE.
360. À la lumière de l’ensemble de ces considérations, il convient de retenir :
− la responsabilité de CAIRE en qualité d’auteure des pratiques au titre de l’ensemble des griefs notifiés ;
− la responsabilité de GAI en qualité de société mère de CAIRE ;
− la responsabilité de K Finance, qui a succédé à KFI à compter du 1er janvier 2017, en qualité de société mère de GAI et de CAIRE.
F. SUR LES SANCTIONS PECUNIAIRES
361. Les dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce et de l’article 5 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002289 habilitent l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
362. Le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la présente espèce, prévoit que « [l]es sanctions pécuniaires sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. ».
363. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante. ».
364. L’Autorité apprécie les critères légaux de calcul des sanctions selon les modalités décrites dans son communiqué du 30 juillet 2021 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après « le communiqué sanctions »), à moins « [qu’]après une analyse globale des circonstances particulières de l’espèce, notamment au regard des caractéristiques des pratiques en cause, de l’activité des parties concernées et du contexte économique et juridique de l’affaire, ou pour des raisons d’intérêt général, [elle ne décide] de s’en écarter, en motivant ce choix »290.
365. Conformément au paragraphe 37 du communiqué de procédure du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction, dont le principe a été repris au paragraphe 5 du communiqué sanctions, les circonstances particulières résultant de la mise en oeuvre, en l’espèce, de la procédure de transaction justifient que les sanctions prononcées à l’égard d’Air Caraïbes et d’Aérogestion ainsi que de leurs sociétés mères ne soient pas motivées par référence à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énoncée dans le communiqué sanctions.
366. L’Autorité appréciera, tout d’abord, la sanction applicable à CAIRE et à ses sociétés mères et déterminera, ensuite, les sanctions applicables à Air Caraïbes et Aérogestion dans le respect des termes des procès-verbaux de transaction.
1. LES SANCTIONS PECUNIAIRES DE CAIRE ET SES SOCIETES MERES
a) Les principes applicables à la détermination de la sanction
Sur l’application du plafond de l’ancien article L. 464-5 du code de commerce
367. Par décision du 2 février 2023, le rapporteur général a décidé, en vertu de l’article L. 463-3 du code de commerce, que la présente affaire serait examinée par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport (voir, ci-avant, le paragraphe 5).
368. La loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (ci-après la « loi DDADUE ») a abrogé l’article L. 464-5 du code de commerce qui prévoyait un plafond de sanction de 750 000 euros pour les entreprises sanctionnées aux termes d’une procédure sans établissement préalable d’un rapport.
369. K Finance, GAI et CAIRE considèrent que, dans la mesure où les pratiques sanctionnées sont toutes antérieures à l’entrée en vigueur de la loi DDADUE, l’abrogation de l’article L. 464-5 du code de commerce n’est pas applicable en l’espèce et, par conséquent, la sanction qui serait, le cas échéant, prononcée à leur encontre ne pourrait dépasser le plafond de 750 000 euros.
370. Elles considèrent que l’application à des pratiques passées de l’abrogation du plafond en cas de procédure sans établissement de rapport préalable constituerait une application rétroactive d’une loi pénale plus sévère, principe à valeur constitutionnelle prévu par l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et par l’article L. 112-1 du code pénal et applicable aux procédures de sanction de pratiques anticoncurrentielles291. Les mises en cause soutiennent que l’Autorité est tenue, conformément à un arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 2010292, de n’appliquer le rehaussement du plafond des sanctions qu’aux pratiques ayant pris fin avant l’entrée en vigueur des dispositions en cause. Elles se réfèrent également à la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence qui avait écarté, pour les affaires dont les faits étaient antérieurs, le relèvement du plafond de 5 à 10 % du chiffre d’affaires qui avait été prévu par la loi n° 2001-420 du 15 mars 2011 (ci-après la « loi NRE »). Enfin, elles mentionnent deux décisions récentes de l’Autorité (les décisions n° 21-D-23 et 23-D-05) qui font, selon elles, une application correcte de ce principe.
371. Ces arguments seront écartés.
372. Premièrement, comme l’a souligné l’Autorité dans ces décisions, la loi DDADUE, en ce qu’elle a abrogé la procédure d’origine et créé une nouvelle procédure à un tour de contradictoire écrit, est une loi de procédure et, comme telle, d’application immédiate. Elle n’a pas procédé à la seule suppression du plafond de 750 000 euros prévu jusqu’alors à l’article L. 464-5 du code de commerce, mais a modifié le régime applicable à la procédure sans établissement préalable d’un rapport en l’instituant comme la procédure de droit commun, la procédure avec établissement préalable d’un rapport devenant l’exception. L’objectif du législateur était, ce faisant, de permettre au rapporteur général d’accélérer les délais des traitements des dossiers293.
373. Deuxièmement, et en tout état de cause, l’abrogation de l’article L. 464-5 du code de commerce ne saurait être considérée comme une loi réprimant plus sévèrement les faits d’espèce. En effet, au moment des faits, le plafond applicable était le plafond de 10 % du chiffre d’affaires prescrit au I de l’article L. 464-2 du code de commerce. Le plafond de 750 000 euros ne serait devenu applicable qu’en cas de décision du rapporteur général d’avoir recours à une procédure simplifiée avant l’entrée en vigueur de la loi DDADUE. Or, en l’espèce, d’une part, une telle décision est une prérogative du seul rapporteur général – aucune entreprise disposant d’un droit à une procédure simplifiée – et, d’autre part, en l’espèce, la décision est intervenue plus de deux ans après la loi.
374. Troisièmement, et pour cette même raison, les parties ne sont pas fondées à se prévaloir de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence intervenues à la suite de la loi NRE, dans lesquelles le Conseil de la concurrence294, validé sur ce point par la cour d’appel de Paris295, avait appliqué le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Contrairement à la loi DDADUE, cette dernière avait, en effet, conduit au relèvement du plafond de 5 % du chiffre d'affaires réalisé en France à 10 % du chiffre d'affaires mondial des sanctions pécuniaires prononcées sur le fondement de l’article L. 464-2 du code de commerce. La loi NRE conduisait donc bien à un relèvement du plafond de la sanction maximale applicable, indépendamment de la procédure finalement suivie par le rapporteur général et les services d’instruction au cours de la phase contradictoire.
375. Quatrièmement, c’est également en vain que les parties mises en cause invoquent une pratique décisionnelle de l’Autorité qui, dans leurs observations, est limitée à la décision n° 21-D-23 du 7 octobre 2021296. L’Autorité a, à la suite de cette décision isolée, et où la sanction prononcée ne s’élevait en tout état de cause qu’à 5 000 euros, spécifié dans plusieurs décisions plus récentes que l’ancien article L. 464-5 du code de commerce ne trouvait plus à s’appliquer quand la notification de griefs était postérieure à la date d’abrogation de cet article297. Dans plusieurs de ces espèces, l’Autorité a prononcé des sanctions dépassant largement le plafond de 750 000 euros298.
376. Cinquièmement, les mises en cause ne sauraient davantage s’appuyer sur la décision n° 23-D-09 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution des jeux de hasard. Dans cette décision, l’Autorité a considéré que, compte tenu de l’antériorité des pratiques mises en oeuvre par un organisme professionnel par rapport à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021299 qui a porté le plafond de sanction applicable aux organismes professionnels d’un montant maximum forfaitaire de 3 millions d’euros à un plafond pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des membres de l’association professionnelle, il convenait d’appliquer le plafond forfaitaire en vigueur au moment de l’infraction. Cette décision se distingue de la présente dans la mesure où, concernant les associations d’entreprises, le législateur a prévu des dispositions transitoires, organisant l’application dans le temps de cette réforme du plafond applicable à ce type d’organismes. Ainsi, l’article 6 de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 prévoit que « [l]es modifications résultant du 1° et des troisième et quatrième alinéas du 4° du XVIII de l'article 2 ne sont pas applicables aux pratiques anticoncurrentielles ayant pris fin avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance. Toutefois, dans les cas où leur application a pour effet de réduire le montant maximal de la sanction encourue par l'association d'entreprises concernée, elles s'appliquent immédiatement aux procédures de sanction en cours. »300. Dans la décision n° 23-D-09, l’Autorité s’est donc bornée à appliquer la loi, à laquelle elle a d’ailleurs fait explicitement référence.
377. Il résulte de tout ce qui précède qu’il n’y a pas lieu d’appliquer dans la présente affaire l’ancien article L. 464-5 du code de commerce, et donc le plafond de 750 000 euros abrogé en 2020.
Sur l’application du communiqué sanctions du 30 juillet 2021
378. CAIRE conteste l’applicabilité du communiqué sanctions du 30 juillet 2021 à des pratiques ayant pris fin avant l’adoption de ce texte et considère que l’ancien communiqué du 16 mai 2011 devrait être appliqué à la présente espèce. À l’appui de ce moyen, CAIRE invoque le principe de non rétroactivité de la loi pénale la plus dure, considérant que le texte de 2021 conduit à un durcissement de la politique répressive de l’Autorité en ce qui concerne (i) le calcul du coefficient de durée de l’infraction ; (ii) la possibilité d’ajouter une somme allant de 15 à 20 % de la valeur des ventes au montant de base de la sanction pour les infractions les plus graves et (iii) la possibilité de prendre en compte les gains illicites retirés de l’infraction dans le montant de la sanction.
379. Ces arguments seront écartés.
380. En premier lieu, il convient de rappeler que l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, précitée, a conduit à la modification de certains critères légaux prévus par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce301. Ainsi, le critère de la durée de l’infraction a été explicitement introduit, tandis que celui relatif à l’importance du dommage à l’économie a été supprimé. En revanche, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires applicable aux entreprises, qui existe depuis la loi NRE précitée, n’a pas été modifié. Dans ces conditions, et les nouveaux critères légaux n’étant pas plus sévères que les anciens, l’article 6 de l’ordonnance a pu prévoir que, contrairement aux changements introduits concernant les organismes professionnels évoqués ci-avant au paragraphe 376, ces modifications sont applicables aux procédures pour lesquelles des griefs ont été notifiés, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, après l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
381. Dans ce contexte, et afin de préciser la façon dont elle exerce son pouvoir de sanction en application des critères prévus par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce tel que modifié par l’ordonnance n° 2021-649, l’Autorité a adopté, le 30 juillet 2021, le communiqué sanctions, en remplacement de l’ancien communiqué du 6 mai 2011, ce dernier étant devenu sans objet du fait de la suppression dans la loi de certains critères dont il explicitait l’application (notamment celui relatif à l’importance du dommage à l’économie). L’Autorité a ainsi logiquement appliqué le nouveau communiqué sanctions aux affaires dans lesquelles les nouveaux critères légaux étaient applicables, à savoir les affaires dans lesquelles les griefs ont été notifiés après l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-649302.
382. En deuxième lieu, il convient de relever que les communiqués sanctions adoptés par l’Autorité, qui revêtent le caractère de lignes directrices303, ne peuvent pas être considérés comme des textes à valeur normative, et donc comme une loi pénale. Ces communiqués se bornent, dans un souci de transparence, à préciser par avance, et sous réserve de l’examen concret des circonstances propres à chaque cas d’espèce, les modalités concrètes selon lesquelles l’Autorité entend faire usage du large pouvoir d’appréciation que lui a confié le législateur pour déterminer, en application des critères prévus au I de l’article L. 464-2 du code de commerce et dans la limite du plafond de 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise, les sanctions qu’elle impose304.
383. Toutefois, la méthode ainsi exposée ne se substitue en aucun cas à l’examen spécifique auquel procède l’Autorité dans chaque affaire, en fonction des circonstances propres à celle-ci et conformément à l’exigence légale d’individualisation. Le montant applicable à chaque espèce donne lieu à une décision spécifique, qui tient compte de l’ensemble des motifs pertinents de la décision concernée et du contexte de l’affaire en cause305.
384. De plus, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne s’oppose pas à ce que l’Autorité adapte sa méthode de calcul de sanction à une évolution législative ou aux besoins de l’application efficace des règles de concurrence306. Ainsi, dans un arrêt du 4 juillet 2019, la cour d’appel de Paris a jugé que :
« [L]e communiqué sanctions, qui vise à accroître la transparence, en faisant connaître par avance la façon concrète dont l’Autorité exerce son pouvoir de sanction, a notamment pour finalité de donner de la prévisibilité aux sanctions encourues par les entreprises et, ainsi, de renforcer leur caractère dissuasif, mais […] il n’instaure aucun montant particulier ou aucune fourchette de sanction.
Or, ainsi que l’ont jugé la Cour de justice, dans son arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, point 228), et le Tribunal de l’Union, dans l’arrêt Archer Daniels Midland/Commission (point 48), les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières.
Il s’ensuit que l’application par l’Autorité, dans la décision attaquée, des règles d’analyse énoncées par le communiqué sanctions ne constitue pas une violation du principe de non- rétroactivité des sanctions punitives et que les moyens sont rejetés. »307
385. Il résulte de ce qui précède que l’application du nouveau communiqué sanctions à la présente espèce est en cohérence avec les dispositions transitoires prévues par l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 et ne saurait constituer une application rétroactive d’une loi pénale plus sévère.
L’application d’une sanction unique
386. Il ressort de la pratique décisionnelle de l’Autorité que, lorsque plusieurs griefs ont été notifiés, l’Autorité peut imposer à chaque entreprise mise en cause plusieurs sanctions correspondant à plusieurs infractions308, en déterminant chacune d’elles en fonction des critères prévus par le code de commerce309.
387. Mais l’Autorité peut aussi infliger, à chaque entreprise mise en cause, une sanction unique correspondant à plusieurs infractions, « eu égard à l’identité ou à la connexité des secteurs ou des marchés en cause, d’une part, et à l’objet général des pratiques, d’autre part » étant donné que cette identité est susceptible d’empêcher « de distinguer les effets potentiels ou réels produits sur le marché par l’une et l’autre [des infractions retenues] ».
388. Ainsi que l’a rappelé la cour d’appel de Paris, il est loisible à l’Autorité de considérer que les circonstances de l’espèce lui permettent de prononcer une seule sanction au titre de plusieurs griefs, sous réserve que cette sanction n’entraîne pas une violation du principe de proportionnalité énoncé à l'article L. 464-2 du code de commerce310. Néanmoins, aucun texte n’oblige l’Autorité à privilégier le prononcé d’une sanction unique311.
389. CAIRE considère que compte tenu du secteur concerné, de la nature, l’objet et de la dimension temporelle des pratiques, une seule et unique sanction devrait être prononcée à son encontre.
390. En l’espèce, l’Autorité considère qu’en application des principes susmentionnés, il convient de prononcer une sanction unique pour les griefs n° 1 et n° 4. L’analyse des griefs révèle en effet plusieurs caractéristiques communes à ces deux griefs qui justifient de prononcer une seule sanction.
391. En effet, ces infractions portent sur les mêmes marchés et concernent des pratiques anticoncurrentielles de même nature et poursuivant le même objectif, à savoir, des ententes horizontales portant sur les principaux paramètres de concurrence que sont les volumes et le prix, en vue d’obérer le jeu de la concurrence entre les deux principaux acteurs présents sur le marché. Par ailleurs, ces griefs, qui concernent les mêmes entreprises, couvrent les mêmes « produits » (à savoir les ventes de billets d’avion sur l’ensemble des liaisons aériennes inter-îles mentionnées au paragraphe 162) et la même période infractionnelle de 2017 à 2019, à l’unique différence que l’infraction visée par le grief n° 4 a débuté quelques mois plus tôt (voir, ci-après le paragraphe 434).
392. En revanche, s’agissant des pratiques reprochées au titre des griefs n° 2 et n° 3, si elles présentent des similitudes certaines, notamment en ce qui concerne les marchés en relation avec l’infraction et la nature de cette dernière, elles portent sur des périodes temporelles distinctes. En effet, elles ont eu lieu chacune pendant des années distinctes (2015 et 2016), sans aucun chevauchement dans le temps.
393. À la lumière de ces éléments, l’Autorité prononcera trois sanctions : une sanction unique pour les infractions visées aux griefs n° 1 et n° 4, une sanction pour l’infraction visée au grief n° 2 et une sanction pour l’infraction visée au grief n° 3.
b) Sur la détermination du montant de base de la sanction
394. Le communiqué sanctions énonce au point 20 que « le montant de base de la sanction est déterminé par une proportion de la valeur des ventes du ou des produit(s) ou service(s) en relation avec l’infraction (1), et est fonction de l’appréciation portée par l’Autorité sur la gravité des faits (2) et de la durée de l’infraction (3). »
395. Seront successivement abordés, (i) la valeur des ventes, (ii) la gravité des pratiques et (iii) la durée des pratiques.
(i) La valeur des ventes
396. Aux termes du point 22 du communiqué sanctions, « la référence prise par l’Autorité est la valeur de l’ensemble des catégories de produits ou de services en relation directe ou indirecte avec l’infraction, vendues par l’entreprise ou l’association d’entreprises concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci, sous réserve du point 25 (…). La qualification de l’infraction ou des infractions effectuée par l’Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services. »
397. Le communiqué sanctions précise au point 24 que dans le cas où une entreprise ne transmet pas les données nécessaires au calcul de la valeur des ventes, l’Autorité peut « être conduite à se déterminer à partir des données dont elle dispose ou qui sont disponibles publiquement, comme le chiffre d’affaires total de l’entreprise, même si ces données sont moins directement en rapport avec l’infraction ou les infractions commises, et sont donc moins favorables à l’intéressée ».
398. Le communiqué indique en outre au point 25 que « [d]ans les cas où elle considère que le dernier exercice comptable complet de participation à l’infraction ne constitue manifestement pas une référence représentative, l’Autorité retient un exercice qu’elle estime plus approprié, ou une moyenne d’exercices, en motivant ce choix ».
399. Dans un arrêt du 19 juillet 2018, la cour d’appel de Paris a considéré que « dès l’instant où une catégorie de produits ou de services est "en relation avec l’infraction", la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. (…) Il n’est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l’infraction pour pouvoir prendre en compte leur vente »312. La Cour de cassation a confirmé cette position dans un arrêt du 22 septembre 2021, précisant que « les ventes en relation avec l’infraction, au sens du communiqué, sont les ventes réalisées sur le marché sur lequel les pratiques en cause (…) ont été établies, affectant ainsi le fonctionnement de la concurrence sur ce marché »313. Cette approche est également celle qu’adopte le juge de l’Union314.
400. En outre, il ressort de la pratique décisionnelle, confirmée par la jurisprudence de la cour d’appel de Paris315, que lorsque l’Autorité décide de prononcer une sanction unique correspondant à plusieurs infractions, elle peut prendre en considération comme assiette du montant de base une seule et même valeur des ventes en relation avec l’ensemble des pratiques en cause.
401. En l’espèce, les services d’instruction ont proposé de retenir comme assiette de la sanction la valeur des ventes de CAIRE sur les liaisons aériennes où les pratiques sont intervenues (voir, pour le descriptif des liaisons, le paragraphe 20).
402. CAIRE considère que la valeur des ventes retenue devrait exclure tout le chiffre d’affaires engendré par la vente de billets vendus par d’autres compagnies aériennes (à savoir, les compagnies marketing) et de billets de classe affaires.
403. Néanmoins, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée ci-avant, la valeur des ventes tend à refléter l’importance économique de l’infraction et le poids relatif des entreprises dans celle-ci et non pas uniquement l’ampleur des activités effectivement affectées par les pratiques. Or, en l’espèce, les infractions visées par les quatre griefs ont concerné l’ensemble des liaisons sur lesquelles les entreprises en cause étaient concurrentes. Par ailleurs, s’agissant du canal de distribution des billets pris en compte, des pratiques de fixation de prix ou de limitation de l’offre ont, par nature, un impact sur la disponibilité des places vendues par des compagnies tierces ainsi que sur le prix auquel ces billets peuvent être vendus par ces dernières. Enfin, s’agissant des catégories de billets concernés, aucun élément au dossier ne permet de considérer que les pratiques étaient limitées aux catégories loisir. En tout état de cause, l’ensemble des catégories de billets vendus par les entreprises mises en cause est susceptible d’avoir été impacté par le type de pratiques visées.
404. Il convient donc de retenir, pour l’ensemble des infractions sanctionnées, la valeur des ventes de CAIRE sur les liaisons en concurrence entre les entreprises concernées par les pratiques. Ainsi, le montant de base de la sanction sera calculé par référence aux valeurs des ventes suivantes :
(ii) la gravité des pratiques
Rappel des principes
405. Aux termes du communiqué sanctions, l’Autorité apprécie la gravité des faits « de façon objective et concrète, au vu de l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce »316. Pour ce faire, l’Autorité peut notamment tenir compte, en fonction de leur pertinence, des éléments énumérés de manière non limitative au point 28 du communiqué sanctions, parmi lesquels figurent la nature de l’infraction en cause et des faits retenus pour la caractériser, la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés, la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause, ou encore les caractéristiques objectives de l’infraction (caractère secret ou non, degré de sophistication, connaissance du caractère infractionnel de la pratique, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d’une législation, etc.).
406. En considération de la gravité des faits ainsi appréciée, le communiqué sanctions prévoit que l’Autorité retient au cas par cas une proportion de la valeur des ventes réalisées comprise entre 0 et 30 %. Il ajoute que pour les restrictions de concurrence les plus graves, et notamment « [l]es ententes horizontales de fixation de prix [et] de répartition de marché », la proportion prise en compte sera généralement située entre 15 et 30 %. L’Autorité peut en outre, à des fins de dissuasion, augmenter le montant précédemment défini d’une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes317.
407. La pratique décisionnelle de l’Autorité318 et celle de la cour d’appel de Paris319 considèrent les ententes horizontales entre concurrents sur un même marché comme les pratiques anticoncurrentielles les plus graves. Il en va de même des juridictions de l’Union, en particulier s’agissant d’entente sur les prix, pratique apparaissant par nature comme une infraction « très grave »320.
408. En droit national, la cour d’appel de Paris a considéré que les difficultés économiques d’un secteur n’enlèvent rien à la gravité des pratiques en cause : « [s]’agissant de la circonstance tenant au fait que la situation de crise et le fonctionnement du secteur (impliquant une double pression sur les prix exercée en aval par la GMS et en amont par les éleveurs et les abatteurs et à l’absence d’indice représentatif) seraient à l’origine des pratiques, il ressort d’une jurisprudence constante qu’elle n’est pas de nature à justifier une infraction intrinsèquement grave (en ce sens notamment CJCE, 20 novembre 2008, Beef industry development society (BIDS), C-209/07) »321.
409. L’Autorité a ainsi eu l’occasion de rappeler que « les éventuelles difficultés du secteur économique concerné par les griefs ne figurent pas parmi les critères à prendre en considération pour la détermination des sanctions figurant au I de l’article L. 464-2 du code de commerce (…). Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation énoncée dans l’arrêt du 29 mars 2011, Manpower France Holding et Manpower France, seules les difficultés rencontrées individuellement par les entreprises peuvent être prises en compte dans le calcul de la sanction »322.
Application en l’espèce
410. CAIRE soutient, pour l’ensemble des pratiques, que celles-ci devraient être regardées comme des « infractions de gravité moindre »323. D’une part, Air Antilles et Air Caraïbes se seraient rapprochées dans un contexte de crise, du fait de la période dite de guerre des prix entraînant des pertes pour les deux compagnies aériennes, pour « optimiser l’offre aux bénéfice des clients ». D’autre part, les pratiques n’auraient pas empêché le développement du transport aérien de passagers inter-îles dans les Caraïbes car Air Antilles a continué d’investir dans l’acquisition d’avions et a conclu des partenariats, comme Caribsky, sous le parrainage d’autorités publiques.
411. Ces arguments ne sauraient prospérer.
412. En premier lieu, comme rappelé aux paragraphes 408 et 409, les difficultés d’un secteur ne sont pas pertinentes aux fins de l’appréciation de la gravité des pratiques.
413. En second lieu, CAIRE ne saurait relativiser la gravité des pratiques du fait qu’elle ait pu, grâce à l’entente sur la baisse d’offre, réduire ses capacités sur les liaisons en concurrence pour les déplacer sur d’autres liaisons inter-îles dans le cadre du projet Caribsky. En effet, les capacités allouées dans ce cadre ne l’ont pas été sur les marchés en cause, de sorte que le déplacement de capacité allégué n’enlève rien à la gravité des pratiques sur les liaisons en concurrence avec Air Caraïbes.
♦ S’agissant des griefs n° 1 et n° 4
414. S’agissant de la nature des pratiques mises en oeuvre, celles consistent en deux ententes entre concurrents directs ayant conduit à la suppression de deux paramètres essentiels de concurrence, d’une part, celui du niveau d’offre et de sa qualité (en ce qui concerne la répartition des créneaux horaires) et, d’autre part, celui du niveau des prix.
415. Ces ententes ont eu pour objet, notamment, de diminuer et figer le nombre des fréquences ainsi que d’augmenter et de figer le niveau des prix.
416. En vertu d’une pratique décisionnelle et d’une jurisprudence constantes rappelées aux paragraphes 406 et 407, de telles pratiques sont considérées comme parmi les plus graves, en ce qu’elles tendent à réduire considérablement l’autonomie des opérateurs concernés et, par conséquent, à porter une atteinte très importante au processus concurrentiel. En l’espèce, les pratiques en cause ont abouti à un « accord de non agression » global visant à ne laisser subsister de concurrence que sur « la qualité du produit, la fiabilité, la notoriété », ce qui a conduit à ne maintenir qu’un espace concurrentiel extrêmement réduit.
417. S’agissant de la situation du secteur en cause, il convient de relever que les ententes ont pris place entre deux concurrents qui disposaient, ensemble, sur les différents marchés considérés, d’une part de marché très importante (environ 92 % en termes de chiffre d’affaires), qui témoigne de l’ampleur des pratiques sur les marchés concernés.
418. En outre, si les liaisons régionales ne bénéficient pas de subventions publiques directes, les investissements dans l’acquisition ou la location d’avions sont éligibles à des dispositifs de réduction ou de déduction d’impôts (voir paragraphe 21), de sorte que l’outil de production du service du transport de passagers bénéficie d’avantages fiscaux de l’État.
419. S’agissant des personnes affectées par ces pratiques, il s’agit, pour une part importante, de la clientèle locale qui voyage pour des raisons familiales, d’affaires ou à des fins d’agrément au sein du territoire français, c’est-à-dire entre la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Martin ou en dehors du territoire français dans la zone caribéenne.
420. Les habitants de Guadeloupe, de Martinique et de Saint-Martin, qui font face à un coût de la vie beaucoup plus élevé qu’en métropole, ne disposent pas d’alternative efficace à l’avion (en termes de temps de transport) ou pas d’alternative en ce qui concerne les voyages entre la Martinique et la Guadeloupe, d’une part, et Saint-Martin, d’autre part, pour ne mentionner que le territoire français affecté. Il s’agit donc, à la fois, d’une clientèle captive et, pour une part d’entre elle, d’une clientèle vulnérable sur le plan monétaire qui subit déjà le phénomène de la vie chère lié au caractère insulaire des Antilles.
421. La baisse du nombre de fréquences et l’augmentation des prix ont également affecté l’attractivité touristique de l’ensemble des territoires concernés mais aussi leur attractivité économique dans la mesure où les ententes mises en oeuvre ont contribué à raréfier l’offre et augmenter les prix, également pour les passagers en voyage d’affaires.
422. Les pratiques d’entente sur les prix, qui se sont poursuivies lors de la survenue de l’Ouragan Irma en septembre 2017, témoignent d’un degré de gravité fort dans la mesure où il s’agissait d’une clientèle captive qui faisait face à une urgence humanitaire, c’est-à-dire qui ne pouvait ni différer ni renoncer au voyage et qui ne disposait pas d’alternative de transport.
423. Concernant par ailleurs les caractéristiques objectives des infractions, il convient tout d’abord de relever la parfaite connaissance du caractère infractionnel des pratiques par les entreprises en cause324, et également leur parfaite conscience de l’absence de concurrent sérieux pouvant entraver leur plan commun, au regard de leur position de duopole sur les marchés en cause.
424. Il convient en outre de relever le caractère secret des pratiques, ainsi que le degré de sophistication élevé dans la dissimulation des échanges, marqué notamment par l’utilisation d’adresses électroniques anonymes et de noms de code325, par le recours à deux intermédiaires, Aérogestion durant la phase de négociation et de mise en place des pratiques, puis M.X en tant que salarié dissimulé d’Air Antilles, exerçant essentiellement en métropole, durant la phase de pérennisation des acquis des ententes à travers le respect de l’« accord de non agression ».
425. Il convient enfin de relever la mise en place de mesures de représailles afin de contraindre Air France à augmenter ses prix (voir le paragraphe 79).
426. Au regard de ce qui précède, les infractions reprochées aux entreprises mises en causes, qui portent sur des ententes horizontales à la fois sur l’offre et sur les prix, se révèlent être d’une particulière gravité.
427. L’Autorité retiendra en conséquence une proportion de la valeur des ventes de 17 %.
♦ S’agissant des griefs n° 2 et n° 3
428. S’agissant de la nature des pratiques mises en oeuvre, celles-ci ont consisté en des échanges d’informations relatifs aux tarifs des billets d’avion et aux conditions tarifaires applicables accompagnés d’engagements tarifaires, qui ne semblent pas avoir été tenus.
429. S’agissant de la situation du secteur en cause, des personnes affectées par les pratiques et des caractéristiques objectives des infractions, il est renvoyé aux paragraphes 417 à 426.
430. Au regard de ce qui précède, les infractions reprochées aux entreprises mises en cause, qui portent sur des échanges d’informations, se révèlent être d’une gravité moindre que celles retenues au titre des griefs n° 1 et n° 4.
431. L’Autorité retiendra en conséquence une proportion de la valeur des ventes de 8 %.
(iii) La durée des pratiques
432. Ainsi que l’énonce le communiqué sanctions aux points 32 et suivants, la durée de l’infraction a nécessairement un impact sur les conséquences potentielles de l’infraction sur le marché et joue donc un rôle significatif dans la détermination du montant de la sanction. C’est pourquoi, pour calculer le montant de base de la sanction pécuniaire, l’Autorité multiplie le montant déterminé par la valeur des ventes de chaque entreprise par le nombre d’années où cette entreprise a participé à l’infraction.
433. Il ressort du point 34 du communiqué que les périodes de moins d’une année sont prises en compte au prorata temporis de la durée de la participation de l’entreprise à l’infraction.
434. En l’espèce, s’agissant des griefs n° 1 et n° 4 :
− l’accord visé par le grief n° 1 a couvert la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019 soit 2 ans et 124 jours ;
− l’accord visé par le grief n° 4 a couvert la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019 soit 2 ans et 262 jours.
435. Ainsi, dans la mesure où ces deux infractions ont couvert pour l’essentiel la même période temporelle, de juin 2017 à octobre 2019, pour calculer le coefficient de durée applicable à la sanction unique qui sera prononcée pour les infractions visées par ces deux griefs, l’Autorité retiendra la durée la plus longue des deux326, à savoir 2 ans et 262 jours et appliquera, par conséquent un coefficient de 2,71.
436. S’agissant des griefs n° 2 et n° 3, les échanges d’informations tarifaires en vue de la conclusion d’un engagement sur les prix ont couvert les deux périodes suivantes :
− s’agissant du grief n° 2, du 8 février au 16 juin 2015, soit 130 jours ;
− s’agissant du grief n° 3, du 26 septembre au 20 décembre 2016, soit 85 jours.
437. Conformément au point 34 du communiqué sanctions, un coefficient de durée sera calculé au prorata temporis correspondant au nombre de jours de participation à l’infraction.
438. Les coefficients de durée applicables sont présentés ci-après :
439. À la lumière de l’ensemble des éléments susmentionnés, le montant de base applicable à CAIRE est le suivant :
c) Sur l’individualisation de la sanction
Sur les circonstances aggravantes ou atténuantes
440. Aux termes des points 37 et 38 du communiqué sanctions précité, l’Autorité peut réduire ou augmenter le montant de base de la sanction pécuniaire, pour une entreprise ou une association d’entreprises, en présence de circonstances atténuantes ou aggravantes.
441. En particulier, le point 38 du communiqué prévoit que le montant de la sanction peut être majoré à l’encontre de « l’entreprise ou l’association d’entreprises [qui] a joué un rôle de meneur ou d’incitateur, ou a joué un rôle particulier dans la conception ou la mise en oeuvre de l’infraction ».
442. En l’espèce, l’Autorité considère que la circonstance aggravante liée au rôle de meneur de CAIRE dans la mise en oeuvre des pratiques peut être retenue.
443. En effet, CAIRE a, pour l’ensemble des pratiques incriminées, joué un rôle déterminant dans la conception de l’infraction concernant les pratiques de répartition et de limitation de l’offre et d’augmentation des prix à partir d’avril 2017. Ainsi qu’il résulte des constatations, en particulier des paragraphes 66, 73, 79, 89, 90, 92, 96, 98, 103 et 114, CAIRE a notamment travaillé sur des propositions concrètes de programme de vols communs à Air Antilles et Air Caraïbes, a oeuvré à la préparation des analyses d’impact, aux projets de programme conjoint ainsi qu’aux grilles tarifaires et pris des mesures pour contraindre Air France à augmenter ses tarifs.
444. Il convient donc de majorer le montant de sanction prononcé à l’égard de CAIRE de 10 %, ceci uniquement pour la sanction relative aux griefs n° 1 et n° 4.
Sur les autres éléments d’individualisation
445. Aux termes des points 39 à 42 du communiqué sanctions précité, l’Autorité peut adapter à la hausse ou à la baisse le montant de sanction en prenant en considération d’autres éléments objectifs propres à la situation de l’entreprise.
446. En l’espèce, CAIRE allègue exercer l’essentiel de son activité sur le secteur en relation avec l’infraction (activité « mono-produit »). Néanmoins, CAIRE n’a apporté aucun justificatif au soutien de ses prétentions. Au demeurant, l’Autorité note que, pendant la période de mise en oeuvre des pratiques sanctionnées, la valeur des ventes retenue pour le calcul de la sanction n’excédait pas 30 % du chiffre d’affaires de CAIRE. Il en résulte qu’il ne saurait être considéré que CAIRE réalise l’essentiel de ses revenus sur les marchés en relation avec les infractions.
447. Il n’y a donc pas lieu d’ajuster le montant de sanction à la baisse au regard de cette circonstance.
d) Sur les ajustements finaux
448. Le communiqué sanctions précise au point 46 que l’Autorité vérifie que le montant de la sanction pécuniaire résultant de l’individualisation du montant de base et, le cas échéant de la prise en compte de la réitération, n’excède pas le maximum légal, puis intègre une éventuelle exonération totale ou partielle accordée au titre de la clémence et ajuste enfin la sanction, s’il y a lieu, au regard de la capacité contributive de l’entreprise ou de l’association d’entreprises.
449. En l’espèce, le montant individualisé des sanctions de CAIRE et de ses sociétés mères calculé selon la méthode exposée ci-dessus est présenté dans le tableau suivant.
Rappel des principes
450. Aux termes du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, le « montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».
451. Dans l’hypothèse où une pluralité de sociétés formant une entreprise au sens du droit de la concurrence ne consolident pas leur chiffre d’affaires, il découle d’une jurisprudence constante que le plafond de sanction est calculé sur la base du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l’entité économique unique agissant en tant qu’entreprise327.
452. Ainsi que le Conseil constitutionnel l’a rappelé, par cette disposition, « le législateur (…) a entendu prévenir les stratégies consistant à réduire, par des restructurations du capital des sociétés, le chiffre d’affaires des entreprises se livrant à des pratiques anticoncurrentielles afin de minorer le maximum de la sanction encourue dans l’hypothèse où ces pratiques seraient sanctionnées, [ajoutant que] cette disposition vise en outre à prendre en compte la taille et les capacités financières de l’entreprise visée dans l’appréciation du montant maximal de la sanction »328.
453. De même, il ressort d’une jurisprudence constante du juge de l’Union que « l’objectif du mécanisme de solidarité [entre sociétés formant une seule entreprise] réside dans le fait qu’il constitue un instrument juridique supplémentaire, dont dispose la Commission afin de renforcer l’efficacité de son action en matière de recouvrement des amendes infligées pour des infractions au droit de la concurrence, dès lors que ce mécanisme réduit, pour la Commission en tant que créancier de la dette que représentent ces amendes, le risque d’insolvabilité, ce qui participe à l’objectif de dissuasion qui est généralement poursuivi par le droit de la concurrence »329.
454. À cet égard, la Cour de justice a précisé que les principes gouvernant la fixation du montant de sanction et notamment, « les principes du droit de l’Union de responsabilité personnelle pour l’infraction et d’individualisation des peines et des sanctions » ne concernent que « l’entreprise en tant que telle et non les personnes physiques ou morales qui en font partie »330.
455. Par ailleurs, il résulte également de la jurisprudence du Tribunal rappelée au point 337 ci-dessus que « tant que cette personne morale existe, la responsabilité du comportement infractionnel de l'entreprise suit cette personne morale, même si les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction ont été cédés après la période d’infraction à des tierces personnes »331.
Application en l’espèce
456. CAIRE considère qu’en application du principe de proportionnalité, le plafond de sanction qui lui est applicable ne devrait pas être calculé au regard de son chiffre d’affaires antérieur à la crise sanitaire liée à la maladie COVID-19, qui était deux fois supérieur à celui enregistré en 2021. Par ailleurs, CAIRE estime que son chiffre d’affaires n’est pas représentatif de sa puissance économique dès lors qu’il intègre diverses taxes perçues par CAIRE mais reversées dans leur intégralité aux autorités publiques. Enfin, CAIRE soutient qu’en cas de prise en compte du chiffre d’affaires de plusieurs entités juridiques pour le calcul de la sanction d’une unité économique, il conviendrait d’exclure le chiffre d’affaires intra-groupe réalisé par ces différentes entités.
457. En premier lieu, il convient de rappeler que le calcul du plafond de sanction a explicitement été prévu par le législateur à l’article L. 464-2 du code de commerce. L’Autorité dispose à cet égard d’une marge de manoeuvre limitée pour la mise en oeuvre de cette disposition. Elle peut en revanche apprécier les différents déterminants de la sanction prévus par le législateur, en application des principes de proportionnalité, d’individualisation de la sanction et de dissuasion, dans la fourchette de sanction se situant en deçà de ce maximum légal.
458. En tout état de cause, s’agissant, tout d’abord, des difficultés économiques invoquées par CAIRE, il convient de rappeler que le point 54 du communiqué sanctions permet aux entreprises de les faire valoir pour qu’elles soient prises en compte dans le calcul de leur sanction. Les trois entités de l’unité économique formée par CAIRE et ses sociétés mères ont présenté des demandes à ce titre qui seront analysées ci-après aux paragraphes 464 et suivants.
459. Ensuite, s’agissant des taxes perçues par CAIRE et reversées aux autorités publiques, il convient de noter, outre que ces prétentions ne sont pas étayées, que le législateur a prévu un plafond de sanction objectif fondé sur les comptes des sociétés sanctionnées depuis le moment de la commission des faits infractionnels. Ce plafond de sanction n’a donc pas vocation à prendre en compte des éléments étrangers à ces comptes sociaux. Comme indiqué, l’Autorité dispose d’autres outils d’individualisation, décrits notamment dans le communiqué sanctions, pour adapter la sanction à la situation individuelle de l’entreprise sanctionnée.
460. En second lieu, s’agissant du double compte des ventes intra-groupe dans le calcul du plafond de sanction de CAIRE et ses sociétés mères, il résulte des éléments au dossier que la totalité ou l’essentiel du chiffre d’affaires de K Finance332 et de GAI333 pendant la période infractionnelle était issu de CAIRE. L’Autorité calculera donc le plafond de sanction de l’entité économique unique constituée de CAIRE et de ses sociétés mères au regard du seul chiffre d’affaires de CAIRE.
461. Ainsi, pour les sanctions prononcées aux titres des griefs n° 1 à n° 4 , il ressort des éléments au dossier que le chiffre d’affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre est, pour l’ensemble des sanctions, le chiffre d’affaires de 2019, soit [70 – 80] millions d’euros.
462. Ainsi, le plafond de sanction applicable à chacune des trois sanctions est de [7 – 8] millions d’euros. Le montant de sanction retenu au titre des griefs n° 1 et n° 4 étant supérieur au plafond applicable, il convient de revoir ce montant à la baisse en application des dispositions de l’article L. 464-2 du code de commerce mentionnées.
463. Le montant des sanctions applicable après vérification du plafond légal est donc le suivant :
464. Le communiqué sanctions prévoit que l’Autorité peut prendre en considération, dans la détermination de la sanction, les difficultés financières rencontrées individuellement par les entreprises, lorsque ces difficultés affectent leur capacité contributive.
465. Le communiqué sanctions précise qu’il appartient à l’entreprise de justifier l’existence de ces difficultés en s’appuyant sur des éléments qu’elle transmet à l’Autorité et qui, pour fonder une réduction du montant final de la sanction pécuniaire, doivent constituer des « preuves fiables, complètes et objectives attestant de l’existence de difficultés réelles et actuelles empêchant l’entreprise en cause de s’acquitter, en tout ou partie, de la sanction pécuniaire pouvant lui être imposée ».
466. Dans le cadre du présent dossier, la société CAIRE a formulé une demande à ce titre. Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte par le tribunal mixte de commerce de Point-à-Pitre en août 2023 et une procédure de cession d’actifs a été engagée en septembre 2023. En raison de ces procédures collectives, l’Autorité considère, conformément à sa pratique décisionnelle, que la capacité contributive de la société CAIRE est nulle et qu’il n’y a donc pas lieu de lui infliger de sanction pécuniaire.
467. Les sociétés solidairement responsables de ses sanctions, à savoir GAI et K Finance ont également sollicité la prise en compte de leurs difficultés financières.
468. Le 18 juin 2023, GAI a transmis un extrait de ses comptes clos au 30 septembre 2022, accompagné d’une note de son expert-comptable pour soutenir sa demande. Ces éléments ont été mis à jour le 19 juin 2024 par l’envoi des comptes clos au 30 septembre 2023 et d’un nouveau courrier de son expert-comptable334. Ils confirment les difficultés rencontrées par GAI en raison de la liquidation de CAIRE, son unique filiale et son absence de capacité contributive. Au regard de ces éléments, l’Autorité considère qu’il n’y a donc pas lieu d’infliger de sanction pécuniaire à la société Guyane Aeroinvest (GAI).
469. Le 18 juin 2023, K Finance a transmis une note de son expert-comptable attestant de difficultés financières, accompagnée des extraits de comptes de l’exercice 2023 de ses filiales AAC, CCC, EHM et ESCA Conseils. Ces éléments ont été mis à jour lors d’un envoi du 19 juin 2024335. Toutefois, les derniers comptes de la société K Finance adressés à l’Autorité concernent l’exercice 2021, les documents fournis en juin 2023 et juin 2024 ne concernant qu’une partie des sociétés détenues par K Finance. L’analyse des difficultés de K Finance ne peut se limiter à ces éléments, qui ne reflètent pas la santé financière globale de l'ensemble des filiales du groupe.
470. Il est ainsi particulièrement regrettable que K Finance n’ait pas fourni les documents qui permettraient d’évaluer correctement ses difficultés financières alléguées, ne permettant pas à l’Autorité de mesurer sa capacité réelle à assumer sa responsabilité solidaire à l’égard de GAI et CAIRE.
471. Toutefois, compte tenu des derniers éléments financiers de K Finance transmis à l’Autorité, à savoir les données comptables de l’exercice 2021, l’Autorité considère qu’il convient de ramener le montant de la sanction infligée à K Finance au titre de sa solidarité avec ses filiales à la somme de 1 500 000 euros. Ce montant représente une part faible de l’actif à court terme de la société et permet de préserver sa capacité d'endettement pour assurer le bon fonctionnement de son activité opérationnelle.
e) Conclusions sur les montants finals des sanctions pécuniaires de CAIRE et ses sociétés mères
472. Au vu des éléments qui précèdent, l’Autorité considère qu’il n’y a donc pas lieu de prononcer de sanctions pécuniaires à l’égard des sociétés CAIRE et GAI en raison de leur situation financière. En revanche, K Finance, en sa qualité de société mère de GAI et de CAIRE, compte tenu de sa propre capacité contributive, est tenue solidairement responsable au paiement d’une sanction totale de 1 500 000 euros dont :
− 1 397 000 euros au titre de la sanction relative aux griefs n° 1 et n° 4 ;
− 55 000 euros au titre de la sanction relative au grief n° 2 ;
− 48 000 euros au titre de la sanction relative au grief n° 3.
2. LES SANCTIONS PECUNIAIRES D’AIR CARAÏBES ET D’AEROGESTION
a) Les principes applicables à la détermination de la sanction
473. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce habilite l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux associations d’entreprises qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par l’article L. 420-1 du code de commerce.
474. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de cet article prévoit que « les sanctions pécuniaires sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».
475. Le quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce précise que : « [l]e montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante »336.
476. Le III de l’article L. 464-2 du code de commerce dispose par ailleurs que « [l]orsqu'une association d'entreprises ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'association d'entreprises s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'entreprise ou l'association d'entreprises donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'association d'entreprises et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction ».
477. Enfin, conformément au paragraphe 37 du communiqué de procédure du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction, dont le principe a été repris au paragraphe 5 du communiqué sanctions, les circonstances particulières résultant de la mise en oeuvre, en l’espèce, de la procédure de transaction justifient que les sanctions prononcées ne soient pas motivées par référence à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énoncée dans le communiqué sanctions.
b) La gravité des pratiques
478. Conformément aux éléments évoqués aux paragraphes 405 à 409, les infractions reprochées aux entreprises mises en cause au titre des griefs n° 1 et n° 4, qui portent sur des ententes horizontales à la fois sur l’offre et sur les prix, se révèlent être d’une particulière gravité. Par ailleurs, les infractions reprochées aux entreprises mises en cause au titre des griefs n° 2 et n° 3, qui portent sur des échanges d’informations relatifs aux tarifs des billets d’avions et aux conditions tarifaires applicables accompagnés de prises d’engagement tarifaires, qui ne semblent pas avoir été tenus, se révèlent être d’une gravité moindre que celles retenues au titre des griefs n° 1 et n° 4.
c) La durée des pratiques
479. Conformément aux éléments évoqués aux paragraphes 432 à 434 :
− l’accord visé par le grief n° 1 a couvert la période du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019, soit 2 ans et 124 jours ;
− les échanges d’informations tarifaires en vue de la conclusion d’un engagement sur les prix visés par le grief n° 2 ont couvert la période du 8 février au 16 juin 2015, soit 130 jours ;
− les échanges d’informations tarifaires en vue de la conclusion d’un engagement sur les prix visés par le grief n° 3 ont couvert la période du 26 septembre au 20 décembre 2016, soit 85 jours ;
− l’accord visé par le grief n° 4 a couvert la période du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019, soit 2 ans et 262 jours.
d) L’individualisation de la sanction
480. Il n’y a pas lieu en l’espèce de retenir de circonstance atténuante ou aggravante.
481. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et dans le respect des termes de la transaction, il sera infligé :
− à Aérogestion, une sanction de 70 000 euros ;
− à Air Caraïbes, solidairement avec ses sociétés mères, une sanction de 13 000 000 euros.
482. Ce montant est inférieur au plafond légal de sanction prévu par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant à une entente sur la baisse d’offre et la répartition de créneaux horaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales (grief n° 1) :
− la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express, en sa qualité d’auteure des pratiques et les sociétés Guyane Aéroinvest et K Finance, en tant que sociétés mères, du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019 ;
− les sociétés Air Caraïbes et Groupe Dubreuil Aéro, en leurs qualités d’auteures, les sociétés Groupe Dubreuil Aéro et Groupe Dubreuil, en tant que sociétés mères, du 29 juin 2017 au 31 octobre 2019 ;
− la société Miles Plus, en sa qualité d’auteure, du 29 juin au 26 septembre 2017.
Article 2 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant, du 8 février au 16 juin 2015, à une entente sur les prix et conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales (grief n° 2) :
− la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express, en sa qualité d’auteure des pratiques et les sociétés Guyane Aéroinvest et K Finance, en tant que sociétés mères ;
− la société Air Caraïbes, en sa qualité d’auteure et la société Groupe Dubreuil, en tant que société mère ;
− la société Miles Plus, en sa qualité d’auteure.
Article 3 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant du 26 septembre au 20 décembre 2016 à une entente sur les prix et conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales (grief n° 3) :
− la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express, en sa qualité d’auteure des pratiques et les sociétés Guyane Aéroinvest et K Finance, en tant que sociétés mères ;
− la société Air Caraïbes, en sa qualité d’auteure et les sociétés Groupe Dubreuil Aéro et Groupe Dubreuil, en tant que sociétés mères ;
− la société Miles Plus, en sa qualité d’auteure.
Article 4 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant à une entente sur les prix et conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales (grief n° 4) :
− la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express, en sa qualité d’auteure des pratiques et les sociétés Guyane Aéroinvest et K Finance, en tant que sociétés mères, du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019 ;
− les sociétés Air Caraïbes et Groupe Dubreuil Aéro, en leurs qualités d’auteures et les sociétés Groupe Dubreuil Aéro et Groupe Dubreuil, en tant que sociétés mères, du 13 avril 2017 au 31 décembre 2019 ;
− la société Miles Plus, en sa qualité d’auteure, du 29 juin au 21 décembre 2017.
Article 5 : Au titre des pratiques visées aux articles 1 à 4, les sociétés suivantes sont mises hors de cause : Assist’ Air Cargo, Caraïbes Call Center, ESCA Conseils, Eurofinance Travel, Express Handling Maintenance, Travel Technologie Interactive et Travel Technologie Interactive France. Il n’y a donc pas lieu, en application de l’article 5 du règlement n° 1/2003, de poursuivre la procédure à leur encontre, que ce soit au titre du droit de l’Union ou du droit national
Article 6 : Sont infligées, au titre des pratiques visées aux articles 1 à 4, les sanctions pécuniaires suivantes :
− 1 500 000 euros à la société K Finance tenue solidairement responsable en tant que société mère de l’auteure des pratiques, dont :
o 1 397 000 euros au titre des pratiques visées aux articles 1 et 4 ;
o 55 000 euros au titre des pratiques visées à l’article 2 ;
o 48 000 euros au titre des pratiques visées à l’article 3 ;
− 70 000 euros à la société Miles Plus ;
− 13 000 000 euros solidairement aux sociétés Air Caraïbes, Groupe Dubreuil Aéro et Groupe Dubreuil.
NOTES DE BAS DE PAGE :
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Cotes 66 à 80 (dont 4 808 VNC, 4 809 VNC, 4 811 à 4 814 VNC, 4 816 à 4 822 VNC) ; 84 à 101 ; 112 à 113 et 2 881 à 2 890.
3 Cotes 4 657 et 4 658.
4 Cotes 12 372 à 12 395.
5 Cotes 27 995 à 28 039.
6 Cotes 34 027 à 34 032.
7 Cotes 31 263 à 31 276.
8 Le dico du commerce international : « [c]réée en 1945 à La Havane (Cuba), l'association regroupe la majorité des compagnies aériennes du monde (quelque 240 compagnies aériennes, soit 84 % du trafic aérien). IATA a pour but de favoriser le développement du transport aérien en unifiant et en coordonnant les normes et les règlements internationaux. Elle intervient notamment dans les domaines de la sécurité des passagers et du fret aérien, ainsi que l'amélioration et la modernisation des services, sans négliger la réduction et l'optimisation des coûts. » (https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/iata.html).
9 Cote 6 491 VC (8 642 VNC).
10 Air Antilles souligne que concernant les sièges offerts, « il s’agit de la somme des sièges réellement produits dans les deux sens de la route en question, c’est-à-dire le nombre de sièges sur des vols réellement opérés » (cote 12 433).
11 https://www.impots.gouv.fr/professionnel/reduction-ou-deduction-au-titre-des-investissements-productifs-neufs et explications de CAIRE, cotes 17 578 et 17 581.
12 Cote 4 553 VC (4 697 VNC).
13 Cotes 14 969 à 14 973.
14 Cote 22 423 VC (23 270 VNC).
15 Cote 22 228.
16 Cote 14 991.
17 Cote 22 135.
18 Cote 22 168.
19 Cote 22 319.
20 Cotes 22 372, 20 421 et 20 423.
21 Cote 23 110.
22 Cotes 34 025 à 34 032.
23 Cotes 34 027 à 34 032.
24 Cotes 34 151 à 34 182.
25 Cote 14 453.
26 Cotes 14 465 et 14 453.
27 Cote 14 485.
28 Cotes 6 547 et 6 713.
29 Cote 6 019.
30 Cotes 13 900 à 13 906.
31 Cotes 4 069 et 4 073.
32 Cotes 4 141 et 4142 (6 193 VNC et 6 194 VNC).
33 Cotes 4 143, 3 744, 3 748 et 3 750.
34 Cotes 4 144 et 3 568.
35 Cotes 4 150 et 4 151.
36 Cote 3 350 VC (5 404 VNC).
37 Cote 3 350 VC (5 404 VNC).
38 Cote 11.
39 Cotes 4 275 VC et 4 276 VC (6 327 VNC et 6 328 VNC).
40 Cote 4 278.
41 Cotes 18 835, 18 836 et 18 868 à 18 872.
42 Cote 4 279 VC (6 331 VNC).
43 Cote 18 889.
44 Cotes 3 857 VC et 3 858 VC (5 907 VNC et 5 908 VNC).
45 Cote 3 859.
46 Cote 12 799.
47 Cotes 12 799 et 3 872.
48 Il s’agit ici des dates de suppression de classes tarifaires (en nombres de jours avant le départ) sur la base desquelles la segmentation tarifaire est établie.
49 Cote 3 415.
50 Cote 3 426.
51 Cotes 3 729 et 13 997.
52 Cotes 3 428 à 3 431 VC (5 482 VNC).
53 Cote 3 729.
54 Cotes 3 587, 3 431, 3 632, 3 938, 3 720, 3 944, 3 947.
55 Cote 13 997.
56 Cote 14 257.
57 Cotes 6 544, 6 586 et 6 609.
58 Cotes 3 950 à 3 952.
59 Cotes 12 675 à 12 678.
60 Cote 13 994.
61 Cotes 12 675 à 12 678 et 14 523 et 14 524.
62 Cote 3 702.
63 Cotes 14 234 et 14 235.
64 Cote 14 013.
65 Cotes 4 292 et 14 149.
66 Cotes 13 900 à 13 906, 14 013 et 14 187.
67 Cotes 14 530, 14 613, 14 677 et 14 682 à 14 690.
68 Cote 13 905.
69 Cotes 14 264 à 14 274.
70 Cote 3 671.
71 Cote 14 314.
72 Cote 14 315.
73 Air Antilles donne une définition de la farebasis : « [u]ne farebasis est un code d’identification IATA qui permet de nommer un tarif (exemple : LFWPRT). Il permet d’identifier un tarif spécifique et de contrôler la recette perçue, de la refacturer à un partenaire, ou de permettre au marché (commerciaux, agences de voyages, Touroperator) de connaître les conditions d’application d’un tarif », cote 4 362 VC (4 693 VNC).
74 Cote 3 305.
75 Cotes 6 021 et 6 022.
76 Cotes 13 438 à 13 440 (dont 13 499 VNC). RSA signifie « revenue settlement agreement » ou accord de partage de revenu. Il est ici fait référence à un accord de facturation conclu entre Air France et Air Antilles dans le cadre de l’accord de partage de code entre les deux compagnies.
77 Cotes 3 473, 3 636, 3 637, 3 725 VC (5 575 VNC), 3 746, 5 491 et 8 785.
78 Cote 3 637.
79 Cotes 4 010, 4 011, 6 516 et 7 251.
80 Cotes 3 495, 14 314 et 14 315.
81 Cote 6 092.
82 Cotes 3 460, 6 652 et 6 653.
83 Cotes 8 773, 8 776 et 8 777.
84 Cotes 8 821 à 8 822 et 6 509.
85 Cotes 9 469 à 9 473, 9 509 et 9 510.
86 Cotes 3 470 à 3 473.
87 Cotes 8 775 et 8 776.
88 Cote 6 947.
89 Cotes 7 328 à 7 330.
90 Cotes 14 931 et 14 932.
91 Cote 14 019.
92 Le prix moyen coupon est le prix moyen des billets payés par les clients : il s’agit du ratio entre le chiffre d’affaires correspondant à la vente des billets et le nombre de billets vendus (sur un vol ou sur l’ensemble des vols d’une liaison ou même sur l’ensemble des vols d’un groupe de liaisons, et ce pour une période donnée).
93 Cotes 8 703, 8 704, 8 814, 9 494, 9 495, 10 308 VC (12 333 VNC), 10 309 VC (28 061 VNC) et 12 371.
94 Cotes 3 937, 6 544 et 6 545.
95 Cotes 3 432, 8 761, 8 762, 14 227 à 14 229, 14 121, 3 435 et 13 859 à 13 861.
96 Cote 10 325.
97 Cote 5 993.
98 Cotes 14 260, 14 261 et 13 998.
99 Selon Air Caraïbes : « [c]omme nous remplissons mieux, si je laisse de côté les APEX, ça fait remonter le yield. », cote 6 504.
100 Olivier Noyer, « Le « revenue management », la clef secrète de l’aérien », Les Echos, 26 sept. 2007, https://www.lesechos.fr/2007/09/le-revenue-management-la-clef-secrete-de-laerien-540839.
101 Cotes 6 612, 6 613, 6 544 et 6 557.
102 Cotes 14 260, 14 261 et 13 998.
103 Cote 6 586.
104 Cote 6 586.
105 Cotes 3 951 et 5 494.
106 Cotes 3 950 et 3 951.
107 Cotes 12 645, 13 956 et 13 857.
108 Un ATR 42 dispose d’une capacité de 42 places et un ATR 72, d’une capacité de 72 places.
109 Cote 5 494.
110 Cotes 3 958, 3 959, 3 961 et 10 325.
111 Cotes 3 959 à 3 960.
112 Cotes 12 610 à 12 614.
113 Cotes 14 187 à 14 192.
114 Cotes 13 900 à 13 906.
115 Cote 13 998.
116 Cotes 12 610 à 12 614.
117 Cotes 13 906, 13 858, 13 849, 13 862 et 13 863.
118 Cotes 14 263 à 14 269.
119 Cote 3 446 VC (5 497 VNC).
120 Cotes 12 568 à 12 573.
121 Cotes 3 958, 3 959, 3 962, 6 504, 10 134, 10 194 et 14 465.
122 Cotes 14 058 à 14 063 et 14 241 à 14 247.
123 Cotes 3 190, 6 504 et 6 981, 4 496 VC (28 052 VNC).
124 Cotes 3 446 VC (5 497 VNC), 14 282 et 14 283.
125 Ibid.
126 Cotes 14 276 à 14 297.
127 Cotes 14 291 à 14 293.
128 Cotes 3 190 et 6 586.
129 Cote 3 970.
130 Cote 3 459.
131 Cotes 12 750 à 12 752 et 14 485.
132 Cotes 5 512, 5 513, 13 368 à 13 370 et 13 778.
133 Cotes 5 513 à 5 515.
134 Cotes 5 515, 5516, 3 466 VC et 3 467 VC (5 517 VNC et 5 518 VNC) et 14 514.
135 Cotes 5 519, 5 520 et 14 496.
136 Cote 14 496.
137 Cotes 14 496 et 14 813.
138 Cote 14 832.
139 Cotes 14 813 et 14 430 à 14 438.
140 Cote 14 832.
141 Cotes 14 817 à 14 825.
142 Cotes 14 879 à 14 887.
143 Cotes 14 399 à 14 408.
144 Cotes 13 955, 14 341 à 14 348, 14 306 à 14 312 et 14 505.
145 Cotes 6 550 et 6 551.
146 Cotes 3 483, 3 488 VC (5 539 VNC) et 4 009 VC (6 059 VNC).
147 Cotes 3 488 et 3 489 VC (5 539 et 5 540 VNC).
148 Cote 4 021.
149 Cote 3 494.
150 Cote 14 808.
151 Cotes 14 900 et 14 700 à 14 705.
152 Ibid.
153 Cotes 3 491 VC (5 442 VNC), 4 331, 3 501, 3 502, 12 268 à 12 272, 12 816 à 12 817 et 14 299 à 14 304.
154 Cote 18 822.
155 Cotes 4 055 VC (6 105 VNC) et 4 056.
156 Cote 5 593.
157 Cote 6 517.
158 Voir paragraphe 126.
159 Cotes 16 279 à 16 282 concernant l’aéroport de Martinique et cote 16 213 concernant l’aéroport de Guadeloupe.
160 Cote 14 676.
161 Cotes 18 115, 18 116 et 18 118 à 18 125.
162 Cotes 16 110 à 16 182.
163 Cotes 16 183 à 16 196.
164 Cote 13 150.
165 Cotes 13 145 à 13 147.
166 Cotes 12 240 à 13 245.
167 Cotes 4 053 VC et 4 054 VC (6 103 VNC et 6 104 VNC).
168 Cotes 8 703, 8 704 et 12 371 concernant les données communiquées par Air Antilles en 2020 et 2021 (à l’exclusion des données concernant PTP/SFG et pour PTP/SFG pour lesquelles de nouvelles données ont été communiquées par Air Antilles en mai 2022 ; cote 8 814 concernant les données communiquées par Air Caraïbes ; cotes 17 553 à 17 555 et 16 213 concernant les données de l’aéroport de Guadeloupe (ces données incluent, comme pour les données de Air Antilles, les SO sur les vols aller et sur les vols retour) ; cotes 16 279 à 16 282 concernant les données de l’aéroport de Martinique (les données incluent, comme pour les données de Air Antilles, les SO sur les vols aller et sur les vols retour).
169 Cote 28 849.
170 Cote 28 850.
171 Voir la Communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, Journal officiel des communautés européennes n° C 101 du 27 avril 2004, pages 81 à 96.
172 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6.
173 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6 ; voir également, en ce sens, arrêt de la cour d’appel de Paris, du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., n° 2011/18 245 et arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., n° 13-16.745.
174 Sur l’affaire dite des « carburéacteurs à la Réunion » voir Cass. com., 1er mars 2011, société Total Réunion, pourvoi n° J 09-72.655, page 9. Voir également, Cass. Com., 31 janvier 2012, 0-25.772 10-25.775 10-25.882 et l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu sur renvoi, 4 juillet 2013, Orange Caraïbe et a. RG n° 2012/5160.
175 Voir par exemple arrêt de la Cour de cassation, 13 juillet 2010, Vedettes inter-îles vendéennes, pourvoi n° 09-67439, page 5.
176 JOCE C/2024/1645 du 22 février 2024, page 6, point 12.
177 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause précitée, point 12.
178 Arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, aff. T-30/05, Rec. p. II107, point 86.
179 Décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28 et décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques paragraphe 575 ; voir également arrêt de la cour d’appel de Paris, 26 septembre 2013, société Roland Vlaemynck, RG n° 2012/08948, page 6.
180 Voir, notamment, les décisions de la Commission européenne du 5 juillet 2019, COMP/M.9287 – Connect Airways / Flybe, points 47 à 64 et du 18 juillet 2021, COMP.D.2 37.444 et COMP.D.2 37.386, SAS/Maersk Air et Sun Air contre SAS et Maersk Air, point 28.
181 Voir notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, C-49/92, point 40 et les arrêts du TUE, 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij NV, Elf Atochem SA, BASF AG, Shell International Chemical Company Ltd, DSM NV et DSM Kunststoffen BV, Wacker-Chemie GmbH, Hoechst AG, Société Arlésienne de vinyle, Montedison SpA, Imperial Chemical Indistries plc, Hüls AG et Enichem SpA v Commission [1999], Aff. jointes T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. II-931, point 715.
182 Arrêt de la cour de justice du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax, Aff. C-238/05, point 32.
183 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 décembre 2006, Bouygues Telecom SA, RG n° 2006/00048.
184 Arrêt de la cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, EU:C:2004:6, points 55 à 57.
185 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige, n° 10-23945, page 46.
186 Arrêt du Tribunal du 8 septembre 2016, H. Lundbeck A/S et Lundbeck Ltd/Commission, T-472/13, point 110 ; CJUE, 26 janvier 2017, Keramag Keramische Werke GmbH e.a/Commission, C-613/13 P, point 52.
187 Arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR SA e.a./Commission, T-25/95, point 1838.
188 Voir notamment l’arrêt de la cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00, points 55 à 57.
189 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France, n° 09-11853.
190 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige, n° 10-23945, page 46.
191 Arrêt du Tribunal du 2 juin 2016, Moreda-Riviere Trefilerias SA e.a./Commission, T-426/10, point 112.
192 Arrêt du Tribunal du 15 décembre 2016, Koninklijke Philips NV et Philips France/Commission, T-762/14, point 109.
193 Arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand AG c/ Commission, T-99/04, points 123 et suivants.
194 Arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand AG c/ Commission, précité, point 151.
195 Arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand AG c/ Commission, précité, point 154.
196 Arrêt de la cour de justice du 22 octobre 2015, AC-Treuhand AG c/ Commission, C-194/14P, point 27.
197 Arrêt de la cour de justice du 22 octobre 2015, AC-Treuhand AG c/ Commission, précité, point 34.
198 Arrêt de la cour de justice du 22 octobre 2015, AC-Treuhand AG c/ Commission, précité, point 150.
199 Arrêt de la cour de justice du 22 octobre 2015, AC-Treuhand AG c/ Commission, précité, point 43.
200 Arrêt de la cour de justice du 22 octobre 2015, AC-Treuhand AG c/ Commission, précité, points 151 à 156.
201 Arrêt de la cour de justice du 22 octobre 2015, AC-Treuhand AG c/ Commission, précité, points 117, 146 et 150.
202 Arrêt de la cour de justice du 22 octobre 2015, AC-Treuhand AG c/ Commission, précité, point 125.
203 Voir les arrêts de la Cour de justice du 30 juin 1966, Société́ technique minière, L.T.M. e.a., 56-65, page 359 et du 14 mars 2013, Allianz Hungaria Biztosito e.a. c./Commission, C-32/11, point 33.
204 Voir notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 14 mars 2013, précité, point 36.
205 Voir notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 11 septembre 2014, Groupement des cartes bancaires (CB) c./Commission, C-67/13, points 49 et 50.
206 Arrêt de la Cour de justice du 19 mars 2015, Dole Food Company Inc. e.a / Commission, C-286/13, points 113 à 115.
207 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France, n° 2009/03532, p. 13 et du 31 janvier 2013, Pierre Fabre Dermo- Cosmétique, n° 2008/23812, p. 16.
208 Arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation / Commission, C-373/14, point 28.
209 Arrêt de la Cour de justice du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, point 53 et jurisprudence citée.
210 Cotes 33 682 à 33 687.
211 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 avril 2002, SA Bloc Matériaux e.a, BOCCRF du 24 juin 2002.
212 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mars 2018, n° 16/14231, points 36 à 42.
213 Arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, T-141/94, Thyssen Stahl AG, point 233.
214 Décision de la Commission du 24 mars 2011, Comap / Commission (T-377/06), points 97 à 99.
215 Cotes 33 687 à 33 689.
216 Cote 3 145.
217 Cotes 33 672 à 33 675.
218 Cote 12 799.
219 Cote 3 872.
220 Arrêt de la cour de justice du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C-68/12, point 25.
221 Arrêt de la cour de justice du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C-68/12, point 25.
222 Arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, point 277, non annulé sur ce point, du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, T‑141/08, du 12 décembre 2014, Tudapretrol/Commission, T-550/08, point 64, confirmé sur ce point ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 97.
223 Arrêt de la cour de justice du 16 février 2017, C-95/15P, H&R ChemPharm GmbH/Commission, point 35.
224 Arrêt de la cour de justice du 16 février 2017, C-95/15P, H&R ChemPharm GmbH/Commission, point 36.
225 Idem, point 42.
226 Décision n° 19-D-09 du 22 mai 2019 relative à des pratiques d’obstruction mises en oeuvre par le groupe Akka, point 55.
227 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 26 mai 2020, RG n° 19/11880, point 75.
228 Arrêts de la Cour de justice du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, points 84 et 86 ainsi que du 6 octobre 2021, SUMAL, C-882/19, point 41.
229 Arrêt de la Cour de justice du 12 juillet 1984, Hydrotherm, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, EU:C:1972:70, point 140, du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C‑217/05, point 41 ainsi que du 6 octobre 2021, SUMAL, C-882/19, point 46. Voir également l’arrêt du Tribunal, 20 mars 2002, HFB, T-9/99, point 66.
230 La Cour de justice a précisé qu’une société ne peut pas être tenue responsable d’infractions commises dans le cadre d’activités économiques ne présentant aucun lien avec sa propre activité ou dans lesquelles elle n’était aucunement impliquée, même indirectement (arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2021, SUMAL, C-882/19, point 47).
231 Idem, point 77.
232 Voir l’arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline, C-501/06 P, ECLI:EU:C:2009:610, paragraphe 82, et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 décembre 2011, Compagnie Emirates.
233 Décision n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, paragraphe 559. Voir également l’arrêt de la Cour de justice du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, ECLI:EU:C:1984:9 ; arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM, T-213/00, ECLI:EU:T:2003:76, paragraphe 226.
234 Décision n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, paragraphe 559. Voir également arrêt de la Cour de justice du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19 ; arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM, T-213/00, Rec. p. II-00913, point 226.
235 Communication de la Commission — Lignes directrices concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité, Journal officiel n° C 101 du 27/04/2004, paragraphe 47.
236 Arrêt du Tribunal du 21 février 1995, aff ; T29/92, Vereniging van Samenwerkende Prijsregelende Organisaties in de Bouwnijverheid (SPO), point 294.
237 Décision de la Commission, 16 septembre 1998, Aff. IV/35.134, Trans-Atlantic Conference Agreement, points 358 et suivants.
238 Arrêt de la Cour de justice Cour du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C-413/14 P, point 134.
239 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 juillet 2018, n° 16/01270, point 636.
240 Décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express, paragraphe 719.
241 Cotes 33 672 à 33 675.
242 Cote 33 672.
243 Voir notamment les arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a. c/Commission, T-213/00, ECLI:EU:T:2003:76, paragraphe 280, du 27 juillet 2005, Brasserie Nationale SA e.a. c/Commission, T-49/02 à T-51/02, ECLI:EU:T:2005:298, paragraphe 185 et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland BV c/Commission, T-303/02, ECLI:EU:T:2006:374, paragraphe 138.
244 Voir l’arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peroxidos Organicos c/Commission, T-120/04, ECLI:EU:T:2006:350, paragraphe 51, repris par l’arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger International Ltd c/Commission, T-43/92, ECLI:EU:T:1994:79, paragraphe 79 et par l’arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa AG c/Commission, T-279/02, ECLI:EU:T:2006:103, paragraphe 153.
245 Arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2011, pourvoi n° Z 09-17.055, confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 septembre 2009 sur la décision du Conseil de la concurrence n° 08-D-12 du 21 mai 2008 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la production du contreplaqué, pages 8 et 9.
246 Arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2016, n° 14-28234, pages 24 et 25.
247 Cotes 33 704 à 33 705.
248 Cotes 6 586 et 12 817.
249 Voir le paragraphe 142.
250 Voir les paragraphes 137 et suivants.
251 Cotes 33 706 et 33 707.
252 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri A/S e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02P, point 112 ; du 10 janvier 2006, Ministero dell’Economica e delle Finanze, C-222/04, point 107, du 11 janvier 2006, Federación Espanola de Empresas de Tecnología Sanitaria (FENIN)/Commission, C-205/03 P, point 25, et du 20 janvier 2011, General Química SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 34.
253 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C-217/05, point 40, du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 55, du 20 janvier 2011, General Química SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 35, du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission, C-201/09 P et C-216/09 P, point 95, du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA/Commission, C-521/09, point 53, du 29 septembre 2011, Arkema SA/Commission, C-520/09 P, point 37 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n°11/01228, p. 18.
254 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice General Química précité, point 36 ; Akzo Nobel NV e.a./Commission, précité, point 56 ; ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission, précité, point 95 ; Elf Aquitaine SA/Commission, précité, point 53 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris, Lacroix Signalisation e.a., précité, pages 18 et 20.
255 Arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, General Quimica/Commission précité, point 37, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 18 et 19.
256 Arrêts Akzo Nobel précité, points 60 et 61, General Quimica précité, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 19 et 20.
257 Arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2017, n° 16-19120. Voir également en ce sens : arrêts du Tribunal du 15 juillet 2015, HIT Groep BV/Commission, T- 436/10, points 140 et suivants ; du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69/04, point 63 ; du 13 juillet 2011, Shell Petroleum e.a./Commission, T-38/07, point 70 et jurisprudence citée, et du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T-360/09, point 283.
258 Arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, aff. T-141/07, General Technic-Otis Sàrl, point 58.
259 Voir l’arrêt du Tribunal du 27 octobre 2011, Alliance One International Inc. e.a./Commission, T-24/05, points 126 et 132.
260 Voir, notamment, l’arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding, T-327/94, point 63.
261 Cotes 14 938, 14 939, 14 946, 14 948, 14 949, 14 954 VC (28 063 VNC), 14 956 VC (28 064 VNC) et 15 923.
262 Cotes 14 969 à 14 975.
263 Cote 33 662.
264 Cote 14 978.
265 Cotes 2 885 et 19 369.
266 Voir : PV des délibérations du CA du 7 mai 2015 : cotes 16 921 à 16 946 ; PV des délibérations du CA du 13 mai 2016 : cotes 16 977 à 16 990 ; PV des délibérations du CA du 17 juin 2016 : cotes 16 953 à 16 964 ; PV des délibérations du CA du 4 novembre 2016 : cotes 16 966 à 16 975 ; PV des délibérations du CA du 11 mai 2017 : cotes 16 992 à 17 004 (19 435 VNC à 19 447 VNC) ; rapport de gestion du CA à l’AG le 6 septembre 2017 : cotes 15 433 à 15 466 ; PV des délibérations du CA du 30 avril 2018 : cotes 17 072 à 17 085 (19 515 VNC à 19 528 VNC) ; rapport de gestion du CA à l’AG le 15 juin 2018 : cotes 15 579 à 15 620 ; PV des délibérations du CA du 24 avril 2019 : cotes 17 123 à 17 131 (19 566 VNC à 19 574 VNC) ; PV des délibérations du CA du 6 mai 2019 : cotes 17 133 à 17 142 (19 576 VNC à 19 584 VNC).
267 Ibid.
268 Voir, sur ce point, le paragraphe 98 de la notification des griefs.
269 Voir l’annexe 7 à la notification de griefs ainsi que la cote 23 455 incluant des captures d’écran du réseau social Facebook.
270 Arrêt de la Cour d’appel de Basse-Terre du 3 mai 2010 RG n°06/02255 (cotes 16 338 à 16 356), confirmé par Cass. Com. 14 février 2012.
271 Cotes 17 572 et 17 588.
272 Le procès-verbal du conseil d’administration du 29 juillet 2021 souligne le caractère « provisoire » de la prise de fonction de M.Y tout en précisant que ce mandat prendra fin quand se terminera son mandat d’administrateur (cotes 15 878 et 15 879).
273 Voir, par exemple, la cote 15 466.
274 Voir, par exemple, la cote 17 080 concernant la mise à disposition de personnel de GAI pour préparer la réponse de CAIRE à un appel d’offres.
275 Cotes 17 583 et 17 584.
276 Cotes 17 583 et 17 584. Voir également la présentation de la cote 14 864.
277 Cote 17 584.
278 Cotes 17 080, 17 130 et 1731.
279 Cotes 20 161 à 20 169.
280 Cote 20 164.
281 Cote 20 199.
282 Cote 17 079.
283 Cote 22 946.
284 Cotes 18 073 et 18 268.
285 Cotes 17 583 et 17 584.
286 Cotes 22 421 à 22 447.
287 Cote 14 965.
288 Cote 14 965.
289 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOUE, 2003, L1, p. 1.
290 Communiqué sanctions, paragraphe 6.
291 Arrêt de la Cour de justice du 28 juin 2005, Dansk Rorindustri e.a. c. Commission, affaires jointes C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P, C-208,02 P et C-213/02 P, points 202 et suivants.
292 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 2010, société AMD Sud-Ouest, n° 2009/00334.
293 Voir, par exemple, Pierre Arhel, « Concurrence : règles de procédure – Procédure d’enquête », Répertoire du droit commercial Dalloz, Octobre 2021 (actualisation : mai 2023), paragraphe 199 ; Emmanuelle Claudel, « Le volet concurrentiel de la loi Ddadue : issue d’un feuilleton à rebondissements ! » Revue Trimestrielle du droit commercial, décembre 2020, pages 793 et suivantes ; Elvire Mazet, Gaëlle Serrano et Olivier Leroy, « Un an de contentieux français de la concurrence (janv. – déc. 2020) », Revues Procédures LexisNexis n° 6, juin 2021, point 19, (Généralisation de la procédure simplifiée).
294 Voir, par exemple, les décisions n° 02-D-33 du 10 juin 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur du traitement des coupons de réduction ; n° 03-D-07 du 4 février 2003 relative à des pratiques relevées lors de la passation de marchés d’achat de panneaux de signalisation routière verticale par des collectivités locales ; n° 03-D-55 du 4 décembre 2003 relative à un marché public passé par le District Urbain du Pays de Montbéliard pour la réfection de la pelouse d’un stade de football ; n° 04-D-39 du 3 août 2004 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les secteurs de l’abattage et de la commercialisation d’animaux de boucherie ; n° 04-D-43 du 8 septembre 2004 relative à l’attribution de marchés publics organisés par la commune de Grasse dans le secteur des transports scolaires et périscolaires ; n° 04-D-50 du 3 novembre 2004 relative à des pratiques mises en oeuvre lors d’appels d’offres organisés par le Syndicat Intercommunal d’Assainissement de la Vallée des Lacs ; n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc.
295 Voir notamment l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 2010, société AMD Sud-Ouest, n° 2009/00334. La Cour a notamment relevé que le Conseil de la concurrence s’était conformé au principe de non-rétroactivité en allant plus loin que les dispositions transitoires prévues par l’article 94 de la loi NRE.
296 Décision n° 21-D-23 du 7 octobre 2021 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation du champagne et de spiritueux à La Réunion (Cattier).
297 Voir, notamment, la décision n° 22-D-08 du 3 mars 2022 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la collecte et de la gestion des déchets en Haute-Savoie, paragraphe 174 ; décision n° 22-D-04 du 02 février 2022 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du transport sanitaire hospitalier intercommunal du Val d’Ariège et du Pays d’Olmes, paragraphe 258 ; décision n° 22-D-17 du 11 octobre 2022 relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Gaz de Bordeaux dans le secteur du gaz ; décision n° 23-D-08 du 07 septembre 2023 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des prestations de services d’ingénierie, de maintenance, de démantèlement et de traitement des déchets pour des sites nucléaires, paragraphes 529 à 547 et décision n° 23-D-15 du 29 décembre 2023 relative à des pratiques dans le secteur de la fabrication et la vente de denrées alimentaires en contact avec des matériaux pouvant ou ayant pu contenir du bisphénol A, paragraphes 1635 à 1658. Les deux dernières décisions font l’objet d’un recours auprès de la cour d’appel de Paris.
298 Décision n° 22-D-08 du 3 mars 2022 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la collecte et de la gestion des déchets en Haute-Savoie, paragraphe 216 ; décision n° 22-D-17 du 11 octobre 2022 relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Gaz de Bordeaux dans le secteur du gaz, paragraphe 195 ; décision n° 23-D-08 du 07 septembre 2023 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des prestations de services d’ingénierie, de maintenance, de démantèlement et de traitement des déchets pour des sites nucléaires, paragraphes 529 à 547 et décision n° 23-D-15 du 29 décembre 2023 relative à des pratiques dans le secteur de la fabrication et la vente de denrées alimentaires en contact avec des matériaux pouvant ou ayant pu contenir du bisphénol A, paragraphes 1635 à 1658. Les deux dernières décisions font l’objet d’un recours auprès de la cour d’appel de Paris.
299 Ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.
300 Soulignement ajouté.
301 Voir le 3° du XVIII de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021.
302 Voir, notamment, les décisions n° 23-D-08 du 07 septembre 2023 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des prestations de services d’ingénierie, de maintenance, de démantèlement et de traitement des déchets pour des sites nucléaires, paragraphes 529 à 547 et décision n° 23-D-15 du 29 décembre 2023 relative à des pratiques dans le secteur de la fabrication et la vente de denrées alimentaires en contact avec des matériaux pouvant ou ayant pu contenir du bisphénol A, paragraphes 1635 à 1658. Ces décisions font l’objet d’un recours auprès de la cour d’appel de Paris.
303 Communiqué sanctions, paragraphe 12.
304 Voir, dans ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015, Royal Canin n° 285-F-D. Voir également l’arrêt de la Cour de justice du 18 juillet 2013, C-501/11 P, Schindler, dans lequel la Cour a considéré que les lignes directrices adoptées par la Commission « ne constituent ni une législation, ni une législation déléguée au sens de l’article 290, paragraphe 1, TFUE, ni la base légale des amendes infligées en matière de concurrence, lesquelles sont adoptées sur le seul fondement de l’article 23 du règlement n° 1/2003 » (point 66), et qu’elles « énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (…), et se limitent à décrire la méthode d’examen de l’infraction suivie par la Commission et les critères que celle-ci s’oblige à prendre en considération pour fixer le montant de l’amende » (point 67).
305 Communiqué sanctions, paragraphe 13.
306 Voir, dans ce sens, le raisonnement du Tribunal de l’Union, confirmé par la Cour de justice, dans l’affaire Schindler (arrêt du Tribunal de l’Union du 13 juillet 2011, T-138/07, Schindler, points 118 à 129).
307 Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 4 juillet 2019, Société Goodmills Deutschland et al., n° 16/23609, paragraphes 464-466.
308 Arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2007, société Bouygues Télécom, n° 07-10303 et 22 novembre 2016, pourvois n° 14-28.862 et 14-28.224.
309 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge, n° 10-17482.
310 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mars 2018, Sermetal Réunions e.a., no 16/14231, paragraphe 156.
311 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 octobre 2022, Apple, n° 20/08582, paragraphe 686, frappé de pourvoi.
312 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 19 juillet 2018, RG n° 16/01270, paragraphe 859.
313 Arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2021, n° 18-21.436, pp. 49 et 50.
314 Voir notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 26 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, paragraphes 56 à 59.
315 Voir en ce sens la décision n° 16-D-09 du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mars 2018, Sermetal Réunions e.a, précité, paragraphe 167.
316 Communiqué sanctions, point 27.
317 Communiqué sanctions, points 30 et 31.
318 Voir notamment la décision n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.
319 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, Laïta, n° 2015/08224.
320 Arrêt de la Cour de justice du 24 septembre 2009, ErsteGroupe Bank e.a./Commission, C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, point 103.
321 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 7 mars 2024, sur la décision nº 20-D-09 concernant des pratiques dans le secteur du porc charcutier, point 899.
322 Décision n° 15-D-08 du 5 mai 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de la viande de volaille, paragraphe 294.
323 Cotes 33 700 à 33702.
324 Cotes 4 141 et 4142 (6 193 VNC et 6 194 VNC), 6 613, 14 808 et 14 889.
325 Voir notamment les paragraphes 37 à 46.
326 Décision n° 16-D-09 précitée, paragraphe 475, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mars 2018, Sermetal Réunions e.a, paragraphe 167.
327 Voir, notamment, les arrêts de la Cour de justice du 9 juin 2016, CEPSA/ Commission, C-618/13 P, point 49 ; du 8 mai 2013, Eni/Commission, C‑508/11 P, point 109 ; du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, points 172 et 173, ainsi que du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission, C‑58/12 P, point 56.
328 Décision du Conseil constitutionnel du 14 octobre 2014, n° 2015-489 QPC.
329 Voir, notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 10 avril 2014, Commission/Siemens, C-231/11 P à C-233/11 P, point 59.
330 Voir, notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 10 avril 2014, Commission/Siemens, C-231/11 P à C-233/11 P, point 56.
331 Voir, notamment, l’arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding, T-327/94, point 63.
332 En 2018 et 2019, 30 à 70 % du chiffre d’affaires provenait de CAIRE (cote 22 232).
333 En 2015 et 2019, 100 % du chiffre d’affaires provenait de CAIRE (cote 22 427).
334 Cotes 35 000 à 35 006.
335 Cotes 34 974 à 34 998.
336 L’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 n’a pas modifié cette disposition.