Livv
Décisions

CA Rennes, 1re ch., 3 décembre 2024, n° 22/00852

RENNES

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Adam

Vice-président :

M. Bricogne

Conseiller :

Mme Brissiaud

Avocats :

SCP Guillou-Renaudin, Me Lescouret, SELARL AB Litis / Pélois & Amoyel-Vicquelin, Me Paris, SELARL Muriel Galia

TJ Rennes, du 20 janv. 2020, n° 20/00503

20 janvier 2020

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Suivant acte authentique du 30 novembre 2015 passé par devant Me [I] [W], M. [F] [V] et Mme [P] [K] épouse [V] (les époux [V]) ont acquis auprès de la SCI [13] dont la gérante est Mme [A] [Z] une maison d'habitation sise [Adresse 3] à [Localité 10] au prix de 355.000 €.

2. Il avait été négocié que Mme [Z] pourrait continuer à occuper gracieusement les lieux jusqu'au 30 juin 2016.

3. Postérieurement à la vente, et durant cette occupation du bien par Mme [Z], de la buée apparaissant sur un vitrage, celle-ci a proposé de le faire changer à ses frais.

4. Les époux [V] sont entrés dans les lieux en août 2016. Suivant facture du 15 mai 2017, ils ont fait changer une nouvelle fenêtre.

5. Le 18 juin 2018, les époux [V] ont écrit à Me [W] pour lui faire savoir que, depuis leur acquisition en 2015, les carreaux de la baie vitrée devenaient embués les uns après les autres. Ils reprochaient au notaire de ne pas leur avoir signalé les mêmes désordres affectant la maison voisine qui lui avait appartenu.

6. Un constat d'huissier était finalement établi le 19 juin 2019. Au cours du dernier trimestre 2019, l'intégralité de la baie vitrée a été changée pour un prix de 28.453,15 € TTC.

7. Par acte d'huissier du 16 mars 2020, les époux [V] ont fait assigner Me [W] et la SCI [13] devant le tribunal judiciaire de Brest aux fins de les voir condamner in solidum à leur payer la somme 29.179,60 € en réparation de leur préjudice financier, la somme de 3.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance et celle de 5.000 € en réparation de leur préjudice moral.

8. Par jugement du 6 janvier 2022, le tribunal a :

- déclaré recevable l'action des époux [V] fondée sur la garantie des vices cachés,

- débouté les époux [V] de leurs demandes contre la SCI [13],

- condamné Me [W] à leur verser la somme de 3.000 € au titre de leur préjudice moral,

- condamné les époux [V] aux dépens,

- débouté les époux [V] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé l'exécution provisoire de droit.

9. Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que les époux [V] ne rapportent pas la preuve du vice affectant l'immeuble qu'ils ont acquis. Quant au notaire, à la fois rédacteur de l'acte de vente du 30 novembre 2015 et édificateur et ancien propriétaire de la maison mitoyenne au bien litigieux dans le cadre d'une opération de construction commune aux époux [Z], il connaissait les désordres affectant le bien mitoyen de celui dont il a dressé l'acte de vente et ne pouvait passer sous silence les informations qu'il détenait personnellement. Sa faute étant toutefois sans lien avec les désordres, il ne saurait être condamné au coût de leur reprise et les époux [V] n'établissent pas de perte de chance de ne pas contracter s'ils avaient été mieux informés. En revanche, il existe un préjudice moral lié au sentiment de tromperie qu'ils ont pu éprouver de la part du rédacteur de l'acte, en qui ils avaient placé leur confiance.

10. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 10 février 2022, les époux [V] ont interjeté appel de cette décision.

11. Par ordonnance du 28 février 2023, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré irrecevables les pièces notifiées tardivement au RPVA le 3 novembre 2022 par la SELARL Saout Galia,

- constaté que la SCI [13] n'a pas conclu au fond et est irrecevable à le faire,

- ordonné la production :

* par M. [R] [L], expert judiciaire :

' de toutes les notes aux parties, tous les dires des parties, les notes de synthèses et/ou pré-rapports, établis dans le cadre des opérations d'expertise diligentées sur l'immeuble ayant appartenu à M. [W] situé [Adresse 2] à [Localité 10],

' des 16 annexes de son rapport d'expertise judiciaire du 20 février 2009 et des 27 annexes de celui du 19 mars 2012,

* par M. [M] [B], expert judiciaire, de toutes les notes aux parties, tous les dires des parties, les notes de synthèses et/ou pré-rapports, établis dans le cadre des opérations d'expertise diligentées sur l'immeuble ayant appartenu à M. [W] situé [Adresse 2] à [Localité 10] et leur communication aux époux [V], appelants,

- dit que MM. [L] et [B] accompagneront leur production de pièces d'un commémoratif de leurs diligences et investigations éventuellement accomplies à cette occasion pour la maison "jumelle" appartenant à la SCI [13], y compris sous la forme de questionnements ou d'interrogations, le tout sous forme d'attestation,

- ordonné la communication aux parties par les époux [V] desdites pièces et attestations produites,

- condamné in solidum la SCI [13] et Me [W] aux dépens de l'incident,

- condamné in solidum la SCI [13] et Me [W] à payer la somme de 2.000 € aux époux [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes.

* * * * *

12. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 23 juillet 2024, les époux [V] demandent à la cour de :

- débouter Me [W] de son appel incident et plus largement de toutes ses demandes,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* les a déboutés de toutes leurs demandes à l'égard de la SCI [13] dont celles d' indemnisation à hauteur de :

' 29.222,60 € en réparation de leur préjudice financier découlant des travaux effectués sur la façade sud de la maison,

' 1.200 € en réparation de leur manque à gagner du fait de la réduction de loyer de 300 € par mois, accordée pendant quatre mois à leur locataire de juin à septembre 2016, en raison des défauts du bien,

' 3.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance pendant le temps où ils ont occupé la maison du 1er septembre 2016 au 30 juin 2017,

' 5.000 € en réparation de leur préjudice moral avec intérêts légaux à compter du 18 juin 2018, date d'envoi des lettres recommandées avec avis de réception,

' 5.000 € au titre des frais irrépétibles outre les dépens d'instance comprenant le coût du constat d'huissier du 19 juin 2019 (334,09 €),

* a rejeté leurs demandes portant sur le préjudice financier, le manque à gagner, le préjudice de jouissance, les frais irrépétibles et les dépens formées à l'encontre de Me [W],

* a limité à 3 000 € l'indemnisation portant sur le préjudice moral,

* les a condamnés aux dépens,

- statuant à nouveau,

- condamner Me [W] et la SCI [13] in solidum à leur payer :

* 29.222,60 € en réparation de leur préjudice financier découlant des travaux effectués sur la façade sud de la maison,

* 1.200 € en réparation de leur manque à gagner du fait de la réduction de loyer de 300 € par mois, accordée pendant quatre mois à leur locataire de juin à septembre 2016, en raison des défauts du bien,

* 3.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance pendant le temps où ils ont occupé la maison du 1er septembre 2016 au 30 juin 2017,

* 5.000 € en réparation de leur préjudice moral, soit 2.500 € chacun,

* 12.871,10 € au titre de la résistance abusive dont les intimés ont fait preuve,

* les intérêts légaux à compter du 18 juin 2018, date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception au notaire et sinon à compter du 3 juillet 2018, date de la réponse du notaire,

- à défaut,

- condamner Me [W] et la SCI [13] in solidum à leur payer, en réparation de leur préjudice apprécié comme suit :

* 28.930,37 € au titre de la perte de chance estimée à 99 % de ne pas avoir dû payer les changements de vitrage sur façade sud de la maison,

* 1.188 € au titre de la perte de chance estimée à 99 % de ne pas subir un manque à gagner du fait de la réduction de loyer de 300 € par mois, accordée pendant quatre mois à leur locataire de juin à septembre 2016, en raison des défauts du bien et jusqu'au changement complet de la façade vitrée,

* 2.970 € au titre de la perte de chance estimée à 99 % de ne pas subir de préjudice de jouissance pendant le temps où ils ont occupé la maison du 1er septembre 2016 au 30 juin 2017,

* 5.000 € en réparation de leur préjudice moral, soit 2.500 € chacun,

* 12.871,10 € au titre de la résistance abusive dont les intimés ont fait preuve,

* les intérêts légaux à compter du 18 juin 2018, date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception au notaire et sinon à compter du 3 juillet 2018, date de la réponse du notaire,

- en tout état de cause,

- condamner in solidum la la SCI [13] et Me [W] à leur payer 5.000 € au titre des frais irrépétibles en première instance et à leur payer les dépens de première instance comprenant le coût du constat d'huissier du 19 juin 2019 pour 334.05 € TTC,

- condamner in solidum la SCI [13] et Me [W] à leur payer 5.000 € au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, si les honoraires des experts taxés à 2.871,10 € sont inclus dans l'indemnisation du préjudice matériel découlant de la résistance abusive des intimés,

- à défaut, condamner in solidum la SCI [13] et Me [W] à leur payer 2.871,10 € en sus de la somme allouée au titre des frais de défense en appel, à moins de les intégrer aux dépens d'appel,

- condamner in solidum la SCI [13] et Me [W] à leur payer les entiers dépens d'appel incluant, le cas échéant, les honoraires de MM. [L] et [B] d'un montant global de 2.871,10 €.

