Livv
Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 3 décembre 2024, n° 23/02376

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

C2R Holding (Sté)

Défendeur :

Société des Transports Maurice Bouvier (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Vice-président :

Mme Clément

Conseiller :

Mme Ramin

Avocats :

Me de Luca, Me Garnier, Me Barth

T. com. Rennes, du 3 déc. 2022, n° 2022F…

3 décembre 2022

Selon protocole des 24 et 28 mai 2019, la société C2R Holding, représentée par son gérant M. [O], et ses associés ont cédé les actions des sociétés Rallu transports SA et Transports de la Rance à la société des Transports Maurice Bouvier (ci-après STMB) moyennant un prix de 725 000 euros.

Le protocole prévoyait une garantie des « déclarations et garanties » du cédant et une obligation d'indemnisation corrélative au bénéfice de l'acquéreur (le cessionnaire) ou de la société (le bénéficiaire) de :

a) « toute diminution d'actif et/ou augmentation du passif par rapport au(x) montant(s) de l'actif et du passif figurant dans les comptes garantis dès lors que cette diminution ou augmentation (i) aurait dû, en application des principes comptables et/ou des déclarations et garanties, être comptabilisée dans les compte garantis et/ou (ii) aurait son origine, sa source ou sa cause dans des faits, événements ou circonstances antérieurs à la date de cession » ;

b) « tout préjudice direct que subirait la société résultant d'une inexactitude, omission ou violation d'une ou plusieurs des déclarations et garanties ».

Un délai de prévenance du garant de quarante-cinq jours ouvrés était imposé à l'acquéreur pour la mise en oeuvre des garanties suivant tout événement, fait ou circonstance susceptible de mettre en jeu les garanties et fonder une demande d'indemnisation, sous peine de déchéance de son droit à indemnisation.

Par courrier recommandé du 9 avril 2020, la société STMB a demandé la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif pour, notamment, une surévaluation de l'actif factor et pour des factures non parvenues.

Par courrier recommandé daté du 26 mai 2020, la société STMB a ajouté une provision pour créance douteuse sous-évaluée.

Pour chacun des motifs invoqués, la société C2R Holding lui a opposé le non-respect des délais fixés au protocole pour la mise en oeuvre de la garantie et la déchéance consécutive du droit à indemnisation.

Par nouveau courrier daté du 9 novembre 2020, le conseil de la société STMB a repris les diverses anomalies reprochées et sollicité la mise en place d'une conciliation.

Par courrier officiel du 12 novembre 2020, le conseil de la société C2R Holding a de nouveau soulevé la déchéance du droit à indemnisation.

Le 28 juin 2021, la société STMB a assigné la société C2R Holding devant le tribunal de commerce de Rennes en paiement au titre de la garantie d'actif et de passif et, considérant que l'indemnisation équivaut à une réduction du prix d'acquisition à la hauteur de la baisse d'actif et de l'augmentation du passif généré, en réduction du prix d'acquisition des parts sociales des sociétés Rallu Transports SA et Transports de la Rance.

Après l'ouverture de la procédure, la société STMB a, par courrier daté du 7 avril 2022, sollicité la mise en oeuvre de la garantie de passif à la suite du licenciement de M. [E], victime d'un accident du travail antérieur à la cession.

Par conclusions au fond du 1er juillet 2022, la société STMB a sollicité de manière additionnelle la condamnation de la société C2R Holding au titre de ce licenciement.

Le 23 mars 2023, le tribunal de commerce a :

- débouté la société STMB de ses réclamations formulées au titre de l'actif factor, des factures non parvenues et des créances clients non provisionnées éligibles à la garantie actif passif de la convention signée avec la société C2R Holding,

- dit que les créances dues au titre du licenciement pour inaptitude de M. [E] sont éligibles à la garantie actif passif,

- condamné la société C2R Holding à payer à la société STMB la somme de 4 343,92 euros franchise de 20 0000 euros déduite, au titre de la garantie d'actif et passif et à titre de réduction du prix d'acquisition des sociétés Rallu transports SA et Transports de la Rance avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2020,

- débouté la société STMB du surplus de ses demandes au titre de la garantie actif passif,

- débouté la société C2R Holding de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société C2R Holding à payer à la société STMB la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté la société STMB du surplus de sa demande,

- condamné la société C2R Holding aux entiers dépens,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 73,80 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.

Le 17 avril 2023, la société C2R Holding a formé appel des dispositions du jugement lui faisant grief. La société STMB a formé appel incident par ses premières conclusions.

Les dernières conclusions de l'appelante sont du 18 septembre 2024 ; celles de l'intimée, du 13 septembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société C2R Holding demande à la cour de :

. à titre principal,

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu que la déclaration de mise en 'uvre de la garantie de passif de la société STMB, faite le 7 avril 2022, a été faite dans le délai de prévenance ;

- statuant de nouveau :

- constater que la société STMB est déchue de son droit à indemnisation en raison du non-respect du délai d'information prévu à l'acte ;

- constater que la société STMB n'a pas respecté le délai de prévenance de 45 jours ouvrés à compter du moment où elle a eu connaissance des événements, faits ou circonstances susceptibles de mettre en jeu la garantie ;

- en conséquence :

- débouter la société STMB de l'ensemble de ses demandes concernant la prise en charge du licenciement pour inaptitude de M. [E] au titre de la garantie de passif,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société STMB de ses réclamations formulées au titre de l'actif factor, des factures non parvenues et des créances clients non provisionnées ;

- en conséquence :

- débouter la société STMB de son appel incident,

. à titre subsidiaire,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société C2R Holding à payer à la société STMB la somme de 4 343,92 euros franchise de 20 000 euros déduite, au titre de la garantie d'actif et passif et à titre de réduction du prix d'acquisition des sociétés Rallu transports SA et Transports de la Rance avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2020,

- statuant de nouveau :

- débouter la société STMB de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions visant à obtenir la condamnation de la société C2R Holding au titre de la pris en charges des conséquences du licenciement pour inaptitude de M. [E] dans le cadre de la garantie de passif,

- débouter la société STMB de ses demandes relatives à l'actif factor,

- déduire du calcul de la garantie concernant les factures non-parvenues les factures suivantes : - 2 515 euros HT,

- 1 596 euros HT,

- 2 500 euros HT,

. en tout état de cause,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société C2R Holding de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société C2R Holding à verser à la société STMB la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance,

- statuant de nouveau :

- condamner la société STMB à verser à la société C2R Holding la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société STMB à verser à la société C2R Holding la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société STMB demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société STMB de ses réclamations formulées au titre de l'actif factor, des factures non parvenues et des créances clients non provisionnées éligibles à la garantie actif passif de la convention signée avec la société C2R Holding,

- débouté la société STMB du surplus de ses demandes au titre de la garantie actif passif,

- condamné la société C2R Holding à payer à la société STMB la somme de 4 343,92 euros franchise de 20 000 euros déduite, au titre de la garantie d'actif et passif et à titre de réduction du prix d'acquisition des sociétés Rallu transports SA et Transports de la Rance, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2020 ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que les créances dues au titre du licenciement pour inaptitude de M. [E] sont éligibles à la garantie actif passif ;

- débouté la société C2R Holding de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné la société C2R Holding à payer à la société STMB la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté la société STMB du surplus de sa demande ;

- condamné la société C2R Holding aux entiers dépens ;

- liquidé les frais de greffe à la somme de 73,80 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.

- statuant à nouveau,

- déclarer que la STMB n'encourt pas la déchéance de son droit à agir relativement à ces réclamations portant sur l'actif factor, les factures non parvenues et les créances douteuses non provisionnées ;

- déclarer la STMB est bien fondée à se prévaloir d'un préjudice d'un montant total de 83 986,52 euros, franchise de 20.000 euros déduite, au titre de la garantie d'actif et passif et à titre de réduction du prix d'acquisition des sociétés Rallu transports SA et Transports de la Rance,

- condamner la société C2R Holding à lui verser la somme de 83 986,52 euros relativement à ces réclamations au titre de la garantie d'actif et de passif et à titre de réduction du prix d'acquisition des parts des sociétés Rallu transports SA et Transports de la Rance, assortie des intérêts au taux légal à compter du 09 novembre 2020, date de la demande de conciliation amiable, qui a échoué,

- débouter la société C2R Holding de l'intégralité de ses demandes, plus amples ou contraires,

- condamner la société C2R Holding à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société C2R Holding aux entiers frais et dépens.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2024.

DISCUSSION

Sur le calcul du délai de prévenance

En application de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

La société STMB soutient que le délai de quarante-cinq jours se calcule rétroactivement à compter de la date de la réclamation qui correspond à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception, la clause étant rédigée du point de vue de l'acquéreur.

La société C2R Holding considère que la date qui prévaut est celle de la réception effective de la lettre par son destinataire.

L'article 13.6 du Protocole prévoit :

« Mise en oeuvre des déclarations et garanties

L'acquéreur devra informer le Garant par lettre recommandée avec accusé de réception, dès qu'il a en aura eu connaissance, et au plus tard dans les quarante-cinq (45) jours ouvrés suivant, de tout événement, fait ou circonstance susceptible de mettre en jeu les Déclarations et Garanties et fonder une demande d'indemnisation (ci-après nommée la « Notification d'indemnisation »).

La Notification d'Indemnisation devra préciser (i) les faits ou événements susceptibles de donner lieu à Réclamation et (ii) dans la mesure où cela est raisonnablement possible, une estimation du montant de l'indemnité réclamée (sans préjudice des modifications du montant réclamé que les circonstances pourraient justifier par la suite).

A défaut pour l'Acquéreur de respecter cette obligation d'information dans le délai sus-mentionné, l'Acquéreur sera déchu de son droit à indemnisation en application du protocole ».

Bien que non évoqué par les parties, l'article 17.7 du même acte prévoit expressément :

« Toute notification au titre du Protocole devra être faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par lettre remise contre récépissé ou par acte extrajudiciaire. Elle sera réputée avoir été faite à la date de la première présentation. »

Il s'ensuit, sans qu'il soit nécessaire d'interpréter ces clauses claires, que la date à retenir est celle de la présentation du courrier, soit l'avis de passage, et non la date d'envoi ou la date de réception sauf lorsque celle-ci correspond à la date de présentation.

Sur la date des faits ou événements susceptibles de donner lieu à réclamation

Il appartient à la société STMB de démontrer à quelle date elle a eu connaissance de l'événement, fait ou circonstance susceptible de mettre en jeu la garantie ; cette date ne correspond pas à la date à laquelle elle estime que le préjudice est établi.

- s'agissant de l'actif factor

Par son courrier déposé le 9 avril 2020 et présenté le 15 avril 2020, la société

STMB explique à la société C2R Holding que l'actif facor a été survalorisé à la clôture de l'exercice 2018, que l'expert-comptable « conclut au 31 décembre 2018 » qu'il existait une somme de 23 072 euros de clients douteux et de 5 k€ non retrouvés et qu'un écart de 4 225,39 €euros subsistait entre le reste à recevoir et le compte 467 « Facto France ». Elle reproche à la société C2R Holding ne de pas avoir provisionné en conséquence les créances douteuses liées au factor au 31 décembre 2018.

Elle indique avoir comptabilisé en perte cet écart « fin 2019 » au moment où « tous les comptes factors ont été remboursés ».

Il s'en déduit, sans autre explication satisfaisante donnée par ce courrier, que l'écart avait été constaté de longue date et n'a pu être exactement vérifié qu'au moment où les comptes factor ont été remboursés.

La société C2R Holding produit un relevé de compte de Factofrance mettant en évidence un paiement de 42 068 euros reçu par la société Rallu Transports le 10 janvier 2020. Cette date constitue ainsi, au plus tard, la prise de connaissance de l'événement susceptible d'entraîner la mise en jeu de la garantie.

Le courriel du directeur administratif et financier de la société STMB du 12 février 2020 par lequel il sollicite des documents auprès du commissaire aux comptes relativement aux comptes factor ne permet pas de contredire cette déduction dès lors qu'il ne précise pas à quelle date il a eu connaissance de l'écart.

Dans son courrier adressé à la STMB le 19 mai 2021, l'expert-comptable missionné le 20 septembre 2019 pour la révision des opérations liées à l'absorption de la SASU Transports de la Rance pour l'exercice clos au 31 octobre 2019, indique que c'est au cours de cette mission de révision des comptes, début 2020, sans autre précision, qu'il est apparu nécessaire de comptabiliser la somme dans un compte de charges.

L'enregistrement en comptabilité de la somme résiduelle de 28 642,32 euros au débit, le 21 février 2020, à la suite de la mission de l'expert-comptable, ne fait que confirmer l'erreur déjà constatée. Cette date ne peut, dès lors, constituer le point de départ du délai de prévenance.

En conséquence, à la date de présentation de la lettre d'information, le délai de 45 jours ouvrés ayant pris fin au plus tard le 13 mars 2020 était écoulé.

La société STMB est déchue de son droit à indemnisation.

Il convient de confirmer le jugement du tribunal de commerce sur ce point.

- s'agissant des factures non parvenues

La société STMB soutient qu'il convient de prendre comme point de départ du délai de prévenance la dernière semaine de février 2020 correspondant à l'arrêté des comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2019 à l'occasion duquel les factures non parvenues, qui auraient dû être prises en compte à l'exercice clos au 31 décembre 2018, ont été comptabilisées.

Le courrier d'information ne précise pas les conditions de prise de connaissance desdites factures.

Toutefois, la découverte de ces factures est nécessairement antérieure à la prise de décision de les faire entrer en comptabilité fin février 2020.

L'expert-comptable missionné ne détaille pas plus les circonstances de la découverte de ces factures, étant rappelé, qu'il ne précise pas la date à laquelle il a procédé à la révision des comptes.

La société STMB échoue à rapporter la preuve que la date de la découverte de ces factures était antérieure au délai de quarante-cinq jours calculé rétroactivement à compter de la date de la présentation de la lettre d'information le 15 avril 2020.

Elle est déchue de son droit à indemnisation.

Il convient de confirmer le jugement du tribunal de commerce sur ce point.

- s'agissant des créances douteuses

Le courrier recommandé daté du 26 mai 2020, concernant les créances douteuses non provisionnées, n'est accompagné d'aucun avis de présentation ou de réception.

Ce courrier a été reçu au plus tard le 5 juin 2020, date de la réponse apportée par la société C2R Holding.

La société STMB indique que : « suite à l'arrêté des comptes 2019, nous avons découvert (...) la provision pour créances douteuses au 31 décembre 2018 a été sous-évaluée. En effet, de nouvelles créances douteuses avaient été identifiées (...) et aucune provision n'a été portée dans les comptes (...) »

Dans son courrier susvisé, l'expert-comptable missionné ne détaille pas les circonstances de la découverte de l'absence de provisionnement de ces créances douteuses pourtant comptabilisées à l'exercice 2018, étant rappelé, qu'il ne précise pas la date à laquelle il a procédé à la révision des comptes.

La découverte de l'absence de provisionnement de ces créances est nécessairement antérieure à l'arrêté des comptes 2019, et surtout, à leur intégration en comptabilité le 25 avril 2020 au titre des créances irrécouvrables.

La société STMB échoue à rapporter la preuve que l'absence de provisionnement des créances douteuses était antérieure au délai de quarante-cinq jours calculé rétroactivement à compter de la date de la présentation de la lettre d'information le 5 juin 2020.

Elle est déchue de son droit à indemnisation.

Il convient de confirmer le jugement du tribunal de commerce sur ce point.

- s'agissant du licenciement de M. [E]

La lettre recommandée du 7 avril 2022, correspondant à la réclamation au titre de la garantie d'actif et de passif pour le licenciement de M. [E], n'est

accompagnée d'aucun avis de présentation ou de réception. Elle a été reçue au plus tard le 14 avril 2022, date de la réponse apportée par le conseil de la société C2R Holding.

La société C2R Holding rappelle que le protocole prévoit qu'à la suite de l'information de l'événement, fait ou circonstance susceptible de mettre en jeu sa garantie, le garant peut choisir d'être « associé et coopérer à la défense des intérêts de la société (...) ». Elle en déduit que l'événement, fait ou circonstance dont elle devait être informée devait lui permettre de participer ou de coopérer à la défense des intérêts de la société avant même que n'intervienne la demande d'indemnisation. Dès lors, elle fait valoir que la société STMB devait l'avertir de la situation de M. [E] à compter du 10 janvier 2022 correspondant aux premiers échanges du service de santé au travail et de l'employeur concernant l'étude du poste et des conditions de travail de ce salarié en arrêt depuis le 29 octobre 2018 à la suite d'un accident du travail.

Pour autant, comme le soutient la société STMB, ce n'est qu'à compter du 21 février 2022 que le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude de M. [E] sur son poste, avis de nature à constituer l'événement susceptible de mettre en jeu sa garantie en cas de licenciement.

Ainsi, le délai de quarante cinq jours n'était pas écoulé lors de la présentation de la lettre d'information.

Sur le bien fondé de la demande de garantie au titre du licenciement de M. [E]

La société Holding C2R fait valoir que la garantie de passif ne couvre pas les conséquences liées au licenciement postérieur à la cession d'un salarié déclaré inapte en raison de faits commis avant la cession, ce que conteste la société STMB.

Selon l'article L.1226-10 du code du travail :

« Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. »

L'article L.1226-12 du code du travail précise :

« Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. »

Il n'est pas contesté que l'inaptitude de M. [E] sur son poste résulte de son accident du travail antérieur à la cession.

L'avis d'inaptitude précise, quant aux indications relatives au reclassement : « éviter les mouvements de force ou répétitifs des membres supérieurs, éviter l'élévation du membre supérieur droit au-dessus de la ligne des épaules, un poste de conduite pure pourrait convenir ».

Un reclassement était donc envisageable.

M. [E] a été averti par courrier du 14 mars 2022 par son employeur de l'impossibilité de reclassement faute de poste, en lien avec les préconisations médicales, dans sa zone de mobilité géographique.

Il n'est pas fait état d'un refus du salarié au sens de l'article L.1226-12 susvisé.

Le licenciement lui a été notifié, par lettre en date du 5 avril 2022, en l'absence de solution de reclassement « en compatibilité avec les limites imposées par le médecin du travail » à la suite de l'inaptitude constatée.

Il s'en déduit que le licenciement n'est pas dû à l'inaptitude du salarié sur son poste, elle-même causée par l'accident, mais à l'impossibilité de reclassement, postérieure à la cession, au sein de la société.

La société STMB ne corrobore par aucune autre pièce son affirmation d'une impossibilité de reclassement. Elle ne verse, notamment, aucun document sur la nature des postes existants.

Il doit être considéré que la cause du passif nouveau généré par le licenciement est l'impossibilité de reclassement.

Aucune garantie n'est due.

Le jugement sera infirmé.

La demande de la société STMB au titre de la garantie de passif en lien avec le licenciement de M. [E] sera rejetée.

Sur la demande au titre de la procédure abusive

Il n'est pas suffisamment démontré que la société STMB ait agi autrement que pour faire valoir ses droits en justice.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens

Il convient d'infirmer le jugement du tribunal de commerce ayant condamné la société C2R Holding aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant principalement à l'instance, la société STMB sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société C2R Holding une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 23 mars 2023 en ce qu'il a :

- dit que les créances dues au titre du licenciement pour inaptitude de M. [E] sont éligibles à la garantie actif passif,

- condamné la société C2R Holding à payer à la société STMB la somme de 4 343,92 euros franchise de 20 0000 euros déduite, au titre de la garantie d'actif et passif et à titre de réduction du prix d'acquisition des sociétés Rallu transports SA et Transports de la Rance avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2020,

- condamné la société C2R Holding à payer à la société STMB la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté la société STMB du surplus de sa demande,

- condamné la société C2R Holding aux entiers dépens,

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette toutes demandes de la société STMB au titre de la garantie d'actif et passif et au titre de réduction du prix d'acquisition des sociétés Rallu transport SA et Transports de la Rance,

Condamne la société STMB aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société STMB à payer à la société C2R Holding la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.