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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 19 novembre 2024, n° 22/02602

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 22/02602

19 novembre 2024

2ème Chambre

ARRÊT N°401

N° RG 22/02602

N° Portalis DBVL-V-B7G-SVXR

(Réf 1ère instance : 11-21-126)

(1)

M. [I] [D]

C/

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

S.E.L.A.R.L. ATHENA MANDATAIRE JUDICIAIRE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me HELOU

- Me CASTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Mme Ludivine BABIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Juin 2024

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 19 novembre 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [I] [D]

né le 16 Octobre 1948 à

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me Stéphanie HELOU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉES :

BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Laure REINHARD, plaidant, avocat au barreau de NIMES

SELARL ATHENA prise en la personne de son mandataire Me [T] ès qualité de mandataire judiciaire de SAS SVH ENERGIE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Assigné par acte d'huissier en date du 20/07/2022, délivré à personne morale, n'ayant pas constitué

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant bon de commande du 29 mai 2019, la société SVH énergie a conclu dans le cadre d'un démarchage avec M. [I] [D] un contrat portant notamment sur la fourniture et l'installation de panneaux photovoltaïques, d'un ballon thermodynamique et d'une pompe à chaleur pour un coût de 35 491 euros. Les travaux ont été financés par un prêt souscrit auprès de la société BNP Paribas personal finance exerçant sous la dénomination commerciale Cetelem (la banque).

Suivant acte d'huissier du 15 février 2021, M. [I] [D] a assigné la société SVH énergie et la banque devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Quimper.

Suivant jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SVH énergie.

La société Athéna, mandataire liquidateur, est intervenue volontairement à l'instance.

Suivant jugement du 14 février 2022, le juge des contentieux de la protection a :

- Débouté la banque de sa demande d'irrecevabilité.

- Débouté M. [I] [D] de sa demande de communication de pièces.

- Prononcé l'annulation du contrat de vente et constaté l'annulation du contrat de crédit.

- Condamné M. [I] [D] à restituer à la banque le capital prêté, soit la somme de 35 491 euros, sous déduction des échéances payées, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement.

- Déclaré irrecevables les demandes de condamnation et de fixation de créance de la banque à l'égard de la société SVH énergie.

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

- Dit que chacune des parties assumerait les frais exposés ainsi que ses dépens.

Suivant déclaration du 22 avril 2022, M. [I] [D] a interjeté appel.

Suivant conclusions du 10 octobre 2022, la banque a interjeté appel incident.

En ses dernières conclusions du 10 avril 2024, M. [I] [D] demande à la cour de :

Vu l'article 1137 du code civil,

Vu l'article L. 111-1 du code de la consommation,

Vu l'article L. 312-55 du code de la consommation,

- Réformer le jugement déféré en ce qu'il a :

- Rejeté sa demande de communication de pièces.

- Prononcé sa condamnation à restituer à la banque le capital prêté, sous déduction des échéances payées, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement.

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

- Dit que chacune des parties assumerait les frais exposés ainsi que ses dépens.

Statuant à nouveau :

- Enjoindre à la banque de produire le contrat de prêt en original ainsi que le tableau d'amortissement.

- Dire qu'il sera dispensé de restituer le capital prêté en raison des fautes de la banque.

- La condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En ses dernières conclusions du 11 avril 2024, la banque demande à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- Prononcé l'annulation du contrat de vente et constaté l'annulation du contrat de crédit.

- Retenu des fautes à son encontre.

Statuant à nouveau,

- Débouter M. [I] [D] de ses demandes,

Subsidiairement, en cas d'annulation des contrats,

- Débouter M. [I] [D] de sa demande visant à la voir privée de son droit à restitution du capital prêté.

Plus subsidiairement, en cas de faute retenue contre elle,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [I] [D] de sa demande tendant à la voir privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'il ne justifie pas d'un préjudice en lien avec une faute qui lui serait imputable.

Y ajoutant,

- Condamner M. [I] [D] à lui payer la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La société Athéna n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de communication de pièces, la banque a produit une copie parfaitement lisible du contrat de prêt et du tableau d'amortissement, contrat que M. [I] [N] ne conteste pas avoir signé. La demande de communication de pièce n'est pas fondée au regard des dispositions de l'article 1379 du code civil alors que, comme l'a relevé le premier juge, elle n'est pas utile à la solution du litige.

Sur le fond, M. [I] [D] soutient que le bon de commande est nul dès lors qu'il ne précise pas le détail du coût de l'installation, le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales ou téléphoniques et électroniques et à ses activités, les informations relatives aux garanties légales et à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation. Il soutient qu'aucun bordereau de rétractation ne lui a été remis.

La banque fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le bon de commande respecte les dispositions du code de la consommation. Elle ajoute que le consommateur a en toute hypothèse réitéré son consentement par des actes positifs dénués de toute ambiguïté alors que le bon de commande rappelait les textes applicables au démarchage à domicile.

L'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné.

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4.

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte.

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles.

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

Le bon de commande du 29 mai 2019 produit par M. [I] [D] précise que la vente porte sur neuf panneaux photovoltaïques de marque GSE Solar d'une puissance unitaire de 300 Wc, un onduleur de marque Enphase, une pompe à chaleur de marque GSE Pac'system, un pack GSE Led, un pack GSE E-connect, un pack batterie de marque Enphase d'une puissance de 1,2 kWh et un ballon thermodynamique de marque GSE Thermo-system d'une capacité de 254 litres.

Le bon de commande précise suffisamment les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

Concernant le poids et la dimension des panneaux photovoltaïques, il ne résulte pas des dispositions précitées, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, qu'ils doivent être précisés à peine de nullité de la convention et il ne peut être considéré que ces informations constitueraient, sauf contrainte technique particulière et identifiée, des caractéristiques essentielles du bien vendu à l'instar de la marque de l'équipement.

Les dispositions précitées n'exigent pas plus que le prix unitaire de chacun des biens fournis ou de chacune des prestations accessoires soit mentionné dans le contrat, seule l'indication du prix global à payer étant requise.

Le bon de commande comporte des informations suffisamment précises quant à l'identité et aux coordonnées du vendeur. Il comporte les informations relatives aux garanties légales et à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation ainsi que ses coordonnées. Il comporte un bordereau de rétractation.

En revanche, il est exact que le délai dans lequel l'installation sera réalisée n'est pas précisé. Il est seulement indiqué que la pré-visite du technicien interviendra au plus tard dans les deux mois à compter de la signature du bon de commande et que la livraison des produits interviendra dans les trois mois de la pré-visite du technicien.

Il faut rappeler que la reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat en l'absence de circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance (Civ. 1 - 24 janvier 2024 ' pourvoi n° 22-16.115).

Aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, M. [I] [D] a eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux ne suffisent pas à caractériser qu'il a, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat et qu'il a manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.

Il convient donc pour la cause de nullité sus-évoquée, écartant le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier invoqué par la banque, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente.

Aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation dans sa rédaction applicable, le contrat de prêt affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Il n'est pas contesté que le contrat de prêt est accessoire à une vente ou à une prestation de services. En raison de l'interdépendance des contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société SVH énergie emporte annulation de plein droit du contrat accessoire de prêt conclu avec la banque.

La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure. La banque soutient qu'elle n'a commis aucune faute de nature à la priver de sa créance de restitution.

M. [I] [D] soutient que la banque a commis une faute la privant de sa créance de restitution en finançant une opération irrégulière. Il lui reproche également d'avoir procédé de manière fautive au déblocage des fonds.

Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'un certificat de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal. En l'occurrence, la banque produit un procès-verbal de réception au nom de M. [I] [D] daté du 3 octobre 2019 revêtu d'une signature semblable à celle de M. [I] [D] faisant ressortir sans ambiguïté que les travaux ont été effectués. En l'absence d'anomalie apparente, la banque n'avait pas à procéder à une vérification de la signature, dont il est prétendu qu'elle serait celle de l'épouse de M. [I] [D], étant relevé par ailleurs qu'il n'est précisé la raison pour laquelle cette dernière a ratifié le document attestant de la réalisation des travaux si tel n'était pas le cas.

Il est aussi de principe que le prêteur commet une faute lorsqu'il libère la totalité des fonds alors qu'à la simple lecture du contrat de vente, il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile. Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande comporte des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire la banque, professionnelle des opérations de crédit, à ne pas libérer les fonds entre les mains du vendeur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès de M. [I] [D] qu'il entendait confirmer l'acte irrégulier. En versant les fonds entre les mains du vendeur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, elle a commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital prêté.

La banque fait valoir à juste titre que la dispense de remboursement du capital prêté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.

M. [I] [D] invoque comme seuls préjudices l'obligation de restituer le capital prêté, qui n'est que la conséquence de l'annulation du contrat de vente, et les désordres affectant l'installation, dont le défaut de performance, qui se sont révélés après la réception des travaux et qui sont sans lien avec la faute de la banque.

Il n'y a donc pas lieu de dispenser M. [I] [D] de rembourser le capital prêté.

Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il n'est pas inéquitable de condamner M. [I] [D] à payer à la banque la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

M. [I] [D], partie succombante, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement rendu le 14 février 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Quimper.

Y ajoutant,

Condamne M. [I] [D] à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

Condamne M. [I] [D] aux dépens de la procédure d'appel.

Rejette les autres demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT