Cass. 3e civ., 5 décembre 2024, n° 21-18.445
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Margaux (EURL)
Défendeur :
Buildinvest (SA), MMA IARD (SA), Crédit foncier de France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Abgrall
Avocat général :
M. Burgaud
Avocats :
SAS Buk Lament-Robillot, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Boucard-Maman, SCP Célice, Texidor, Périer
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [C] du désistement de son pourvoi et à la société Margaux du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le président de la chambre départementale des notaires de Guadeloupe.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 2021), par acte du 10 mai 1990 reçu par M. [X], notaire associé au sein de la société civile professionnelle [X] et [B], devenue [S] [R] et [J] [P] (la SCP), la société Clasa a vendu à la société MV II, aux droits de laquelle se trouve la société Buildinvest, divers lots de copropriété dans un immeuble à usage de résidence hôtelière.
3. Le 28 décembre 1990, le lot n° 266 a été revendu, par l'intermédiaire de la SCP, à la société Margaux, dont l'unique associé était M. [C], laquelle, pour financer son acquisition, a souscrit un emprunt auprès du Comptoir des entrepreneurs, aux droits duquel se trouve le Crédit foncier de France.
4. Par actes d'huissier de justice des 17 et 18 novembre et 7 et 8 décembre 2010, la société Margaux et M. [C] ont assigné la société Buildinvest, la société Clasa, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la société Fides, la SCP et son assureur, la société MMA, le Crédit foncier de France ainsi que le président de la chambre départementale des notaires de Guadeloupe, en annulation des ventes successives et du prêt et en indemnisation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses première et quatrième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. La société Margaux fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de nullité des actes de vente des 10 mai 1990 et 28 décembre 1990 ainsi que du contrat de prêt, et ses demandes formées contre la SCP, alors :
« 2°/ que la société Margaux a sollicité la nullité de la vente conclue le 28 décembre 1990 avec la société MV-II, aux droits de laquelle est venue la société Buildinvest, sur le fondement de l'article 1599 du code civil, par une assignation en date des 10, 12 et 18 novembre 2010 et 7 et 8 décembre 2010 ; qu'en retenant, pour débouter la société Margaux de sa demande en nullité de l'acte de vente du 28 décembre 1990, que dès le 4 juillet 2012, le liquidateur judiciaire de la société Clasa avait déposé une requête en autorisation judiciaire de réfection de l'acte de vente du 10 mai 1990, la société Buildinvest, venant aux droits de la société MV-II, lui ayant préalablement signifié un projet de réfection et qu'ainsi, le vendeur de MV-II, soit la société Clasa, avait, par un ensemble d'actes non équivoques, renoncé à se prévaloir de la nullité de la vente initiale, dès avant l'introduction de l'action en nullité de la vente conclue entre les sociétés MV-II et Margaux, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont il résultait que la société Margaux avait introduit son action en nullité de la vente du 28 décembre 1990 sur le fondement de l'article 1599 du code civil en novembre 2010, soit avant la renonciation de la société Clasa à se prévaloir de la nullité de la vente initiale du 10 mars 1990, datant de juillet 2012, et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que la nullité résultant de la vente de la chose d'autrui n'est couverte que lorsque le risque d'éviction a disparu avant toute action en nullité ; qu'en relevant, pour débouter la société Margaux de sa demande en nullité de l'acte de vente du 28 décembre 1990, que depuis l'introduction de son action en nullité, la vente originaire du 10 mai 1990 avait fait l'objet d'une réfection par acte authentique du 4 juillet 2017 conclu entre le liquidateur judiciaire de la société Clasa et la société Buildinvest, venant aux droits de la société MV-II, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé l'article 1599 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Il est jugé que la nullité résultant de la vente de la chose d'autrui, prévue par l'article 1599 du code civil, ne tend qu'à protéger l'acquéreur, qui a donc seul qualité pour l'invoquer (3e Civ., 16 avril 1973, Bull. III, n° 303 ; 3e Civ., 9 mars 2005, pourvoi n° 03-14.916, Bull. III, n° 63).
8. Il est également jugé que cette nullité est couverte lorsque, avant toute action en nullité, l'acheteur a vu disparaître le risque d'éviction (1re Civ.,12 juillet 1962, Bull. I, n° 370 ; Com., 2 juillet 1979, pourvoi n° 77-16.048, Bull. IV, n° 224 ; Com., 5 novembre 2002, pourvoi n° 00-14.885, Bull. IV, n° 159).
9. La Cour de cassation n'a toutefois pas eu à se prononcer sur le cas d'une régularisation de la vente principale intervenue au cours de l'instance en nullité engagée par le sous-acquéreur.
10. Le fondement de la nullité de la vente de la chose d'autrui résidant exclusivement dans la nécessité de protéger l'acquéreur d'un risque d'éviction, elle ne peut être prononcée lorsque, la régularisation de la vente principale étant intervenue en cours d'instance, tout risque d'éviction du sous-acquéreur a disparu au jour où le juge statue.
11. La cour d'appel a relevé que, par acte authentique du 4 juillet 2017, la société Clasa, représentée par son liquidateur judiciaire, et la société Buildinvest avaient procédé à la réfection de l'acte de vente du 10 mai 1990 frappé de nullité absolue, ce dont il résultait, qu'au jour où elle a statué sur la vente subséquente du 28 décembre 1990, celle-ci ne pouvait plus être contestée par la société Clasa, de sorte que tout risque d'éviction du sous-acquéreur, la société Margaux, avait disparu.
12. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les pourvois incidents qui ne sont qu'éventuels, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne la société Margaux aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Margaux et la condamne à payer la somme de 2 000 euros :
- ensemble à la société civile professionnelle [S] [R] et [J] [P] et à la société MMA IARD,
- à la société Fides, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Clasa,
- à la société Crédit foncier de France.