Décisions
CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ. tgi, 26 novembre 2024, n° 24/00142
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Autre
Arrêt N°
SP
R.G : N° RG 24/00142 - N° Portalis DBWB-V-B7I-GAO3
[C]
C/
S.E.L.A.R.L. [H] ÈS QUALITE DE LIQUIDATEUR JUDICIAIRE DE LA S CCV [6]
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2024
Chambre civile TGI
Appel d'une ordonnance rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE SAINT DENIS en date du 05 FEVRIER 2024 suivant déclaration d'appel en date du 08 FEVRIER 2024 rg n°: 22/03447
APPELANT :
Monsieur [N] [C]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Jean pierre LIONNET, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [H] ÈS QUALITE DE LIQUIDATEUR JUDICIAIRE DE LA SCCV [6] La SELARL [H] [7], représentée par Me [M] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV [6], Société civile immobilière de construction vente au capital de 1 500,00 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT DENIS DE LA REUNION sous le numéro 514 712 009 ayant son siège social au [Adresse 1] ' [Localité 5] (Réunion), en vertu d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de SAINT DENIS DE LA REUNION en date du 21 novembre 2017 prononçant la liquidation judiciaire de la SCCV [6], prise en son établissement secondaire sis [Adresse 3] ' [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Caroline CHANE MENG HIME de la SELARL AVOCATS ET CONSEILS REUNION, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture: 18 juin 2024
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée à l'audience publique du 17 Septembre 2024 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Qui en ont délibéré.
A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 26 Novembre 2024.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 26 Novembre 2024.
Greffier : Mme Véronique FONTAINE,
LA COUR
Par acte du 20 avril 2022, la SELARL [H], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV [6] (le liquidateur), société civile qui a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire en date du 21 novembre 2017, a fait assigner M. [N] [L] [C], en contribution des dettes sociales devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion.
Par jugement du 9 novembre 2022, ce même tribunal a renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion.
Par conclusions d'incident notifiées le 6 octobre 2023, M. [C] a sollicité le juge de la mise en état afin de déclarer l'action du liquidateur irrecevable des chefs de prescription et défaut de qualité à agir, et de le condamner à payer à M. [C] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
C'est dans ces conditions que, par ordonnance rendue le 5 février 2024, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a :
- Rejeté les fins de non-recevoir des chefs de prescription et défaut de qualité à agir du demandeur ;
- Condamné M. [C] à payer à la SELARL [H] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCCV [6] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Renvoyé la procédure et les parties à l'audience de mise en état électronique du 11 mars 2024 pour conclusions au fond du défendeur ;
- Condamné M. [C] aux dépens de l'incident.
Par déclaration au greffe en date du 8 février 2024, M. [C] a interjeté appel de cette décision.
L'intimée s'est constituée par acte du 12 février 2024.
L'affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 19 février 2024.
M. [C] a déposé ses premières conclusions d'appel par RPVA le 12 mars 2024.
Le liquidateur a déposé ses conclusions d'intimée par RPVA le 8 avril 2024.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 juin 2024 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience de circuit court du 17 septembre 2024.
***
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 12 mars 2024, M. [C] demande à la cour de :
- Recevoir l'appelant en son recours et l'en déclarer bien-fondé ;
- Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel ;
Statuant à nouveau,
- Déclarer l'action irrecevable ;
- Condamner le liquidateur à payer à M. [C] la somme de 3.000 euros au titre de frais irrépétibles et le condamner aux dépens.
***
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 8 avril 2024, le liquidateur demande à la cour de :
Vu les articles 1832 et 1844-1 du code civil,
Vu l'article L. 641-9 du code de commerce,
- Juger que l'action du liquidateur est recevable ;
- Débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes ;
En conséquence,
- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
- Condamner M. [C] à payer au liquidateur la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Renvoyer l'affaire à la mise en état avec injonction de conclure au défendeur.
***
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de " constatations " ou de " dire et juger " lorsqu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Par ailleurs, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code de procédure civile dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d'appel en matière civile qui entrera en vigueur le 1er septembre 2024 et ne sera applicable qu'aux instances d'appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter de cette date.
Sur les fins de non-recevoir soulevée par M. [C]
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, M. [C] soutient en substance que l'action du liquidateur judiciaire d'une société en comblement de l'insuffisance d'actif est régie par les dispositions des articles L. 651-1 et suivants du code de commerce et se prescrit par trois ans à compter du jugement prononçant la liquidation judiciaire, de sorte que la liquidation judiciaire de la SCCV [6] ayant été prononcée le 21 novembre 2017, l'action du liquidateur introduite par assignation du 20 avril 2022 est prescrite. Il fait encore valoir qu'en application du principe de non cumul des actions fondées, soit sur la responsabilité civile de droit commun des articles 1240 et suivants du code civil, soit sur la responsabilité civile spéciale du droit des sociétés ou de l'article 1850 du civil pour les sociétés civiles, doivent être écartées au profit de la seule action en responsabilité pour insuffisance d'actif. Il en déduit que l'action est irrecevable. Il considère que ce principe impose au liquidateur d'agir dans le strict cadre de l'action en comblement de passif et, partant, dans le délai de prescription triennal.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, M. [C] argue que le liquidateur opère une confusion dans le régime de son action, entre les notions d'obligations de l'associé de société civile aux dettes sociales prévue par l'article 1857 du code civil et d'obligation de contribution aux pertes sociales prévue par l'article 1832 du même code, alors que ces deux types d'obligation n'ont pas le même régime. Ainsi, l'obligation au paiement des dettes sociales est réservées aux créanciers et l'action du liquidateur dans l'intérêt des créanciers ne peut pas permettre d'exercer une telle action. Par contre, le liquidateur est recevable à agir à l'encontre des associés d'une société civile " pour voir fixer leur contribution aux pertes sociales par la prise en compte, outre du montant de leurs apports, de celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs " (Cass.Com 20 septembre 2011 n° 10-24.888), or, cette obligation de contribution aux pertes n'apparaît en principe qu'au jour de la dissolution de la société et, en cas de liquidation judiciaire, ce jour correspond au jour du jugement de clôture pour insuffisance d'actif (article 1844-7 7° du code civil). Il en déduit que si le liquidateur se fonde sur l'obligation de l'associé au paiement des dettes sociales, il est irrecevable pour défaut de qualité, l'action n'étant ouverte qu'aux seuls créanciers agissant individuellement et personnellement et s'il se fonde sur l'obligation de l'associé de contribution aux pertes, il est irrecevable en raison de l'absence de clôture de la procédure de liquidation judiciaire.
Le liquidateur fait valoir qu'il agit contre les associés sur le fondement des articles 1832 et 1844-1 du code civil qui pose l'obligation des associés à contribuer aux pertes à proportion de leur participation au capital et précise que la SCCV [6] est une société civile par nature qui relève de ce régime. Il ajoute que la jurisprudence fait application de la contribution aux pertes aux associés de SCCV à proportion de leur part au capital social en l'absence de dispositions exclusive de l'article 1844-1.
S'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le liquidateur argue pour l'essentiel que n'ayant pas engagé d'action en comblement de passif, il n'est pas soumis au respect de la prescription triennale propre à cette action et demeure soumis au respect de la prescription quinquennale dans le cadre de son action en contribution aux pertes.
Il dément toute confusion entre l'action en obligation aux dettes sociales, réservée aux créanciers et l'action en contribution aux pertes réservée au liquidateur judiciaire. La première concerne les rapport entre la société et ses associés et vise pour la société débitrice à recouvrer le montant de ses pertes auprès des associés engagés en l'espèce de façon illimitée et à proportion de leur participation au capital social et, en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce, il est compétent dès l'ouverture de la liquidation judiciaire pour exercer les droits et actions du débiteurs concernant son patrimoine. La seconde n'est pas subordonnée à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire dans la mesure où cette clôture met fin à son mandat de liquidateur.
