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Décisions

Cass. 2e civ., 8 septembre 2022, n° 21-12.736

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Kermina

Avocat général :

Mme Trassoudaine-Verger

Avocats :

SARL Corlay, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Amiens, du 19 janv. 2021

19 janvier 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 janvier 2021), la société Techem a assigné devant un tribunal d'instance le syndicat des copropriétaires de "la résidence Californie" (le syndicat des copropriétaires) en paiement de différentes sommes et à fin qu'il soit dit que le contrat de location de compteurs d'eau les liant restera en vigueur tant que les compteurs ne lui auront pas été restitués.

2. Le syndicat des copropriétaires a assigné en garantie la société Comptage immobilier et services ISTA (la société ISTA).

3. La société Techem a relevé appel du jugement ayant dit que les compteurs lui avaient été restitués le 26 septembre 2016 par la société ISTA, l'ayant déboutée de ses demandes et ayant dit sans objet la demande de garantie à l'encontre de la société ISTA.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Techem fait grief à l'arrêt de dire que les compteurs lui ont été restitués le 26 septembre 2016 par la société ISTA, qu'elle est mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions et de l'en débouter, et, en conséquence de la condamner aux dépens et à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires et à la société ISTA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la cour doit statuer sur les prétentions énoncées au dispositif et examiner les moyens au soutien de ces prétentions invoqués dans la discussion ; qu'en l'espèce la société Techem formulait plusieurs prétentions au dispositif de ses conclusions du 15 juin 2020 et les discutait explicitement dans une partie intitulée « B. En droit » ; qu'en refusant de répondre à ces demandes dès lors que la partie exposant les moyens n'était pas intitulée « discussion » la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, violé l'article 954 du code de procédure civile ensemble l'article 4 du code civil et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

2°/ qu'en disant que les conclusions de la société Techem « se limitent à présenter l'objet de la demande décliné d'abord en fait puis en droit » pour conclure qu'il n'existait aucune discussion des prétentions et des moyens et ainsi débouter la société Techem de l'ensemble de ses demandes quand ces moyens figuraient explicitement dans les écritures de celle-ci dans une partie intitulée « En Droit », la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions et si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière distincte.

6. Le troisième alinéa de ce texte dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

7. Ces dispositions, qui imposent la présentation, dans les conclusions, des prétentions ainsi que des moyens soutenus à l'appui de ces prétentions, ont pour finalité de permettre, en introduisant une discussion, de les distinguer de l'exposé des faits et de la procédure, de l'énoncé des chefs de jugement critiqués et du dispositif récapitulant les prétentions. Elles tendent à assurer une clarté et une lisibilité des écritures des parties.

8. Elles n'exigent pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d'appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion ». Il importe que ces éléments apparaissent de manière claire et lisible dans le corps des conclusions.

9. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que les conclusions de l'appelante ne comprenant aucune partie discussion au sens de l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile puisque qu'elles se limitent à présenter l'objet de la demande décliné d'abord en fait puis en droit, de sorte que la cour d'appel, qui n'a pas à répondre au moindre moyen invoqué dans une partie discussion, ne peut que confirmer le jugement, sans qu'il soit utile d'examiner la question de la recevabilité des moyens nouveaux opposée par les intimés.

10. En statuant ainsi, alors que les conclusions de l'appelante distinguaient, dans la partie « en droit », les prétentions ainsi que les moyens soutenus en appel à l'appui des prétentions, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.