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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 19 novembre 2024, n° 24/01283

ROUEN

Ordonnance

Autre

PARTIES

Défendeur :

Kia (SASU), Agi - Cabinet Soudey (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wittrant

Avocats :

Me Verilhac, Me Abdou, Me Pasquier, SCP Silie Verilhac et Associes

TJ Rouen, du 20 mars 2024, n° 22/00895

20 mars 2024

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte du 15 janvier 2020, M. [Y] [J] et M. [W] [J], représentés par la Sarl Agi-Cabinet Soudey ont consenti un bail commercial à la Sasu Kia sur des locaux situés [Adresse 7] à [Localité 8].

Par acte d'huissier de justice du 22 février 2022, la Sasu Kia a assigné MM. [J] et la Sarl Agi-Cabinet Soudey afin d'obtenir la résiliation du bail commercial aux torts des bailleurs outre une indemnisation.

Par jugement contradictoire du 20 mars 2024, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- rejeté les demandes formées par la Sasu Kia,

- condamné la Sasu Kia à payer à M. [Y] [J] et M. [W] [J] la somme de 16 926 euros,

- condamné la Sasu Kia aux dépens,

- condamné la Sasu Kia à payer à M. [Y] [J] et M. [W] [J] et à la Sarl Agi-Cabinet Soudey la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Par déclaration reçue au greffe le 8 avril 2024, la Sasu Kia a formé appel du jugement.

La Sasu Kia a conclu au fond dès le 5 juillet 2024, MM. [J] dès le 14 août 2024.

La Sarl Agi-Cabinet Soudey ne s'est pas constituée après signification de la déclaration d'appel à personne habilitée le 16 mai 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions d'incident notifiées le 14 août 2024 et signifiées le 20 août 2024 à la Sarl Agi-Cabinet Soudey, complétées par conclusions notifiées le 3 octobre 2024, MM. [J] demandent au conseiller de la mise en état, au visa des articles

514 et 524 du code de procédure civile, de :

- prononcer la radiation de l'affaire pour défaut de paiement des condamnations prononcées par le jugement susvisé,

- condamner la Sasu Kia à leur payer une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'incident.

Ils font valoir que la Sasu Kia soulève à tort le défaut de décision du premier juge sur l'exécution provisoire de la décision alors que le jugement est exécutoire par provision de plein droit ; que la Sasu Kia ne peut à la fois soutenir qu'elle manque de trésorerie et proposer un paiement échelonné de la dette ; que cette dernière est de mauvaise foi.

Par conclusions notifiées le 13 mai 2024 puis le 14 octobre 2024, la Sasu Kia demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 514, 519 et 524 du code de procédure civile, de :

à titre principal,

- rejeter la demande de radiation formée à son encontre,

à titre subsidiaire,

- l'autoriser à se libérer de sa dette en lui octroyant les délais de paiement les plus larges à hauteur de 24 mois conformément aux dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil,

enfin,

- condamner MM. [J] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu'en raison de la responsabilité engagée de la Sarl Agi-Cabinet Soudey, elle n'a jamais pu exercer une activité dans les locaux loués et ne dispose dès lors pas de trésorerie pour s'acquitter de la dette ; que l'exécution de la décision aurait des conséquences manifestes et excessives alors que le premier juge n'a pas statué sur l'exécution provisoire. Elle demande à titre subsidiaire des délais de paiement.

Elle souligne encore que son projet est avorté faute d'activité ; qu'elle est en sommeil et doit encore, alors que son compte bancaire est clôturé, une somme de

37 643,36 euros à son président eu titre du compte courant d'associé et des frais engagés.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 15 octobre 2024.

MOTIFS

Sur la demande de radiation de l'affaire

En application de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

Il n'existe pas de débat sérieux sur l'exécution provisoire qui s'attache au jugement puisque celle-ci est de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile sans dès lors que le juge ne soit tenu de le préciser.

Par acte sous seing privé du 15 janvier 2020, MM. [J], représenté par l'agence immobilière, ont consenti à la Sasu Kia un bail commercial avec effet le 19 janvier 2021, soit un an plus tard. M. [G], représentant légal de la société, associé unique, s'est engagé en qualité de caution de la société dans le contrat.

Par ailleurs, le dirigeant a pris en location le bien à compter du 4 janvier 2020 soit rétroactivement puisque l'engagement de location a été signé le 4 décembre 2020 et antérieurement à la société.

Pour contester la demande de radiation, il invoque l'impossibilité d'exécuter le jugement en l'absence de trésorerie et l'existence de conséquences manifestement excessives si l'exécution provisoire de la décision était mise en oeuvre.

Toutefois, il ne justifie pas de l'impossibilité d'exercer l'activité de restauration rapide visée dans le bail.

En effet, alors que le local loué était qualifié déjà de local commercial possédant notamment une vitrine, l'activité précisée à l'article 29 du contrat ne vise pas spécifiquement la création d'une friterie.

Il soutient que son activité aurait été rendue impossible du fait exclusif des bailleurs à défaut d'avoir obtenu l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires d'effectuer l'installation d'un conduit d'évacuation des vapeurs de cuisson sur l'arrière du local.

Outre l'absence de preuve du caractère impératif de cette installation suivant de telle modalité, cette absence d'autorisation ne correspond pas au refus de l'assemblée générale de l'affectation des lieux conformément au bail puisque la résolution prise le même jour le 9 juillet 2021 autorise des travaux de plomberie en sous-sol pour les besoins précisés du preneur. En outre, les SMS communiqués ne visent que la gestion de la friterie, activité restrictive au regard des termes du bail relatifs à la restauration rapide.

La Sasu Kia ne peut imputer sa situation aux bailleurs pour justifier de son impossibilité d'exercer et donc de payer l'arriéré locatif.

Il convient de relever qu'alors que la création de la société a été immatriculée le 6 janvier 2021 après une publication dans un journal d'annonces légales du 21 décembre 2020, visant une création de l'entité par acte sous seing du même jour, la cessation d'activité déclarée au RCS est datée du 1er avril 2020 soit avant même sa création sans qu'aucune explication ne soit fournie sur cette incohérence.

L'absence d'activité et donc de financement alléguée n'a pas provoqué la liquidation de la société et sa radiation d'une part, l'ouverture d'une procédure collective d'autre part.

En outre, la Sasu Kia ne verse pas davantage d'éléments comptables alors même que d'une part, le capital social porté au registre du commerce et des sociétés s'élève à 1 000 euros et que d'autre part, elle communique des factures correspondant à des travaux exécutés entre décembre 2020 et mai 2021, des factures d'énergie. La seule affirmation d'une dette au titre d'un compte courant d'associé ne peut suffire en l'absence d'éléments probants. La production d'un relevé de compte bancaire affichant un solde de zéro euro ne prouve pas davantage l'impossibilité de payer la dette.

Comme le souligne, MM. [J] l'offre de consignation n'est pas crédible au regard de l'argumentation développée par la Sasu Kia.

En conséquence, faute de rapporter la preuve objective de sa situation, les moyens opposés à la demande de radiation de l'affaire seront rejetés. Il sera fait droit à la demande de radiation de l'affaire pour défaut d'exécution du jugement.

Sur les frais de procédure

La Sasu Kia succombe à l'incident et en supportera les dépens.

Elle sera condamnée au titre des frais irrépétibles de MM. [J], et en application de l'article 700 du code de procédure civile, à leur payer la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance réputée contradictoire, mise à disposition au greffe,

Ordonne la radiation de l'affaire enregistrée sous le n°RG 24/01283 du rôle de la cour,

Précise que l'affaire ne sera de nouveau enrôlée que sur la production des justificatifs relatifs au paiement des condamnations prononcées,

Condamne la Sasu Kia à payer à M. [Y] [J] et M. [W] [J] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sasu Kia aux dépens de l'incident.