Décisions
CA Rennes, 2e ch., 3 décembre 2024, n° 22/04886
RENNES
Arrêt
Autre
2ème Chambre
ARRÊT N° 430
N° RG 22/04886 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TAGI
(Réf 1ère instance : 20/03025)
(3)
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
M. [S] [N]
Mme [E] [D] épouse [N]
Me [K] [W]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Hugo CASTRES
- Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Ludivine BABIN, lors des débats, et Mme Aichat ASSOUMANI, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Septembre 2024
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 03 Décembre 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe
****
APPELANTE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de SYGMA BANQUE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD, Plaidant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [S] [N]
né le 09 Février 1967 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Madame [E] [D] épouse [N]
née le 09 Septembre 1966 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
2
Maître [K] [W] es qualité de mandataire ad hoc de la société THERMALIA (enseigne CHAUFFALYS)
[Adresse 2]
[Localité 6]
N'ayant pas constitué avocat, assigné(e) par acte de commissaire de justice le 27 octobre 2022 à personne morale
****
EXPOSÉ DU LITIGE :
A la suite d'un démarchage à domicile, M. [S] [N] et son épouse, Mme [E] [N] ont passé commande, le 8 avril 2015, de la fourniture et de l'installation de douze panneaux photovoltaïques auprès de la société Thermalia, pour un prix de 27 000 euros.
Cette opération a été financée entièrement par un prêt consenti le même jour par la société Sygma Banque, aux droits de laquelle se présente désormais la société BNP Paribas Personal Finance, remboursable en 144 mensualités au taux nominal de 5, 76 % l'an.
Par jugement en date du 10 décembre 2015, la société Thermalia a été placée en liquidation judiciaire.
Se plaignant d'un rendement insuffisant de l'installation, M et Mme [N] ont, par actes d'huissier en date des 27 et 28 mai 2020, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Rennes, la société Thermalia et la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque, en annulation des contrats de vente et de crédit.
Par jugement en date du 20 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de la société Thermalia pour insuffisance d'actifs et désigné la Selas Alliance prise en la personne de Mme [K] [W] ès qualités de mandataire ad hoc pour représenter la société Thermalia dans la procédure en cours.
Par acte d'huissier en date des 13 avril et 28 mai 2021, M et Mme [N] ont assigné Mme [W] ès qualités de mandataire ad hoc aux fins que le jugement à intervenir lui soit déclaré oppposable.
Par jugement en date du 4 juillet 2022, le tribunal a:
- déclaré recevables les demandes présentées par les époux [N],
- prononcé l'annulation du contrat de vente conclu le 8 avril 2015 entre M et Mme [N] et la société Thermalia,
- prononcé l'annulation subséquente du contrat de crédit conclu le 8 avril 2015 entre M et Mme [N] et la société BNP Paribas Personal Finance ,
- dit que la société BNP Paribas Personal Finance est privée de sa créance de restitution,
- condamné en conséquence la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M et Mme [N] les sommes que ces derniers ont déjà versées en exécution du contrat annulé et ce avec intérêts au taux légal courant à compter du jugement,
- débouté M et Mme [N] de leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M et Mme [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de l'instance,
- maintenu l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration en date du 1er août 2022, la société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 24 mars 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes de M et Mme [N] tendant notamment à voir déclarer caduque la déclaration d'appel et les a condamnés au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'incident.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 juin 2024, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 4 juillet 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes,
Statuant à nouveau,
Vu l'article 2224 du code civil,
- déclarer prescrites les demandes des époux [N] visant à :
voir prononcer l'annulation du contrat principal et partant du contrat de crédit en raison de l'irrégularité du premier,
voir engager la responsabilité du prêteur pour avoir financé un bon de commande irrégulier et débloqué les fonds de manière prématurée,
voir le prêteur déchu de son droit aux intérêts conventionnels,
Par conséquent,
- débouter les époux [N] de ces demandes et des demandes subséquentes,
Subsidiairement,
- débouter les époux [N] de leur demande d'annulation du contrat principal,
- débouter les époux [N] de leur demande d'annulation subséquente du contrat de crédit affecté,
- débouter les époux [N] de leur demande visant à voir le prêteur déchu de son droit aux intérêts conventionnels
Par conséquent,
- débouter les époux [N] de l'intégralité de leurs demandes,
Plus subsidiairement en cas de confirmation de l'annulation des contrats,
- débouter les époux [N] de leur demande visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque, privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors que celle-ci n'a commis aucune faute,
- débouter les époux [N] de leur demande visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de Sygma Banque, privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice actuel et certain ainsi que d'un lien de causalité à l'égard du prêteur,
Par conséquent,
- condamner M. [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N] à porter et payer à BNP Paribas Personal Finance la somme de 27 000 euros correspondant au montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,
- juger que BNP Paribas Personal Finance devra rembourser aux époux [N] les échéances perçues après justification de leur part de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente de l'énergie produite,
- débouter M. et Mme [N] de toute autre demande, fin ou prétention,
En tout état de cause,
- condamner in solidum M. [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N] à porter et payer à BNP Paribas Personal Finance une indemnité à hauteur de 2 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 6 juin 2024, M et Mme [N] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes en date du 4 juillet 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [N] de leurs demandes de dommages-intérêts et de toutes leurs autres demandes,
- l'infirmer sur ces points ,
En conséquence,
- ordonner le remboursement par la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma de l'intégralité des sommes qui lui ont été versées par M [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N], postérieurement au jugement de première instance,
A titre subsidiaire,
- priver la banque BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma de la créance de restitution à hauteur des deux tiers du capital emprunté, soit 18 000 euros,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque à restituer à M. [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N] la somme de 23 425,19 euros,
En tout état de cause,
- prononcer la déchéance du droit de la BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma aux intérêts du crédit affecté,
En conséquence,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Sygma à rembourser aux époux [N] les intérêts indûment perçus,
Par ailleurs,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque à verser à M. [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N] la somme de :
4 554 euros au titre de leur préjudice financier,
4 000 euros au titre de leur préjudice économique et de leur trouble de jouissance,
3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque à payer à M. [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque aux entiers dépens,
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 juin 2024.
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription:
Les époux [N] ne contestent pas en appel que leur action en nullité du contrat de vente aurait dû se prescrire au 8 avril 2020. Toutefois, ils rappellent, à juste titre, que s'appliquent les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020, selon lesquelles toute action en justice qui aurait dû être acomplie pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, sera réputée avoir été faite dans les temps si elle a été effectuée dans un délai ne pouvant excéder, à compter de la fin de la période , le délai légalement imparti pour agir dans la limite de deux mois. Ces dispositions rendent donc leur action, engagée par voie d'assignation délivrée les 27 et 28 mai 2020, recevable.
Il en est de même de l'action en déchéance du prêteur de son droit aux intérêts faite à titre subsidiaire.
Par ailleurs, les époux [N] ne forment aucune demande en paiement à l'égard de la société Thermalia et sont tout à fait recevables à poursuivre leur action en nullité du contrat principal, nonobstant la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de celle-ci, peu importe que cette action aboutisse indirectement à la restitution du prix dès lors que la créance de restitution découlant de l'annulation ou la résolution d'un contrat ne naît qu'au jour où le juge prononce l'annulation ou sa résolution et qu'elle n'est donc pas née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective.
Sur la nullité du contrat principal:
Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes:
le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,
le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,
son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,
les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,
le prix du bien ou du service,
les modalités de paiement,
en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,
s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,
la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,
lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation.
Pour annuler le contrat principal, le premier juge a relevé un manquement à l'obligation du fournisseur de préciser les caractéristiques essentielles du bien ou du service, dès lors que ni le modèle ni les références des panneaux solaires, ni leurs dimensions, leur poids, leur aspect et leur couleur ne sont indiqués sur le bon de commande et que sont pas davantage indiqués le modèle, les références, la performance, la dimension et le poids de l'onduleur. Il a également relevé que le prix de chacun des biens livrés n'était pas mentionné et que le bon de commande ne précisait pas les délais de livraison du bien ni ceux de l'exécution de la prestation d'installation.
En appel, M et Mme [N] ajoutent que le bon de commande est lacunaire sur le délai de mise en service, qu'il n'est pas communiqué un plan technique précisant l'orientation des panneaux et permettant d'apprécier leur rendement, que le coût total de l'emprunt n'est pas renseigné et que les conditions générales de vente ne sont pas conformes aux dispositions obligatoires ni ne reprennent les articles issus de la loi du 17 mars 2014, en particulier l'article L. 111-1 du code de la consommation.
Il résulte du bon de commande laissé en possession des acquéreurs par la société Thermalia, que ni la marque des panneaux photovoltaïques ni celle de l'onduleur ne sont précisées. La marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix tenant compte de la technologie mise en oeuvre durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.
Le bon de commande est également insuffisamment précis sur le délai de livraison qui est de plus laissé à la discrétion du vendeur ( '+/- 3 mois sous réserve de faisabilité') et aucune indication n'est apportée sur le délai et les modalités d'exécution alors qu'il s'agit d'une caractéristique essentielle de la prestation accessoire d'installation.
Rien ne démontre, par contre, que la surface et le poids des panneaux photovoltaïques, ainsi que leur orientation soient entrés dans le champ contractuel et constitueraient des caractéristiques essentielles des produits fournis.
S'agissant de l'achat d'un kit photovoltaïque et non de plusieurs matériels distincts, la seule indication du prix global ( 20 000 euros) suffit à informer le consommateur et à lui permettre de procéder à des comparaisons auprès d'autres sociétés de vente. Aucun texte n'exige du professionnel qu'il précise le prix unitaire de chaque composante du kit photovoltaïque.
L'absence du coût total du crédit sur le bon de commande est sans incidence sur l'information des époux [N] qui disposaient de ce renseignement sur l'exemplaire du contrat de prêt consenti le même jour.
Il sera en outre, constaté que si les stipulations du bon de commande visant un prix comprenant l'écoprime raccordement ERDF permettent de considérer que la société Thermalia s'était engagée à procéder ou à faire procéder au raccordement au réseau, aucune disposition légale ne l'obligeait à préciser un délai de mise en service.
Il est exact en revanche que les conditions générales du contrat de vente ne reproduisent pas les dispositions du code de la consommation applicables à la cause, mais les dispositions des articles L. 121-21 à L. 121-32 du code de la consommation abrogées au moment de la conclusion du contrat.
Il apparaît en conséquence que le bon de commande se trouvait entaché d'un certain nombre d'irrégularités lui faisant encourir la nullité.
La société BNP Paribas Personal Finance soutient, à juste titre, que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que M et Mme [N] auraient renoncée à invoquer en acceptant la livraison et la pose des matériels et en signant le procès-verbal de réception sans émettre aucune réserve.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, ainsi qu'il a été précédemment exposé, les conditions générales de vente ne reproduisaient pas les dispositions du code de la consommation applicables à la cause mais des articles du code de la consommation abrogés au moment de la conclusion du contrat, et rien ne démontre que les époux [N], lorsqu'ils ont laissé les travaux se réaliser et prononcé leur réception, avaient connaissance des vices entachant le bon de commande.
Il n'est donc pas établi que les consommateurs aient, en pleine connaissance des irrégularités relatives à la marque des produits, aux délais de livraison et d'exécution ainsi qu'aux modalités de pose, entendu renoncer à la nullité en résultant et qu'il aurait de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande d'annulation pour dol du contrat principal, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu le 8 avril 2015 entre M. et Mme [N] et la société Thermalia.
Sur la nullité du contrat de prêt:
Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la société Sygma Banque, aux droits de laquelle se présente la société BNP Paribas Personal Finance, est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.
En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Thermalia emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu entre les époux [N] et la société BNP Paribas Personal Finance. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit.
La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par l'emprunteur.
La BNP Paribas Personal Finance demande à cet égard à la cour d'infirmer le jugement attaqué, en ce qu'il a dispensé les époux [N] de restituer le capital emprunté de 27 000 euros au motif de fautes qui lui auraient été imputées à tort par le premier juge, dès lors qu'il n'appartenait pas au prêteur de conseiller les emprunteurs sur l'efficacité juridique d'un contrat auquel il est tiers, et qu'elle s'est dessaisie du capital prêté sur présentation d'un certificat de livraison aux termes duquel les emprunteurs reconnaissaient que la livraison du bien et la prestation de service avait été réalisées et acceptaient expressément la mise à disposition des fonds entre les mains du vendeur.
M et Mme [N] concluent quant à eux à la confirmation du jugement les ayant dispensés de rembourser le capital prêté, en faisant valoir que le prêteur a commis de multiples fautes le privant de sa créance de restitution.
Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.
Or, en l'occurrence, le certificat de livraison signé par M.[N] le 24 avril 2015, atteste de la livraison des biens 'réalisée conformément à la commande' laissant entendre une exécution complète des prestations, et demande au prêteur de procéder à la mise à disposition des fonds la commande au titre du contrat de crédit affecté.
Mais, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande conclu avec la société Thermalia, par l'intermédiaire de laquelle la société Sygma Banque, aux droits de laquelle se trouve la BNP Paribas Personal Finance, faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes.
Si le prêteur n'avait certes pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion du contrat principal, il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du fournisseur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle du contrat principal, la BNP Paribas Personal Finance, qui ne pouvait ignorer les énonciations du bon de commande au vu duquel elle a apporté son concours, a commis une faute susceptible de la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.
L'appelante fait toutefois valoir, à juste titre, que cette dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.
Cependant, la liquidation judiciaire de la société Thermalia prive les époux [N] de la possibilité d'obtenir du vendeur insolvable la restitution du prix de vente d'un matériel dont ils ne sont plus propriétaires. Les emprunteurs subissent de ce fait une perte équivalente au montant du crédit souscrit pour financer un contrat de vente ou de prestation de service annulé parce qu'irrégulier. Ce préjudice est donc une conséquence directe de la faute de la banque qui a libéré les fonds sans vérifier la régularité du contrat principal.
Il convient donc, pour ces motifs substitués à ceux du premier juge, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital prêté.
Les époux [N], qui n'ont commis aucune faute, sont en conséquence fondés à obtenir la restitution des échéances de remboursement qu'ils ont réglées en exécution du contrat de prêt annulé.
La demande en déchéance du droit du prêteur aux intérêts, au demeurant exclusivement fondée sur les conséquences de cette annulation, est sans objet, le contrat étant réputé ne jamais avoir existé et, partant, les intérêts ne jamais avoir été dus.
Le jugement sera également confirmé pour avoir débouté les époux [N] de leurs demandes en réparation au titre d'un préjudice économique et d'un trouble de jouissance à hauteur de 4 000 euros découlant selon eux de la charge financière du crédit souscrit qui les a obligés à renoncer à différents projets personnels et d'un préjudice moral à hauteur de 3 000 euros relatif aux désagréments liés aux importants travaux de l'installation solaire. Ces préjudices, à les supposer établis, se révèlent sans lien direct avec la faute du prêteur.
Par ailleurs, les époux [N] demandent le remboursement des frais de raccordement pour un montant de 935,33 euros qu'ils disent avoir été contraints d'exposer pour raccorder l'installation au réseau ERDF. Toutefois, la banque ne peut être responsable des manquements du vendeur dans l'exécution de sa prestation. En outre, en choisissant de pallier la carence du vendeur, les acquéreurs ont participé à leur propre préjudice. Leur demande sera donc rejetée.
S'agissant des frais de dépose de l'installation et de remise en état de la toiture à hauteur de 4 554 euros dont les époux [N] demandent le remboursement à la banque, il sera constaté qu'ils ne justifient pas avoir personnellement exposé ces frais puisque la pièce produite à l'appui de cette demande est un devis établi pour un tiers. Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui les a déboutés d'une telle demande.
Sur les demandes accessoires:
Le jugement entrepris étant confirmé en ses principales dispositions, il en sera de même s'agissant des dépens et frais irrépétibles.
Succombant en son appel, la société BNP Paribas Personal Finance supportera la charge des dépens d'appel.
Il n'y a enfin pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR:
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juillet 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
ARRÊT N° 430
N° RG 22/04886 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TAGI
(Réf 1ère instance : 20/03025)
(3)
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
M. [S] [N]
Mme [E] [D] épouse [N]
Me [K] [W]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Hugo CASTRES
- Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Ludivine BABIN, lors des débats, et Mme Aichat ASSOUMANI, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Septembre 2024
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 03 Décembre 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe
****
APPELANTE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de SYGMA BANQUE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD, Plaidant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [S] [N]
né le 09 Février 1967 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Madame [E] [D] épouse [N]
née le 09 Septembre 1966 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
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Maître [K] [W] es qualité de mandataire ad hoc de la société THERMALIA (enseigne CHAUFFALYS)
[Adresse 2]
[Localité 6]
N'ayant pas constitué avocat, assigné(e) par acte de commissaire de justice le 27 octobre 2022 à personne morale
****
EXPOSÉ DU LITIGE :
A la suite d'un démarchage à domicile, M. [S] [N] et son épouse, Mme [E] [N] ont passé commande, le 8 avril 2015, de la fourniture et de l'installation de douze panneaux photovoltaïques auprès de la société Thermalia, pour un prix de 27 000 euros.
Cette opération a été financée entièrement par un prêt consenti le même jour par la société Sygma Banque, aux droits de laquelle se présente désormais la société BNP Paribas Personal Finance, remboursable en 144 mensualités au taux nominal de 5, 76 % l'an.
Par jugement en date du 10 décembre 2015, la société Thermalia a été placée en liquidation judiciaire.
Se plaignant d'un rendement insuffisant de l'installation, M et Mme [N] ont, par actes d'huissier en date des 27 et 28 mai 2020, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Rennes, la société Thermalia et la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque, en annulation des contrats de vente et de crédit.
Par jugement en date du 20 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de la société Thermalia pour insuffisance d'actifs et désigné la Selas Alliance prise en la personne de Mme [K] [W] ès qualités de mandataire ad hoc pour représenter la société Thermalia dans la procédure en cours.
Par acte d'huissier en date des 13 avril et 28 mai 2021, M et Mme [N] ont assigné Mme [W] ès qualités de mandataire ad hoc aux fins que le jugement à intervenir lui soit déclaré oppposable.
Par jugement en date du 4 juillet 2022, le tribunal a:
- déclaré recevables les demandes présentées par les époux [N],
- prononcé l'annulation du contrat de vente conclu le 8 avril 2015 entre M et Mme [N] et la société Thermalia,
- prononcé l'annulation subséquente du contrat de crédit conclu le 8 avril 2015 entre M et Mme [N] et la société BNP Paribas Personal Finance ,
- dit que la société BNP Paribas Personal Finance est privée de sa créance de restitution,
- condamné en conséquence la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M et Mme [N] les sommes que ces derniers ont déjà versées en exécution du contrat annulé et ce avec intérêts au taux légal courant à compter du jugement,
- débouté M et Mme [N] de leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M et Mme [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de l'instance,
- maintenu l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration en date du 1er août 2022, la société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 24 mars 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes de M et Mme [N] tendant notamment à voir déclarer caduque la déclaration d'appel et les a condamnés au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'incident.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 juin 2024, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 4 juillet 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes,
Statuant à nouveau,
Vu l'article 2224 du code civil,
- déclarer prescrites les demandes des époux [N] visant à :
voir prononcer l'annulation du contrat principal et partant du contrat de crédit en raison de l'irrégularité du premier,
voir engager la responsabilité du prêteur pour avoir financé un bon de commande irrégulier et débloqué les fonds de manière prématurée,
voir le prêteur déchu de son droit aux intérêts conventionnels,
Par conséquent,
- débouter les époux [N] de ces demandes et des demandes subséquentes,
Subsidiairement,
- débouter les époux [N] de leur demande d'annulation du contrat principal,
- débouter les époux [N] de leur demande d'annulation subséquente du contrat de crédit affecté,
- débouter les époux [N] de leur demande visant à voir le prêteur déchu de son droit aux intérêts conventionnels
Par conséquent,
- débouter les époux [N] de l'intégralité de leurs demandes,
Plus subsidiairement en cas de confirmation de l'annulation des contrats,
- débouter les époux [N] de leur demande visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque, privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors que celle-ci n'a commis aucune faute,
- débouter les époux [N] de leur demande visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de Sygma Banque, privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice actuel et certain ainsi que d'un lien de causalité à l'égard du prêteur,
Par conséquent,
- condamner M. [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N] à porter et payer à BNP Paribas Personal Finance la somme de 27 000 euros correspondant au montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,
- juger que BNP Paribas Personal Finance devra rembourser aux époux [N] les échéances perçues après justification de leur part de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente de l'énergie produite,
- débouter M. et Mme [N] de toute autre demande, fin ou prétention,
En tout état de cause,
- condamner in solidum M. [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N] à porter et payer à BNP Paribas Personal Finance une indemnité à hauteur de 2 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 6 juin 2024, M et Mme [N] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes en date du 4 juillet 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [N] de leurs demandes de dommages-intérêts et de toutes leurs autres demandes,
- l'infirmer sur ces points ,
En conséquence,
- ordonner le remboursement par la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma de l'intégralité des sommes qui lui ont été versées par M [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N], postérieurement au jugement de première instance,
A titre subsidiaire,
- priver la banque BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma de la créance de restitution à hauteur des deux tiers du capital emprunté, soit 18 000 euros,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque à restituer à M. [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N] la somme de 23 425,19 euros,
En tout état de cause,
- prononcer la déchéance du droit de la BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma aux intérêts du crédit affecté,
En conséquence,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Sygma à rembourser aux époux [N] les intérêts indûment perçus,
Par ailleurs,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque à verser à M. [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N] la somme de :
4 554 euros au titre de leur préjudice financier,
4 000 euros au titre de leur préjudice économique et de leur trouble de jouissance,
3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque à payer à M. [S] [N] et Mme [E] [D] épouse [N] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque aux entiers dépens,
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 juin 2024.
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription:
Les époux [N] ne contestent pas en appel que leur action en nullité du contrat de vente aurait dû se prescrire au 8 avril 2020. Toutefois, ils rappellent, à juste titre, que s'appliquent les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020, selon lesquelles toute action en justice qui aurait dû être acomplie pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, sera réputée avoir été faite dans les temps si elle a été effectuée dans un délai ne pouvant excéder, à compter de la fin de la période , le délai légalement imparti pour agir dans la limite de deux mois. Ces dispositions rendent donc leur action, engagée par voie d'assignation délivrée les 27 et 28 mai 2020, recevable.
Il en est de même de l'action en déchéance du prêteur de son droit aux intérêts faite à titre subsidiaire.
Par ailleurs, les époux [N] ne forment aucune demande en paiement à l'égard de la société Thermalia et sont tout à fait recevables à poursuivre leur action en nullité du contrat principal, nonobstant la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de celle-ci, peu importe que cette action aboutisse indirectement à la restitution du prix dès lors que la créance de restitution découlant de l'annulation ou la résolution d'un contrat ne naît qu'au jour où le juge prononce l'annulation ou sa résolution et qu'elle n'est donc pas née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective.
Sur la nullité du contrat principal:
Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes:
le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,
le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,
son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,
les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,
le prix du bien ou du service,
les modalités de paiement,
en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,
s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,
la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,
lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation.
Pour annuler le contrat principal, le premier juge a relevé un manquement à l'obligation du fournisseur de préciser les caractéristiques essentielles du bien ou du service, dès lors que ni le modèle ni les références des panneaux solaires, ni leurs dimensions, leur poids, leur aspect et leur couleur ne sont indiqués sur le bon de commande et que sont pas davantage indiqués le modèle, les références, la performance, la dimension et le poids de l'onduleur. Il a également relevé que le prix de chacun des biens livrés n'était pas mentionné et que le bon de commande ne précisait pas les délais de livraison du bien ni ceux de l'exécution de la prestation d'installation.
En appel, M et Mme [N] ajoutent que le bon de commande est lacunaire sur le délai de mise en service, qu'il n'est pas communiqué un plan technique précisant l'orientation des panneaux et permettant d'apprécier leur rendement, que le coût total de l'emprunt n'est pas renseigné et que les conditions générales de vente ne sont pas conformes aux dispositions obligatoires ni ne reprennent les articles issus de la loi du 17 mars 2014, en particulier l'article L. 111-1 du code de la consommation.
Il résulte du bon de commande laissé en possession des acquéreurs par la société Thermalia, que ni la marque des panneaux photovoltaïques ni celle de l'onduleur ne sont précisées. La marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix tenant compte de la technologie mise en oeuvre durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.
Le bon de commande est également insuffisamment précis sur le délai de livraison qui est de plus laissé à la discrétion du vendeur ( '+/- 3 mois sous réserve de faisabilité') et aucune indication n'est apportée sur le délai et les modalités d'exécution alors qu'il s'agit d'une caractéristique essentielle de la prestation accessoire d'installation.
Rien ne démontre, par contre, que la surface et le poids des panneaux photovoltaïques, ainsi que leur orientation soient entrés dans le champ contractuel et constitueraient des caractéristiques essentielles des produits fournis.
S'agissant de l'achat d'un kit photovoltaïque et non de plusieurs matériels distincts, la seule indication du prix global ( 20 000 euros) suffit à informer le consommateur et à lui permettre de procéder à des comparaisons auprès d'autres sociétés de vente. Aucun texte n'exige du professionnel qu'il précise le prix unitaire de chaque composante du kit photovoltaïque.
L'absence du coût total du crédit sur le bon de commande est sans incidence sur l'information des époux [N] qui disposaient de ce renseignement sur l'exemplaire du contrat de prêt consenti le même jour.
Il sera en outre, constaté que si les stipulations du bon de commande visant un prix comprenant l'écoprime raccordement ERDF permettent de considérer que la société Thermalia s'était engagée à procéder ou à faire procéder au raccordement au réseau, aucune disposition légale ne l'obligeait à préciser un délai de mise en service.
Il est exact en revanche que les conditions générales du contrat de vente ne reproduisent pas les dispositions du code de la consommation applicables à la cause, mais les dispositions des articles L. 121-21 à L. 121-32 du code de la consommation abrogées au moment de la conclusion du contrat.
Il apparaît en conséquence que le bon de commande se trouvait entaché d'un certain nombre d'irrégularités lui faisant encourir la nullité.
La société BNP Paribas Personal Finance soutient, à juste titre, que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que M et Mme [N] auraient renoncée à invoquer en acceptant la livraison et la pose des matériels et en signant le procès-verbal de réception sans émettre aucune réserve.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, ainsi qu'il a été précédemment exposé, les conditions générales de vente ne reproduisaient pas les dispositions du code de la consommation applicables à la cause mais des articles du code de la consommation abrogés au moment de la conclusion du contrat, et rien ne démontre que les époux [N], lorsqu'ils ont laissé les travaux se réaliser et prononcé leur réception, avaient connaissance des vices entachant le bon de commande.
Il n'est donc pas établi que les consommateurs aient, en pleine connaissance des irrégularités relatives à la marque des produits, aux délais de livraison et d'exécution ainsi qu'aux modalités de pose, entendu renoncer à la nullité en résultant et qu'il aurait de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande d'annulation pour dol du contrat principal, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu le 8 avril 2015 entre M. et Mme [N] et la société Thermalia.
Sur la nullité du contrat de prêt:
Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la société Sygma Banque, aux droits de laquelle se présente la société BNP Paribas Personal Finance, est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.
En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Thermalia emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu entre les époux [N] et la société BNP Paribas Personal Finance. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit.
La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par l'emprunteur.
La BNP Paribas Personal Finance demande à cet égard à la cour d'infirmer le jugement attaqué, en ce qu'il a dispensé les époux [N] de restituer le capital emprunté de 27 000 euros au motif de fautes qui lui auraient été imputées à tort par le premier juge, dès lors qu'il n'appartenait pas au prêteur de conseiller les emprunteurs sur l'efficacité juridique d'un contrat auquel il est tiers, et qu'elle s'est dessaisie du capital prêté sur présentation d'un certificat de livraison aux termes duquel les emprunteurs reconnaissaient que la livraison du bien et la prestation de service avait été réalisées et acceptaient expressément la mise à disposition des fonds entre les mains du vendeur.
M et Mme [N] concluent quant à eux à la confirmation du jugement les ayant dispensés de rembourser le capital prêté, en faisant valoir que le prêteur a commis de multiples fautes le privant de sa créance de restitution.
Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.
Or, en l'occurrence, le certificat de livraison signé par M.[N] le 24 avril 2015, atteste de la livraison des biens 'réalisée conformément à la commande' laissant entendre une exécution complète des prestations, et demande au prêteur de procéder à la mise à disposition des fonds la commande au titre du contrat de crédit affecté.
Mais, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande conclu avec la société Thermalia, par l'intermédiaire de laquelle la société Sygma Banque, aux droits de laquelle se trouve la BNP Paribas Personal Finance, faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes.
Si le prêteur n'avait certes pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion du contrat principal, il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du fournisseur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle du contrat principal, la BNP Paribas Personal Finance, qui ne pouvait ignorer les énonciations du bon de commande au vu duquel elle a apporté son concours, a commis une faute susceptible de la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.
L'appelante fait toutefois valoir, à juste titre, que cette dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.
Cependant, la liquidation judiciaire de la société Thermalia prive les époux [N] de la possibilité d'obtenir du vendeur insolvable la restitution du prix de vente d'un matériel dont ils ne sont plus propriétaires. Les emprunteurs subissent de ce fait une perte équivalente au montant du crédit souscrit pour financer un contrat de vente ou de prestation de service annulé parce qu'irrégulier. Ce préjudice est donc une conséquence directe de la faute de la banque qui a libéré les fonds sans vérifier la régularité du contrat principal.
Il convient donc, pour ces motifs substitués à ceux du premier juge, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital prêté.
Les époux [N], qui n'ont commis aucune faute, sont en conséquence fondés à obtenir la restitution des échéances de remboursement qu'ils ont réglées en exécution du contrat de prêt annulé.
La demande en déchéance du droit du prêteur aux intérêts, au demeurant exclusivement fondée sur les conséquences de cette annulation, est sans objet, le contrat étant réputé ne jamais avoir existé et, partant, les intérêts ne jamais avoir été dus.
Le jugement sera également confirmé pour avoir débouté les époux [N] de leurs demandes en réparation au titre d'un préjudice économique et d'un trouble de jouissance à hauteur de 4 000 euros découlant selon eux de la charge financière du crédit souscrit qui les a obligés à renoncer à différents projets personnels et d'un préjudice moral à hauteur de 3 000 euros relatif aux désagréments liés aux importants travaux de l'installation solaire. Ces préjudices, à les supposer établis, se révèlent sans lien direct avec la faute du prêteur.
Par ailleurs, les époux [N] demandent le remboursement des frais de raccordement pour un montant de 935,33 euros qu'ils disent avoir été contraints d'exposer pour raccorder l'installation au réseau ERDF. Toutefois, la banque ne peut être responsable des manquements du vendeur dans l'exécution de sa prestation. En outre, en choisissant de pallier la carence du vendeur, les acquéreurs ont participé à leur propre préjudice. Leur demande sera donc rejetée.
S'agissant des frais de dépose de l'installation et de remise en état de la toiture à hauteur de 4 554 euros dont les époux [N] demandent le remboursement à la banque, il sera constaté qu'ils ne justifient pas avoir personnellement exposé ces frais puisque la pièce produite à l'appui de cette demande est un devis établi pour un tiers. Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui les a déboutés d'une telle demande.
Sur les demandes accessoires:
Le jugement entrepris étant confirmé en ses principales dispositions, il en sera de même s'agissant des dépens et frais irrépétibles.
Succombant en son appel, la société BNP Paribas Personal Finance supportera la charge des dépens d'appel.
Il n'y a enfin pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR:
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juillet 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT