Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-40.830
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Blatman
Attendu, selon les arrêts attaqués, que le 5 juillet 2005, la société Action commerciale devenue la société Editialis a absorbé la société AM éditions dont Mme X... et M. Y... étaient les salariés, la première en qualité de rédactrice en chef, le second en qualité de chef de projet ; que relevant tous deux, depuis le 1er janvier 2001, d'un accord d'entreprise dit "Raft.com" portant aménagement et réduction du temps de travail, en application de la loi du 19 janvier 2000, les salariés ont signé le 21 février 2001, un avenant à leur contrat de travail aux termes duquel, rangés dans le catégorie des cadres autonomes, ils étaient soumis à une convention de forfait en jours fixant à 216 jours par an, le nombre de jours travaillés ; que l'un et l'autre ont en outre bénéficié des dispositions de l'article 8-2 de l'accord leur accordant chaque année, 22 demi-journées non travaillées, réparties par quinzaine, obligatoirement positionnées le vendredi après-midi ; qu'à cet accord de 2001, a été substitué le 8 juillet 2005, après négociations avec le syndicat CGT, un nouvel accord sur la durée du travail ayant pour objet d'unifier les modalités d'application de la réduction du temps de travail au sein des deux sociétés qui venaient de fusionner ; que Mme X... et M. Y..., devenus les salariés de la société Editialis ont refusé de signer l'avenant à leur contrat de travail leur proposant une nouvelle convention de forfait en jours également fixée à 216 jours par an au motif que l'accord de 2005 emportait en fait une augmentation de leur temps de travail ; que suite à ce refus, ils ont été licenciés par lettres recommandées du 10 octobre 2005 ;
Sur le premier moyen qui est commun aux deux pourvois :
Attendu que les salariés font grief aux arrêts de les avoir déboutés de leurs demandes tendant à ce que la société Editialis soit condamnée à leur verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen,
1°/ qu'aux termes de l'article 30.II de la loi du 19 janvier 2000, lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement est un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique et est soumis aux dispositions des articles L. 122-14 et L. 122-17 du code du travail ; que n'entre pas dans le champ d'application de cette disposition un accord collectif prévoyant une augmentation de la durée du travail, peu important que cet accord vise l'article 30.II précité de la loi du 19 janvier 2000 ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que, par l'effet du nouvel accord collectif, le nombre de jours de repos a diminué pour un nombre de jours de travail demeuré inchangé, de sorte que la durée du travail a augmenté ; qu'en décidant cependant que la durée du travail avait diminué et qu'en conséquence, l'article 30.II de la loi du 19 janvier 2000 était applicable, et en excluant de la sorte que le contrat de travail ait pu être modifié en ce qui concerne la durée du travail, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé, par fausse application, l'article 30.II de la loi du 19 janvier 2000 et, par refus d'application, l'article 1134 du code civil ;
2°/ que dès lors qu'est sollicité par l'employeur l'accord des salariés à la remise en cause d'un avantage qui avait été reconduit jusqu'au transfert d'activité d'une entreprise à l'autre, il en confirme le caractère contractuel, et il en résulte que cet engagement oblige le nouvel employeur au service duquel les salariés sont passés par l'effet de l'article L. 122-12 de sorte qu'il ne peut être remis en cause par un accord collectif moins favorable ; qu'ayant relevé que l'employeur avait demandé à au salarié de signer un avenant à son contrat de travail remettant en cause l'ancienne durée du travail ainsi que son aménagement et ce, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un accord collectif moins favorable que celui qu'il déclarait réviser, la cour d'appel devait en déduire que l'ancienne durée du contrat de travail avait un caractère contractuel et qu'elle ne pouvait être remise en cause par un accord collectif moins favorable ; qu'en considérant que le contrat de travail n'avait pas été modifié par l'effet du nouvel avenant que le salarié avait refusé de signer au motif que les vingt deux demi-journées de repos ne figuraient pas dans le premier avenant au contrat de travail, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1134 du code civil et L. 122-12 du code du travail ;
3°/ que l'accord collectif du 8 juillet 2005 prévoit, en son article 5.2.2, que le refus de signature de l'avenant au contrat de travail valant convention de forfait pourra constituer une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail s'il s'avère que ce refus est incompatible avec l'exercice des fonctions ou des responsabilités du salarié concerné ; qu'en se bornant à relever de façon inopérante que le refus du salarié de signer l'avenant à son contrat de travail compromettait la cohésion de l'équipe, sans rechercher si ce refus était incompatible avec les fonctions et responsabilités du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5.2.2 de l'accord précité du 8 juillet 2005, ensemble l'article L. 135-2 du code du travail ;
4°/ que constitue un avantage individuel acquis au sens de l'article L. 132-2 du code du travail les demi-journées de repos prévues en contrepartie de la réduction du temps de travail par un accord collectif mis en cause, la prise de ces jours de repos s'effectuant individuellement dans le cadre des relations contractuelles entre l'employeur et le salarié, sans que n'intervienne l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'en décidant que les vingt deux demi-journées de repos prévues par l'accord du 2 février 2001 constituaient un avantage collectif quand seul le principe conventionnel des jours de repos compensateurs au titre de la réduction du temps de travail était de nature collective, non l'utilisation individuelle par le salarié de ces jours de repos, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 132-8, alinéa 7, du code du travail ;
Mais attendu d'abord que la cour d'appel a retenu à bon droit que l'accord collectif du 8 juillet 2005 négocié et conclu lors de la fusion absorption ayant donné naissance à la société Editialis s'était, au sens de l'article L. 132-8 du code du travail, substitué à l'accord d'entreprise du 2 février 2001 jusqu'alors en vigueur au sein de la société AM éditions, afin de déterminer les modalités de la durée de travail communes à tous les salariés de la nouvelle entreprise ;
Attendu ensuite, qu'ayant relevé que le nombre de jours de RTT octroyés aux deux cadres autonomes résultait non pas de leurs contrats de travail qui ne mentionnaient que l'existence d'un forfait annuel de 216 jours, mais des accords négociés dans le cadre de la réduction du temps de travail, ce qui excluait que ces jours de repos, de nature exclusivement collective, présentent le caractère d'avantages individuels acquis, la cour d'appel en a exactement déduit que les nouvelles modalités de la réduction du travail mises en place par l'accord substitué, même si elles avaient pour effet de réduire le nombre des jours non travaillés de Mme X... et de M. Y..., s'imposaient aux salariés sans que ceux-ci puissent se prévaloir d'une modification de leurs contrats de travail ;
Attendu enfin, que selon l'article 30-II de la loi du 19 janvier 2000, alors applicable, lorsqu'un salarié refuse la modification de son contrat de travail proposée en application d'un accord de réduction de la durée de travail, son licenciement est un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique et est soumis aux dispositions des articles L. 122-14 à L. 122-17 du code du travail ; qu'usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du code du travail, la cour d'appel a souverainement décidé que les refus de Mme X... et de M. Y... de conclure une nouvelle convention de forfait conforme à l'accord collectif du 8 juillet 2005, alors que leurs collaborateurs en avaient accepté les modalités, étaient de nature à rompre la cohésion nécessaire existant au sein de leurs équipes et constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour débouter les salariés de leurs demandes en paiement d'un rappel de salaire et de congés payés au titre des travaux effectués en ligne sur les sites internet, l'arrêt retient que si les intéressés, antérieurement au transfert de leur contrat de travail à la société Groupe MM, ont obtenu le paiement de compléments de salaire pour des travaux distincts de celui de rédactrice en chef ou de chef de projet, par la société Éditions françaises du marketing, il est certain que postérieurement à ces transferts, ils n'ont plus perçu les salaires correspondant à ce travail de publication en ligne, sans jamais élever la moindre protestation et qu'ainsi la rémunération unique perçue postérieurement au mois de mai 2001, incluait nécessairement le travail réalisé au titre de la rédaction de la "brève MD-On Ligne", sans que Mme X... et M. Y... puissent réclamer à la société Editialis, un rappel de salaire pour un travail distinct du travail de rédactrice en chef ou de chef de projet ;
Attendu cependant que la renonciation à un droit ne se présume pas et que l'absence de contestation ne caractérisait pas en soi une manifestation sans équivoque de la volonté des salariés de renoncer au paiement des rappels de salaire litigieux ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont débouté Mme X... et M. Y... de leurs demandes en paiement d'un rappel de salaire et de congés payés, les arrêts rendus le 13 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés.