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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-1, 19 novembre 2024, n° 22/02257

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

K (Consorts), SCI ABR (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Manes

Conseillers :

Mme Cariou, Mme du Crest

Avocats :

Me Cals, Me Brosseau, Me Blondel, Me Ladreit de Lacharriere

TJ Nanterre, du 10 mars 2022, n° 18/0719…

10 mars 2022

FAITS ET PROCÉDURE

A la suite de différentes cessions intervenues entre les associés, la répartition du capital de la société civile immobilière dénommée ABR (ci-après la société ABR), laquelle est propriétaire d'un appartement avec parking sis à [Localité 12] (Hauts-de-Seine), constituée initialement entre M. [Z] [K] et Mme [H] [S], son épouse, est la suivante :

- Mme [H] [S] dispose de 997 parts en usufruit ;

- M. [O] [K], co-gérant, dispose de deux parts en pleine propriété et de 498 parts en nue-propriété ;

- Mme [J] [K] épouse [X], co-gérante, est titulaire d'une part en pleine propriété et de 499 parts en nue-propriété.

Le 31 mars 2018, une assemblée générale ordinaire des associés, à laquelle n'a pas participé Mme [J] [K] épouse [X], a voté plusieurs résolutions, au nombre desquelles figurent notamment l'arrêt des avances consenties à la société civile immobilière ABR par l'usufruitière, Mme [H] [S], et le remboursement par les associés nus-propriétaires eux-mêmes des sommes dont elle a fait l'avance au titre de la constitution de la société et du règlement des échéances des emprunts souscrits pour l'acquisition du bien constituant l'actif social.

C'est dans ces circonstances que, par acte introductif d'instance du 10 juillet 2018, M. [O] [K] et Mme [H] [S] épouse [K] ont fait assigner Mme [J] [K] épouse [X] devant le tribunal de grande instance de Nanterre, devenu tribunal judiciaire, aux fins d'obtenir sa condamnation en paiement desdites sommes.

Par un jugement contradictoire rendu le 10 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- Déclaré Mme [H] [S] et M. [O] [K] irrecevables en leur demande de condamnation de Mme [J] [X] à leur payer des dommages-intérêts pour procédure abusive au regard de la demande de révocation de l'ordonnance de clôture qu'elle a formulée ;

- Débouté M. [O] [K], Mme [H] [S] de leur demande de rejet des débats des pièces communiquées par Mme [J] [X] et numérotées 23 à 29 bis, 31, 32, 34, 38, 41, 42, 44, 45, 48, 61, 64, 66 à 69, 74, 75 et 78 ;

- Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [J] [X] tirée du défaut de qualité à agir de M. [O] [K] et de Mme [H] [S] ;

- Débouté Mme [J] [X] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

- Déclaré M. [O] [K], agissant en son nom personnel et en qualité de co-gérant associé de la société civile immobilière ABR, Mme [H] [S] et la société civile immobilière ABR recevables en toutes leurs demandes ;

- Condamné Mme [J] [X] à payer à Mme [H] [S] en exécution des délibérations de l'assemblée générale des associés de la société civile immobilière ABR du 31 mars 2018, les sommes suivantes :

* 48 740, 73 euros au titre des avances consenties par Mme [H] [S] à la société civile immobilière ABR pour le règlement des échéances des crédits immobiliers contractés par elle auprès de La Banque Postale, arrêtée au 15 mars 2018 ;

* 13 831,92 euros au titre des frais avancés par Mme [H] [S] pour la constitution de la société civile immobilière ABR ;

- Débouté M. [O] [K] et Mme [H] [S] de toutes leurs autres demandes en paiement à l'encontre de Mme [J] [X] ;

- Débouté M. [O] [K] et Mme [H] [S] de leurs demandes subsidiaires en paiement formulées à l'encontre de la société civile immobilière ABR ;

- Débouté la société civile immobilière ABR de ses demandes en paiement formulées à l'encontre de Mme [J] [X] ;

- Débouté Mme [J] [X] de sa demande de dissolution anticipée de la société civile immobilière ABR ;

- Débouté Mme [J] [X] de sa demande tendant à être autorisée judiciairement à se retirer de la société immobilière ABR ;

- Dit en conséquence n'y avoir lieu à la désignation d'un expert aux fins d'évaluation des parts sociales détenues par Mme [J] [X] au sein de la société civile immobilière ABR ;

- Débouté Mme [H] [S], M. [O] [K] et la société civile immobilière ABR de leurs demandes de dommages-intérêts ;

- Débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

- Partagé les dépens de l'instance à hauteur d'un tiers à la charge de Mme [H] [S] et de M. [O] [K], un tiers à la charge de Mme [J] [X] et un tiers à la charge de la société civile immobilière ABR ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.

Mme [J] [K] épouse [X] a interjeté appel de ce jugement le 4 avril 2022 à l'encontre de M. [O] [K], Mme [S], la SCI ABR et M. [Z] [K].

Par une ordonnance rendue le 8 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de M. [Z] [K].

Par dernières conclusions notifiées le 17 avril 2024, Mme [J] [K] épouse [X] demande à la cour de :

Vu l'article L. 110-4 du code de commerce ;

Vu les articles 609, 1240, 1844-7 et 1869 du code civil ;

Vu les articles 31, 514 et suivants, 696 et 700 du code de procédure civile ;

- Confirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre (RG n°18/07195) en ce qu'il a :

* Débouté Mme [J] [X] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription ; * Déclaré Mme [H] [S] et M. [O] [K] irrecevables en leur demande de condamnation de Mme [J] [X] à leur payer des dommages intérêts pour procédure abusive au regard de la demande de révocation de l'ordonnance de clôture qu'elle a formulée ;

* Débouté M. [O] [K], Mme [H] [S] de leur demande de rejet des débats des pièces communiquées par Mme [J] [X] et numérotées 23 à 29 bis, 31, 32, 34, 38, 41, 42, 44, 45, 48, 61, 64, 66 à 69, 74, 75 et 78 ;

* Débouté M. [O] [K] et Mme [H] [S] de toutes leurs autres demandes en paiement à l'encontre de Mme [J] [X] ;

* Débouté M. [O] [K] et Mme [H] [S] de leurs demandes subsidiaires en paiement formulées à l'encontre de la société civile immobilière ABR ;

* Débouté la société civile immobilière ABR de ses demandes en paiement formulées à l'encontre de Mme [J] [X] ;

* Débouté Mme [H] [S], M. [O] [K] et la société civile immobilière ABR de leurs demandes de dommages-intérêts " ;

- L'infirmer en ce qu'il a :

* Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [J] [X] tirée du défaut de qualité à agir de M. [O] [K] et de Mme [H] [S] ;

* Déclaré M. [O] [K], agissant en son nom personnel et en qualité de co gérant associé de la société civile immobilière ABR, Mme [H] [S] et la société civile immobilière ABR recevables en toutes leurs demandes ;

* Condamné Mme [J] [X] à payer à Mme [H] [S] en exécution des délibérations de l'assemblée générale des associés de la société civile immobilière ABR du 31 mars 2018, les sommes suivantes :

o 48 740, 73 euros au titre des avances consenties par Mme [H] [S] à la société civile immobilière ABR pour le règlement des échéances des crédits immobiliers contractés par elle auprès de La Banque Postale, arrêtée au 15 mars 2018 ;

o 13 831,92 euros au titre des frais avancés par Mme [H] [S] pour la constitution de la société civile immobilière ABR ;

* Débouté Mme [J] [X] de sa demande de dissolution anticipée de la société civile immobilière ABR ;

* Débouté Mme [J] [X] de sa demande tendant à être autorisée judiciairement à se retirer de la société immobilière ABR ;

* Dit en conséquence n'y avoir lieu à la désignation d'un expert aux fins d'évaluation des parts sociales détenues par Mme [J] [X] au sein de la société civile immobilière ABR ;

* Débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

* Partagé les dépens de l'instance à hauteur d'un tiers à la charge de Mme [H] [S] et de M. [O] [K], un tiers à la charge de Mme [J] [X] et un tiers à la charge de la société civile immobilière ABR.

Puis, statuant à nouveau,

Sur les demandes de M. [O] [K], de Mme [H] [S] épouse [K] et de la SCI ABR :

À titre principal :

- Constater :

o que la demande nouvelle en cause d'appel de Mme [X] a pour objet de faire écarter les prétentions adverses ;

o que c'est par voie d'exception (perpétuelle) et non par voie d'action que Mme [X] soulève la nullité des résolutions de l'assemblée générale du 31 mars 2018 ;

Et, par conséquent,

- Prononcer la nullité des résolutions de l'assemblée générale du 31 mars 2018 pour violation des articles 609 (répartition des charges entre usufruitier et nu propriétaire) et 1852 (règle de l'unanimité en SCI) du code civil ou à tout le moins des statuts de la SCI ABR ;

- Débouter M. [O] [K], Mme [H] [S] épouse [K] et la SCI ABR de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions, à l'exception de celle tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée en vue de permettre de procéder à l'estimation de la valeur des parts en nue-propriété et en usufruit de la SCI ABR ;

À titre subsidiaire :

- Dire et juger que M. [O] [K] et Mme [H] [S] épouse [K] n'ont pas qualité à formuler des demandes de condamnation de Mme [J] [X] au profit de la SCI ABR au visa de l'article 31 du code de procédure civile et de l'adage suivant lequel " nul ne plaide par Procureur " ;

Et, par conséquent,

- Déclarer irrecevables et débouter M. [O] [K] et Mme [H] [S] épouse [K] de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions pour défaut de qualité à agir, à l'exception de celle tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée en vue de permettre de procéder à l'estimation de la valeur des parts en nue propriété et en usufruit de la SCI ABR ;

- Dire et juger :

* que Mme [J] [X] n'est associée que depuis le 21 août 2013 et ne saurait donc se voir exiger le remboursement pour moitié de dépenses antérieures ;

* que les demandeurs ne rapportent pas la preuve que Mme [H] [S] épouse [K] aurait dépensé 27 663,85 euros aux lieu et place de la SCI ABR (soit les dépenses ne sont pas prouvées ; soit la preuve de leur règlement par cette dernière n'est pas rapportée) ;

* que les traites d'emprunt ont été payées par la SCI ABR et que les demandes des demandeurs s'analysent donc en des demandes de remboursement de compte-courant d'associé ;

* qu'ils ne rapportent pas la preuve du quantum des sommes qu'ils auraient apportées en compte-courant d'associé de la SCI ABR ;

* que, en toute hypothèse, ces demandes doivent être formulées à l'encontre de la SCI ABR et non à l'encontre de Mme [J] [X] ;

* que les demandeurs n'invoquent aucun fondement juridique au soutien de leur demande tendant à ce que la déchéance du terme des crédits immobiliers de la SCI ABR soit prononcée à l'encontre de Mme [J] [X] ;

* qu'ils se trouvent sans droit d'exiger sa condamnation à rembourser, à titre principal, la moitié des capitaux restant dus ou, à titre subsidiaire, la moitié des échéances à venir ;

* qu'ils n'ont pas plus de fondement juridique pour exiger la condamnation de Mme [J] [X] à verser une somme forfaitaire de 1 500 euros une fois par an sur le compte de la SCI ABR ;

Et, par conséquent,

- Déclarer mal fondés et débouter M. [O] [K], Mme [H] [S] épouse [K] et la SCI ABR de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions, à l'exception de celle tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée en vue de permettre de procéder à l'estimation de la valeur des parts en nue-propriété et en usufruit de la SCI ABR ;

En tout état de cause :

- Dire et juger que la SCI ABR ne rapporte pas la preuve du bien-fondé de ses prétentions et ne produit pas même une pièce au soutien de celle-ci et ne rapporte donc pas la preuve de ses allégations ;

- Et, par conséquent,

- Déclarer mal fondée et débouter la SCI ABR de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;

Sur les demandes reconventionnelles de Mme [J] [X] :

À titre principal :

- Constater la disparition de l'affectio societatis ainsi que la paralysie des organes sociaux et donc un premier juste motif de dissolution anticipée ;

- Constater, surabondamment, l'inexécution de ses obligations par M. [O] [K] ainsi que la paralysie des organes sociaux et donc un second juste motif de dissolution anticipée ;

Et, par conséquent,

- Prononcer la dissolution anticipée de la SCI ABR, société civile immobilière au capital social de 1 000,00 euros, RCS Nanterre 529 076 572, siège social : [Adresse 5] ;

- Nommer en qualité de liquidateur de la SCI ABR tel liquidateur judiciaire qu'il plaira avec mission :

* de procéder au recouvrement ou à la cession de créances ;

* d'établir les comptes de ladite SCI ;

* de procéder à la vente des immeubles sociaux ;

* de résilier tout contrat ;

* de procéder à l'établissement des comptes de liquidation de ladite SCI en fixant les droits revenant à chacun des associés ;

* plus généralement, de faire tous actes d'administration, représenter la société dissoute vis-à-vis des tiers, délivrer et certifier tous documents et comptes sociaux, remplir toutes formalités de publicité et faire tout ce qui sera utile à la liquidation de la société ;

* de procéder aux formalités de publicité prévues par la loi selon les formes et les délais prescrits ;

- Fixer la provision à valoir sur les honoraires du liquidateur qui sera consignée au greffe dans tel délai qu'il plaira au tribunal de fixer ;

- Autoriser Mme [J] [X] à consigner aux lieu et place de la SCI ABR, à charge pour le liquidateur désigné d'intégrer la dépense faite par elle aux lieu et place de la société dans les comptes de liquidation à intervenir ;

À titre subsidiaire :

- Constater la disparition de l'affectio societatis et donc un juste motif de retrait ;

- Constater, surabondamment, l'accord des parties devant le premier juge concernant ledit retrait et donc la nécessité de l'ordonner ;

Et, par conséquent,

- Autoriser Mme [J] [X] à se retirer de la SCI ABR, société civile immobilière au capital social de 1 000,00 euros, RCS Nanterre 529 076 572, siège social : [Adresse 5];

- Rappeler que l'associé qui se retire a droit au remboursement de ses parts dont la valeur, à défaut d'accord amiable, sera fixée par expertise judiciaire ;

En tout état de cause :

- Constater que Mme [J] [X] renonce à se prévaloir des dispositions de l'article 1843-4 du code civil qui dispose que seul le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond - et non le tribunal judiciaire statuant au fond - peut ordonner une expertise au sujet du prix de cession de droits sociaux d'un associé ou le rachat de ceux-ci par la société ;

Et, par conséquent,

- Faire droit à la demande de M. [O] [K] et de Mme [H] [S] tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée en vue de permettre de procéder à l'estimation de la valeur des parts en nue-propriété et en usufruit de la SCI ABR ;

- Ordonner la désignation d'un expert-comptable chargé d'évaluer la valeur des parts sociales de la SCI (tant en pleine propriété qu'en démembrement nu-propriété/usufruit) et dire qu'il pourra se faire assister d'un expert en immobilier ;

- Dire que la rémunération de cet expert judiciaire sera supportée par moitié par M. [O] [K] et par moitié par Mme [J] [X] ;

- Indiquer le délai dans lequel, sauf prorogation dûment sollicitée en temps utile auprès du juge chargé du contrôle des expertises, l'expert devra déposer son rapport ;

- Dire que lors de sa première réunion, laquelle devra se dérouler dans un délai maximum d'un mois, à compter de la consignation de la provision, l'expert devra, après le débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge du contrôle ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en 'uvre, le calendrier détaillé de ses investigations, et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, ainsi que la date du dépôt du rapport sur lequel le juge rendra une ordonnance complémentaire, dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile ;

Sur les mesures accessoires à l'arrêt à intervenir :

- Débouter M. [O] [K], Mme [H] [S] épouse [K] et la SCI ABR de l'ensemble de leurs prétentions ;

- Condamner M. [O] [K], Mme [H] [S] épouse [K] et la SCI ABR à payer à Mme [J] [X] une somme de 40 000 euros à titre de contribution à ses frais irrépétibles ;

- Condamner M. [O] [K], Mme [H] [S] épouse [K] et la SCI ABR aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 24 avril 2024, la SCI ABR demande à la cour de :

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

Vu l'article 1844-14 du code civil,

Vu l'article 1844 alinéa 2, 1844 - 7 du code civil,

Vu l'article 1869 du code civil,

Vu la jurisprudence évoquée,

Vu les pièces produites au débat,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Sur les fins de non-recevoir soulevées par Mme [X]

- Confirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre (RG n°18/07195) en ce qu'il a :

* Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [J] [X] tirée du défaut de qualité à agir de M. [O] [K] et de Mme [H] [S] ;

* Déclaré M. [O] [K], agissant en son nom personnel et en qualité de cogérant associé de la société civile immobilière ABR, Mme [H] [S] et la société civile immobilière ABR recevables en toutes leurs demandes ;

Sur la prétention nouvelle en cause d'appel relative à la demande de nullité :

Vu l'article 564 du code de procédure civile :

- Déclarer irrecevable, comme constituant une nouvelle prétention présentée en appel, la demande de Mme [J] [K], épouse [X] tendant à " Voir prononcer la nullité des résolutions de l'assemblée générale du 31 mars 2018 pour violation des articles 609 (répartition des charges entre usufruitier et nu-propriétaire) et 1852 (règle de l'unanimité en SCI) du code civil " ;

Vu l'article 1844-14 du code civil,

- Déclarer prescrite cette demande de nullité

Vu l'article 1852 du code civil,

- Déclarer mal fondée cette demande de nullité

Vu la jurisprudence

- Rejeter la demande d'exception de nullité de Mme [X]

Sur les demandes en paiement à l'encontre de Mme [X]

- Confirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a :

" Condamné Mme [X] à payer à Mme [S] en exécution des délibérations de l'assemblée générale des associés de la société civile immobilière ABR du 31 mars 2018, les sommes suivantes :

o 48 740,73 euros au titre des avances consenties par Mme [S] à la SCI ABR pour le règlement des échéances des crédits immobiliers contractés par elle auprès de La Banque Postale, arrêtée au 15 mars 2018 ;

o 13 831,92 euros au titre des frais avancés par Mme [S] pour la constitution de la SCI ABR " ;

- Si la cour d'appel devait considérer que cette somme de 13 831,92 euros est due par Mme [X] à la SCI ABR, alors la cour condamnerait Mme [X] à verser à la SCI ABR cette même somme de 13 831,92 euros.

- Infirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a :

o Débouté M. [O] [K] et Mme [S] de toutes leurs autres demandes en paiement à l'encontre de Mme [X] ;

o Débouté M. [O] [K] et Mme [S] de leurs demandes subsidiaires en paiement formulées à l'encontre de la SCI ABR ;

o Débouté la SCI ABR de ses demandes en paiement formulées à l'encontre de Mme [X]

Statuant à nouveau :

- Condamner Mme [X] à payer les sommes suivantes à la SCI ABR :

o 36 274,95 euros correspondant à la moitié du montant des sommes d'ores et déjà réglées par Mme [H] [K] au titre du remboursement des deux prêts immobiliers, pour la période du 15 mars 2018 au 15 novembre 2020, sauf à parfaire ;

o 5 790,18 euros au titre de la moitié des charges de copropriété ;

o 296,38 euros au titre de la moitié des dépenses d'assurance PNO.

- Condamner Mme [X] au paiement à la SCI ABR de la moitié des échéances à venir de l'amortissement en capital des deux prêts immobiliers, mois après mois, sur la base des tableaux d'amortissement déjà établis par la Banque postale et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir.

- Condamner Mme [X] à verser tous les ans au premier janvier à la SCI ABR la somme forfaitaire de 1 500 euros afin de permettre à la SCI de faire face aux frais courants de charges de copropriété, assurance PNO, et taxe foncière.

Sur les demandes reconventionnelles de Mme [X]

Sur la demande en dissolution de la SCI ABR par Mme [X]

- Confirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de dissolution anticipée de la SCI ABR ;

Sur la demande reconventionnelle en exercice du droit de retrait

- Infirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande tendant à être autorisée judiciairement à se retirer de la SCI ABR

Et statuant à nouveau :

- Autoriser Mme [X] à exercer son droit de retrait sur le fondement de l'article 1869 du code civil.

En conséquence,

- Ordonner la désignation d'un expert-comptable chargé d'évaluer la valeur des parts sociales de la SCI et notamment la valeur de la nue-propriété des parts sociales de Mme [X] et dire qu'il pourra se faire assister d'un expert en immobilier.

- Dire que la rémunération de cet expert judiciaire sera supportée par moitié par M. [O] [K] et par moitié par Mme [J] [X].

- Indiquer le délai dans lequel, sauf prorogation dûment sollicitée en temps utile auprès du juge chargé du contrôle des expertises, l'expert devra déposer son rapport ;

- Dire que lors de sa première réunion, laquelle devra se dérouler dans un délai maximum d'un mois, à compter de la consignation de la provision, l'expert devra, après le débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge du contrôle ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en 'uvre, le calendrier détaillé de ses investigations, et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, ainsi que la date du dépôt du rapport sur lequel le juge rendra une ordonnance complémentaire, dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile.

En tout état de cause

- Condamner Mme [J] [X] aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 24 avril 2024, M. [O] [K] et Mme [H] [S] épouse [K] demandent à la cour de :

Sur les fins de non-recevoir :

Vu les articles 31,32 et 122 du code de procédure civile :

- Confirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre (RG n°18/07195) en ce qu'il a :

* Rejetté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [J] [X] tirée du défaut de qualité à agir de M. [O] [K] et de Mme [H] [S] ;

* Déclaré M. [O] [K], agissant en son nom personnel et en qualité de cogérant associé de la société civile immobilière ABR, Mme [H] [S] et la société civile immobilière ABR recevables en toutes leurs demandes ;

Sur la prétention nouvelle en cause d'appel :

Vu l'article 564 du code de procédure civile :

- Déclarer irrecevable, comme constituant une nouvelle prétention présentée en appel, la demande de Mme [J] [K], épouse [X] tendant à :

" Prononcer la nullité des résolutions de l'assemblée générale du 31 mars 2018 pour violation des articles 609 (répartition des charges entre usufruitier et nu-propriétaire) et 1852 (règle de l'unanimité en SCI) du code civil " ;

Vu l'article 1844-14 du code civil,

- Déclarer prescrite cette demande de nullité

Vu l'article 1852 du Code civil,

- Déclarer mal fondée cette demande de nullité

Sur les demandes en paiement :

Vu les articles 945, 1134 ancien et s., 1302 et 1303 nouveaux, 1832 et s. et 1857 du code civil,

Vu le procès-verbal des assemblées générales en date 21 décembre 2010, 10 février et 31 mars 2018,

- Confirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre (RG n°18/07195) en ce qu'il a :

* Condamné Mme [J] [X] à payer à Mme [H] [S] en exécution des délibérations de l'assemblée générale des associés de la société civile immobilière ABR du 31 mars 2018, les sommes suivantes :

* 48 740, 73 euros au titre des avances consenties par Mme [H] [S] à la société civile immobilière ABR pour le règlement des échéances des crédits immobiliers contractés par elle auprès de La Banque Postale, arrêtée au 15 mars 2018 ;

* 13 831,92 euros au titre des frais avancés par Mme [H] [S] pour la constitution de la société civile immobilière ABR ; "

- Infirmer ce jugement en ce qu'il a :

* Débouté M. [O] [K] et Mme [H] [S] de toutes leurs autres demandes en paiement à l'encontre de Mme [J] [X] ;

* Débouté M. [O] [K] et Mme [H] [S] de leurs demandes subsidiaires en paiement formulées à l'encontre de la société civile immobilière ABR ;

Statuant à nouveau :

- Condamner Mme [J] [K], épouse [X] à payer les sommes suivantes et à les verser sur le compte courant de la SCI ABR :

* 36 274,95 euros correspondant à la moitié du montant des sommes d'ores et déjà réglées par Mme [H] [K] au titre du remboursement des deux prêts immobiliers, pour la période du 15 mars 2018 au 15 novembre 2020, sauf à parfaire ultérieurement et en sus du montant de 48 740,73 euros dont il est demandé confirmation à la cour ;

* 5 790,18 euros au titre de la moitié des charges de copropriété ;

* 296,38 euros au titre de la moitié des dépenses d'assurance PNO ;

Subsidiairement :

Vu les articles 1302 et suivants, 1303 et suivants du code civil :

- Condamner Mme [J] [X] à payer les sommes suivantes à Mme [H] [S], épouse [K] :

* 13 831,92 euros correspondant à la moitié des frais avancés par Mme [H] [K] lors de la création de ladite SCI ABR ;

* 85 015,68 euros correspondant à la moitié du montant des sommes d'ores et déjà réglées par Mme [H] [K] au titre du remboursement des deux prêts immobiliers, soit selon compte arrêté au 15 novembre 2020 sauf à parfaire ultérieurement ;

* 5 790,18 euros au titre de la moitié des charges de copropriété ;

* 296,38 euros au titre de la moitié des dépenses d'assurance PNO ;

- Condamner Mme [J] [K], épouse [X], au paiement sur le compte courant de la SCI ABR de la moitié des échéances à venir de l'amortissement en capital des deux prêts immobiliers, mois après mois, sur la base des tableaux d'amortissement déjà établis par la Banque postale et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir.

- Condamner Mme [J] [K], épouse [X] à verser tous les ans au premier janvier sur le compte courant de la SCI ABR une somme fixée en l'état et forfaitairement à 1500 euros pour l'année afin de permettre à la SCI de faire face aux frais courants de charges de copropriété, assurance PNO, et taxe foncière.

Subsidiairement :

- Condamner la SCI ABR à payer ces mêmes sommes à Mme [H] [S] épouse [K], Mme [X] étant alors condamnée également en sa qualité de co-associée.

Sur la demande reconventionnelle en dissolution :

Vu l'article 1844-7 du code civil

- Confirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre (RG n°18/07195) en ce qu'il a :

* Débouté Mme [J] [X] de sa demande de dissolution anticipée de la société civile immobilière ABR ;

Sur la demande reconventionnelle en exercice du droit de retrait :

Vu l'article 1869 du code civil

- Infirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre (RG n°18/07195) en ce qu'il a :

* Débouté Mme [J] [X] de sa demande tendant à être autorisée judiciairement à se retirer de la société immobilière ABR ;

Statuant de nouveau :

- Ordonner le retrait de Mme [J] [X] et la cession par elle des parts sociales n°1 à 499 qu'elle détient en nue-propriété et de la part sociale n°500 qu'elle détient en pleine propriété dans le capital de la SCI ABR ;

Sur les autres demandes :

Vu l'article 700 du code de procédure civile :

- Condamner Mme [J] [K], épouse [X] à payer la somme de 5 000,00 (cinq mille) euros à Mme [H] [S], épouse [K], ainsi que la somme de 5 000,00 (cinq mille) euros à M. [O] [K]

- Condamner Mme [J] [K], épouse [X] aux entiers dépens, au visa des articles 696 et s. du code de procédure civile

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 16 mai 2024.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel

Il résulte des écritures susvisées que le jugement n'est pas querellé en ce qu'il a :

- Déclaré Mme [H] [S] et M. [O] [K] irrecevables en leur demande de condamnation de Mme [J] [X] à leur payer des dommages-intérêts pour procédure abusive au regard de la demande de révocation de l'ordonnance de clôture qu'elle a formulée ;

- Débouté M. [O] [K], Mme [H] [S] de leur demande de rejet des débats des pièces communiquées par Mme [J] [X] et numérotées 23 à 29 bis, 31, 32, 34, 38, 41, 42, 44, 45, 48, 61, 64, 66 à 69, 74, 75 et 78 ;

- Débouté Mme [J] [X] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

- Débouté Mme [H] [S], M. [O] [K] et la société civile immobilière ABR de leurs demandes de dommages-intérêts.

Il s'ensuit que ces chefs de dispositif sont irrévocables.

Par ailleurs, la cour constate que Mme [J] [X] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a :

- " Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [J] [X] tirée du défaut de qualité à agir de M. [O] [K] et de Mme [H] [S] ;

- Déclaré M. [O] [K], agissant en son nom personnel et en qualité de co-gérant associé de la société civile immobilière ABR, Mme [H] [S] et la société civile immobilière ABR recevables en toutes leurs demandes ".

Elle demande que l'ensemble des prétentions de M. [O] [K] et Mme [H] [S] soient déclarer irrecevables pour défaut de qualité à agir.

Toutefois, force est de constater qu'elle ne développe aucun moyen de fait ni de droit à l'appui de cette demande d'irrecevabilité.

Il s'ensuit que les chefs de dispositifs susvisés ne pourront qu'être confirmés.

Le jugement, pour le surplus, est querellé.

A titre liminaire

Il convient de rappeler que conformément aux dispositions des articles 954 et 4 du code de procédure civile, la cour ne statue (donc au dispositif de l'arrêt) que sur des prétentions récapitulées au dispositif des dernières conclusions des parties. Par prétention, il faut entendre une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux.

Les " mentions " figurant au dispositif des dernières conclusions de Mme [X], appelante, invitant la cour à :

" À titre subsidiaire :

- Dire et juger :

o que Mme [J] [X] n'est associée que depuis le 21 août 2013 et ne saurait donc se voir exiger le remboursement pour moitié de dépenses antérieures ;

o que les demandeurs ne rapportent pas la preuve que Mme [H] [S] épouse [K] aurait dépensé 27 663,85 euros aux lieu et place de la SCI ABR (soit les dépenses ne sont pas prouvées ; soit la preuve de leur règlement par cette dernière n'est pas rapportée) ;

o que les traites d'emprunt ont été payées par la SCI ABR et que les demandes des demandeurs s'analysent donc en des demandes de remboursement de compte-courant d'associé ;

o qu'ils ne rapportent pas la preuve du quantum des sommes qu'ils auraient apportées en compte-courant d'associé de la SCI ABR ;

o que, en toute hypothèse, ces demandes doivent être formulées à l'encontre de la SCI ABR et non à l'encontre de Mme [J] [X] ;

o que les demandeurs n'invoquent aucun fondement juridique au soutien de leur demande tendant à ce que la déchéance du terme des crédits immobiliers de la SCI ABR soit prononcée à l'encontre de Mme [J] [X] ;

o qu'ils se trouvent sans droit d'exiger sa condamnation à rembourser, à titre principal, la moitié des capitaux restant dus ou, à titre subsidiaire, la moitié des échéances à venir ;

o qu'ils n'ont pas plus de fondement juridique pour exiger la condamnation de Mme [J] [X] à verser une somme forfaitaire de 1 500 euros une fois par an sur le compte de la SCI ABR ;

(')

En tout état de cause :

- Dire et juger que la SCI ABR ne rapporte pas la preuve du bien-fondé de ses prétentions et ne produit pas même une pièce au soutien de celle-ci et ne rapporte donc pas la preuve de ses allégations ;

(')

Sur les demandes reconventionnelles de Mme [J] [X] :

À titre principal :

- Constater la disparition de l'affectio societatis ainsi que la paralysie des organes sociaux et donc un premier juste motif de dissolution anticipée ;

- Constater, surabondamment, l'inexécution de ses obligations par M. [O] [K] ainsi que la paralysie des organes sociaux et donc un second juste motif de dissolution anticipée ;

(')

À titre subsidiaire :

- Constater la disparition de l'affectio societatis et donc un juste motif de retrait ;

- Constater, surabondamment, l'accord des parties devant le premier juge concernant ledit retrait et donc la nécessité de l'ordonner ; "

ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais des moyens, à savoir les raisons de fait ou de droit dont l'appelante se prévaut pour fonder ses prétentions consistant à rejeter les demandes de condamnation des intimés, et à obtenir la dissolution de la société ou, à défaut, son retrait.

La cour, tenue d'y répondre, puisqu'ils viennent au soutien de leurs prétentions, le fera dans les motifs de l'arrêt, pas au dispositif.

Sur la recevabilité de la demande tendant au prononcé de l'annulation de l'assemblée générale du 31 mars 2018

Le tribunal n'a pas été saisi d'une telle demande.

Moyens des parties

Au fondement de l'article 564 du code de procédure civile, M. [K] et Mme [S] demandent à la cour de déclarer irrecevable, comme nouvelle, la demande de nullité de l'assemblée générale du 31 mars 2018 formée par Mme [X] pour la première fois en cause d'appel. Ils soulignent qu'elle avait connaissance de cette assemblée générale en première instance et n'en a pas demandé l'annulation.

Subsidiairement, au fondement des articles 1844, 1844-14 et 1845 du code civil, ils font valoir que cette demande est prescrite puisque formée plus de trois après l'assignation de juillet 2018.

La société ABR forme la même demande d'irrecevabilité, au fondement de l'article 564 du code de procédure civile, au motif que cette demande porte sur un litige distinct et est nouvelle en cause d'appel, et au fondement de l'article 1844-14 du code civil, au motif qu'elle est prescrite. Elle ajoute que l'exception de nullité est perpétuelle tant que l'acte n'a pas été exécuté par la partie qui invoque la nullité. Elle souligne que Mme [X] a procédé au règlement partiel des sommes mises à sa charge.

Soutenant la recevabilité de sa demande, Mme [X] fait valoir, au fondement des articles 1852, 1844 et 1844-14 du code civil et de l'article 564 du code de procédure civile, et s'appuyant sur des jurisprudences, que sa demande de nullité est formée par voie d'exception, et non par voie d'action, de sorte qu'elle est perpétuelle, donc non-prescrite, et constitue un moyen de défense visant à faire écarter les prétentions adverses. Elle en déduit que cette demande est recevable.

Elle réplique n'avoir pas procédé à un " commencement d'exécution " à proprement parler, mais avoir exécuté le jugement de première instance revêtu de l'exécution provisoire pour éviter une radiation de son appel. Elle rétorque également qu'à supposer qu'un commencement d'exécution ait eu lieu le 27 avril 2022, date à laquelle elle a procédé au règlement des condamnations, elle a formulé sa demande le 27 juin 2022, soit dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile, de sorte qu'elle ne saurait être déclarée prescrite.

Appréciation de la cour

Selon l'article 64 du code de procédure civile, " Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. "

Il s'ensuit que, lorsque la prétention du défendeur n'a pour objet que de contredire le droit invoqué par le demandeur pour obtenir le rejet de sa demande, la "demande" du défendeur constitue une défense au fond quand bien même il l'aurait qualifiée de demande reconventionnelle (par exemple Civ 3ème 3 mai 2001, Bull n° 57 ; Soc, 10 janvier 2001, n° 98-44.964 ; Assem. Plén. 22 avril 2011, n° 09-16.008, Bull AP n 4).

Aux termes de l'article 70 du même code, les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Enfin l'article 567 du code de procédure civile dispose que : " Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel. "

La demande reconventionnelle se définit comme celle par laquelle le défendeur originaire c'est-à-dire le défendeur à la demande initiale - prétend obtenir un avantage autre que le rejet de la prétention adverse. Cette demande ne peut être formée que par le défendeur originaire contre le demandeur originaire.

La recevabilité de telles demandes en cause d'appel est uniquement subordonnée à la condition posée par l'article 70 du code de procédure civile, à savoir qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, et non aux conditions édictées par les articles 564 et suivants du même code (voir par exemple : 3e Civ., 17 septembre 2013, pourvoi n° 12-19.004).

La demande de Mme [X] s'analyse en une demande reconventionnelle, celle-ci étant défenderesse originaire et prétendant obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

Dès lors, les demandes d'irrecevabilité formées par les intimés, fondée sur l'article 564 du code de procédure civile, seront rejetées.

Par ailleurs, l'article 1844-14 du code civil dispose que : " Les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue ".

En l'espèce, la nullité invoquée par Mme [X] est soulevée par voie d'exception, afin, pour celle-ci, d'être déliée des obligations de paiement que la partie adverse lui impute. Dans ce cas, l'exception de nullité est perpétuelle en application de l'adage " quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum ", repris par l'article 1185 du code civil conformément à la jurisprudence antérieure selon laquelle " l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté " (Cass. 1re civ., 13 mars 2001, n° 98-19.691 : JurisData n° 2001-008613 ; Bull. civ. I, n° 70 ; Contrats, conc. consom. 2001, comm. 113, G. Raymond. - Cass. 1re civ., 17 juin 2010, n° 09-14.470 : JurisData n° 2010-009360 ; Dr. sociétés 2010, comm. 181, M. [A]).

Contrairement à ce que prétendent les intimés, il n'y a pas eu de commencement d'exécution puisque le paiement des condamnations effectuées par Mme [X], en principe sur un compte séquestre jusqu'à la décision définitive, n'est pas volontaire mais résulte de l'exécution provisoire prononcée en première instance, afin d'éviter la radiation de son appel en application de l'article 524 du code de procédure civile.

Il s'ensuit que la demande de nullité des résolutions de l'assemblée générale du 31 mars 2018 formée par Mme [X] n'est pas prescrite et doit être déclarée recevable.

Sur la demande en nullité des résolutions de l'assemblée générale du 31 mars 2018

Moyens des parties

Mme [X] demande à la cour de prononcer la nullité des résolutions de l'assemblée générale du 31 mars 2018 pour violation des articles 609 (répartition des charges entre usufruitier et nu-propriétaire) et 1852 (règle de l'unanimité en SCI) du code civil ou " à tout le moins des statuts de la société ABR " et, par conséquent, de rejeter les prétentions des intimés à l'exception de leur demande d'expertise. Elle estime que la résolution n°9, qui a été votée par [O] [K] et approuvée par Mme [H] [S] lors d'une assemblée générale où elle n'était pas présente, aurait dû être adoptée à l'unanimité des associés.

Elle ajoute que cette résolution a été adoptée alors que les règles de majorité prévues par l'article 13 des derniers statuts (de 2017) n'avaient pas à s'appliquer, au contraire des règles de l'article 14. L'article 14 prévoit une adoption par les associés représentant plus de la moitié du capital social et, à défaut, une deuxième consultation à la majorité des votes émis. Mme [X] considère que la première condition, réservée aux nus-propriétaires et à ceux disposant de parts en pleine propriété, n'était pas remplie, et qu'à défaut, une deuxième consultation n'a pas eu lieu puisqu'aucune assemblée générale ne s'est tenue le 10 février 2018 faute de quorum suffisant.

Elle précise que la cession de la part en usufruit n°998 trois jours avant l'assemblée générale constitue une man'uvre qui ne lui est pas opposable, pas plus qu'à la SCI ABR, au 31 mars 2018. Elle ajoute que cette cession n'est pas conforme à l'article 7 des statuts relatif à la cession des parts sociales (pas de signification par huissier de justice).

Au fondement de l'article 1852 du code civil, M. [K] et Mme [S] soutiennent que Mme [X] est mal fondée en ce que l'unanimité n'est requise qu'en l'absence de disposition statutaire, ce qui n'est pas le cas de la société ABR dont les statuts organisent les règles de majorité, et en ce que lors de l'assemblée générale du 31 mars 2018, M. [K], qui disposait de la majorité absolue des voix, était le seul votant.

La société ABR soutient les mêmes moyens et ajoute que suite à l'assemblée générale du 10 février 2018, les résolutions ont été adoptées à la majorité des votes émis lors de l'assemblée générale du 31 mars 2018 conformément à l'article 14 des statuts.

Appréciation de la cour

L'article 1852 du code civil dispose que les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l'absence de telles dispositions, à l'unanimité des associés.

L'article 14 des statuts de la société ABR, mis à jour le 23 février 2017, stipule que " Dans les assemblées ou lors des consultations écrites, autres que celles ayant pour objet de modifier les statuts ou d'autoriser les cessions de parts à des tiers étrangers à la société, les décisions sont adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié du capital social. Si cette majorité n'est pas obtenue, les associés sont convoqués ou consultés une seconde fois et les décisions sont prises à la majorité des votes émis, quelle que soit la portion de capital représentée " (pièce 89 ABR).

En l'espèce, au 31 mars 2018, M. [K], gérant, est propriétaire de deux parts en pleine propriété (parts 998 et 1000) et de 498 parts en nue-propriété (parts 501 à 997 et 999). Mme [X], également gérante, est propriétaire d'une part en pleine propriété (part 500) et de 499 parts en nue-propriété (parts 1 à 499). Ils sont donc nus-propriétaires ou propriétaires chacun de la moitié du capital social.

En outre, seuls ont la qualité d'associés les nus-propriétaires et les propriétaires en pleine propriété de parts sociales, l'usufruitier ne disposant quant à lui que d'un droit de jouissance sur des parts sociales (Cass. 3e civ., 16 févr. 2022, n° 20-15.164). Ainsi, seuls Mme [X] et M. [K] sont associés. Mme [S], usufruitière, ne l'est pas et ne peut prendre part au vote que lorsque la résolution concerne son droit de jouissance.

Or, M. [K], seul associé ayant voté favorablement pour les résolutions examinées lors de l'assemblée générale du 31 mars 2018, ne détient pas plus de la moitié du capital social puisqu'il est propriétaire du même nombre de parts, en pleine propriété ou nue-propriété, que Mme [X].

La deuxième partie de l'article 14 des statuts est donc applicable : " Si cette majorité n'est pas obtenue, les associés sont convoqués ou consultés une seconde fois et les décisions sont prises à la majorité des votes émis, quelle que soit la portion de capital représentée ".

En l'espèce, il résulte des productions de la société ABR (pièce 11) qu'une assemblée générale a été dûment convoquée, conformément aux prescriptions prévues par l'article 10 des statuts, le 10 février 2018. Le compte rendu de cette assemblée générale constate que l'assemblée ne peut se tenir faute de quorum suffisant, seuls M. [K] et Mme [S] étant présents.

Une deuxième assemblée générale a ensuite été dûment convoquée le 31 mars 2018, au cours de laquelle ont été adoptés, à la majorité des votes émis, les résolutions litigieuses (pièce 12 ABR).

Ces deux assemblées ayant été convoquées et tenues conformément à l'article 10 des statuts de la société ABR, et par voie de conséquence à l'article 1852 du code civil, le premier moyen de nullité soulevé par Mme [X] tenant à l'irrégularité des conditions de majorité sera rejeté.

En outre, Mme [X] allègue que la cession de parts sociales opérée le 28 mars 2018 est une man'uvre, qui ne lui est pas opposable, et n'aurait pas respecté les formes prévues à l'article 7 des statuts. Or, force est de constater qu'elle n'en sollicite pas l'annulation de sorte que le moyen qu'elle soulève est inopérant. Au surplus, à supposer que cette cession de parts sociales n'ait pas eu lieu, cela ne change rien au fait que M. [K] ne détenait pas la majorité du capital social et qu'une deuxième assemblée générale, avec application de la règle de la majorité des votes émis, était nécessaire. Le moyen de Mme [X] est donc, de plus fort, inopérant.

Par ailleurs, Mme [X] considère que les résolutions adoptées le 31 mars 2018 sont contraires à l'article 609 du code civil, parce qu'elles ont pour effet d'offrir à l'usufruitière la répétition du capital avant la fin de l'usufruit.

L'article 609 du code civil dispose en effet que : " A l'égard des charges qui peuvent être imposées sur la propriété pendant la durée de l'usufruit, l'usufruitier et le propriétaire y contribuent ainsi qu'il suit : le propriétaire est obligé de les payer, et l'usufruitier doit lui tenir compte des intérêts ; si elles sont avancées par l'usufruitier, il a la répétition du capital à la fin de l'usufruit ".

Toutefois, cette disposition tenant à la répétition du capital " à la fin de l'usufruit " n'est pas prescrite à peine de nullité. Mme [X] n'étaye d'ailleurs aucunement son affirmation tenant à une contrariété avec l'article 609 précité, et ne démontre pas l'existence d'un grief.

Il s'ensuit que ce deuxième moyen de nullité sera également rejeté.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [X] échoue à démontrer la nullité des résolutions adoptées lors de l'assemblée générale du 31 mars 2018. Sa demande sera donc rejetée.

Sur les demandes en paiement subséquentes (avances consenties par Mme [H] [S] à la société civile immobilière ABR pour le règlement des échéances des crédits immobiliers au 15 mars 2018 et frais avancés par Mme [H] [S] pour la constitution de la société civile immobilière ABR)

Constatant que Mme [X] n'avait pas soulevé la nullité des résolutions adoptées le 31 mars 2018, le tribunal a tiré les conséquences desdites résolutions et condamné Mme [X] à verser à Mme [S] 48 740, 73 euros au titre des avances consenties par cette dernière à la société ABR pour le règlement des échéances des crédits immobiliers contractés auprès de La Banque Postale, arrêtées au 15 mars 2018, et 13 831,92 euros au titre des frais avancés par cette dernière pour la constitution de la société ABR.

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à rembourser Mme [H] [S], Mme [X] demande à la cour de rejeter ces demandes.

Elle fait valoir :

o qu'elle n'est associée que depuis le 21 août 2013 et ne saurait donc se voir exiger le remboursement pour moitié de dépenses antérieures ;

o que les demandeurs ne rapportent pas la preuve que Mme [H] [S] épouse [K] aurait dépensé 27 663,85 euros aux lieu et place de la SCI ABR (soit les dépenses ne sont pas prouvées ; soit la preuve de leur règlement par cette dernière n'est pas rapportée) ;

o que les traites d'emprunt ont été payées par la SCI ABR et que les demandes des demandeurs s'analysent donc en des demandes de remboursement de compte-courant d'associé ;

o qu'ils ne rapportent pas la preuve du quantum des sommes qu'ils auraient apportées en compte-courant d'associé de la SCI ABR ;

o que, en toute hypothèse, ces demandes doivent être formulées à l'encontre de la SCI ABR et non à son encontre.

Se fondant sur le procès-verbal d'assemblée générale du 31 mars 2018, la donation, l'article 1857 du code civil et, à titre subsidiaire l'article 1303 du même code, M. [K] et Mme [S] demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Mme [X] à verser à Mme [H] [S] 48740,73 euros au titre des avances consenties par cette dernière à la société ABR pour le règlement des échéances des crédits immobiliers contractés auprès de La Banque Postale, arrêtées au 15 mars 2018, et 13 831,92 euros au titre des frais avancés par cette dernière pour la constitution de la société ABR.

Ils font valoir que même à supposer que l'assemblée générale du 31 mars 2018 encourt la nullité, leurs demandes en paiement n'en seraient pas moins fondées.

Ils soulignent, au fondement de l'article 1857 du code civil, que la donation a également opéré transfert de charges, et que les associés d'une société civile - sachant que seul le nu-propriétaire ayant la qualité d'associé - sont tenus aux dettes sociales " au fur et à mesure de leur exigibilité ". Ils soutiennent donc que Mme [X] ne peut être bénéficiaire de la donation sans participer au remboursement des prêts et aux charges. Ils répliquent au moyen invoqué par Mme [X] selon lequel elle n'est associée que depuis le 21 août 2013, qu'elle est donataire tant de l'actif que du passif de sorte que, nonobstant la date à laquelle elle est devenue associée, elle est tenue au passif des parts sociales données.

A titre subsidiaire, au fondement des articles 1302 et 1303 du code civil, ils font valoir par ailleurs que Mme [S] a amélioré la situation nette de la société et a ainsi contribué à augmenter la valeur des parts (la valeur des parts données était de 1 euro), de sorte que si Mme [X] ne participe pas aux charges, elle bénéficie d'un enrichissement injustifié. Ils demandent donc sa condamnation à verser ses mêmes sommes à Mme [S].

Poursuivant la confirmation du jugement, la société ABR développe les mêmes moyens de fait et de droit que M. [K] et Mme [S].

Appréciation de la cour

Ainsi que l'ont à juste titre constaté les premiers juges, en ce qui concerne les avances consenties par Mme [H] [S] à la société ABR pour le règlement des échéances des crédits immobiliers au 15 mars 2018 et pour les frais de constitution de la société ABR, force est de constater que l'assemblée générale des associés, réunie le 31 mars 2018, a voté le remboursement de ces sommes au bénéfice de Mme [S] avant le 1er mai 2018 et arrêté conventionnellement entre associés, les modalités du règlement de cette dette en décidant qu'elle sera supportée non pas par la société ABR elle-même mais répartie directement entre les deux associés nus-propriétaires, à concurrence de moitié (pièce 13 ABR).

Il s'ensuit qu'en exécution de ces délibérations Mme [X] doit être condamnée à payer les sommes suivantes à Mme [S] :

- la somme de 48 740,73 euros au titre du règlement des échéances des prêts contractés par la société ABR auprès de la Banque Postale arrêtée au 15 mars 2018 ;

- la somme de 13 831, 92 euros au titre du règlement des sommes dont Mme [S] a fait l'avance pour la constitution de la société (pièces 2, 27, 9 et 77 [K]).

Ainsi que l'indiquent à juste titre les intimés, la donation de parts sociales en nue-propriété à Mme [X] le 21 septembre 2013 a opéré transfert de l'actif et du passif, de sorte que le fait que Mme [X] n'est associée que depuis cette date est indifférent à lui éviter le paiement des dettes sociales, et notamment des échéances d'emprunt qui continuent à courir.

Par ailleurs, les demandes de remboursement émises par Mme [S] s'analysent en remboursement de comptes courants d'associés s'agissant des dépenses effectuées jusqu'au 21 septembre 2013, date à laquelle elle a cédé la nue-propriété de ses parts sociales.

Le remboursement de ce compte doit être opéré par la société ABR. Toutefois, en application des résolutions dûment adoptées le 31 mars 2018, lesquelles sont conformes à l'article 1857 du code civil, selon lequel " à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements ", une répartition des sommes à rembourser a été décidée entre les deux associés à parts égales. Cette décision étant conforme à l'article 1857 précité et valablement adoptée conformément aux statuts, c'est à juste titre que le tribunal a alloué le bénéfice des remboursements précités à Mme [S].

En outre, le moyen tiré du défaut de démonstration des dépenses imputables à Mme [S] est inopérant compte tenu de la décision de l'assemblée générale du 31 mars 2018.

Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [X] à verser à Mme [S] :

- 48 740, 73 euros au titre des avances consenties par cette dernière à la société ABR pour le règlement des échéances des crédits immobiliers contractés auprès de La Banque Postale, arrêtées au 15 mars 2018,

- et 13 831,92 euros au titre des frais avancés par cette dernière pour la constitution de la société ABR.

Sur les demandes en paiement au titre des échéances des prêts immobiliers postérieures au 15 mars 2018 et jusqu'au 15 novembre 2020, et au titre des échéances à venir, sous astreinte

Pour rejeter la demande de condamnation de Mme [X], le tribunal a retenu que seule la société ABR était susceptible d'être débitrice de ces sommes et que le bien-fondé des créances sollicités n'était établi ni à l'égard de Mme [S] ni à l'égard de la société.

Moyens des parties

M. [K] et Mme [S] demandent à la cour, au fondement de l'article 1857 du code civil, de condamner Mme [X] à verser à la société ABR la somme de 36 274,95 euros au titre du remboursement des deux prêts immobiliers, pour la période du 15 mars 2018 au 15 novembre 2020, sauf à parfaire ultérieurement.

A titre subsidiaire, au fondement des articles 1302 et 1303 du code civil, ils font valoir que Mme [S] a amélioré la situation nette de la société et a ainsi contribué à augmenter la valeur des parts, de sorte que si Mme [X] ne participe pas aux charges, elle bénéficie d'un enrichissement injustifié. Ils demandent donc sa condamnation à verser cette même somme à Mme [S], outre 13 831,92 euros au titre des frais avancés par cette dernière pour la constitution de la société ABR et 48 740, 73 euros au titre des avances consenties par cette dernière à la société ABR pour le règlement des échéances des crédits immobiliers jusqu'au 15 mars 2018 (soit un total de 85 015,68 euros au titre des prêts immobiliers jusqu'au 15 novembre 2020).

Ils demandent en outre à la cour de condamner Mme [X], au paiement sur le compte courant de la société ABR de la moitié des échéances à venir de l'amortissement en capital des deux prêts immobiliers, mois après mois, sur la base des tableaux d'amortissement déjà établis par la Banque postale et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir.

La société ABR formule les mêmes demandes (de paiement à son profit), et développe les mêmes moyens que Mme [S] et M. [K].

Poursuivant la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté cette demande, Mme [X], reprenant la motivation des premiers juges, fait valoir qu'aucun élément ne justifie la créance que Mme [S] prétend détenir.

Appréciation de la cour

* S'agissant des échéances de crédit entre le 15 mars 2018 et le 15 novembre 2020

Les rapports entre les associés et les tiers créanciers d'une société sont régis par l'article 1857 du code civil qui dispose que : " à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements ".

La résolution n°8 adoptée le 31 mars 2018 stipule que : " Les nus propriétaires verseront donc à la SCI ABR, le premier jour de chaque mois à partir du mois de mars 2018 inclus, les sommes dues au titre du remboursement de ce capital [le capital des deux prêts souscrits auprès de la Banque Postale], [O] [K] versera chaque mois sur 2018 entre 1 084 et 1 110 € selon l'échéancier fourni en annexe 9 ; [J] [X] versera chaque mois sur 2018 entre 1 084 et 1 110 € selon l'échéancier fourni en annexe 9 ".

Ainsi que l'ont à juste titre retenu les premiers juges, l'annexe 9 du compte rendu d'assemblée générale n'est pas produit. Seuls sont produits les tableaux d'amortissement des deux prêts immobiliers, qui ne démontrent pas comment les échéances comprises entre le 15 mars 2018 et le 15 novembre 2020 ont été payées (pièce 68 [K]).

Par ailleurs, cette résolution ne vaut que pour l'année 2018.

Seule la société ABR est débitrice de cette somme. C'est d'ailleurs sur son compte bancaire que les échéances d'emprunt sont prélevées (pièce 27 [K]).

En outre, l'obligation indéfinie aux dettes sociales à l'égard des tiers s'applique à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements. Or, il n'est pas établi que la société est en état de cessation des paiements. De plus, les échéances de prêt sont régulièrement payées, aucune déchéance du terme n'a été prononcée de sorte que ces prêts ne constituent pas une dette immédiatement exigible.

La demande principale de M. [K] et Mme [S], au fondement de l'article 1857 du code civil, sera donc rejetée.

A titre subsidiaire, ils réclament la condamnation de Mme [X] à verser la somme de 36 274,95 euros à Mme [S], au fondement des articles 1302 et 1303 du code civil (enrichissement injustifié).

Force est de constater que, pas plus qu'en première instance, Mme [S] n'établit le bien-fondé de sa créance. Le tableau des avances qu'elle a consenties (pièce 68 [K]) est un élément de preuve qu'elle s'est constituée à elle-même, insuffisant à établir la réalité de ces avances. Le fait que les loyers perçus par la société ne couvrent pas la moitié des échéances d'emprunt ne suffit pas à démontrer la certitude de la créance.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté ces demandes. Le jugement, sur ce point sera confirmé.

* S'agissant des échéances de crédit pour l'avenir : demande de condamnation à paiement sur le compte courant de la société ABR de la moitié des échéances à venir de l'amortissement en capital des deux prêts immobiliers, mois après mois, sur la base des tableaux d'amortissement établis par la Banque postale et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir

Ainsi que l'ont à juste titre retenu les premiers juges, la question de la contribution des associés aux pertes ou aux dettes sociales doit être distinguée de l'obligation aux dettes sociales qui n'intéressent que les rapports entre les associés et les tiers créanciers.

C'est donc à tort que les intimés se fondent sur l'article 1857 du code civil pour réclamer la condamnation de Mme [X] à contribuer à ses pertes au profit de la société ou de Mme [S], usufruitière.

L'article 1832 du code civil dispose que " La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.

Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.

Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ".

Selon l'article 1844-1 du même code, " La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l'associé qui n'a apporté que son industrie est égale à celle de l'associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire.

Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites ".

Il résulte de l'article 1832, alinéa 3, précité que, sauf stipulation contraire des statuts, la contribution aux pertes s'apprécie lors de la dissolution de la société. Dans le silence des statuts, la société ne dispose pas de créance contre les associés sur le fondement de leur contribution aux pertes en cours de vie sociale.

Il s'ensuit qu'en l'absence de la contribution aux pertes en cours de vie sociale, une dette représentant les pertes subies par la société ne peut être inscrite au débit d'un compte courant d'un associé.

En l'espèce, l'article 16 des statuts de la société ABR stipule que " les pertes, s'il en existe, sont imputées sur les bénéfices reportés dans les exercices antérieurs, sur les réserves, puis sur le capital ; elles sont supportées par les associés proportionnellement au nombre de parts leur appartenant.

Chaque associé peut, avec le consentement de ses coassociés, faire des avances en compte courant à la société pour une durée et moyennant un intérêt fixé par décision d'une assemblée générale ordinaire ".

C'est à juste titre que le tribunal a déduit de ces dispositions qu'elles n'imposent pas aux associés d'assurer à la société de bénéficier de la trésorerie nécessaire afin de faire face à ses charges, en lui consentant des avances, pas plus qu'elles ne les obligent à faire immédiatement face, directement ou indirectement, aux dettes sociales à proportion de leurs droits sociaux. Par conséquent, le passif social n'apparaît pas immédiatement exigible dans la mesure où les modalités de son imputation ne prévoient pas qu'il pèse directement sur les associés.

Comme vu précédemment, la résolution n°8 ne vaut que pour l'année 2018. Aucune autre résolution votée lors de l'assemblée générale du 31 mars 2018 n'impose aux associés de contribuer immédiatement, mois après mois, à proportion de leur part dans le capital social, aux échéances d'emprunt.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de M. [K] et Mme [S] visant à condamner Mme [X] à payer la moitié des échéances à venir, mensuellement, sous astreinte.

Le jugement, sur ce point, sera confirmé.

Sur les autres demandes en paiement (charges de copropriété et dépenses d'assurance " propriétaire non occupant ")

Moyens des parties

M. [K] et Mme [S] demandent à la cour, à titre principal au fondement de l'article 1857 du code civil et à titre subsidiaire au fondement des articles 1302 et 1303 du code civil, de condamner Mme [X] à verser à la société ABR 5790,18 euros au titre de la moitié des charges de copropriété et 296,38 euros au titre de la moitié des dépenses d'assurance propriétaire non occupant (PNO).

Ils demandent en outre à la cour de condamner Mme [X], au paiement sur le compte courant de la société ABR d'une somme fixée en l'état et forfaitairement à 1500 euros pour l'année afin de permettre à la société de faire face aux frais courants de charges de copropriété, assurance PNO, et taxe foncière, cette somme devant être versée tous les ans au premier janvier sur le compte courant de la société ABR.

Enfin, dans l'hypothèse où la cour ne condamnerait pas Mme [X], ils sollicitent la condamnation de la société ABR à verser à Mme [S] ces mêmes sommes, Mme [X] étant alors condamnée en sa qualité de co-associée.

La société ABR formule les mêmes demandes (de paiement à son profit) et développe les mêmes moyens que Mme [S] et M. [K]. Elle ajoute que les charges vont probablement augmenter compte tenu de travaux engagés dans le cadre du Grand Paris qui risquent d'affecter la structure de l'immeuble.

Poursuivant la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté cette demande, Mme [X], reprenant la motivation des premiers juges, fait valoir qu'aucun élément ne justifie la créance que Mme [S] prétend détenir.

Appréciation de la cour

Pour les mêmes motifs que précédemment évoqués et sur le même fondement (articles 1832, alinéa 3, et 1844-1 du code civil), c'est à bon droit, et par des motifs justes et circonstanciés, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté cette demande.

Aucune autre résolution votée lors de l'assemblée générale du 31 mars 2018 n'impose aux associés de contribuer immédiatement, à proportion de leur part dans le capital social, aux charges de la société (charges de copropriété et indemnité d'assurance).

La résolution n°6, qui ne vaut que pour l'année 2018, ne concerne que l'adoption d'un budget provisionnel de 4688 euros et la constitution d'une provision de 1500 euros. Elle ne prévoit aucune modalité quant à la répartition du budget entre associés et quant au paiement de la provision.

L'annexe 8, page 41, de la convocation à l'assemblée générale du 31 mars 2018 (pièce 12) invoquée par la société ABR correspond à un tableau de répartition du budget 2018 avec six colonnes (revenus annuels/versements associés/remboursements des prêts assurances/charges/provision/résultat). Le tableau qui suit détaille le capital à rembourser chaque mois de l'année 2018 et le montant par nu-propriétaire. Le tableau en annexe 10 organise la régularisation des avances faites par [H] [K] pour chaque associé. Force est de constater que cette pièce n'est qu'une annexe à une convocation d'assemblée générale mais ne constitue pas une résolution adoptée en assemblée générale et n'a donc pas force de décision.

Par voie de conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes principales de M. [K] et Mme [S] visant à condamner Mme [X] à verser à la société ABR d'une part, 5790,18 euros au titre de la moitié des charges de copropriété et, d'autre part, 296,38 euros au titre de la moitié des dépenses d'assurance propriétaire non occupant (PNO). C'est également à bon droit qu'il a rejeté celle visant au versement d'une somme forfaitaire annuelle de 1500 euros pour faire face aux frais courants de charges de copropriété, assurance PNO, et taxe foncière, ainsi que leur demande subsidiaire de verser ces mêmes sommes au bénéfice de Mme [S].

Le jugement, sur ce point, sera confirmé.

Sur la demande en dissolution de la SCI

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dissolution, Mme [X] demande à la cour, au fondement de l'article 1844-7 du code civil, de prononcer la dissolution de la société aux motifs que :

- la disparition de l'affectio societatis ainsi que la paralysie des organes sociaux sont caractérisées ;

- surabondamment, l'inexécution de ses obligations par M. [O] [K] ainsi que la paralysie des organes sociaux la justifie également.

En premier lieu, Mme [X] conteste la prétendue participation de M. [K] aux échéances de prêt et autres dépenses pour 2019, indiquant que ce dernier n'a procédé qu'à un versement de 1500 euros le 3 janvier 2019. Elle ajoute être empêchée dans ses fonctions de gérante, ne disposant ni des clés de l'appartement, ni d'un accès au compte bancaire de la société ABR, ni des documents sociaux. Elle ajoute que Mme [S], usufruitière, ne peut être considérée comme associée.

Elle prétend, enfin, que " le business plan de cette SCI est définitivement déficitaire".

En deuxième lieu, au fondement de l'article 1844-7 du code civil, elle indique que M. [K] n'a pas plus contribué aux échéances d'emprunt, lesquelles sont supérieures aux revenus locatifs, qu'elle depuis le 9 novembre 2018 et que la situation de la société est gravement déficitaire. Elle précise que la société ABR n'évite la procédure collective que parce que [Z] [K] la renfloue artificiellement et affirme que M. [K] règle ses dépenses personnelles par les SCI.

Poursuivant la confirmation du jugement, Mme [S] et M. [K] demandent à la cour de rejeter la demande de dissolution.

S'appuyant sur la jurisprudence, ils soutiennent que la demande de retrait conduit inévitablement au mal-fondé de la demande de dissolution.

Contestant toute paralysie de fonctionnement, ils font valoir que la société fonctionne encore normalement et conformément à son objet social, grâce à l'affectio societatis partagé par deux associés sur trois. Ils précisent que les articles 8, 10, 12 et 14 organisent la prise de décision en cas d'absence de décision au cours de l'assemblée générale.

Ils ajoutent qu'elle accroît régulièrement sa valeur et que, une fois les prêts soldés, la société sera parfaitement bénéficiaire.

Ils indiquent que Mme [X] a accès aux documents et relevés de compte bancaire via les convocations aux assemblées générales. Ils répliquent qu'elle ne peut invoquer son refus systématique de participer aux assemblées générales pour invoquer une paralysie de fonctionnement.

S'appuyant sur la jurisprudence, la société ABR estime que les conditions de la dissolution ne sont pas remplies. Elle conteste l'existence d'une paralysie de fonctionnement de la société, rappelant que cette dernière est à jour de ses échéances de prêt, de ses charges et de ses obligations déclaratives, et considère que la disparition de l'affectio societatis repose sur des conflits d'ordre privé, qui ne saurait suffire à entraîner la dissolution de la société.

Appréciation de la cour

L'article 1844-7, 5°, du code civil dispose que la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

La disparition de l'affectio societatis consacre la disparition d'un élément essentiel du contrat de société, l'affectio societatis étant compris comme la volonté de collaborer à une 'uvre commune et à se conduire comme des associés.

Le plus souvent, l'absence d'affectio societatis ne suffit pas obtenir le prononcé d'une dissolution judiciaire de la société, car il convient d'éviter toute confusion entre cette notion et la mésentente justifiant la dissolution judiciaire pour justes motifs. La simple volonté d'une des parties de ne plus avoir l'intention de s'associer ne justifie pas qu'une société puisse disparaître. Elle doit être complétée par la paralysie de la société qui constitue l'élément essentiel, pour aboutir à la dissolution de la société (Cass. 3e civ., 16 mars 2011, n° 10-15.459).

En l'espèce, la cour observe que M. [K] et Mme [S] se contredisent lorsqu'ils indiquent que " deux associés sur trois ont un affectio societatis " (p.33 de leurs écritures) tout en reconnaissant, dans ces mêmes écritures, que seuls les nus-propriétaires, dont M. [K] et Mme [X], ont la qualité d'associés (p.9 de leurs conclusions). Seuls ces derniers ont désormais la qualité d'associés.

La disparition de l'affectio societatis entre M. [K] et Mme [X] n'est ici pas contestée (pièce 1 [X]) et est aggravé par une mésentente entre associés, laquelle fait suite à des conflits familiaux profonds et durables dans un contexte où ils ont été institués associés de plusieurs sociétés civiles immobilières familiales par leurs parents. L'origine de cette mésentente importe peu, de sorte que les développements de chacune des parties imputant l'origine de la mésentente à l'autre sont inopérants.

Par ailleurs, à l'appui de sa demande, Mme [X] invoque l'inexécution de ses obligations par M. [K] et invoque le fait qu'il aurait " pour habitude de faire assumer ses dépenses personnelles par les SCI dont il est associé ". Force est de constater qu'elle ne démontre pas ce qu'elle allègue : la pièce 54 qu'elle verse au débat concerne des relevés de compte de la société ASR, société distincte, et un relevé de compte de la société ABR sur lequel apparaît un virement au profit de M. [W] qui est l'avocat constitué de la société ABR dans la présente procédure. Ainsi, rien ne permet de dire que M. [K] use des fonds de la société ABR à des fins personnelles.

Toutefois, s'agissant des échéances de prêt arrêtées au 15 mars 2018 dont les modalités de remboursement ont été fixées par l'assemblée générale du 31 mars 2018, M. [K] ne démontre avoir versé, sur le compte de la société ABR, que la somme de 11 200 euros (pièces 27, 70 et 71 [K]). Il n'a donc pas rempli les obligations auxquelles il s'est engagé en votant la résolution n°8 de l'assemblée générale (qui met à la charge de chaque associé plus de 48 000 euros à ce titre).

Pour les dettes postérieures au 15 mars 2018 en revanche, en l'absence de toute résolution mettant à la charge des associés le paiement immédiat des dettes sociales, il ne peut lui être imputé, au titre d'une inexécution de ses obligations, le fait de ne pas avoir participé aux échéances d'emprunt et aux dettes de la société.

En outre, l'inexécution de ses obligations par un associé ne permet, en application de l'article 1844-7, 5° du code civil, le prononcé judiciaire de la dissolution anticipée de la société pour justes motifs, qu'à la condition qu'elle en paralyse le fonctionnement.

Or, en l'espèce, Mme [X] ne démontre pas que l'inexécution totale ou partielle des résolutions adoptées le 31 mars 2018 ou que les conflits entre associés ne permettent plus à la société ABR de poursuivre son activité.

Certes, les deux associés sont égalitaires et ne souhaitent plus collaborer ensemble. Toutefois, la société ABR paye ses dettes et ses charges. Elle est à jour de ses échéances d'emprunt, et perçoit régulièrement les loyers du locataire. Le fait que ces dépenses soient prises en charge, au moins partiellement, par l'usufruitière ou, comme cela ressort des relevés de comptes de la société ABR (pièces 27, 70 et 71 [K], pièce 32 [X]), par M. [Z] [K], époux de Mme [S] et père des associés, démontre un dysfonctionnement, une confusion des rôles mais est insuffisant à établir une paralysie de son fonctionnement.

Mme [X] affirme que le " business plan de la société ABR " serait gravement déficitaire, mais elle ne le démontre aucunement. Le fait que les dépenses soient prises en charge par des tiers relèvent d'un dysfonctionnement manifeste, mais ne constitue pas une entrave ou une paralysie du fonctionnement de la société.

Il résulte de ces éléments que les conditions du prononcé de la dissolution judiciaire ne sont pas pleinement réunies de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté cette demande.

Le jugement, sur ce point, sera confirmé.

Sur la demande en retrait et sur la demande d'expertise

Moyens des parties

A défaut de faire droit à la demande de dissolution, Mme [X] demande à la cour de l'autoriser à s'en retirer, au fondement de l'article 1869 du code civil, et de faire droit à la demande d'expertise de la société ABR afin de déterminer la valeur des parts sociales. Elle considère que l'accord des parties sur la nécessité d'une expertise constitue un contrat judiciaire au sens de l'article 384 du code de procédure civile, permettant de passer outre la nécessité de saisir le président du tribunal judiciaire dans le cadre d'une procédure accélérée au fond.

Poursuivant l'infirmation du jugement sur ce point, M. [K] et Mme [X] demandent à la cour d'ordonner le retrait de Mme [X] de la société et la cession de ses parts. Mme [S] précise accepter de voir disparaître son usufruit sur les parts destinées à être annulées dans le cadre de ce retrait. Au fondement de l'article 1843-4 du code civil, ils indiquent qu'en cas de désaccord sur la valeur des parts, la partie la plus diligente devra saisir le président du tribunal selon la procédure accélérée au fond.

La société ABR est également favorable à l'exercice du droit de retrait de Mme [X], et rappelle que Mme [S], usufruitière, a donné son accord. Elle sollicite une expertise-comptable, l'expert pouvant s'adjoindre un expert immobilier, afin d'évaluer la nue-propriété des parts sociales, aux frais partagés des associés.

Appréciation de la cour

L'article 1869 du code civil dispose que sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice.

A moins qu'il ne soit fait application de l'article 1844-9 (3ème alinéa), l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4.

L'article 1843-9 du code civil précise :

" I. - Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.

L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.

II. - Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.

L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties ".

En l'espèce, l'article 8, alinéas 1, 2 et 3, des statuts de la société ABR prévoit :

" Sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. La décision collective devra être prise dans le délai de 3 mois à compter de la demande de retrait formulée par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le retrait peut être également autorisé pour justes motifs par une décision du président du tribunal de grande instance du lieu du siège social statuant en référé.

L'associé retrayant a droit au remboursement de ses parts dont la valeur, à défaut d'accord amiable, sera fixée par expertise conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil ".

Il s'ensuit que la demande subsidiaire de retrait sollicitée par Mme [X], à laquelle les autres parties ne s'opposent pas, doit être formée à son initiative par lettre recommandée avec accusé de réception, ou prononcée judiciairement par le président du tribunal judiciaire statuant en référé.

En cas de désaccord des parties sur la valeur des parts de l'associé qui se retire, il appartient au président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible, d'ordonner une expertise.

Par voie de conséquence, la cour n'est pas compétente pour statuer sur cette demande de retrait judiciaire, ni sur la demande d'expertise et ne pourra que les rejeter. Le jugement, sur ce point, sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.

Compte tenu du sens du présent arrêt, les dépens d'appel seront partagés à hauteur d'un tiers à la charge de Mme [X], d'un tiers à la charge de Mme [S] et M. [K], d'un tiers à la charge de la société ABR, et pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Les demandes de Mme [X], de M. [K] et Mme [S] ainsi que celle de la société ABR au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Dans les limites de l'appel,

REJETTE les demandes formées par M. [K], Mme [S] et la société ABR visant à voir déclarer irrecevable la demande en nullité des résolutions de l'assemblée générale du 31 mars 2018 formée par Mme [X] ;

DÉCLARE recevable la demande en nullité des résolutions de l'assemblée générale du 31 mars 2018 formée par Mme [X] ;

Au fond, REJETTE la demande en nullité des résolutions de l'assemblée générale du 31 mars 2018 formée par Mme [X] ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT que les dépens d'appel seront partagés à hauteur d'un tiers à la charge de Mme [X], d'un tiers à la charge de Mme [S] et M. [K], d'un tiers à la charge de la société ABR, et qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.