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Décisions

Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-24.194

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin

Rapporteur :

Mme Mariette

Avocat général :

Mme Robert

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Paris, du 4 juill. 2013

4 juillet 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité d'attaché commercial par la société de droit marocain Banque centrale populaire (BCP) à compter du 2 janvier 1969, en vertu d'une lettre d'engagement du 6 février 1969, et a été envoyé en France, le 18 février 1969, pour remplir des fonctions de chef de service et de responsable régional adjoint, où il a travaillé jusqu'à sa mise à la retraite le 30 juin 2004 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1221-1 et L. 1221-3 du code du travail et 3 du code civil ;

Attendu que pour décider que la loi française n'était pas applicable au litige et rejeter les demandes du salarié au titre de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel, après avoir relevé que les parties n'avaient fait choix d'aucune loi pour régir leurs rapports, retient que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec le Maroc qu'avec la France dès lors qu'il a commencé à s'exécuter au Maroc, que le salarié a été rémunéré en dirhams marocains avec une domiciliation à Casablanca (Maroc), ladite somme faisant l'objet d'une conversion en euros sur la base d'un taux privilégié, que les bulletins de salaire étaient également libellés en langue arabe avec traduction en français, que l'employeur et le salarié cotisaient aux organismes sociaux marocains, que le salarié bénéficiait d'une indemnité mensuelle d'expatriation, que la liquidation de ses droits pour le régime complémentaire de prévoyance du CPM sous forme de capital a été versée sur un compte bancaire situé au Maroc, que le salarié ne rapporte pas la preuve qu'il aurait contesté, durant l'exécution de son contrat de travail en France, son affiliation aux organismes sociaux marocains, peu important qu'il ait fixé le centre de ses intérêts de manière stable, depuis plus de trente-cinq ans, en France ;

Attendu, cependant, qu'à défaut de choix par les parties de la loi applicable, le contrat de travail est régi, sauf s'il présente des liens plus étroits avec un autre pays, par la loi du pays où le salarié en exécution du contrat accomplit habituellement son travail ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que les parties n'avaient pas choisi, lorsque le salarié est venu exercer son activité en France, de continuer de soumettre leurs relations contractuelles à la loi marocaine et que, lors de la rupture du contrat, le salarié était depuis trente-cinq ans en France où il avait fixé le centre de ses intérêts de manière stable, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 3 de la convention générale de sécurité sociale du 9 juillet 1965 entre la France et le Maroc ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour les préjudices résultant de l'absence de cotisation aux régimes français de retraite et d'assurance maladie, l'arrêt énonce que s'agissant de l'application de la convention générale de sécurité sociale du 9 juillet 1965 signée entre la France et le Maroc, il n'y a pas lieu de l'appliquer dès lors que l'employeur a entendu soumettre le contrat de travail au droit marocain et conférer au salarié la qualité d'expatrié ;

Attendu cependant qu'il résulte de l'article 3 de la convention générale de sécurité sociale du 9 juillet 1965 entre la France et le Maroc, applicable à l'époque des faits, que les travailleurs salariés occupés sur le territoire de l'une des parties contractantes sont soumis aux législations en vigueur de leur lieu de travail et qu'il n'est fait exception à ce principe que pour un travailleur salarié qui, étant au service d'une entreprise ayant sur le territoire de l'un des Etats un établissement dont il relève normalement, est détaché par cette entreprise sur le territoire de l'autre Etat pour y effectuer un travail pour cette entreprise à condition que la durée prévisible du détachement n'excède pas trois ans, période éventuellement renouvelable pour trois ans maximum ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la BCP avait muté M. X... en France le 18 février 1969 et l'y a fait travailler pendant trente-cinq ans, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les exceptions d'incompétences territoriale et matérielle, l'arrêt rendu le 4 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la BCP aux dépens

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