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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 3 décembre 2024, n° 24/02533

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/02533

3 décembre 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4AF

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 DECEMBRE 2024

N° RG 24/02533 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WPQV

AFFAIRE :

S.A.S. MAISON NH-SD

C/

LE PROCUREUR GENERAL

...

S.C.P. BTSG

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Avril 2024 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 07

N° RG : 2024P00376

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Noémie GILLES

Me Christophe DEBRAY

Me Oriane DONTOT

PG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT

S.A.S. MAISON NH-SD

Ayant son siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Noémie GILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 663

Plaidant : Me Mustapha KALAA, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, vestiaire : PB50

****************

INTIMES

LE PROCUREUR GENERAL

POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 3]

[Localité 4]

UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES - URSSAF IDF

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 8]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 24186

****************

PARTIE INTERVENANTE

S.C.P. BTSG

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Octobre 2024, Monsieur Ronan GUERLOT, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

En la présence du Ministère Public, représenté par Madame Anne CHEVALIER, Avocat Général dont l'avis du 22 avril 2024 a été transmis le 23 avril 2024 au greffe par la voie électronique.

EXPOSE DU LITIGE

La société Maison NH-SD exerce une activité de boulangerie-pâtisserie.

Le 20 février 2024, l'URSSAFF l'a assignée devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de la voir placer en liquidation judiciaire et subsidiairement en redressement judiciaire.

Le 2 avril 2024, par jugement réputé contradictoire, ce tribunal a notamment :

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Maison NH-SD ;

- désigné la SCP BTSG, mission conduite par M. [R], en qualité de liquidateur judiciaire ;

- fixé provisoirement au 3 octobre 2022 la date de cessation des paiements compte tenu de l'exigibilité de la dette ;

- dit que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire de plein droit.

Le 19 avril 2024, la société Maison NH-SD a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Par dernières conclusions du 5 juin 2024, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement du 19 avril 2024 (sic.) ;

- juger qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements ;

- juger qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire à son égard.

Par dernières conclusions du 24 juin 2024, la société BTSG, représentée par M. [R], es qualités, demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondée la société Maison NH-SD en son appel du jugement du 2 avril 2024 ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

- débouter la société Maison NH-SD de toutes ses demandes ;

- dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Par dernières conclusions du 15 juillet 2024, l'URSSAF demande à la cour de :

- lui donner acte de ses plus expresses réserves sur la validité et les modalités de mise en 'uvre de la cession du fonds de commerce de la société Maison NH-SD ;

- déclarer l'appel irrecevable, en tout cas mal fondé et débouter la société Maison NH-SD de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- confirmer le jugement du 2 avril 2024 en l'ensemble de ses dispositions ;

- lui accorder la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens qui seront employés en frais privilégiés la procédure collective.

Le 22 avril 2024, le ministère public a émis un avis tendant à ce que la cour dise cet appel nul car ayant été interjeté par M. [F], avocat au barreau de Paris, alors que seuls les avocats exerçant dans le ressort de la cour d'appel de Versailles ont qualité pour ce faire.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 septembre 2024.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

1- Sur la nullité de la déclaration d'appel

La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dispose dans son article 5, alinéa 2, que les avocats peuvent postuler devant l'ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d'appel.

Cependant, en application de l'article 5-1 : " Par dérogation au deuxième alinéa de l'article 5, les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions. Ils peuvent postuler auprès de la cour d'appel de Paris quand ils ont postulé devant l'un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny et Créteil, et auprès de la cour d'appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal de grande instance de Nanterre. "

Aux termes des articles 117 et 119 du code de procédure civile, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice constitue une irrégularité de fond qui entache l'acte de procédure d'une nullité de fond, sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief.

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe de la cour d'appel le 22 avril 2024, M.[F], avocat au barreau de Paris, a régularisé une déclaration d'appel au nom de la société Maison MH-SD.

Par acte reçu par RPVA le 23 avril 2024, Mme [M] [D], avocate au barreau de Versailles, s'est constituée, comme postulante, en lieu et place de maître [F].

L'avis de fixation à bref délai du 6 mai 2024 mentionne Mme[M] [D] comme avocat représentant la société Maison NH-SD.

La cause de nullité ayant disparu, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la déclaration d'appel.

2- Sur l'état de cessation des paiements

Pour s'opposer à son placement en liquidation ou en redressement judiciaires, la société Maison NH-SD soutient qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements. Elle explique qu'elle a cédé le 24 février 2023 son fonds de commerce moyennent le prix de 150 000 euros et que la vente doit apurer sa dette à l'égard de l'URSSAF. Elle précise qu'elle n'a toutefois pas reçu l'intégralité du prix de vente.

Le liquidateur soutient au contraire que la société Maison NH SD est en état de cessation des paiements. Il fait valoir qu'il résulte de l'acte de cession du fonds que la vente est payable en 60 mensualités de 2 500 euros, la première échéance étant fixée le 1er avril 2023 de sorte que l'actif disponible est insuffisant ; que des privilèges sont inscrits au profit des Grands moulins de [Localité 9] pour un montant de 64 601,51 euros et de la société Natiocredimur pour un montant indéterminé ; qu'un arriéré de loyer de 23 000 euros au jour de la cession doit être pris en charge par le cessionnaire.

Il souligne que le passif déclaré à hauteur de 230 571,66 euros excède largement le prix de cession du fonds de commerce.

Il fait observer que Mme [U] [E] est à la fois la représentante légale de la débitrice, cédante, et de la société cessionnaire du fonds de commerce.

Il explique que, selon le compte Carpa tenu pour la débitrice et la cessionnaire, un seul virement de 1 500 euros a été effectué le 26 mars 2024 au titre de la cession par la société Maison NH NH, cessionnaire, au lieu des 2 500 euros prévus à compter du 1er avril 2023.

Il remarque qu'il ressort de ce compte des mouvements injustifiés, en contravention avec des oppositions sur le prix de vente formées par la société Etablissements Becus pour 24789,39 euros ; par la SIE Sèvres pour 8 753 euros ou encore par la société Brouard Services pour 9 785,37 euros.

L'URSSAF expose que la cession a été faite au profit de la même personne physique à la fois représentante de la cédante, la société Maison MH SD et de la cessionnaire, la société NH NH et que sur les 150 000 euros, seuls 9 780 euros ont été versés entre les mains du séquestre.

Elle rappelle que sa créance s'élève à 41 674 euros dont 30 000 euros à titre provisionnel.

Réponse de la cour

L'article L. 631-1, alinéa 1er, du code de commerce prévoit :

" Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. "

La cour d'appel, saisie de l'appel du jugement d'ouverture de la procédure collective, doit apprécier si les conditions de la cessation des paiements sont réunies, non au jour du jugement, mais au jour où elle statue, étant souligné qu'elle n'a pas à prendre en considération le passif rendu exigible par l'effet de l'ouverture de la liquidation judiciaire.

En l'espèce, la société Maison NH -SD produit l'acte de cession de fonds de son commerce conclu le 24 février 2023 avec la société MH - NH dont il résulte que la cession devait s'effectuer moyennant le paiement d'un prix total de 150 000 euros (100 000 euros pour les incorporels et 50 000 euros pour les éléments corporels), payable en 60 mensualités de 2 500 euros chacune, la première échéance étant fixée au 1er avril 2023.

Elle ne justifie pas de la fraction du prix qu'elle a perçue et il n'est pas discuté que le solde du prix de vente séquestré s'élève à 9 780 euros (pièce 2, rapport du liquidateur).

Il ressort de l'état du passif établi au 19 juin 2024 (pièce 1 du liquidateur : liste succincte - situations en cours - créances nées avant le jugement d'ouverture) que le passif déclaré est de

230 571,66 euros dont 64 646,08 euros à titre privilégié, dont il résulte que l'URSSAF a déclaré une créance de 41 674 euros (30 000 euros à titre privilégié et 11 036 euros à titre chirographaire).

L'URSSAF justifie d'une déclaration de créances au titre des cotisations impayées couvrant la période de novembre 2021 à juin 2023 pour un montant total de 11 036 euros à titre chirographaire dont 5 742 euros de part salariale et à titre provisionnel de 30 000 euros.

Selon l'acte de vente, p. 2 et 3 et les pièces versées aux débats par l'URSSAF, la société Grands moulins de [Localité 9] bénéficie d'un privilège inscrit le 1er décembre 2020 pour une créance de 64 601,51 euros et la société Natiocredimurs bénéficie d'un nantissement sur le four de la boulangerie. Il n'est pas démontré que ces inscriptions aient été radiées.

Le seul actif dont il est justifié, à savoir la somme précitée de 9 780 euros, est insuffisante pour régler la créance de l'URSSAF et celles des autres créanciers.

Il se déduit de ces éléments que l'état de cessation des paiements de la société Maison NH SD est caractérisé.

L'appelante, qui n'exploite plus de fonds de commerce, ne présente aucun élément d'appréciation sur son éventuel redressement. La cour relève qu'elle ne sollicite pas à titre subsidiaire son placement en redressement judiciaire.

Il convient dès lors de confirmer le jugement.

3- Sur les demandes accessoires

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de l'URSSAF sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant ;

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais de procédure ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'URSSAF.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT