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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 26 novembre 2024, n° 22/03704

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 22/03704

26 novembre 2024

2ème Chambre

ARRÊT N°414

N° RG 22/03704

N° Portalis DBVL-V-B7G-S3CM

(Réf 1ère instance : 1121000317)

(2)

BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

C/

M. [O] [K]

Mme [G] [H] épouse [K]

S.A.S. PREMIUM ENERGY

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me CASTRES

- Me LE BERRE BOIVIN

- Me GRENARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Septembre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Novembre 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de SYGMA BANQUE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Laure REINHARD, plaidant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [O] [K]

né le 09 Janvier 1965 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Madame [G] [H] épouse [K]

née le 06 Mai 1966 à [Localité 7] (USA)

[Adresse 5]

[Localité 3]

Tous deux représentés par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES

Tous deux représentés par Me Samuel HABIB, plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. PREMIUM ENERGY

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Paul ZEITOUN, postulant, avocat au barreau de PARIS

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 24 février 2016, M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] ont passé commande auprès de la société Premium Energy de la fourniture et de l'installation d'un ensemble de panneaux photovoltaïques.

Suivant offre préalable acceptée le même jour, la société BNP Paribas Personal Finance sous l'enseigne Sygma Banque a consenti à M. et Mme [K] un crédit accessoire à la réalisation de la prestation de la société Premium Energy d'un montant de 29 900 euros remboursable en 144 mensualités incluant les intérêts au taux effectif global de 5,75 %.

Les panneaux photovoltaïques ont été installés et les fonds débloqués.

Par acte d`huissier signifié le 22 janvier 2021, M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] ont fait assigner la société Premium Energy et à la société BNP Paribas Personal Finance devant le juge des contentieux du tribunal judiciaire de Nantes, aux fins de voir annuler le contrat de vente principal et le contrat accessoire de crédit.

Par jugement du 20 mai 2022, le tribunal a statué comme suit :

- Prononce l'annulation du contrat conclu le 24 février 2016 entre M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] et la société Premium Energy,

- Prononce l'annulation du contrat de crédit conclu entre M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] et la société BNP Paribas Personal Finance ;

- Dit que la société Premium Energy devra reprendre à ses frais l'ensemble des matériels posés au domicile de M. et Mme [K] dans les 2 mois suivant la signification du présent jugement, après en avoir prévenu ces derniers 15 jours à l'avance,

A défaut d'enlèvement dans le délai susvisé,

- Autorise M. et Mme [K] à disposer desdits matériels comme bon leur semblera,

- Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital emprunté ;

- Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] les échéances échues payées, en deniers et quittances,

- Condamne la société Premium Energy à garantir la société BNP Paribas Personal Finance à hauteur de 14 950 euros ;

- Condamne in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société Premium Energy aux dépens,

- Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

La société BNP Paribas Personal Finance est appelante et par dernières conclusions notifiées le 4 juin 2024, elle demande de :

- Infirmer le jugement rendu le 20 mai 2022, par le Juge des Contentieux de la Protection de Nantes en ce qu'il :

' Prononce l'annulation du contrat conclu le 24 février 2016 entre M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] et la société Premium Energy,

' Prononce l'annulation du contrat de crédit conclu entre M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] et la société BNP Paribas Personal Finance,

' Dit que la société Premium Energy devra reprendre à ses frais l'ensemble des matériels posés au domicile de M. et Mme [K] dans les 2 mois suivant la signification du présent jugement, après en avoir prévenu ces derniers 15 jours à l'avance,

' A défaut d'enlèvement dans le délai susvisé,

' Autorise M. et Mme [K] à disposer desdits matériels comme bon leur semblera,

' Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital emprunté,

' Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] les échéances échues payées, en deniers et quittances,

' Limite la condamnation de la société Premium Energy au titre de la garantie due à BNP Paribas Personal Finance à la somme de 14 950 euros

' Condamne in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société Premium Energy aux dépens,

' Déboute les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

Statuant à nouveau

- Débouter les époux [K] de leur demande d'annulation du contrat principal

- Débouter les époux [K] de leur demande d'annulation subséquente du contrat de crédit affecté

Par conséquent,

- Débouter M. et Mme [K] de l'intégralité de leurs demandes

Subsidiairement en cas d'annulation des contrats

- Débouter les époux [K] de leur demande visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance privée de son droit à restitution du capital prêté, dès lors qu'elle n'a commis aucune faute

- Débouter les époux [K] de leur demande visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance privée de son droit à restitution du capital prêté, dès lors qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice actuel et certain ainsi que d'un lien de causalité à son égard

- Juger que les époux [K] ont d'ores et déjà remboursé intégralement le crédit par anticipation

Par conséquent,

- Juger que BNP Paribas Personal Finance conservera le bénéfice du capital prêté remboursé par anticipation

- Débouter les époux [K] de toute autre demande, fin ou prétention

- Condamner la société Premium Energy à porter et payer à BNP Paribas Personal Finance la somme de 29 900 euros, correspondant au montant du capital prêté,

En tout état de cause

- Condamner la partie succombant à porter et payer à BNP Paribas Personal Finance une indemnité à hauteur de 2 400 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel

Par dernières conclusions notifiées le 28 avril 2023, la société Premium Energy demande de :

- Déclarer la Société Premium Energy recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;

- Rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par les époux [K] ;

- Rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement rendu par juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Nantes en date du 20 mai 2022 en son entier dispositif, sauf en ce qu' il a débouté les époux [K] de leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre de la Société Premium Energy.

Sur l'infirmation du jugement rendu le 20 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de Nantes en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu le 24 février 2016 entre la société Premium Energy et les époux [K] :

- Juger que les dispositions prescrites par les articles L.111-1 et suivants du code de la consommation ont été respectées par la société Premium Energy ;

- Juger qu'en signant le bon de commande aux termes desquels étaient indiquées les conditions de forme des contrats conclus à distance imposées par le Code de la consommation, en ayant lu et approuvé le bon de commande (conditions générales de vente incluses), les époux [K] ne pouvaient ignorer les prétendus vices de forme affectant le bon de commande souscrit ;

- Juger qu'en laissant libre accès à son domicile aux techniciens, que par l'acceptation sans réserve des travaux effectués par la société Premium Energy au bénéfice des époux [K], qu'en laissant le contrat se poursuivre et en procédant au remboursement des échéances du prêt souscrit auprès de la banque, ces derniers ont manifesté leur volonté de confirmer l'acte prétendument nul ;

- Juger que par tous les actes volontaires d'exécution des contrats accomplis postérieurement à leur signature, les époux [K] ont manifesté leur volonté de Confirmer le bon de commande prétendument nul ;

- Juger que époux [K] succombent totalement dans l'administration de la preuve du dol qu'ils invoquent ;

- Juger l'absence de dol affectant le consentement des époux [K] lors de la conclusion du contrat de vente ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement querellé et Débouter les époux [K] de leur demande tendant à faire Prononcer l'annulation du contrat de vente conclu auprès de la société Premium Energy sur le fondement de manquements aux dispositions du code de la consommation ;

- Infirmer le jugement querellé et débouter les époux [K] de leurs demandes tendant à faire prononcer l'annulation du contrat de vente conclu auprès de la société Premium Energy sur le fondement d'un vice du consentement ;

A titre subsidiaire, et si à l'extraordinaire la juridiction de céans déclarait le contrat nul,

Sur l'infirmation du jugement rendu le 20 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de Nantes en ce qu'il a fait droit aux demandes indemnitaires formulées par la Société BNP Paribas Personal Finance à l'encontre de la Société Premium Energy

- Juger que la société Premium Energy n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de vente conclu ;

- Juger que la société BNP Paribas Personal Finance a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnel du crédit ;

- Juger que la société Premium Energy ne sera pas tenue de restituer à la société BNP Paribas Personal Finance les fonds empruntés par les époux [K] augmenté des intérêts ;

- Juger que la Société Premium Energy ne sera pas tenue de garantir la société BNP Paribas Personal Finance ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement querellé et Débouter la Banque BNP Paribas Personal Finance de toutes ses demandes formulées à l'encontre de la société Premium Energy ;

En tout état de cause,

Sur la confirmation du jugement rendu le 20 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de Nantes en ce qu'il a débouté les époux [K] de leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre de la société Premium Energy :

- Confirmer le jugement querellé et Débouter les époux [K] de l'intégralité de leurs demandes indemnitaires ;

Sur l'infirmation du jugement rendu le 20 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de Nantes en ce qu'il a débouté la société Premium Energy de ses demandes à l'encontre des époux [K] :

- Infirmer le jugement querellé et Condamner solidairement les époux [K] à payer à la société Premium Energy, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l'action initiée par ces derniers ;

- Condamner solidairement les époux [K] à payer à la société Premium Energy, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les époux [K] aux entiers dépens ;

Par dernières conclusions notifiées le 31 mai 2024, les époux [K] demandent de :

- Confirmer la décision rendue le 20 mai 2022 par le juge des contentieux du Tribunal Judiciaire de Nantes, en ce qu'elle a :

' Prononce l'annulation du contrat conclu entre les époux [K] et la société Premium Energy ;

' Prononce l'annulation du contrat de crédit entre les époux [K] et la BNP Paribas Personal Finance ;

' Dit que la société Premium Energy devra reprendre à ses frais l'ensemble des matériels posés au domicile des époux [K] dans les 2 mois suivant la signification du présent jugement, après en avoir prévenu ces derniers 15 jours à l'avance ;

' A défaut d'enlèvement dans le délai susvisé, Autorise les époux [K] à disposer desdits matériels comme bon leur semblera ;

' Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital emprunté ;

' Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser aux époux [K] les échéances échues et payées, en deniers et quittances ;

' Condamne la société Premium Energy à garantir la société BNP Paribas Personal Finance à hauteur de 14.950 euros ;

' Condamne in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société Premium Energy aux dépens ;

- L'infirmer en ce qu'elle a :

' Rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Débouté les époux [K] de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

Et partant statuant à nouveau

- Débouter la société Premium Energy sous l'enseigne Fédération habitat écologique et la banque BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Sygma de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Et partant

- Condamner la banque BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Sygma à restituer à M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] l'intégralité des échéances versées jusqu'à l'arrêt à intervenir, outre les mensualités postérieures acquittées.

A titre subsidiaire

- Condamner la société Premium Energy sous l'enseigne Fédération habitat écologique à verser à M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] la somme de 29 900 Euros.

A titre subsidiaire, si la Cour ne faisait pas droit aux demandes des Époux [K] considérant que la banque n'a pas commis de fautes :

- Prononcer la déchéance du droit de la banque BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Sygma aux intérêts du crédit affecté.

En tout état de cause,

- Condamner in solidum, la société Premium Energy et la banque BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Sygma à verser à M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] la somme de :

' 5 000 euros au titre de leur préjudice économique,

' 5 000 euros au titre de leur préjudice moral.

- Condamner in solidum la banque BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Sygma et la société Premium Energy, à payer à M. [O] [K] et Mme [G] [H] épouse [K] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner in solidum la banque BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Sygma et la société Premium Energy aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires aux présentes

- Débouter la société Premium Energy de son appel incident et de toutes ses demandes fins et conclusions

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes des articles L. 121-17, L. 121-18-1 et L. 111-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à l'espèce, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement devaient faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire était remis au client, contrat précisant à peine de nullité les caractéristiques essentielles du bien ou du service vendu, le prix du bien ou du service et, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai dans lequel le professionnel s'engageait à livrer le bien ou exécuter le service.

Le bon de commande comporte les informations relatives au nombre, à la puissance et à la marque des panneaux photovoltaïques à savoir dix-huit panneaux d'une puissance unitaire de 250 Wc, et de marque Soluxtec. Le bon de commande mentionne le prix global des équipements soit 29 900 euros sans précision du coût détaillé de chaque matériel ou prestation. Le vendeur n'était cependant pas tenu d'indiquer le prix unitaire de chaque matériel ou de chaque prestation. Les précisions données quant aux caractéristiques des marchandises vendues permettaient aux acquéreurs de procéder à toute comparaison de prix utile durant le délai de rétractation. Cependant, si ces indications permettaient aux acquéreurs d'avoir une connaissance des éléments composant l'installation, elles étaient insuffisantes pour décrire ses caractéristiques techniques en termes de performance, de rendement et de capacité de production.

Par ailleurs, si le bon de commande mentionne un délai de livraison de quatre mois, il ne précise aucun délai d'exécution de la prestation accessoire de pose alors pourtant que la société Premium energy s'était engagée à installer le matériel mais également à réaliser les démarches administratives et la mise en service. Les conditions générales de vente indiquent seulement que la durée d'exécution des travaux sera variable selon les difficultés propres au chantier, le vendeur s'engageant à en limiter au maximum la durée.

La mention d'un tel délai est insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3° du code de la consommation, et ne permet pas à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations.

En outre, les époux [K] font valoir à juste titre que le bordereau de rétractation est erroné concernant les modalités d'exercice du droit de rétractation.

En effet, s'il mentionne un délai de rétractation de quatorze jours, il fait courir ce délai 'à partir du jour de la commande'.

Or, aux termes de l'article L. 121-21 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date du contrat, le consommateur dispose, pour exercer ce droit de rétractation, d'un délai de quatorze jours commençant à courir à compter du jour de la réception du bien par le consommateur pour les contrats de vente et les contrats de prestation de services incluant la livraison de biens. Le consommateur peut pour les contrats conclus hors établissement, exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.

Il en résulte que, si les époux [K] pouvaient en l'espèce exercer leur droit de rétractation dès la conclusion du contrat conclu à domicile à la suite d'une opération de démarchage, le délai de quatorze jours ne commençait néanmoins à courir qu'à compter de la livraison des panneaux, et non à compter du jour de la commande.

Il résulte des articles L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation, que, lorsque les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement, la nullité de ce contrat est encourue, de sorte qu'une telle sanction peut être invoquée par le souscripteur du contrat, au même titre que la prolongation du délai de rétractation prévue par l'article L. 121-21-1 du même code.

La société BNP Paribas Personal Finance et la société Premium Energy soutiennent que ces causes de nullité auraient été couvertes par l'emprunteur qui a signé sans réserve le certificat d'exécution du contrat principal et autorisé le déblocage des fonds, renonçant ainsi en connaissance de cause à se prévaloir des vices susceptibles d'entacher le bon de commande.

Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.

Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, les époux [K] aient eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation, l'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux, de même que l'ordre donné à la banque de verser les fonds entre les mains du vendeur ne suffisant pas à caractériser qu'ils ont en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.

La seule reproduction des dispositions du code de la consommation au verso du bon de commande énonçant les conditions générales de vente ne suffit pas à démontrer que l'acquéreur avaient pleine connaissance de cette réglementation et de surcroît, que le contrat de vente la méconnaissait.

L'absence de confirmation est d'autant plus établie au cas d'espèce que les dispositions du code de la consommation relatives à la faculté de rétractation reproduites dans les conditions générales de vente sont celles de l'article L. 121-25 dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 décembre 2014 qui limitait le délai de rétractation à 7 jours alors qu'il avait été porté à 14 jours depuis la loi 2014-1645 du 20 décembre 2014.

Dès lors, rien ne démontre que les époux [K] avaient connaissance des vices du bon de commande lorsqu'ils ont laissé la société Premium Energy intervenir à leur domicile et signé l'attestation de livraison et de demande de financement.

Il n'est donc pas établi que les consommateurs aient, en pleine connaissance de l'irrégularité de ce contrat de vente, entendu renoncer à la nullité en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir l'irrégularité de ce document.

Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier, et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dol allégué, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat conclu entre la société Premium Energy et M. [K].

Cette annulation a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre.

Ces restitutions sont un effet direct et nécessaire de l'anéantissement du contrat, la remise des choses dans le même état étant une conséquence légale de l'annulation du contrat.

Il convient par conséquent, après réformation du jugement attaqué sur ce point, de condamner la société Premium Energy à rembourser aux époux [K] le prix de l'installation de 29 900 euros.

Il y a par ailleurs lieu de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a condamné la société Premium Energy, à reprendre à ses frais l'ensemble des matériels posés au domicile de M. et Mme [K] sauf à dire que le délai de deux mois mis à la charge de cette dernière courra à compter de la signification du présent arrêt et à préciser que cette reprise emporte obligation de remise de la toiture en son état antérieur.

Pour autant, la demande tendant à ce que ce matériel soit réputé abandonné passé deux mois après la signification de l'arrêt se heurte au droit de propriété du vendeur, redevenu propriétaire du matériel après annulation du contrat, de sorte qu'il ne saurait y être fait droit et jugement étant infirmé de ce chef.

Sur la nullité du contrat de prêt

Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la société Sygma, aux droits de laquelle se trouve la BNP Paribas Personal Finance, est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.

En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Premium Energy emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu entre les époux [K] et la BNP Paribas Personal Finance.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit.

La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par l'emprunteur.

Au soutien de son appel, la société BNP Paribas Personal Finance fait valoir qu'elle s'est, sans commettre de faute, dessaisie des fonds sur remise d'un certificat de livraison signé de l'emprunteur attestant que tous les travaux étaient terminés et demandant expressément le déblocage des fonds, et que, d'autre part, le prêteur n'est pas tenu de conseiller l'emprunteur sur l'efficacité juridique d'un contrat auquel il est tiers.

Les époux [K] demandent de confirmer la disposition du jugement les ayant dispensés de rembourser le capital prêté, en faisant valoir que le prêteur se serait fautivement dessaisi des fonds en faveur de la société Premium Energy sans vérifier la validité du contrat de vente et sans s'assurer de l'exécution complète de la prestation, au vu d'un certificat de livraison incomplet ne permettant pas de s'assurer que l'ensemble des prestations prévues au contrat avaient été exécutées.

Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.

Il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

Or, il a été précédemment relevé que le bordereau de rétractation dont était doté le bon de commande conclu avec la société Premium Energy par l'intermédiaire de laquelle la société Sygma faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas se libérer des fonds entre les mains du fournisseur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès de M. et Mme [K] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier, en dépit de l'indication erronée du délai de rétractation et du point de départ de celui-ci sur le bordereau de rétractation. La société Sygma, aux droits de laquelle se trouve la BNP Paribas Personal Finance, a commis une faute susceptible de la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.

Toutefois, le prêteur fait valoir à juste titre que la dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.

Or, les époux [K] ne caractérisent nullement l'existence de leur préjudice.

En effet, la société Premium Energy étant condamnée à restituer le prix du marché annulé et à reprendre à ses frais l'ensemble des matériels posés au domicile des époux [K] il ne subsiste aucun préjudice en lien causal suffisant avec cette faute.

Il n'y a dès lors pas lieu de dispenser les époux [K] de rembourser le capital emprunté.

Le crédit ayant été remboursé par anticipation, la société BNP Paribas Personal Finance sera seulement condamnée à restituer les intérêts et frais perçus en exécution du prêt.

Sur les autres demandes

Puisque Les époux [K] ont été condamnés à rembourser à la société BNP Paribas Personal Finance du montant du capital emprunt et que ces derniers ont remboursé le prêt par anticipation, la demande du prêteur en condamnation de la société Premium Energy, en paiement de la somme de 29 900 euros est devenue sans objet.

Les époux [K] sollicitent la condamnation de la société BNP Paribas Personal Finance et de la société Premium Energy à les indemniser à hauteur de la somme de 5 000 euros au titre d'un préjudice économique lié à la nécessité de rembourser un emprunt en dépit de l'installation non conforme aux perspectives annoncées. Cependant la preuve n'est pas rapportée de ce que le vendeur se serait engagé sur rendement permettant d'assurer l'autofinancement de l'installation la preuve de cet engagement ne pouvant résulter des données portées sur la feuille de papier libre produite aux débats dépourvue d'éléments permettant l'identification de son auteur.

Par ailleurs, la société Premium Energy étant condamnée à restituer le prix du marché annulé et à reprendre à ses frais l'ensemble des matériels posés au domicile des époux [K], il ne subsiste aucun préjudice résultant de la nécessité de procéder à la dépose du matériel.

Les époux [K] ne fournissent par ailleurs aucun élément de nature à établir l'existence d'un préjudice moral.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [K] de leurs demandes indemnitaires complémentaires.

Sur les frais irrépétibles et dépens

Parties l'une et l'autre succombantes devant le juge des contentieux de la protection, les sociétés Premium Energy et BNP Paribas Personal Finance ont été à juste titre condamnées in solidum aux dépens de première instance.

Parties l'une et l'autre succombantes devant la cour, la société Premium Energy et les époux [K] supporteront in solidum les dépens d'appel.

Enfin, il n'y a pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 20 mai 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a :

autorisé M. et Mme [K] à disposer des matériels installés, faute d'enlèvement par la société Premium Energy dans le délai de deux mois suivant la signification du jugement,

débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital prêté,

condamné la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M. et Mme [K] les échéances échues payées, en deniers et quittances,

Condamne la société Premium Energy à payer à M. et Mme [K] la somme de 29 900 euros au titre de la restitution du prix ;

Déboute M. et Mme [K] de leur demande en restitution par la société BNP Paribas Personal Finance du capital prêté de 29 900 euros ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme [K] les intérêts et frais perçus en exécution du contrat de prêt annulé ;

Déboute M. et Mme [K] de leur demande tendant à dire que le matériel est réputé abandonné passé deux mois après la signification de l'arrêt ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions, sauf à dire que le délai de deux mois assortissant l'obligation de reprise des matériels posés au domicile de M. et Mme [K] à la charge de la société Premium Energy courra à compter de la signification du présent arrêt et à préciser que la reprise emporte obligation de la remise en état de la propriété des époux [K].

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne in solidum la société Premium Energy d'une part et M. et Mme [K] d'autre part aux dépens d'appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT