Décisions
Cass. crim., 4 décembre 2024, n° 24-80.381
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
N° S 24-80.381 FS-B
N° 01386
SL2
4 DÉCEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 DÉCEMBRE 2024
M. [Z] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, en date du 14 décembre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de blanchiment aggravé, blanchiment douanier, association de malfaiteurs et transfert de capitaux sans déclaration, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 25 mars 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [Z] [L], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes et des droits indirects, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mmes Jaillon, Clément, conseillers de la chambre, Mmes Fouquet, Chafaï, M. Michon, Mme Bloch, conseillers référendaires, Mme Viriot-Barrial, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 1er juillet 2023, les agents des douanes ont procédé au contrôle du véhicule conduit par M. [Z] [L]. Interrogé, celui-ci a déclaré transporter 5 000 euros en espèces. La fouille de son véhicule a amené la découverte d'un sac de sport contenant un peu moins de 1 600 000 euros.
3. Une information a été ouverte et M. [L] a été mis en examen des chefs susmentionnés.
4. M. [L] a déposé une requête devant la chambre de l'instruction aux fins d'annulation du contrôle et de la fouille de son véhicule et des actes subséquents.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de M. [L] tendant à ce que soient annulées certaines pièces, alors :
« 1°/ qu'il résulte de la décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022 du Conseil constitutionnel abrogeant l'article 60 du code des douanes à compter du 1er septembre 2023, à raison de son inconstitutionnalité, que les mesures prises après la publication de sa décision, soit à compter du 23 septembre 2022, peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ; qu'en refusant néanmoins d'annuler la visite douanière effectuée le 1er juillet 2023, soit après la publication de la décision du Conseil constitutionnel, au motif que l'article 60 du code des douanes n'était pas encore abrogé à la date de la visite, la chambre de l'instruction a violé l'article susvisé, ensemble l'article 62 de la Constitution ;
2°/ qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'examiner la compatibilité d'une loi avec les engagements internationaux et européens de la France ; qu'un tel contrôle de conventionnalité relève de la compétence des juridictions administratives et judiciaires ; qu'en refusant d'annuler la visite douanière du 1er juillet 2023 au motif que l'autorité de chose jugée attachée à l'effet différé de la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-1010 du 22 septembre 2022 faisait obstacle à ce qu'elle écarte l'application de l'article 60 du code des douanes en se fondant sur les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, la chambre de l'instruction a violé l'article susvisé, ensemble l'article 62 de la Constitution ;
4°/ qu'en toute état de cause, méconnaît le droit à un procès équitable et le droit au respect de la vie privée le dispositif autorisant des visites douanières sans précision du cadre applicable à la conduite des opérations tenant compte, par exemple, des lieux où elles sont réalisées ou de l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction ; que la chambre de l'instruction relève qu'il existait des faits constituant des raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction au moment du contrôle de M. [L] en raison de la découverte à l'issue du contrôle de plus de 1 600 000 euros en espèces et de deux passeports sous deux identités différentes, et que la mesure est proportionnée à hauteur de la fraude constatée ; qu'en déduisant ainsi l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction d'éléments révélés par la visite douanière, la chambre de l'instruction a violé l'article 60 du code des douanes, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
7. Pour rejeter la nullité du contrôle douanier tirée de l'inconstitutionnalité de l'article 60 du code des douanes dans sa version applicable au litige, issue du décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948, l'arrêt attaqué relève que, si le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2022-2010 QPC du 22 septembre 2022, déclaré inconstitutionnel cet article 60, il a reporté au 1er septembre 2023 la date de son abrogation.
8. Les juges en déduisent que, à la date du contrôle, l'article 60 du code des douanes n'était pas abrogé et restait applicable.
9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
10. En effet, il résulte de la décision précitée que la date de l'abrogation de l'article 60 du code des douanes a été reportée au 1er septembre 2023 et que le Conseil constitutionnel n'a pas assorti sa décision d'une réserve transitoire s'appliquant avant cette abrogation, une telle réserve ne pouvant être qu'explicite.
11. Par ailleurs, il ne saurait être déduit de ce que le Conseil constitutionnel a précisé dans sa décision que les mesures prises avant la publication de celle-ci ne peuvent être contestées sur le fondement de l'inconstitutionnalité retenue, que les contrôles douaniers effectués entre cette publication et l'abrogation de l'article 60 du code des douanes pourraient l'être.
12. Enfin, à la suite de cette décision, le législateur a réécrit cet article 60 par la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023, entrée en vigueur le 20 juillet 2023.
13. Les contrôles opérés avant cette date sur le fondement de l'article 60 du code des douanes ne peuvent donc être contestés en raison de l'inconstitutionnalité de cet article.
14. Ainsi, le grief doit être écarté.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches
15. L'article 60 du code des douanes, dans sa version applicable aux faits, permet aux agents des douanes, pour l'application des dispositions de ce code et en vue de la recherche de la fraude, de procéder au contrôle des marchandises, des moyens de transport et des personnes, sans accord de la personne, ni autorisation préalable de l'autorité judiciaire et sans qu'il soit nécessaire de relever l'existence préalable d'un indice laissant présumer la commission d'une infraction, en tout lieu public des territoires douanier et national où se trouvent des personnes, des moyens de transports ou des marchandises, à toute heure du jour et de la nuit et à l'égard de toute personne se trouvant sur place, ce qui inclut la possibilité de fouiller ses vêtements et ses bagages.
16. La jurisprudence a précisé que cette mesure de contrainte ne peut s'exercer que le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations de visite, que les agents des douanes ne disposent pas d'un pouvoir général d'audition de la personne contrôlée, qu'ils ne sont pas autorisés à procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public, libre de tout occupant, qu'ils ne peuvent procéder à une fouille à corps impliquant le retrait des vêtements, qu'ils doivent procéder à l'inventaire immédiat des indices recueillis lors du contrôle et les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et placement sous scellés et que la personne concernée par le contrôle peut, si elle fait l'objet de poursuites, faire valoir par voie d'exception la nullité de ces opérations.
17. En premier lieu, compte tenu des garanties énoncées ci-dessus, l'article 60 du code des douanes ne méconnaît pas le droit à un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
18. En second lieu, il résulte de l'article 8 de cette même convention que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et qu'il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, poursuit un des buts légitimes prévus audit article.
19. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, les termes « prévue par la loi » signifient que la loi doit être suffisamment accessible et prévisible, c'est-à-dire énoncée avec assez de précision pour permettre au justiciable – en s'entourant au besoin de conseils éclairés – de régler sa conduite et que pour répondre à ces exigences, le droit interne doit offrir une certaine protection contre les atteintes arbitraires des pouvoirs publics aux droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, arrêt du 4 décembre 2008, S. et Marper c. Royaume-Uni, n° 30562/04 et 30566/04). Lorsqu'il s'agit de questions touchant aux droits fondamentaux, la loi irait à l'encontre de la prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique consacrés par ladite convention, si le pouvoir d'appréciation accordé à l'exécutif ne connaissait pas de limite (CEDH, arrêt du 28 février 2019, [O] c. Royaume-Uni, n° 4755/16).
20. Afin d'apprécier si les garanties prévues par le droit interne limitent suffisamment ces pouvoirs pour offrir une protection adéquate contre toute ingérence arbitraire dans le droit au respect de la vie privée, il convient de prendre en considération la portée géographique et temporelle des pouvoirs, la latitude accordée aux autorités pour décider si et quand exercer ces pouvoirs, toute limitation éventuelle à l'ingérence que l'exercice de ces pouvoirs occasionne, la possibilité d'un contrôle juridictionnel de l'exercice des pouvoirs et une supervision indépendante de l'usage qui en est fait (CEDH, arrêt du 28 février 2019, [O] c. Royaume-Uni, n° 4755/16).
21. Aussi, l'article 60 du code des douanes ne saurait être regardé comme compatible avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qu'aux conditions qui suivent.
22. Les agents des douanes ne peuvent exercer le droit de visite prévu par l'article 60, selon les modalités rappelées aux paragraphes 15 et 16, que s'ils constatent l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission ou la tentative de commission d'une infraction douanière, ou s'ils opèrent dans des zones et lieux présentant des risques particuliers de commission d'infractions douanières. Ces zones et lieux sont le rayon douanier et les bureaux des douanes, tels que définis par l'article 44, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 juillet 2023 précitée, et l'article 47 du code des douanes, ainsi que ceux énumérés par le premier alinéa de l'article 67 quater du même code.
23. La méconnaissance de ces conditions, susceptible d'avoir entraîné une atteinte au droit au respect de la vie privée, n'affecte qu'un intérêt privé. Aussi, le juge pénal ne peut prononcer la nullité, en application des dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale, que si cette irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l'acte critiqué (Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 21-80.642, publié au Bulletin).
24. Par ailleurs, la Cour de cassation juge que l'ingérence dans la vie privée qui résulte de la fouille d'un véhicule étant, par sa nature même, moindre que celle résultant d'une perquisition dans un domicile, il appartient au requérant d'établir qu'un tel acte lui a occasionné un grief (Crim., 16 janvier 2024, pourvoi n° 22-87.593, publié au Bulletin).
25. En l'espèce, l'arrêt attaqué relève que le contrôle a eu lieu à la frontière franco-italienne, donc dans le rayon douanier tel que défini par l'article 44 du code des douanes dans sa rédaction alors applicable.
26. Dès lors, le moyen, qui critique des motifs erronés mais surabondants, est inopérant.
27. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre.
N° 01386
SL2
4 DÉCEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 DÉCEMBRE 2024
M. [Z] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, en date du 14 décembre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de blanchiment aggravé, blanchiment douanier, association de malfaiteurs et transfert de capitaux sans déclaration, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 25 mars 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [Z] [L], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes et des droits indirects, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mmes Jaillon, Clément, conseillers de la chambre, Mmes Fouquet, Chafaï, M. Michon, Mme Bloch, conseillers référendaires, Mme Viriot-Barrial, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 1er juillet 2023, les agents des douanes ont procédé au contrôle du véhicule conduit par M. [Z] [L]. Interrogé, celui-ci a déclaré transporter 5 000 euros en espèces. La fouille de son véhicule a amené la découverte d'un sac de sport contenant un peu moins de 1 600 000 euros.
3. Une information a été ouverte et M. [L] a été mis en examen des chefs susmentionnés.
4. M. [L] a déposé une requête devant la chambre de l'instruction aux fins d'annulation du contrôle et de la fouille de son véhicule et des actes subséquents.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de M. [L] tendant à ce que soient annulées certaines pièces, alors :
« 1°/ qu'il résulte de la décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022 du Conseil constitutionnel abrogeant l'article 60 du code des douanes à compter du 1er septembre 2023, à raison de son inconstitutionnalité, que les mesures prises après la publication de sa décision, soit à compter du 23 septembre 2022, peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ; qu'en refusant néanmoins d'annuler la visite douanière effectuée le 1er juillet 2023, soit après la publication de la décision du Conseil constitutionnel, au motif que l'article 60 du code des douanes n'était pas encore abrogé à la date de la visite, la chambre de l'instruction a violé l'article susvisé, ensemble l'article 62 de la Constitution ;
2°/ qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'examiner la compatibilité d'une loi avec les engagements internationaux et européens de la France ; qu'un tel contrôle de conventionnalité relève de la compétence des juridictions administratives et judiciaires ; qu'en refusant d'annuler la visite douanière du 1er juillet 2023 au motif que l'autorité de chose jugée attachée à l'effet différé de la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-1010 du 22 septembre 2022 faisait obstacle à ce qu'elle écarte l'application de l'article 60 du code des douanes en se fondant sur les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, la chambre de l'instruction a violé l'article susvisé, ensemble l'article 62 de la Constitution ;
4°/ qu'en toute état de cause, méconnaît le droit à un procès équitable et le droit au respect de la vie privée le dispositif autorisant des visites douanières sans précision du cadre applicable à la conduite des opérations tenant compte, par exemple, des lieux où elles sont réalisées ou de l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction ; que la chambre de l'instruction relève qu'il existait des faits constituant des raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction au moment du contrôle de M. [L] en raison de la découverte à l'issue du contrôle de plus de 1 600 000 euros en espèces et de deux passeports sous deux identités différentes, et que la mesure est proportionnée à hauteur de la fraude constatée ; qu'en déduisant ainsi l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction d'éléments révélés par la visite douanière, la chambre de l'instruction a violé l'article 60 du code des douanes, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
7. Pour rejeter la nullité du contrôle douanier tirée de l'inconstitutionnalité de l'article 60 du code des douanes dans sa version applicable au litige, issue du décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948, l'arrêt attaqué relève que, si le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2022-2010 QPC du 22 septembre 2022, déclaré inconstitutionnel cet article 60, il a reporté au 1er septembre 2023 la date de son abrogation.
8. Les juges en déduisent que, à la date du contrôle, l'article 60 du code des douanes n'était pas abrogé et restait applicable.
9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
10. En effet, il résulte de la décision précitée que la date de l'abrogation de l'article 60 du code des douanes a été reportée au 1er septembre 2023 et que le Conseil constitutionnel n'a pas assorti sa décision d'une réserve transitoire s'appliquant avant cette abrogation, une telle réserve ne pouvant être qu'explicite.
11. Par ailleurs, il ne saurait être déduit de ce que le Conseil constitutionnel a précisé dans sa décision que les mesures prises avant la publication de celle-ci ne peuvent être contestées sur le fondement de l'inconstitutionnalité retenue, que les contrôles douaniers effectués entre cette publication et l'abrogation de l'article 60 du code des douanes pourraient l'être.
12. Enfin, à la suite de cette décision, le législateur a réécrit cet article 60 par la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023, entrée en vigueur le 20 juillet 2023.
13. Les contrôles opérés avant cette date sur le fondement de l'article 60 du code des douanes ne peuvent donc être contestés en raison de l'inconstitutionnalité de cet article.
14. Ainsi, le grief doit être écarté.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches
15. L'article 60 du code des douanes, dans sa version applicable aux faits, permet aux agents des douanes, pour l'application des dispositions de ce code et en vue de la recherche de la fraude, de procéder au contrôle des marchandises, des moyens de transport et des personnes, sans accord de la personne, ni autorisation préalable de l'autorité judiciaire et sans qu'il soit nécessaire de relever l'existence préalable d'un indice laissant présumer la commission d'une infraction, en tout lieu public des territoires douanier et national où se trouvent des personnes, des moyens de transports ou des marchandises, à toute heure du jour et de la nuit et à l'égard de toute personne se trouvant sur place, ce qui inclut la possibilité de fouiller ses vêtements et ses bagages.
16. La jurisprudence a précisé que cette mesure de contrainte ne peut s'exercer que le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations de visite, que les agents des douanes ne disposent pas d'un pouvoir général d'audition de la personne contrôlée, qu'ils ne sont pas autorisés à procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public, libre de tout occupant, qu'ils ne peuvent procéder à une fouille à corps impliquant le retrait des vêtements, qu'ils doivent procéder à l'inventaire immédiat des indices recueillis lors du contrôle et les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et placement sous scellés et que la personne concernée par le contrôle peut, si elle fait l'objet de poursuites, faire valoir par voie d'exception la nullité de ces opérations.
17. En premier lieu, compte tenu des garanties énoncées ci-dessus, l'article 60 du code des douanes ne méconnaît pas le droit à un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
18. En second lieu, il résulte de l'article 8 de cette même convention que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et qu'il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, poursuit un des buts légitimes prévus audit article.
19. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, les termes « prévue par la loi » signifient que la loi doit être suffisamment accessible et prévisible, c'est-à-dire énoncée avec assez de précision pour permettre au justiciable – en s'entourant au besoin de conseils éclairés – de régler sa conduite et que pour répondre à ces exigences, le droit interne doit offrir une certaine protection contre les atteintes arbitraires des pouvoirs publics aux droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, arrêt du 4 décembre 2008, S. et Marper c. Royaume-Uni, n° 30562/04 et 30566/04). Lorsqu'il s'agit de questions touchant aux droits fondamentaux, la loi irait à l'encontre de la prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique consacrés par ladite convention, si le pouvoir d'appréciation accordé à l'exécutif ne connaissait pas de limite (CEDH, arrêt du 28 février 2019, [O] c. Royaume-Uni, n° 4755/16).
20. Afin d'apprécier si les garanties prévues par le droit interne limitent suffisamment ces pouvoirs pour offrir une protection adéquate contre toute ingérence arbitraire dans le droit au respect de la vie privée, il convient de prendre en considération la portée géographique et temporelle des pouvoirs, la latitude accordée aux autorités pour décider si et quand exercer ces pouvoirs, toute limitation éventuelle à l'ingérence que l'exercice de ces pouvoirs occasionne, la possibilité d'un contrôle juridictionnel de l'exercice des pouvoirs et une supervision indépendante de l'usage qui en est fait (CEDH, arrêt du 28 février 2019, [O] c. Royaume-Uni, n° 4755/16).
21. Aussi, l'article 60 du code des douanes ne saurait être regardé comme compatible avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qu'aux conditions qui suivent.
22. Les agents des douanes ne peuvent exercer le droit de visite prévu par l'article 60, selon les modalités rappelées aux paragraphes 15 et 16, que s'ils constatent l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission ou la tentative de commission d'une infraction douanière, ou s'ils opèrent dans des zones et lieux présentant des risques particuliers de commission d'infractions douanières. Ces zones et lieux sont le rayon douanier et les bureaux des douanes, tels que définis par l'article 44, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 juillet 2023 précitée, et l'article 47 du code des douanes, ainsi que ceux énumérés par le premier alinéa de l'article 67 quater du même code.
23. La méconnaissance de ces conditions, susceptible d'avoir entraîné une atteinte au droit au respect de la vie privée, n'affecte qu'un intérêt privé. Aussi, le juge pénal ne peut prononcer la nullité, en application des dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale, que si cette irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l'acte critiqué (Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 21-80.642, publié au Bulletin).
24. Par ailleurs, la Cour de cassation juge que l'ingérence dans la vie privée qui résulte de la fouille d'un véhicule étant, par sa nature même, moindre que celle résultant d'une perquisition dans un domicile, il appartient au requérant d'établir qu'un tel acte lui a occasionné un grief (Crim., 16 janvier 2024, pourvoi n° 22-87.593, publié au Bulletin).
25. En l'espèce, l'arrêt attaqué relève que le contrôle a eu lieu à la frontière franco-italienne, donc dans le rayon douanier tel que défini par l'article 44 du code des douanes dans sa rédaction alors applicable.
26. Dès lors, le moyen, qui critique des motifs erronés mais surabondants, est inopérant.
27. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre.