Cass. 1re civ., 28 mai 2014, n° 13-11.647
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Avocats :
SCP Gadiou et Chevallier, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 3 décembre 2012), que la société Bestin Realty a assigné les sociétés Claridge et Lauren et M. X... en exequatur d'un jugement rendu le 24 novembre 2009 par la Supreme Court de New-York condamnant la société Claridge à lui payer une certaine somme ;
Attendu que les sociétés Claridge et Lauren et M. X... font grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la SCI Claridge, la société Lauren et M. X... avaient expressément fait valoir qu'une requête en modification était pendante à New-York pour rouvrir les débats, et ce, en application des « New-York Civil Practice Laws and Rules » (CPLR) expressément visées dans l'acte de signification du jugement américain de sorte que le jugement dont l'exequatur avait été ordonnée n'était pas définitif ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que le jugement américain était exécutoire sans examiner le moyen tiré de l'existence d'une requête visant à modifier le jugement dont l'exequatur était sollicitée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge français est incompétent pour juger de la recevabilité d'un recours devant les juridictions américaines ; qu'à supposer que la cour d'appel ait examiné le moyen tiré de l'existence d'une requête pour juger celle-ci irrecevable et en déduire que les voies de recours étaient épuisées, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article 509 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge doit viser précisément les éléments de preuve servant de fondement à sa décision ; qu'en se bornant à viser les « justificatifs versés aux débats, et notamment l'attestation de l'avocat américain » pour retenir que le jugement était exécutoire et les voies de recours épuisées, sans préciser l'identité de l'auteur ni la date de l'attestation ainsi visée, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et, partant, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que pour accorder l'exequatur hors de toute convention internationale, le juge français doit s'assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure et l'absence de fraude à la loi ; qu'en l'espèce, la SCI Claridge, la société Lauren et M. X... avaient invoqué une fraude au jugement ayant consisté pour la société Bestin Realty à poursuivre, devant le juge américain, l'exécution de l'acte de cession de créances ¿ le paiement du prix ¿ bien que, d'une part, elle avait obtenu la résolution de la cession de créance aux termes d'un arrêt confirmatif de la cour d'appel de Paris du 9 septembre 2009 et, que d'autre part, il n'y avait aucun lien caractérisé de rattachement à la juridiction new-yorkaise (conclusions d'appel pp. 8 et 9) ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y avait été invitée, si la fraude ne résultait pas de ce que la société Bestin Realty avait, malgré l'absence de lien caractérisé de rattachement, saisi la juridiction américaine pour pouvoir celer à celle-ci la résolution de la cession prononcée par les juridictions françaises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge doit observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour contester l'absence de fraude à la loi, la société Bestin Realty s'était bornée à invoquer l'existence d'une clause attributive de compétence ; qu'en relevant dès lors d'office les moyen tirés du sursis à statuer et de l'absence d'identité de parties, sans avoir préalablement invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, par une décision motivée, interprété la loi étrangère compétente, dont la dénaturation n'est pas alléguée, en retenant qu'il résultait des justificatifs versés aux débats, notamment de l'attestation de l'avocat américain sur laquelle elle se fondait, que, contrairement à ce qu'affirmaient les appelants, ce jugement était exécutoire, son exécution ayant été ordonnée, et les voies de recours ayant été épuisées ;
Que, d'autre part, les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites lorsqu'il s'agit d'un litige international, et lorsque la clause ne fait pas obstacle à la compétence impérative d'une juridiction française, hypothèse qui n'était pas alléguée en l'espèce ; qu'ayant par motifs adoptés, relevé qu'une clause des billets à ordre attribuait compétence à la Supreme Court de New-York et justement déduit que la fraude au jugement ne pouvait dès lors être constituée, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ;
Attendu, enfin, que la société Claridge ayant fait valoir dans ses conclusions l'existence d'une fraude au jugement, la cour d'appel, dès lors que le moyen était dans le débat, n'avait pas à inviter préalablement les parties à présenter leurs observations ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.