13. À l'appui de leurs prétentions, les époux [V] font en effet valoir :

- sur la responsabilité du notaire,

- qu'eu égard à l'obligation d'impartialité, Me [W] aurait dû refuser d'établir l'acte de vente en raison de ses liens étroits d'alliance et/ou d'intérêts avec la SCI [13] et sa gérante avec qui il avait mené le projet de construction de la maison composée de deux logements mitoyens,

- que Me [W] a dissimulé tout au long du processus de vente sa connaissance des graves désordres affectant sa propre habitation mais aussi celle d'à côté (infiltrations importantes, zones d'humidité favorisant l'apparition de champignons, embuage du vitrage, dégradation du parquet de la pièce de vie côté baie vitrée et mur mitoyen), alors qu'il avait sollicité des expertises visant à mettre en cause la responsabilité des artisans,

- que, bien qu'il ait revendu sa maison à Mme [Y], il a participé activement aux opérations d'expertise,

- que la faute du notaire est dolosive dans la mesure où la dissimulation est préméditée pour permettre à la SCI [13] de se défaire d'un bien affecté des mêmes désordres de nature décennale que le sien,

- que, bien informés de la situation, ils auraient à tout le moins demandé conseil à des tiers, dont un autre notaire, et des devis à des professionnels,

- sur la responsabilité de la SCI [13],

- que la SCI [13] avait bien connaissance des vices affectant la maison et qu'elle a délibérément cachés (humidité excessive dans la chambre n° 2, dégradation du parquet de la pièce de vie côté baie vitrée et mur mitoyen, menuiseries extérieures affectées d'un défaut de conception par l'absence de profil de renfort des traverses hautes et basses des châssis superposés, toutes choses qui avaient affecté précédemment la maison de Me [W]),

- qu'ils n'ont constaté les vices qu'après la vente, tous les désordres de nature décennale apparus dans la maison de Me [W] étant survenus ultérieurement dans la leur,

- sur les préjudices,

- que leur préjudice moral a été insuffisamment réparé,

- qu'ils ont dû procéder au remplacement intégral de la façade vitrée,

- qu'ils ont également dû réviser à la baisse le loyer et ont subi un préjudice de jouissance pendant la période d'habitation des lieux, Me [W] ayant lui-même été indemnisé d'un préjudice de jouissance lors de la procédure diligentée contre les artisans,

- qu'au pire, si la cour devait retenir une perte de chance, elle se situerait à hauteur de 99 % des préjudices subis,

- que la collusion entre les intimés, qui ont systématiquement cherché à dissimuler la réalité de la situation, confine à la résistance abusive.

* * * * *

14. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 4 septembre 2024, Me [W] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser aux époux [V] la somme de 3.000 € au titre du préjudice moral,

- pour le surplus, confirmer la décision dont appel,

- en tout état de cause,

- débouter les époux [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, à son encontre,

- condamner in solidum les époux [V] à lui verser une indemnité de 5.000 € au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- autoriser la SELARL Ab Litis - Sylvie Pelois - Amélie Amoyel-Vicquelin, avocats postulants, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

15. À l'appui de ses prétentions, Me [W] fait en effet valoir :

- sur la faute,

- qu'il n'avait pas connaissance, au moment de la vente, du rapport [B] ayant fait état de vices de conception,

- qu'il n'avait pas à informer les époux [V] de désordres affectant sa maison alors que rien ne pouvait laisser penser que l'on retrouverait ces mêmes difficultés sur l'immeuble vendu, les seuls désordres connus de lui ne provenant que de défauts localisés d'exécution,

- que l'état parasitaire établi à l'occasion de la vente ne révélait que des traces de champignons lignivores dans une pièce ainsi que quelques zones d'humidité, mais ne révélait aucune infiltration,

- sur les préjudices,

- que les époux [V] ont procédé, de leur propre initiative, à des travaux prétendument réparatoires dont ni la réalité, ni l'ampleur, ni les modalités de reprise n'ont pu être constatées et débattues contradictoirement, rendant le préjudice allégué incertain,

- qu'il ne peut répondre du coût nécessaire pour remédier à ce désordre, n'étant débiteur d'aucune obligation de garantie au bénéfice des époux [V],

- que rien ne permet de soutenir qu'informés des désordres ayant affecté la maison voisine, les époux [V] auraient renoncé à leur acquisition, alors qu'ils ont revendu leur maison en faisant une plus-value,

- qu'il n'est justifié d'aucun préjudice de jouissance,

- que les époux [V] ont revendu leur maison dans des termes très élogieux, d'où il ressort que le mauvais état locatif du bien tel qu'allégué n'est pas établi,

- qu'aucune mauvaise foi ne peut lui être opposée.

* * * * *

16. La SCI [13] a constitué avocat mais n'a pas conclu.

17. L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2024.

18. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action en garantie des vices cachés à l'encontre de la SCI [13]

1 - le droit à la garantie :

19. Aux termes de l'article 1641 du code civil, 'le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.

20. L'article 1642 dispose que 'le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même'.

21. L'article 1643 prévoit qu' 'il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie'.

22. Pour satisfaire à l'exigence d'antériorité, il suffit que le vice soit simplement en germe au moment de la vente.

23. En l'espèce, les époux [V] ont acquis auprès de la SCI [13], dont la gérante est Mme [Z], une maison d'habitation sise [Adresse 3] à [Localité 10] au prix de 355.000 €, suivant acte authentique du 30 novembre 2015.

24. Cet acte contient en page 8 une clause d'exonération des vices cachés qui impose aux époux [V] de prouver la connaissance du vice qu'ils allèguent par la SCI [13].

25. Dans une convention annexée à l'acte de vente, Mme [Z] a été autorisée à continuer à occuper gracieusement les lieux jusqu'au 30 juin 2016 et les époux [V] sont entrés dans la maison en août 2016. Durant cette occupation, en raison d' 'une vitre haute du mur rideau opaque', Mme [Z] s'est engagée à la remplacer dans un état des lieux dressé le 21 décembre 2015 (une facture de l'entreprise 4M du 31 mai 2016 au nom de la SCI [13] est produite aux débats pour un montant de 1.081,42 €). Le vice allégué peut donc être qualifié de caché, en ce sens qu'il n'était pas apparent au moment de la vente.

26. Les époux [V] ont adressé une première mise en demeure à Mme [Z] (et à Me [W]) le 18 juin 2018 après avoir constaté que 'les carreaux de la baie vitrée deviennent embués les uns après les autres' (une facture du 15 mai 2017 de la même entreprise pour un montant de 769,45 € est produite) et qu'elle leur avait sciemment caché que Me [W], notaire rédacteur, avait connu des problèmes d'infiltration dans la maison jumelle ayant conduit à un procès.

27. Dans un procès-verbal de constat d'huissier établi le 19 juin 2019, photographies à l'appui, est décrit, sur une façade vitrée composée de 12 carreaux, 'un panneau vitré endommagé, au niveau du rez-de-chaussée. Depuis l'intérieur de la maison, je constate que ce panneau vitré central endommagé est très sombre'. L'huissier remarque également que 'malgré le verrouillage du coulissant, (...) il existe un jour entre le dormant et l'ouvrant de la menuiserie'.

28. Cette situation a conduit les époux [V] à changer l'intégralité des menuiseries et carreaux de la façade vitrée (commande passée le 22 octobre 2019 auprès de l'entreprise 4M pour un montant de 28.453,15 €, chantier intégralement payé suivant attestation de l'entreprise du 17 mars 2021).

29. En exécution de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 février 2023, M. [L], qui a expertisé les désordres constatés chez Me [W], propriétaire de la maison voisine (infra § 36 et suivants), a établi le 6 mars 2024 un 'commémoratif des diligences et investigations éventuellement accomplies à cette occasion pour la maison 'jumelle' appartenant à la SCI [13]' dans lequel il atteste que 'lors d'une des réunions d'expertise, probablement celle du 7 avril 2011 où un échafaudage avait été monté afin d'examiner les désordres, des investigations (et arrosages) ont eu lieu en passant devant le mur rideau de la maison jumelle et que des traces d'humidité étaient visibles au niveau du refend béton entre les deux maisons, également côté maison jumelle. Il me semble, mais je ne pourrai le certifier, que ce même jour nous nous sommes rendus, en présence des occupants de cette maison jumelle dans cette dernière afin d'examiner également ces désordres'.

30. Si ce commémoratif ne permet pas d'avoir la certitude absolue d'une visite de l'expert judiciaire (dont on ne sait rien en tout état de cause) dans la maison jumelle de celle sinistrée, il ressort d'un procès-verbal de constat d'huissier établi dès le 12 février 2010 à la demande de Me [W] que, 'chez le voisin, Mme [Z], de l'autre côté du voile béton qui sépare les deux propriétés, la peinture est là aussi dégradée mais depuis peu aux dires de l'occupante'.

