Décisions

Cass. 1re civ., 17 juin 1997, n° 95-14.162

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Chartier

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

SCP Nicolay et de Lanouvelle, SCP Célice et Blancpain

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mme Karpman-Boutet exerçait depuis 1965 son activité de médecin-anesthésiste à la clinique Saint-François-Xavier, exploitée par la société Clinique Saint-François-Xavier (la clinique) en vertu d'un contrat à durée indéterminée ; que, en contrepartie des prestations offertes par la clinique, elle a versé à celle-ci une redevance équivalant à 5 % de ses honoraires jusqu'au 1er novembre 1974, date à partir de laquelle elle a cessé toute contribution ; que, par lettre du 21 septembre 1988, le directeur de la clinique a écrit à Mme Karpman-Boutet pour l'informer qu'à défaut d'accepter un contrat prévoyant une rétrocession de 20 % sur les honoraires conventionnés perçus, il dénonçait la convention les unissant pour le 31 décembre 1988, échéance reportée le 2 décembre 1988 au 1er mai 1989 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la clinique reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 25 janvier 1995), rendu après cassation, de l'avoir condamnée à payer à Mme Karpman-Boutet la somme de 1 062 500 francs à titre d'indemnité compensatrice de préavis, alors, selon le moyen, que dans un contrat synallagmatique l'obligation de l'une des parties a pour cause l'obligation de l'autre, et réciproquement, en sorte que si l'obligation de l'une n'est pas remplie, quel qu'en soit le motif, l'obligation de l'autre devient sans cause ; que la cour d'appel a constaté que l'obligation de Mme Karpman-Boutet de versement à la clinique d'une rétrocession d'honoraires n'était plus exécutée depuis 1974, et qu'il en résultait que, en raison de la réciprocité des obligations pesant sur le médecin et la clinique en vertu d'un contrat synallagmatique à exécution successive, les obligations de la clinique étaient sans cause à cette date et que celle-ci n'était notamment plus tenue au respect de la durée du préavis d'usage, de sorte que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article 1131 du Code civil ;

Mais attendu que le contrat par lequel une clinique autorise un médecin à exercer trouve pour celle-ci sa cause dans l'engagement qui en résulte nécessairement pour ce médecin d'exercer, dans les conditions qui y sont définies, fût-ce verbalement, son activité au sein de la clinique, et non dans une rétrocession d'honoraires correspondant par leur nature et par leur coût à un service rendu à ce médecin, rétrocession qui, pour légitime qu'elle puisse être dans son principe, n'est que la conséquence de l'exercice de cette activité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la clinique reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer la somme précitée à titre d'indemnité compensatrice de préavis alors, selon le moyen, que l'article 9 du contrat type appliqué par la cour d'appel fixe le délai de préavis à respecter en cas de résiliation du contrat conclu entre un praticien et une clinique privée et stipule dans son dernier alinéa que sauf cas de rupture abusive par la clinique le praticien ne pourra prétendre à aucune indemnité, et que la cour d'appel, qui a constaté que la rupture n'était pas abusive, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a ainsi violé les articles 9 du contrat type, et 1134 et 1150 du Code civil ;

Mais attendu que l'absence d'indemnité au titre de la rupture du contrat lorsque celle-ci n'est pas abusive, n'exclut pas une indemnisation en cas de non-respect du délai de préavis ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné la clinique à payer à Mme Karpman-Boutet la somme précitée alors qu'en l'absence de disposition spéciale instituant une " indemnité compensatrice de préavis ", à l'instar de ce qui existe en droit du travail, le montant de l'indemnité ne peut excéder la mesure du préjudice de la victime, et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 9 du contrat type, 1147, 1149 et 1150 du Code civil par refus d'application, et L. 122-8 du Code du travail par fausse application ;

Mais attendu que les juges du second degré ne se sont pas référés au Code du travail, et que c'est dans l'exercice de leur pouvoir souverain qu'ils ont, d'une part, estimé que les usages professionnels entre les praticiens et les cliniques privées imposaient à la clinique de respecter, en l'espèce, un préavis de 2 ans, et, d'autre part, évalué le préjudice subi par Mme Karpman-Boutet du fait de son abrègement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.