Décisions
CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ. tgi, 20 novembre 2024, n° 23/00080
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Autre
ARRÊT N°2024/425
SP
N° RG 23/00080 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F3VK
Société SCCV CORAIL
C/
[W]
[U]
RG 1ERE INSTANCE : 18/02782
COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2024
Chambre civile TGI
Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 22 NOVEMBRE 2022 RG n° 18/02782 suivant déclaration d'appel en date du 12 JANVIER 2023
APPELANTE :
Société SCCV CORAIL
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Valérie YEN PON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMES :
Monsieur [G] [W]
[Adresse 7]
[Localité 3] / FRANCE
Représentant : Me Caroline AMIGUES-OLIVIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Madame [N] [U] épouse [W]
[Adresse 7]
[Localité 3] / FRANCE
Représentant : Me Caroline AMIGUES-OLIVIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
CLOTURE LE : 25 avril 2024
DÉBATS : En application des dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Septembre 2024 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, conseillère
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, conseillère
Qui en ont délibéré.
A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 20 Novembre 2024.
Greffier lors des débats : Sarah HAFEJEE
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 20 Novembre 2024.
* * *
LA COUR
Suivant acte notarié du 25 mars 2016, M. [G] [W] et son épouse Mme [N] [U] ont acquis auprès de la SCCV Corail un bien immobilier en état futur d'achèvement pour le prix de 317. 784 euros, et ce, dans le cadre d'une opération de défiscalisation, ce bien se composant :
- d'un appartement de type 3 sis [Adresse 8] à [Localité 9], pour une surface annoncée de 85,10 m² au titre de la surface habitable et de 9,58 m2 au titre du balcon,
- de deux emplacements de stationnement couverts.
A la suite d'un mesurage effectué par le cabinet d'expertise AMT, ils ont appris que les surfaces annoncées lors de la vente étaient erronées, soit un différentiel est de 10,42 m², ce qui n'est pas sans conséquence sur le prix de vente, le montant des loyers et la déduction fiscale.
Par acte du 11 septembre 2018, M. et Mme [W] ont fait assigner la SCCV Corail devant le tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion aux fins de condamnation à leur payer les sommes de 52. 241 euros en réparation des préjudices financiers subis et 3. 000 euros au titre des frais irrépétibles et de condamnation à supporter le coût de la modification des actes de vente et du règlement de copropriété.
La SCCV Corail a admis devoir payer la somme de 17. 361,74 euros valant réparation de l'ensemble des préjudices et a conclu au débouté de la demande pour le surplus.
Par ordonnance du 10 juillet 2019, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [O] [P], remplacé ultérieurement par Mme [I] [T].
L'expert a procédé à ses investigations et a déposé son rapport le 7 septembre 2020.
Suite au rapport d'expertise, M. et Mme [C] ont modifié leur demande principale comme suit :
- 32. 669,65 euros au titre de l'indemnisation principale pour insuffisance de surface
- 7. 081,56 euros au titre de la perte de loyer potentielle sur la durée de la défiscalisation
- 4. 316,84 euros au titre de la perte fiscale,
- 1. 000,00 euros au titre des frais de modification de l'état descriptif de division.
Et maintenu les autres chefs de demande.
La SCCV Corail n'a pas conclu après le dépôt du rapport d'expertise.
C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 22 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion a :
Vu le rapport d'expertise de Mme [T] en date du 7 septembre 2020
Vu les articles 1604, 1607 et suivants du code civil
- Condamné la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] les sommes suivantes :
. 32. 669,65. euros au titre de l'indemnisation principale pour insuffisance de surface,
. 7. 081,56 euros au titre de la perte de loyer potentielle sur la durée de la défiscalisation,
. 4. 316,84 euros au titre de la perte fiscale,
. 1000,00 euros au titre des frais de modification de l'état descriptif de division ;
- Condamné la SCCV Corail à supporter le coût de la modification des actes de vente et du règlement de copropriété,
- Condamné la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] la somme de 2. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, à hauteur de la somme allouée au titre de l'indemnisation principale ;
- Condamné la SCCV Corail aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration au greffe en date du 12 janvier 2023, la SCCV Corail a interjeté appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2024 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience collégiale du 13 septembre 2024.
***
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 12 avril 2023, la SCCV Corail demande à la cour de :
- Juger l'appel formé par la SCCV Corail recevable et bien fondé ;
- Infirmer le jugement querellé dans ses dispositions visées ci-avant,
Statuant à nouveau :
- Condamner la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] :
. 17. 361,74 euros au titre de l'indemnisation principale pour insuffisance de surface
. 1. 000 euros au titre des frais de modification de l'état descriptif de division,
- Confirmer le jugement en ce qu'il condamne la SCCV Corail à supporter le coût de la modification des actes de vente et du règlement de copropriété ;
- Octroyer un délai de 24 mois à la SCCV Corail à compter de la signification de l'arrêt à intervenir pour payer le montant des sommes mises à charge ;
- Condamner M. et Mme [C] à verser la somme de 3. 000 euros à la SCCV Corail au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Statuer comme de droit sur les dépens.
***
Dans leurs uniques conclusions transmises par voie électronique le 11 juillet 2023, M. et Mme [W] demandent à la cour, au visa des articles 1604 et suivants du code civil et du rapport d'expertise, de :
- Débouter la SCCV Corail de toutes ses demandes ;
En conséquence
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- Condamner la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] les sommes suivantes :
. 32. 669,65 euros au titre de l'indemnisation principale pour insuffisance de surface,
. 7. 081,56 euros au titre de la perte de loyer potentielle sur la durée de la défiscalisation,
. 4. 316,84 euros au titre de la perte fiscale,
. 1. 000 euros au titre des frais de modification de l'état descriptif de division ;
- Condamner la SCCV Corail à supporter le coût de la modification des actes de vente et du règlement de copropriété ;
- Condamner la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] la somme de 2. 000 euros allouée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance comprenant notamment les frais d'expertise ;
Y ajoutant
- Condamner la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel
***
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » lorsqu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Sur l'indemnisation pour insuffisance de surface
La SCCV Corail soutient en substance que l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 est applicable aux vente en l'état de futur achèvement et en déduit que les premiers juges auraient dû faire application de la méthode de la moindre mesure de la loi Carrez.
M. et Mme [W] font valoir pour l'essentiel que, d'une part, l'expert, dont les conclusions sont claires et non remises en question par la SCCV Corail, propose différentes méthodes de calcul, qui tiennent compte soit du total des surfaces manquantes, soit de l'application d'une moindre mesure, celle-ci ne permettant l'indemnisation que pour le pourcentage dépassant les 5% , soit en l'espèce 5,19 m2 pour la surface habitable et 0,14 m2 pour le balcon et que, d'autre part, conformément à la jurisprudence habituelle en la matière, l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 Juillet 1965 n'est pas applicable à la vente en l'état futur d'achèvement, quand bien même le lot vendu serait compris dans une copropriété.
Sur ce,
Aux termes de l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dite loi Carrez :
« Toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d'un lot ou d'une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot. La nullité de l'acte peut être invoquée sur le fondement de l'absence de toute mention de superficie.
Cette superficie est définie par le décret en Conseil d'État prévu à l'article 47.
Les dispositions du premier alinéa ci-dessus ne sont pas applicables aux caves, garages, emplacements de stationnement ni aux lots ou fractions de lots d'une superficie inférieure à un seuil fixé par le décret en Conseil d'État prévu à l'article 47.
[. . . ]
Si la superficie est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure.
L'action en diminution du prix doit être intentée par l'acquéreur dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance. »
Cependant ces dispositions ne sont pas applicables à la VEFA (Cass. 3e civ. , 18 mars 2021, n° 19-24. 994), même lorsque celle-ci porte sur un lot de copropriété, sauf convention contraire.
Dans ces conditions, il convient d'appliquer les articles 1616 et suivants du code civil, qui dispose que le vendeur est tenu de délivrer la contenance telle qu'elle est portée au contrat, sous les modifications ci-après exprimées.
Si la vente d'un immeuble a été faite avec indication de la contenance, à raison de tant la mesure, le vendeur est obligé de délivrer à l'acquéreur, s'il l'exige, la quantité indiquée au contrat, et si la chose ne lui est pas possible, ou si l'acquéreur ne l'exige pas, le vendeur est obligé de souffrir une diminution proportionnelle du prix, qu'autant que la différence de la mesure réelle à celle exprimée au contrat est d'un vingtième en moins, sauf stipulation contraire.
L'action en diminution de prix ou en résiliation du contrat de la part de l'acquéreur, doivent être intentées dans l'année, à compter du jour du contrat, à peine de déchéance.
Il s'ensuit que l'acheteur en VEFA peut demander au promoteur-vendeur une diminution du prix si la surface en moins représente plus de 5 % de la surface attendue en vertu de l'article 1619 du code civil, sous réserve de l'application d'une tolérance stipulée au contrat.
Lorsque les clauses contractuelles ne donnent pas le détail des modalités de calcul de la surface habitable et qu'elles ne comportent pas de règles exploitables, il faut se référer aux dispositions de l'article R. 111-2 précité.
La Cour de cassation précise que la surface indiquée à l'acte de VEFA correspond à la surface habitable au sens de l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable au litige aux termes duquel :
« La surface et le volume habitables d'un logement doivent être de 14 mètres carrés et de 33 mètres cubes au moins par habitant prévu lors de l'établissement du programme de construction pour les quatre premiers habitants et de 10 mètres carrés et 23 mètres cubes au moins par habitant supplémentaire au-delà du quatrième.
La surface habitable d'un logement est la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres ; le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond.
Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévus à l'article R. 111-10, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre. »
En l'espèce, par acte du 17 avril 2015, la SCCV Corail (le réservant) et M. et Mme [W] (le réservataire) ont conclu un contrat de réservation par lequel le réservant entrepris la construction d'une ensemble immobilier sur un terrain situé à [Localité 9] (Réunion) lieu-dit [Localité 9] Ville cadastré section AV n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], biens considérés en leur état de futur achèvement conformément aux articles L. 261-1 et suivants et R. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, au prix de 317. 784 euros
La VEFA a été constatée par acte notarié du 29 avril 2016, portant sur un ensemble immobilier situé à [Localité 9] (réunion) [Adresse 5] Cadastré section AV n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], comportant les lots :
- n° 16: un appartement de type T3 d'une surface habitable de 85,10 m² et un balcon d'une superficie de 9,58 m²
- n° 26 : un emplacement de stationnement couvert
- n° 28 ; un emplacement de stationnement couvert.
Le bien a été livré le 15 septembre 2017.
A la demande de M. et Mme [W], le cabinet d'expertise AMT a procédé à un mesurage des surfaces de l'appartement concluant à un différentiel de 10,74 m² (certificat de mesurage du 5 juin 2018) :
- surface habitable : 75,02 m² au lieu de 85,10 m²
- surface du balcon : 9,24 m² au lieu de 9,58 m².
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) (reçue le 8 septembre 2018) du 3 septembre 2018, M. et Mme [W], par l'intermédiaire de leur conseil, ont demandé à la SCCV Corail de les indemniser de leur préjudices à hauteur de 52. 131 euros, outre frais notariaux à prévoir, dans le cadre d'une tentative d'accord amiable.
De leur côté, la SCCV Corail a fait appel au bureau d'étude M2CB qui a constaté un écart de 6,09 m², et, par l'intermédiaire de leur conseil, suivant courrier du 26 novembre 2018, ont proposé d'indemniser M. et Mme [W] à hauteur de 14. 484,57 euros.
L'expert judiciaire a conclu au métrage suivant :
- surface habitable : 75,66 m2
- surface pour le balcon : 9,25 m².
Il a procédé au calcul de l'indemnité due :
Par application du code civil (article 1617 et suivants)
- avec application sur le total des surfaces manquantes, soit la somme de 32. 669,65 euros
- ou avec application d'une moindre mesure, soit la somme de 17. 604,11 euros
Et par application de la loi Carrez, soit une indemnité de 17. 361,74 euros.
S'agissant des préjudices subis, l'expert a retenu :
- la perte de loyers potentiels : 65,57 euros par mois, soit 786,84 euros par an sur une durée de défiscalisation de 9 ans : 7. 081,56 euros
- l'incidence fiscale du mesurage :
. en cas d'application du droit commun sur le total des surfaces manquantes : 4. 316,84 euros
. en cas d'application du droit commun avec application de la moindre mesure : pas de perte de réduction d'impôt
. en cas d'application de la loi Carrez : pas de perte de réduction d'impôt
S'agissant de la taxe foncière, l'expert a retenu que l'acheteur serait susceptible de pouvoir solliciter de l'administration fiscale une réduction de la surface retenue
- l'incident sur la copropriété : l'expert a estimé qu'une modification de l'état descriptif était nécessaire afin de redéfinir les tantièmes affectés à chaque lot et déterminer les charges de chaque lot en fonction des superficie réelles, impliquant une décision du syndicat des copropriétaires rassemblés en assemblée générale et le métrage de l'intégralité des lots principaux et en a estimé le coût à la somme de 1. 000 euros.
En l'état, il est constant qu'il existe un différentiel entre la surface du bien vendu en VEFA indiqué dans l'acte de VEFA et la surface réelle dudit bien, différence de plus de 5%.
La SCCV Corail estime qu'il convient d'appliquer la méthode de la moindre mesure de la loi Carrez et de fixer le montant de l'indemnité à la somme de 17. 361,74 euros.
La SCCV Corail ne conteste pas le différentiel établi par l'expert, mais uniquement la méthode de calcul de l'indemnité retenue par les premiers juges.
Par ailleurs, la SCCV Corail considère que « les demandes liées à la perte de réduction d'impôt sont devenues sans objet » sans autre précision.
Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. et Mme [W] étaient fondés à demander une indemnisation sur le total des surfaces manquantes, la tolérance de 5% ne constituant pas une franchise.
Il y a donc lieu de retenir une indemnité de 32. 669,65 euros.
S'agissant des préjudices invoqués par M. et Mme [W], il n'est pas contesté que ces derniers ont conclu une VEFA dans le cadre d'une défiscalisation.
La SCCV Corail ne développe aucun moyen relatif à la prise en charge des préjudices de M. et Mme [W].
Dans ces conditions, il convient de retenir, comme l'on jugé à juste titre les premiers juges, les montants évalués par l'expert.
Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Sur la demande de délai de paiement
La SCCV Corail soutient que les SCCV n'ont vocation qu'à porter un projet particulier et être dissoute une fois les immeubles réalisés, de sorte qu'elles ne génèrent aucun revenu propre. Elle fait valoir qu'elle doit percevoir des retenues de garantie qui lui permettront d'honorer le règlement de la somme mise à sa charge et qu'une exécution immédiate portant sur l'ensemble de la créance serait vouée à l'échec, compte tenu des difficultés de trésorerie et créatrice d'une aggravation de la dette en raison des frais d'exécution supplémentaire prévisibles.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1343-5 du code civil :
« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteurs d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagée par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables au dettes d'aliment. »
En l'espèce, la SCCV sollicite un délai de 24 mois à compter de la signification de l'arrêt pour payer les sommes mises à sa charge.
Pour autant, force est de constater que la SCCV Corail, société civile qui a pour objectif de réaliser un bénéfice en vue de sa répartition entre les associés, ne produit aucune pièce justificative de sa situation financière, étant rappelé que le prix de vente a intégralement été réglé par M. et Mme [W] à la livraison, soit le 15 septembre 2017, soit depuis plus de 7 ans.
Dans ces conditions, la SCCV Corail ne pourra qu'être débouté de sa demande de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SCCV Corail succombant, il convient de la condamner aux dépens d'appel.
L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de M. et Mme [W], il convient de leur accorder de ce chef la somme de 3. 000 euros pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par décision contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 22 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion ;
Y ajoutant
Déboute la SCCV Corail de sa demande de délai de paiement ;
Condamne la SCCV Corail aux dépens d'appel ;
Déboute la SCCV Corail de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCCV Corail à payer à M. [G] [W] et Mme [N] [U] épouse [W] la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par monsieur Patrick CHEVRIER, président de chambre, et par madame Sarah HAFEJEE, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE SIGNE LE PRÉSIDENT
SP
N° RG 23/00080 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F3VK
Société SCCV CORAIL
C/
[W]
[U]
RG 1ERE INSTANCE : 18/02782
COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2024
Chambre civile TGI
Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 22 NOVEMBRE 2022 RG n° 18/02782 suivant déclaration d'appel en date du 12 JANVIER 2023
APPELANTE :
Société SCCV CORAIL
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Valérie YEN PON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMES :
Monsieur [G] [W]
[Adresse 7]
[Localité 3] / FRANCE
Représentant : Me Caroline AMIGUES-OLIVIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Madame [N] [U] épouse [W]
[Adresse 7]
[Localité 3] / FRANCE
Représentant : Me Caroline AMIGUES-OLIVIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
CLOTURE LE : 25 avril 2024
DÉBATS : En application des dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Septembre 2024 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, conseillère
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, conseillère
Qui en ont délibéré.
A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 20 Novembre 2024.
Greffier lors des débats : Sarah HAFEJEE
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 20 Novembre 2024.
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LA COUR
Suivant acte notarié du 25 mars 2016, M. [G] [W] et son épouse Mme [N] [U] ont acquis auprès de la SCCV Corail un bien immobilier en état futur d'achèvement pour le prix de 317. 784 euros, et ce, dans le cadre d'une opération de défiscalisation, ce bien se composant :
- d'un appartement de type 3 sis [Adresse 8] à [Localité 9], pour une surface annoncée de 85,10 m² au titre de la surface habitable et de 9,58 m2 au titre du balcon,
- de deux emplacements de stationnement couverts.
A la suite d'un mesurage effectué par le cabinet d'expertise AMT, ils ont appris que les surfaces annoncées lors de la vente étaient erronées, soit un différentiel est de 10,42 m², ce qui n'est pas sans conséquence sur le prix de vente, le montant des loyers et la déduction fiscale.
Par acte du 11 septembre 2018, M. et Mme [W] ont fait assigner la SCCV Corail devant le tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion aux fins de condamnation à leur payer les sommes de 52. 241 euros en réparation des préjudices financiers subis et 3. 000 euros au titre des frais irrépétibles et de condamnation à supporter le coût de la modification des actes de vente et du règlement de copropriété.
La SCCV Corail a admis devoir payer la somme de 17. 361,74 euros valant réparation de l'ensemble des préjudices et a conclu au débouté de la demande pour le surplus.
Par ordonnance du 10 juillet 2019, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [O] [P], remplacé ultérieurement par Mme [I] [T].
L'expert a procédé à ses investigations et a déposé son rapport le 7 septembre 2020.
Suite au rapport d'expertise, M. et Mme [C] ont modifié leur demande principale comme suit :
- 32. 669,65 euros au titre de l'indemnisation principale pour insuffisance de surface
- 7. 081,56 euros au titre de la perte de loyer potentielle sur la durée de la défiscalisation
- 4. 316,84 euros au titre de la perte fiscale,
- 1. 000,00 euros au titre des frais de modification de l'état descriptif de division.
Et maintenu les autres chefs de demande.
La SCCV Corail n'a pas conclu après le dépôt du rapport d'expertise.
C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 22 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion a :
Vu le rapport d'expertise de Mme [T] en date du 7 septembre 2020
Vu les articles 1604, 1607 et suivants du code civil
- Condamné la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] les sommes suivantes :
. 32. 669,65. euros au titre de l'indemnisation principale pour insuffisance de surface,
. 7. 081,56 euros au titre de la perte de loyer potentielle sur la durée de la défiscalisation,
. 4. 316,84 euros au titre de la perte fiscale,
. 1000,00 euros au titre des frais de modification de l'état descriptif de division ;
- Condamné la SCCV Corail à supporter le coût de la modification des actes de vente et du règlement de copropriété,
- Condamné la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] la somme de 2. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, à hauteur de la somme allouée au titre de l'indemnisation principale ;
- Condamné la SCCV Corail aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration au greffe en date du 12 janvier 2023, la SCCV Corail a interjeté appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2024 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience collégiale du 13 septembre 2024.
***
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 12 avril 2023, la SCCV Corail demande à la cour de :
- Juger l'appel formé par la SCCV Corail recevable et bien fondé ;
- Infirmer le jugement querellé dans ses dispositions visées ci-avant,
Statuant à nouveau :
- Condamner la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] :
. 17. 361,74 euros au titre de l'indemnisation principale pour insuffisance de surface
. 1. 000 euros au titre des frais de modification de l'état descriptif de division,
- Confirmer le jugement en ce qu'il condamne la SCCV Corail à supporter le coût de la modification des actes de vente et du règlement de copropriété ;
- Octroyer un délai de 24 mois à la SCCV Corail à compter de la signification de l'arrêt à intervenir pour payer le montant des sommes mises à charge ;
- Condamner M. et Mme [C] à verser la somme de 3. 000 euros à la SCCV Corail au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Statuer comme de droit sur les dépens.
***
Dans leurs uniques conclusions transmises par voie électronique le 11 juillet 2023, M. et Mme [W] demandent à la cour, au visa des articles 1604 et suivants du code civil et du rapport d'expertise, de :
- Débouter la SCCV Corail de toutes ses demandes ;
En conséquence
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- Condamner la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] les sommes suivantes :
. 32. 669,65 euros au titre de l'indemnisation principale pour insuffisance de surface,
. 7. 081,56 euros au titre de la perte de loyer potentielle sur la durée de la défiscalisation,
. 4. 316,84 euros au titre de la perte fiscale,
. 1. 000 euros au titre des frais de modification de l'état descriptif de division ;
- Condamner la SCCV Corail à supporter le coût de la modification des actes de vente et du règlement de copropriété ;
- Condamner la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] la somme de 2. 000 euros allouée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance comprenant notamment les frais d'expertise ;
Y ajoutant
- Condamner la SCCV Corail à payer à M. et Mme [W] la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel
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Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » lorsqu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Sur l'indemnisation pour insuffisance de surface
La SCCV Corail soutient en substance que l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 est applicable aux vente en l'état de futur achèvement et en déduit que les premiers juges auraient dû faire application de la méthode de la moindre mesure de la loi Carrez.
M. et Mme [W] font valoir pour l'essentiel que, d'une part, l'expert, dont les conclusions sont claires et non remises en question par la SCCV Corail, propose différentes méthodes de calcul, qui tiennent compte soit du total des surfaces manquantes, soit de l'application d'une moindre mesure, celle-ci ne permettant l'indemnisation que pour le pourcentage dépassant les 5% , soit en l'espèce 5,19 m2 pour la surface habitable et 0,14 m2 pour le balcon et que, d'autre part, conformément à la jurisprudence habituelle en la matière, l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 Juillet 1965 n'est pas applicable à la vente en l'état futur d'achèvement, quand bien même le lot vendu serait compris dans une copropriété.
Sur ce,
Aux termes de l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dite loi Carrez :
« Toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d'un lot ou d'une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot. La nullité de l'acte peut être invoquée sur le fondement de l'absence de toute mention de superficie.
Cette superficie est définie par le décret en Conseil d'État prévu à l'article 47.
Les dispositions du premier alinéa ci-dessus ne sont pas applicables aux caves, garages, emplacements de stationnement ni aux lots ou fractions de lots d'une superficie inférieure à un seuil fixé par le décret en Conseil d'État prévu à l'article 47.
[. . . ]
Si la superficie est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure.
L'action en diminution du prix doit être intentée par l'acquéreur dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance. »
Cependant ces dispositions ne sont pas applicables à la VEFA (Cass. 3e civ. , 18 mars 2021, n° 19-24. 994), même lorsque celle-ci porte sur un lot de copropriété, sauf convention contraire.
Dans ces conditions, il convient d'appliquer les articles 1616 et suivants du code civil, qui dispose que le vendeur est tenu de délivrer la contenance telle qu'elle est portée au contrat, sous les modifications ci-après exprimées.
Si la vente d'un immeuble a été faite avec indication de la contenance, à raison de tant la mesure, le vendeur est obligé de délivrer à l'acquéreur, s'il l'exige, la quantité indiquée au contrat, et si la chose ne lui est pas possible, ou si l'acquéreur ne l'exige pas, le vendeur est obligé de souffrir une diminution proportionnelle du prix, qu'autant que la différence de la mesure réelle à celle exprimée au contrat est d'un vingtième en moins, sauf stipulation contraire.
L'action en diminution de prix ou en résiliation du contrat de la part de l'acquéreur, doivent être intentées dans l'année, à compter du jour du contrat, à peine de déchéance.
Il s'ensuit que l'acheteur en VEFA peut demander au promoteur-vendeur une diminution du prix si la surface en moins représente plus de 5 % de la surface attendue en vertu de l'article 1619 du code civil, sous réserve de l'application d'une tolérance stipulée au contrat.
Lorsque les clauses contractuelles ne donnent pas le détail des modalités de calcul de la surface habitable et qu'elles ne comportent pas de règles exploitables, il faut se référer aux dispositions de l'article R. 111-2 précité.
La Cour de cassation précise que la surface indiquée à l'acte de VEFA correspond à la surface habitable au sens de l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable au litige aux termes duquel :
« La surface et le volume habitables d'un logement doivent être de 14 mètres carrés et de 33 mètres cubes au moins par habitant prévu lors de l'établissement du programme de construction pour les quatre premiers habitants et de 10 mètres carrés et 23 mètres cubes au moins par habitant supplémentaire au-delà du quatrième.
La surface habitable d'un logement est la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres ; le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond.
Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévus à l'article R. 111-10, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre. »
En l'espèce, par acte du 17 avril 2015, la SCCV Corail (le réservant) et M. et Mme [W] (le réservataire) ont conclu un contrat de réservation par lequel le réservant entrepris la construction d'une ensemble immobilier sur un terrain situé à [Localité 9] (Réunion) lieu-dit [Localité 9] Ville cadastré section AV n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], biens considérés en leur état de futur achèvement conformément aux articles L. 261-1 et suivants et R. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, au prix de 317. 784 euros
La VEFA a été constatée par acte notarié du 29 avril 2016, portant sur un ensemble immobilier situé à [Localité 9] (réunion) [Adresse 5] Cadastré section AV n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], comportant les lots :
- n° 16: un appartement de type T3 d'une surface habitable de 85,10 m² et un balcon d'une superficie de 9,58 m²
- n° 26 : un emplacement de stationnement couvert
- n° 28 ; un emplacement de stationnement couvert.
Le bien a été livré le 15 septembre 2017.
A la demande de M. et Mme [W], le cabinet d'expertise AMT a procédé à un mesurage des surfaces de l'appartement concluant à un différentiel de 10,74 m² (certificat de mesurage du 5 juin 2018) :
- surface habitable : 75,02 m² au lieu de 85,10 m²
- surface du balcon : 9,24 m² au lieu de 9,58 m².
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) (reçue le 8 septembre 2018) du 3 septembre 2018, M. et Mme [W], par l'intermédiaire de leur conseil, ont demandé à la SCCV Corail de les indemniser de leur préjudices à hauteur de 52. 131 euros, outre frais notariaux à prévoir, dans le cadre d'une tentative d'accord amiable.
De leur côté, la SCCV Corail a fait appel au bureau d'étude M2CB qui a constaté un écart de 6,09 m², et, par l'intermédiaire de leur conseil, suivant courrier du 26 novembre 2018, ont proposé d'indemniser M. et Mme [W] à hauteur de 14. 484,57 euros.
L'expert judiciaire a conclu au métrage suivant :
- surface habitable : 75,66 m2
- surface pour le balcon : 9,25 m².
Il a procédé au calcul de l'indemnité due :
Par application du code civil (article 1617 et suivants)
- avec application sur le total des surfaces manquantes, soit la somme de 32. 669,65 euros
- ou avec application d'une moindre mesure, soit la somme de 17. 604,11 euros
Et par application de la loi Carrez, soit une indemnité de 17. 361,74 euros.
S'agissant des préjudices subis, l'expert a retenu :
- la perte de loyers potentiels : 65,57 euros par mois, soit 786,84 euros par an sur une durée de défiscalisation de 9 ans : 7. 081,56 euros
- l'incidence fiscale du mesurage :
. en cas d'application du droit commun sur le total des surfaces manquantes : 4. 316,84 euros
. en cas d'application du droit commun avec application de la moindre mesure : pas de perte de réduction d'impôt
. en cas d'application de la loi Carrez : pas de perte de réduction d'impôt
S'agissant de la taxe foncière, l'expert a retenu que l'acheteur serait susceptible de pouvoir solliciter de l'administration fiscale une réduction de la surface retenue
- l'incident sur la copropriété : l'expert a estimé qu'une modification de l'état descriptif était nécessaire afin de redéfinir les tantièmes affectés à chaque lot et déterminer les charges de chaque lot en fonction des superficie réelles, impliquant une décision du syndicat des copropriétaires rassemblés en assemblée générale et le métrage de l'intégralité des lots principaux et en a estimé le coût à la somme de 1. 000 euros.
En l'état, il est constant qu'il existe un différentiel entre la surface du bien vendu en VEFA indiqué dans l'acte de VEFA et la surface réelle dudit bien, différence de plus de 5%.
La SCCV Corail estime qu'il convient d'appliquer la méthode de la moindre mesure de la loi Carrez et de fixer le montant de l'indemnité à la somme de 17. 361,74 euros.
La SCCV Corail ne conteste pas le différentiel établi par l'expert, mais uniquement la méthode de calcul de l'indemnité retenue par les premiers juges.
Par ailleurs, la SCCV Corail considère que « les demandes liées à la perte de réduction d'impôt sont devenues sans objet » sans autre précision.
Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. et Mme [W] étaient fondés à demander une indemnisation sur le total des surfaces manquantes, la tolérance de 5% ne constituant pas une franchise.
Il y a donc lieu de retenir une indemnité de 32. 669,65 euros.
S'agissant des préjudices invoqués par M. et Mme [W], il n'est pas contesté que ces derniers ont conclu une VEFA dans le cadre d'une défiscalisation.
La SCCV Corail ne développe aucun moyen relatif à la prise en charge des préjudices de M. et Mme [W].
Dans ces conditions, il convient de retenir, comme l'on jugé à juste titre les premiers juges, les montants évalués par l'expert.
Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Sur la demande de délai de paiement
La SCCV Corail soutient que les SCCV n'ont vocation qu'à porter un projet particulier et être dissoute une fois les immeubles réalisés, de sorte qu'elles ne génèrent aucun revenu propre. Elle fait valoir qu'elle doit percevoir des retenues de garantie qui lui permettront d'honorer le règlement de la somme mise à sa charge et qu'une exécution immédiate portant sur l'ensemble de la créance serait vouée à l'échec, compte tenu des difficultés de trésorerie et créatrice d'une aggravation de la dette en raison des frais d'exécution supplémentaire prévisibles.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1343-5 du code civil :
« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteurs d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagée par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables au dettes d'aliment. »
En l'espèce, la SCCV sollicite un délai de 24 mois à compter de la signification de l'arrêt pour payer les sommes mises à sa charge.
Pour autant, force est de constater que la SCCV Corail, société civile qui a pour objectif de réaliser un bénéfice en vue de sa répartition entre les associés, ne produit aucune pièce justificative de sa situation financière, étant rappelé que le prix de vente a intégralement été réglé par M. et Mme [W] à la livraison, soit le 15 septembre 2017, soit depuis plus de 7 ans.
Dans ces conditions, la SCCV Corail ne pourra qu'être débouté de sa demande de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SCCV Corail succombant, il convient de la condamner aux dépens d'appel.
L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de M. et Mme [W], il convient de leur accorder de ce chef la somme de 3. 000 euros pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par décision contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 22 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion ;
Y ajoutant
Déboute la SCCV Corail de sa demande de délai de paiement ;
Condamne la SCCV Corail aux dépens d'appel ;
Déboute la SCCV Corail de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCCV Corail à payer à M. [G] [W] et Mme [N] [U] épouse [W] la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par monsieur Patrick CHEVRIER, président de chambre, et par madame Sarah HAFEJEE, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE SIGNE LE PRÉSIDENT