S'agissant de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, le liquidateur fait valoir qu'en cas de liquidation judiciaire, s'agissant de l'obligation de l'associé à contribuer aux pertes, il est seul compétent pour agir (articles 1832 du code civil et L. 641-9 du code de commerce et l'article 125 du code de procédure civile Cass.Com 3 mai 2018 n° 15-20.348). Il ajoute qu'il s'agit d'une jurisprudence constante qui s'applique pour toutes les formes sociales (Cass.Com. 20 septembre 2011 n° 10-24-888 ; Cass.Com. 27 septembre 2016 n° 15-13.348).
Sur ce,
D'une part, aux termes de l'article 122 de code de procédure civile : "Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée."
D'autre part, les dispositions relatives aux sociétés civiles constituée en vue de la vente d'immeubles sont les articles L. 211-1 à L. 211-4 et R. 211-1 à R. 211-6 du code de la construction et de l'habitation. Les SCCV sont également régies par les dispositions des articles 1832 à 1870-1 du code civil et celles du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 pour leur application, c'est à dire par les dispositions de droit commun des sociétés civiles.
Pour tout ce à quoi il n'est pas dérogé par les dispositions particulières du code de la construction et de l'habitation, les dispositions du droit commun des sociétés civiles s'appliquent.
Les procédures de sauvegarde (article L. 620-2 du code de commerce), de redressement (article L. 631-2) et de liquidation judiciaire (article L. 640-2) sont applicables à toute personne morale de droit privé.
En vertu de l'article 1850 du code civil, les gérants des SCCV sont responsables individuellement envers la société et envers les tiers des fautes commises dans leur gestion, de la violation des statuts ou de celle des lois et règlements. Outre l'action ut universi réservée au dirigeant représentant la société, l'article 1843-5 prévoit qu'un ou plusieurs associés peuvent solliciter la réparation du préjudice subi par la société (action ut singuli). Lorsque l'associé subit un préjudice personnel résultant de la faute du gérant, il peut en demander la réparation sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Lorsque la liquidation judiciaire de la SCCV fait apparaître une insuffisance d'actif, en vertu de l'article L. 651-2 du code de commerce, le tribunal peut également, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'active, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de fait ou de droit, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
S'agissant de la responsabilité des associés vis à vis des créanciers sociaux qui s'exerce dans les rapports des associés avec les tiers :
De façon générale, l'article 1857 du code civil dispose qu'à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social.
Aux termes de l'article L. 211-2 du code de la construction et de l'habitation:
" Les associés sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux.
Les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après mise en demeure adressée à la société et restée infructueuse. [...] "
L'obligation indéfinie aux dettes sociales est réservée aux seuls tiers à la société.
Cette responsabilité a lieu sans solidarité : le créancier doit diviser son recours.
En matière de SCCV, une simple mise en demeure adressée à la société restée sans effet suffit.
La déclaration de créance au passif d'une SCCV faisant l'objet d'une procédure collective vaut mise en demeure de la société infructueuse.
Ni le représentant des créanciers ni le liquidateur n'ont qualité pour exercer l'action ouverte à l'article 1857 du code civil : l'action en paiement dirigée contre les associés échappe donc aux organes de la procédure.
S'agissant de la contribution aux pertes qui concerne les rapports entre associés, étant rappelé qu'en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige :
" I.-Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.
[...] " :
Aux termes de l'article 1832 du code civil :
"La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes. "
Et l'article 1844-1 du même code dispose que en son premier alinéa que :
" La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l'associé qui n'a apporté que son industrie est égale à celle de l'associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire. "
En vertu des articles 1832 et 1844-1 du code civil, sur lesquels se fonde le liquidateur, les associés sont donc tenus de contribuer aux pertes.