31. Dans son commémoratif établi le 26 janvier 2024 à la demande du conseiller de la mise en état, M. [B], expert judiciaire qui est également intervenu dans le litige concernant l'habitation de Me [W] (infra § 39), atteste de ce qu'il a demandé à la société [11], en vue de la réunion suivante prévue le 23 juin 2014, 'd'installer un échafaudage pour permettre l'accès au démontage des tôles verticales d'habillage du mur Est mitoyen', l'avocat de Me [W] étant sensibilisé au fait de 's'assurer auprès du voisin mitoyen Est qu'il accepte le démontage de ces tôles et du voisin côté Ouest qu'il autorise l'accès sur son toit pendant l'expertise'. Si la SCI [13] n'était pas présente à cette réunion du 23 juin 2014, pour autant, l'expert a constaté que la tôle avait été déposée, ce qui n'a pas pu se faire sans l'accord des propriétaires des habitations voisines, spécialement côté Est. Enfin, l'expert judiciaire relate que l'architecte et le maître de l'ouvrage avaient retenu une option châssis fixe et non mur rideau sur la base des propositions émises à l'époque par l'entreprise [15] et que la société [11] (venant aux droits de [15]) a signalé, dans un dire du 10 septembre 2014, que 'l'immeuble a été réalisé sur le choix technique de l'architecte en ses deux parties, concernant, d'une part, la partie de M. [W] et, d'autre part, la partie de sa voisine. Il ne serait pas concevable de procéder à une modification structurelle sur une partie de l'immeuble'.

32. Quoi qu'il en soit, M. [O], chef d'une entreprise de miroiterie, atteste en outre de la façon suivante : 'Avant que mon entreprise procède aux travaux de remplacement de la façade vitrée sud de la maison d'habitation de M. [V], j'ai visité au préalable cette maison à l'occasion d'une réunion d'expertise en juillet 2014 organisée par l'expert [B] relativement à un sinistre d'étanchéité portant sur les deux maisons mitoyennes dont les propriétaires sont à ce jour M. [V] et Mme [Y]', à qui Me [W] avait entre-temps revendu sa maison.

33. La SCI [13] et sa gérante n'ignoraient donc rien des infiltrations affectant la propriété de leur voisin et qui constituent la cause essentielle des phénomènes d'humidité et de l'opacification de la baie vitrée constatés.

34. À cet égard, le constat d'état parasitaire annexé à l'acte de vente mentionnant des taux d'humidité relevés en partie basse du mur mitoyen dans la chambre 2 supérieurs à 50 % ne pouvait pas constituer une alerte suffisante sur l'ampleur du phénomène. Le diagnostiqueur y relève que, 'lors de la deuxième visite, il a été observé qu'une partie des plinthes a été retirée, le haut du mur et le plafond repeints' (ce point est conforme à l'engagement de la SCI [13] en page 10 du compromis de vente du 28 septembre 2015). Au chapitre des commentaires, il indique que 'les traces de champignon lignivore agent de pourriture fibreuse observées sur les plinthes de la chambre 2 sont le résultat d'une humidité excessive' et que 'des zones d'humidité ont été relevées dans l'habitation'.

35. Il n'en demeure pas moins que la SCI [13] a tenu les époux [V] dans l'ignorance des infiltrations ayant provoqué d'importants dégâts chez son voisin, propriétaire de la maison jumelle, dont elle n'ignorait pas les conséquences (procès contre les entrepreneurs mené par Me [W], opacité affectant la baie vitrée de ce dernier).

36. L'expert [L] a été désigné dès le 3 septembre 2007 à l'initiative de Me [W] et celui-ci, dans son rapport du 20 février 2009, mentionne 'que les infiltrations (constatées chez lui) venaient par le joint de dilatation entre les deux propriétés et par l'absence d'étanchéité entre le muret en limite de propriété et le mur de M. [W]. Ces infiltrations sont à l'origine des différents dégâts constatés à l'intérieur de la maison de M. [W], tant au rez-de-chaussée qu'au premier niveau'.

37. Concernant plus spécialement la menuiserie aluminium, l'expert note la présence de 'joints néoprène extérieurs de vitrage trop courts pour certains et notamment en angle des vitrages le long du bandeau vertical central. L'eau s'infiltrant alors ne peut être évacuée lors de vents forts, les busettes d'évacuation n'étant pas efficaces à cause de la pression du vent et de l'existence d'une simple chambre de drainage (et) l'eau est alors évacuée vers l'intérieur, notamment au droit des coupes d'onglets, mais également en parties courantes'. Il préconise divers travaux sur ce point, à la charge de la société [11] qui s'est engagée à les réaliser avant fin novembre 2008, l'expert observant qu' 'il est indispensable que ces travaux soient réalisés par cette entreprise, l'intervention d'une autre entreprise impliquant le très probable remplacement de l'ensemble du mur rideau'.

38. Toutefois, M. [L] va être désigné de nouveau par ordonnance de référé du 22 mars 2010, plus spécialement aux fins de 'préconiser les travaux de nature à mettre un terme définitif aux désordres, au niveau des fenêtres sur châssis de l'habitation (et de) donner son avis sur l'utilité de remplacer intégralement les fenêtres sur châssis'.

39. Dans son rapport du 12 mars 2012, l'expert indique que, 'dans la mesure où les travaux en réparation se sont révélés efficaces, le remplacement intégral des menuiseries -qui serait par ailleurs problématique car nécessitant une intervention également sur l'habitation contiguë, et non à la cause- ne se justifie pas'. On comprend de cette remarque que le châssis aluminium en cause est commun ou, à tout le moins, identique aux deux façades vitrées, dont celle de Me [W] qui sera attaquée par le phénomène d'opacification dès le début de l'année 2015, ainsi qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire [B], désigné à nouveau suivant ordonnance de référé du 7 janvier 2014 et qui mentionne dans son rapport du 31 janvier 2015 'qu'un des vitrages au niveau R+2 était embué, probablement en raison d'un défaut de joint' et qui conclut que 'l'embuage du vitrage rend l'ouvrage impropre à sa destination'. Contrairement à M. [L] qui préconisait un simple remplacement des joints existants, M. [B] suggère le remplacement de l'ensemble du châssis menuisé par un mur rideau pour un montant total de 27.306 € TTC (Mme [Y], qui a pris la suite de Me [W], lui avait adressé à cette fin un devis de 30.970,50 € établi le 11 septembre 2014 par l'entreprise 4M).

40. Le point d'orgue de ces événements réside dans un jugement du tribunal de grande instance de Brest du 25 octobre 2017, dans lequel Me [W] est demandeur originel et Mme [Y] intervenante volontaire, jugement qui notamment condamne in solidum la société [12] et la société [11] à payer à Mme [Y] la somme de 24.824 € HT 'au titre des travaux de reprise des menuiseries extérieures', après avoir relevé des défauts d'exécution du voile béton par la société [14] et de la menuiserie par la société [11] 'portant atteinte à la solidité des châssis menuisés'.

41. Alors que Mme [Z], gérante de la SCI [13], avait reçu la visite de M. [O] dès juillet 2014 dans le cadre des opérations d'expertise concernant la baie vitrée de son voisin, celle-ci n'en fait état ni lors du compromis de vente du 28 septembre 2015, ni à l'occasion de l'acte de vente du 30 novembre 2015.

42. Le maintien dans les lieux de Mme [Z] jusqu'au 30 juin 2016 suivant convention d'occupation annexée à l'acte de vente va rendre la situation invisible aux yeux des époux [V] jusqu'à l'état des lieux du 21 décembre 2015 dans lequel elle s'est sentie contrainte de s'engager à remplacer la vitre opaque (supra § 25), premier signe évident des suites des infiltrations ayant donné lieu au contentieux initié par son voisin.

43. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'opacification de la totalité de sa propre baie vitrée était en germe au moment de la vente. La SCI [13] devait à tout le moins l'envisager et alerter les époux [V] sur ce risque qui n'a pas manqué de se confirmer.

44. La clause d'exclusion de garantie des vices cachés ne pourra donc pas produire d'effet à cet égard.

45. Les époux [V] ayant exposé la somme totale de 29'222,60 € afin de remédier à l'opacification des vitres, ce qui représente plus de 8 % du prix d'achat de la maison (355.000 €), sans d'autre choix que celui de changer les vitres dont l'état en diminuait à ce point l'usage que l'immeuble ne remplissait plus sa destination, le vice caché en cause est établi et doit donner lieu à la garantie prévue aux articles 1641 et suivants du code civil, la circonstance que les époux [V] ont fait une plus-value de 20.000 € en revendant leur maison 375.000 € suivant promesse de vente du 7 mai 2020 étant inopérante.

46. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté les époux [V] de leurs demandes contre la SCI [13] au titre de la garantie des vices cachés.

2 - la réparation :

47. Aux termes de l'article 1644 du code civil, 'dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix'.

48. L'article 1645 dispose que, 'si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur'.

49. En l'espèce, les époux [V] sollicitent le paiement des sommes suivantes :

- 29.222,60 € en réparation de leur préjudice financier découlant des travaux effectués sur la façade sud de la maison,

- 1.200 € en réparation de leur manque à gagner du fait de la réduction de loyer de 300 € par mois, accordée pendant quatre mois à leur locataire de juin à septembre 2016, en raison des défauts du bien,

- 3.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance pendant le temps où ils ont occupé la maison du 1er septembre 2016 au 30 juin 2017,

- 5.000 € à partager avec Me [W] en réparation de leur préjudice moral, soit 2.500 €,

- 12.871,10 € 'au titre de la résistance abusive dont les intimés ont fait preuve'.

50. Il a été vu que les époux [V] justifiaient avoir exposé la dépense de 29.222,60 € pour l'installation d'un mur rideau, à l'instar des dommages et intérêts obtenus pour les mêmes raisons et aux mêmes fins par leur voisine Mme [Y]. Il sera donc fait droit à cette demande comme constituant la compensation du vice caché. Cette somme ne portera intérêts légaux qu'à compter du présent arrêt puisqu'au moment de la délivrance de la mise en demeure du 18 juin 2018, les préjudices n'étaient pas encore liquidés.

51. Concernant le manque à gagner, les époux [V] produisent des quittances de loyer à hauteur de 1.300 € pour leur premier locataire (M. [U], de septembre 2017 à juin 2019) et des quittances de 900 € pour leur deuxième locataire (Mme [N] à compter de juillet 2019). Toutefois, il n'est pas acquis que le départ de M. [U] soit lié aux problèmes affectant la baie vitrée ni que la baisse du loyer de 400 € en soit la conséquence directe et exclusive (Mme [N] est l'acquéreur du bien des époux [V] et seul son 'contrat de location non meublé à usage d'habitation' est produit, à l'exclusion de celui de M. [U]).

52. De la même façon, outre le fait que les époux [V] ne justifient pas avoir personnellement occupé un bien manifestement destiné à être loué, le préjudice de jouissance qu'ils allèguent entre le 1er septembre 2016 et le 30 juin 2017 n'est pas démontré puisque, pour fâcheuse que fût l'opacification progressive de la baie vitrée, il n'est pas démontré qu'elle avait à ce point diminué l'usage de la maison dès leur prise de possession des lieux, alors que leur première facture de réparation date du 15 mai 2017 et la première mise en demeure du 18 juin 2018 (supra § 26).

54. Les époux [V] ont pu se sentir légitimement floués à l'occasion de la vente et leur préjudice moral est incontestable. Il sera réparé par l'octroi d'une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts.

55. Enfin, les époux [V] ne peuvent raisonnablement pas invoquer une résistance abusive de la part de SCI [13] puisqu'ils avaient été déboutés de leur demande au titre des vices cachés par les premiers juges.

Sur l'action en responsabilité à l'encontre de Me [W]

1 - la faute :

56. Aux termes de l'article 1240 du code civil, 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

57. Le notaire est investi d'un devoir de loyauté envers les parties à l'acte qu'il instrumente. Cette obligation est inextricablement liée au devoir d'information, en ce sens que, pour être loyale, l'information donnée doit être complète.

58. L'article 2 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires dispose en son 1er alinéa que 'les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés, en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement, sont parties, ou qui contiennent quelque disposition en leur faveur'.

59. L'article 13 du décret n°45-0117 du 19 décembre 1945 pris pour l'application du statut du notariat 'interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement :

1° De se livrer à aucune spéculation de bourse ou opération de commerce, banque, escompte et courtage ;

2° De s'immiscer dans l'administration d'aucune société ou entreprise de commerce ou d'industrie ;

3° De faire des spéculations relatives à l'acquisition et à la revente des immeubles, à la cession des créances, droits successifs, actions industrielles et autres droits incorporels ;

4° De s'intéresser dans aucune affaire pour laquelle ils prêtent leur ministère ;

5° De recevoir ou conserver des fonds, à charge d'en servir l'intérêt ;

6° De se constituer garants ou cautions, à quelque titre que ce soit, des prêts à la négociation desquels ils auraient participé, comme aussi de ceux dont les actes seraient dressés par eux ou avec leur participation ;

7° De se servir de prête-nom en aucune circonstance même pour des actes autres que ceux désignés ci-dessus ;

8° De consentir avec leurs deniers personnels des prêts qui ne seraient pas constatés par acte authentique ;

9° De contracter pour leur propre compte aucun emprunt par souscription de billet sous seing privé'.

60. En l'espèce, les appelants considèrent, sur le fondement de ces dispositions, que Me [W] 'aurait dû refuser d'établir l'acte de vente entre la SCI [13] et les époux [V] en raison de ses liens étroits d'alliance et/ou d'intérêts avec la SCI et sa gérante avec qui il avait mené à bien, en tant que maîtres d'ouvrages, le projet de construction de la maison composées de deux logements mitoyens. Au lieu de cela, il a dissimulé tout au long du processus de vente sa connaissance des graves désordres affectant sa propre habitation mais aussi celle d'à côté.'.

61. En réalité, Me [W] n'a enfreint aucune des dispositions précitées puisque, d'une part, Mme [Z], gérante de la SCI [13], n'est sa parente ou son alliée ni de près, ni de loin et que le notaire n'était aucunement intéressé à la vente en cause. Il n'existait donc aucune interdiction formelle l'empêchant de passer l'acte en cause.

62. En revanche, sa connaissance personnelle de la situation du bien et les relations sans doute particulières avec Mme [Z], a minima de voisinage (les relations d'amitié alléguées par les appelants ne sont aucunement établies), l'a forcément conduit à édulcorer son devoir d'information de conseil. En d'autres termes, Me [W] aurait dû se déporter dans un acte où sa neutralité ne pouvait pas être absolue.

63. En s'abstenant de cette élémentaire prudence, Me [W] qui, au premier chef, en sa qualité de propriétaire de la maison jumelle sinistrée et qui, quoi qu'il en dise, avait conservé la qualité de partie au procès qu'il avait lui-même initié malgré l'intervention volontaire de son acheteuse Mme [Y] et, ce faisant, avait nécessairement connaissance des différents rapports d'expertise (les deux demandeurs étaient assistés par le même avocat et Me [W] ne s'est pas officiellement désisté de ses demandes au profit de Mme [Y]), ne pouvait pas ignorer le risque majeur de dégradation de la baie vitrée de son ex-voisine eu égard aux développements induits par les malfaçons constatées dans sa propre habitation (défaut d'exécution par la même entreprise d'une baie vitrée commune ou à tout le moins identique), n'a pas satisfait à son devoir de loyauté.

2 - les préjudices et le lien de causalité :

64. Les conséquences d'un manquement à un devoir d'information et de conseil par un notaire ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance dès lors qu'il n'est pas certain que mieux informé, le créancier de l'obligation d'information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse (Civ 1ère, 20 mars 2013, pourvoi n° 12-14.711).

65. En revanche, la responsabilité d'un professionnel du droit, notamment du notaire, ne présente pas de caractère subsidiaire, de sorte qu'est certain le dommage subi par l'effet de sa faute, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice (Civ 1ère, 13 mars 2019, pourvoi n° 18-10.518).

66. En l'espèce, le préjudice subi par les époux [V] ne résulte pas de la perte de chance de contracter avec un notaire parfaitement neutre puisque, dans cette hypothèse, ignorant de la réalité de la situation, celui-ci ne les aurait pas mieux informés. Leur préjudice résulte de la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à de meilleures conditions.

67. En ne déployant pas son obligation de conseil et d'information de façon loyale, Me [W] a, par cette réticence fautive, fait perdre aux époux [V] une chance certaine, réelle et sérieuse de ne pas contracter s'ils avaient été pleinement renseignés ou, à tout le moins, de négocier autrement le prix d'acquisition, chance que la cour évalue à 75 %.

68. Me [W] sera condamné in solidum avec la SCI [13], dans la limite de 75 %, à réparer le préjudice financier enduré par les époux [V].

69. Le préjudice moral subi par les époux [V] est la conséquence directe de la déloyauté du notaire qui a, au même titre que la SCI [13], participé au sentiment légitime des appelants d'avoir été floués.

70. Me [W] sera condamné in solidum avec la SCI [13] à indemniser les époux [V] de leur préjudice moral.

Sur les dépens

71. Les dispositions concernant les dépens de première instance seront infirmées. La SCI [13] et Me [W], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, avec cette précision que les honoraires des experts taxés à 2.871,10 € sont inclus dans les dépens et que les avocats qui en ont fait la demande seront autorisés à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l'avance.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

72. Les dispositions concernant les frais irrépétibles de première instance seront infirmées. L'équité commande de faire bénéficier les époux [V] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 4.000 € pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Brest du 6 janvier 2022 sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action des époux [V] fondée sur la garantie des vices cachés,

Statuant à nouveau,

Condamne la SCI [13], in solidum avec Me [I] [W] dans la limite de 75 %, à payer à M. [F] [V] et Mme [P] [K] épouse [V] la somme de 29.222,60 €, en réparation de leur préjudice financier découlant des travaux effectués sur la façade sud de la maison,

Condamne in solidum la SCI [13] et Me [I] [W] à payer à M. [F] [V] et Mme [P] [K] épouse [V] la somme de 3.000 € en réparation de leur préjudice moral,

Déboute à M. [F] [V] et Mme [P] [K] épouse [V] du surplus de leurs demandes indemnitaires,

Condamne in solidum la SCI [13] et Me [I] [W] aux dépens de première instance et d'appel,

Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l'avance,

Condamne in solidum la SCI [13] et Me [I] [W] à payer à M. [F] [V] et Mme [P] [K] épouse [V] la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.