Cette obligation ne joue en principe que lors de la dissolution de la société, lorsque sa liquidation permet la détermination des pertes éventuelles.
L'article 1844-8 du code civil prévoit que la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.
La Cour de cassation a toutefois précisé que le liquidateur peut agir à l'encontre des associés " pour voir fixer leur contribution aux pertes sociales par la prise en compte, outre le montant de leurs apports, de celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs.
(Cass.com. 20 septembre 2010 n° 10-24.888)
Ainsi, à côté de la responsabilité des associés vis à vis des créanciers sociaux (article 1857 du code civil et L. 211-2 du code de la construction et de l'habitation pour les SCCV) qui s'exerce dans les rapports des associés avec les tiers, les associés sont tenus de contribuer aux pertes (articles 1832 et 1844-1 du code civil) ; la contribution aux pertes se situe dans les rapports entre associés).
En vertu de l'article 1859 du code civil " toutes actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société ".
En l'espèce, le liquidateur fonde son action sur les articles 1832 et 1844-1 du code civil eu égard à la qualité d'associé de la SCCV [6] de M. [C] et non en sa qualité de dirigeant de fait ou de droit au titre de l'article L. 651-2 du code de commerce visant une faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d'actif.
Il s'ensuit que le délai de prescription est de cinq ans à compter du jugement qui a prononcé la liquidation judiciaire (21/11/2017), soit jusqu'au 21 novembre 2022. Or, l'assignation date du 20 avril 2022.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [C] doit être écartée, de même que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, le liquidateur pouvant agir à l'encontre des associés " pour voir fixer leur contribution aux pertes sociales par la prise en compte, outre le montant de leurs apports, de celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs. "
L'ordonnance du juge de la mise en état sera par conséquent confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
M. [C] succombant, il convient de le condamner aux dépens d'appel et de le débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel.
L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du liquidateur, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 2.000 euros pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour l'ordonnance rendue le 5 février 2024 par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion ;
Y ajoutant
Condamne M. [N] [L] [C] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [N] [L] [C] à payer à la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
SP
R.G : N° RG 24/00142 - N° Portalis DBWB-V-B7I-GAO3
[C]
C/
S.E.L.A.R.L. [H] ÈS QUALITE DE LIQUIDATEUR JUDICIAIRE DE LA S CCV [6]
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2024
Chambre civile TGI
Appel d'une ordonnance rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE SAINT DENIS en date du 05 FEVRIER 2024 suivant déclaration d'appel en date du 08 FEVRIER 2024 rg n°: 22/03447
APPELANT :
Monsieur [N] [C]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Jean pierre LIONNET, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [H] ÈS QUALITE DE LIQUIDATEUR JUDICIAIRE DE LA SCCV [6] La SELARL [H] [7], représentée par Me [M] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV [6], Société civile immobilière de construction vente au capital de 1 500,00 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT DENIS DE LA REUNION sous le numéro 514 712 009 ayant son siège social au [Adresse 1] ' [Localité 5] (Réunion), en vertu d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de SAINT DENIS DE LA REUNION en date du 21 novembre 2017 prononçant la liquidation judiciaire de la SCCV [6], prise en son établissement secondaire sis [Adresse 3] ' [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Caroline CHANE MENG HIME de la SELARL AVOCATS ET CONSEILS REUNION, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture: 18 juin 2024
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée à l'audience publique du 17 Septembre 2024 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Qui en ont délibéré.
A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 26 Novembre 2024.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 26 Novembre 2024.
Greffier : Mme Véronique FONTAINE,
LA COUR
Par acte du 20 avril 2022, la SELARL [H], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV [6] (le liquidateur), société civile qui a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire en date du 21 novembre 2017, a fait assigner M. [N] [L] [C], en contribution des dettes sociales devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion.
Par jugement du 9 novembre 2022, ce même tribunal a renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion.
Par conclusions d'incident notifiées le 6 octobre 2023, M. [C] a sollicité le juge de la mise en état afin de déclarer l'action du liquidateur irrecevable des chefs de prescription et défaut de qualité à agir, et de le condamner à payer à M. [C] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
C'est dans ces conditions que, par ordonnance rendue le 5 février 2024, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a :
- Rejeté les fins de non-recevoir des chefs de prescription et défaut de qualité à agir du demandeur ;
- Condamné M. [C] à payer à la SELARL [H] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCCV [6] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Renvoyé la procédure et les parties à l'audience de mise en état électronique du 11 mars 2024 pour conclusions au fond du défendeur ;
- Condamné M. [C] aux dépens de l'incident.
Par déclaration au greffe en date du 8 février 2024, M. [C] a interjeté appel de cette décision.
L'intimée s'est constituée par acte du 12 février 2024.
L'affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 19 février 2024.
M. [C] a déposé ses premières conclusions d'appel par RPVA le 12 mars 2024.
Le liquidateur a déposé ses conclusions d'intimée par RPVA le 8 avril 2024.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 juin 2024 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience de circuit court du 17 septembre 2024.
***
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 12 mars 2024, M. [C] demande à la cour de :
- Recevoir l'appelant en son recours et l'en déclarer bien-fondé ;
- Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel ;
Statuant à nouveau,
- Déclarer l'action irrecevable ;
- Condamner le liquidateur à payer à M. [C] la somme de 3.000 euros au titre de frais irrépétibles et le condamner aux dépens.
***
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 8 avril 2024, le liquidateur demande à la cour de :
Vu les articles 1832 et 1844-1 du code civil,
Vu l'article L. 641-9 du code de commerce,
- Juger que l'action du liquidateur est recevable ;
- Débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes ;
En conséquence,
- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
- Condamner M. [C] à payer au liquidateur la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Renvoyer l'affaire à la mise en état avec injonction de conclure au défendeur.
***
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de " constatations " ou de " dire et juger " lorsqu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Par ailleurs, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code de procédure civile dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d'appel en matière civile qui entrera en vigueur le 1er septembre 2024 et ne sera applicable qu'aux instances d'appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter de cette date.
Sur les fins de non-recevoir soulevée par M. [C]
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, M. [C] soutient en substance que l'action du liquidateur judiciaire d'une société en comblement de l'insuffisance d'actif est régie par les dispositions des articles L. 651-1 et suivants du code de commerce et se prescrit par trois ans à compter du jugement prononçant la liquidation judiciaire, de sorte que la liquidation judiciaire de la SCCV [6] ayant été prononcée le 21 novembre 2017, l'action du liquidateur introduite par assignation du 20 avril 2022 est prescrite. Il fait encore valoir qu'en application du principe de non cumul des actions fondées, soit sur la responsabilité civile de droit commun des articles 1240 et suivants du code civil, soit sur la responsabilité civile spéciale du droit des sociétés ou de l'article 1850 du civil pour les sociétés civiles, doivent être écartées au profit de la seule action en responsabilité pour insuffisance d'actif. Il en déduit que l'action est irrecevable. Il considère que ce principe impose au liquidateur d'agir dans le strict cadre de l'action en comblement de passif et, partant, dans le délai de prescription triennal.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, M. [C] argue que le liquidateur opère une confusion dans le régime de son action, entre les notions d'obligations de l'associé de société civile aux dettes sociales prévue par l'article 1857 du code civil et d'obligation de contribution aux pertes sociales prévue par l'article 1832 du même code, alors que ces deux types d'obligation n'ont pas le même régime. Ainsi, l'obligation au paiement des dettes sociales est réservées aux créanciers et l'action du liquidateur dans l'intérêt des créanciers ne peut pas permettre d'exercer une telle action. Par contre, le liquidateur est recevable à agir à l'encontre des associés d'une société civile " pour voir fixer leur contribution aux pertes sociales par la prise en compte, outre du montant de leurs apports, de celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs " (Cass.Com 20 septembre 2011 n° 10-24.888), or, cette obligation de contribution aux pertes n'apparaît en principe qu'au jour de la dissolution de la société et, en cas de liquidation judiciaire, ce jour correspond au jour du jugement de clôture pour insuffisance d'actif (article 1844-7 7° du code civil). Il en déduit que si le liquidateur se fonde sur l'obligation de l'associé au paiement des dettes sociales, il est irrecevable pour défaut de qualité, l'action n'étant ouverte qu'aux seuls créanciers agissant individuellement et personnellement et s'il se fonde sur l'obligation de l'associé de contribution aux pertes, il est irrecevable en raison de l'absence de clôture de la procédure de liquidation judiciaire.
Le liquidateur fait valoir qu'il agit contre les associés sur le fondement des articles 1832 et 1844-1 du code civil qui pose l'obligation des associés à contribuer aux pertes à proportion de leur participation au capital et précise que la SCCV [6] est une société civile par nature qui relève de ce régime. Il ajoute que la jurisprudence fait application de la contribution aux pertes aux associés de SCCV à proportion de leur part au capital social en l'absence de dispositions exclusive de l'article 1844-1.
S'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le liquidateur argue pour l'essentiel que n'ayant pas engagé d'action en comblement de passif, il n'est pas soumis au respect de la prescription triennale propre à cette action et demeure soumis au respect de la prescription quinquennale dans le cadre de son action en contribution aux pertes.
Il dément toute confusion entre l'action en obligation aux dettes sociales, réservée aux créanciers et l'action en contribution aux pertes réservée au liquidateur judiciaire. La première concerne les rapport entre la société et ses associés et vise pour la société débitrice à recouvrer le montant de ses pertes auprès des associés engagés en l'espèce de façon illimitée et à proportion de leur participation au capital social et, en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce, il est compétent dès l'ouverture de la liquidation judiciaire pour exercer les droits et actions du débiteurs concernant son patrimoine. La seconde n'est pas subordonnée à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire dans la mesure où cette clôture met fin à son mandat de liquidateur.
S'agissant de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, le liquidateur fait valoir qu'en cas de liquidation judiciaire, s'agissant de l'obligation de l'associé à contribuer aux pertes, il est seul compétent pour agir (articles 1832 du code civil et L. 641-9 du code de commerce et l'article 125 du code de procédure civile Cass.Com 3 mai 2018 n° 15-20.348). Il ajoute qu'il s'agit d'une jurisprudence constante qui s'applique pour toutes les formes sociales (Cass.Com. 20 septembre 2011 n° 10-24-888 ; Cass.Com. 27 septembre 2016 n° 15-13.348).
Sur ce,
D'une part, aux termes de l'article 122 de code de procédure civile : "Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée."
D'autre part, les dispositions relatives aux sociétés civiles constituée en vue de la vente d'immeubles sont les articles L. 211-1 à L. 211-4 et R. 211-1 à R. 211-6 du code de la construction et de l'habitation. Les SCCV sont également régies par les dispositions des articles 1832 à 1870-1 du code civil et celles du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 pour leur application, c'est à dire par les dispositions de droit commun des sociétés civiles.
Pour tout ce à quoi il n'est pas dérogé par les dispositions particulières du code de la construction et de l'habitation, les dispositions du droit commun des sociétés civiles s'appliquent.
Les procédures de sauvegarde (article L. 620-2 du code de commerce), de redressement (article L. 631-2) et de liquidation judiciaire (article L. 640-2) sont applicables à toute personne morale de droit privé.
En vertu de l'article 1850 du code civil, les gérants des SCCV sont responsables individuellement envers la société et envers les tiers des fautes commises dans leur gestion, de la violation des statuts ou de celle des lois et règlements. Outre l'action ut universi réservée au dirigeant représentant la société, l'article 1843-5 prévoit qu'un ou plusieurs associés peuvent solliciter la réparation du préjudice subi par la société (action ut singuli). Lorsque l'associé subit un préjudice personnel résultant de la faute du gérant, il peut en demander la réparation sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Lorsque la liquidation judiciaire de la SCCV fait apparaître une insuffisance d'actif, en vertu de l'article L. 651-2 du code de commerce, le tribunal peut également, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'active, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de fait ou de droit, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
S'agissant de la responsabilité des associés vis à vis des créanciers sociaux qui s'exerce dans les rapports des associés avec les tiers :
De façon générale, l'article 1857 du code civil dispose qu'à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social.
Aux termes de l'article L. 211-2 du code de la construction et de l'habitation:
" Les associés sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux.
Les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après mise en demeure adressée à la société et restée infructueuse. [...] "
L'obligation indéfinie aux dettes sociales est réservée aux seuls tiers à la société.
Cette responsabilité a lieu sans solidarité : le créancier doit diviser son recours.
En matière de SCCV, une simple mise en demeure adressée à la société restée sans effet suffit.
La déclaration de créance au passif d'une SCCV faisant l'objet d'une procédure collective vaut mise en demeure de la société infructueuse.
Ni le représentant des créanciers ni le liquidateur n'ont qualité pour exercer l'action ouverte à l'article 1857 du code civil : l'action en paiement dirigée contre les associés échappe donc aux organes de la procédure.
S'agissant de la contribution aux pertes qui concerne les rapports entre associés, étant rappelé qu'en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige :
" I.-Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.
[...] " :
Aux termes de l'article 1832 du code civil :
"La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes. "
Et l'article 1844-1 du même code dispose que en son premier alinéa que :
" La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l'associé qui n'a apporté que son industrie est égale à celle de l'associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire. "
En vertu des articles 1832 et 1844-1 du code civil, sur lesquels se fonde le liquidateur, les associés sont donc tenus de contribuer aux pertes.
Cette obligation ne joue en principe que lors de la dissolution de la société, lorsque sa liquidation permet la détermination des pertes éventuelles.
L'article 1844-8 du code civil prévoit que la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.
La Cour de cassation a toutefois précisé que le liquidateur peut agir à l'encontre des associés " pour voir fixer leur contribution aux pertes sociales par la prise en compte, outre le montant de leurs apports, de celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs.
(Cass.com. 20 septembre 2010 n° 10-24.888)
Ainsi, à côté de la responsabilité des associés vis à vis des créanciers sociaux (article 1857 du code civil et L. 211-2 du code de la construction et de l'habitation pour les SCCV) qui s'exerce dans les rapports des associés avec les tiers, les associés sont tenus de contribuer aux pertes (articles 1832 et 1844-1 du code civil) ; la contribution aux pertes se situe dans les rapports entre associés).
En vertu de l'article 1859 du code civil " toutes actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société ".
En l'espèce, le liquidateur fonde son action sur les articles 1832 et 1844-1 du code civil eu égard à la qualité d'associé de la SCCV [6] de M. [C] et non en sa qualité de dirigeant de fait ou de droit au titre de l'article L. 651-2 du code de commerce visant une faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d'actif.
Il s'ensuit que le délai de prescription est de cinq ans à compter du jugement qui a prononcé la liquidation judiciaire (21/11/2017), soit jusqu'au 21 novembre 2022. Or, l'assignation date du 20 avril 2022.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [C] doit être écartée, de même que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, le liquidateur pouvant agir à l'encontre des associés " pour voir fixer leur contribution aux pertes sociales par la prise en compte, outre le montant de leurs apports, de celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs. "
L'ordonnance du juge de la mise en état sera par conséquent confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
M. [C] succombant, il convient de le condamner aux dépens d'appel et de le débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel.
L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du liquidateur, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 2.000 euros pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour l'ordonnance rendue le 5 février 2024 par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion ;
Y ajoutant
Condamne M. [N] [L] [C] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [N] [L] [C] à payer à la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT