CA Riom, 1re ch., 3 décembre 2024, n° 22/02408
RIOM
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
NCB (SARL), Mandatum (SELARL), Abeille IARD et Santé (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Valleix
Conseillers :
Mme Bedos, Mme Cirotte
Avocats :
SARL Jouclard & Voute, Me Lacquit, Me Garnier, Me Sliwa-Boismenu
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Courant 2017, M. [R] [F], propriétaire d'un terrain situé [Adresse 3] à [Localité 8] (Puy-de-Dôme), a entrepris la construction d'une maison d'habitation.
Il a confié la réalisation des travaux de zinguerie, étanchéité et bardage bois-zinc à la SARL NCB, suivant devis n°I-1508 émis le 27 mars 2017 pour un montant de 99 960 euros TTC.
Les travaux ont démarré en juin 2017. Les factures de situation émises par la SARL NCB entre juin 2017 et mai 2018 ont été acquittées par M. [F].
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 25 mai 2018, M. [F] s'est plaint auprès de la société NCB de l'inachèvement de certains travaux (pose des barres de bardage, réalisation des habillage des fenêtres, pose des tabliers de porte) et a dénoncé l'existence des désordres suivants, affectant les travaux déjà exécutés :
- acrotères du toit-terrasse arrachés avec la dilatation,
- zinc gondolant à plusieurs endroits, et plaques se chevauchant entre elles,
- plastique à retirer sur les plaques de zinc posées sur toute la façade,
- membrane de l'étage mal posée se soulevant avec le vent et claquant sur le toit,
- appui de la fenêtre en zinc rayé à deux endroits,
- encadrement de cette même fenêtre non terminé,
- absence d'anti-goutte sur la façade, à l'origine de ruissellements.
Dans ce même courrier M. [F] a mis en demeure la SARL NCB d'achever les travaux et de reprendre les désordres constatés.
La SARL NCB a émis le 6 août 2018 une facture n°2018-71 portant la mention « solde maison », pour un montant total de 66'336 euros TTC et un solde restant dû de 3905,36 euros, sur lequel M. [F] a réglé la somme de 3500 euros, retenant la somme de 405,36 euros. Cette facture mentionnait en outre : « Reste garage + bardage bois extérieur maison ».
Le 14 août 2018, M. [F] a fait constater par huissier diverses malfaçons affectant le bardage bois et métal de la maison.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 décembre 2018, le conseil de M. [F] a dénoncé auprès de la SARL NCB les désordres suivants affectant les travaux :
- Découpes du zinc mal réalisées,
- zinc mal positionné par rapport au bardage bois de sorte que l'étanchéité n'est pas assurée,
- baguette du couvre joint mal installé en façade est,
- bardage métallique enfoncé à différents endroits,
- bassoirs présentant des traces de rayures et de peinture,
- flasques inférieures des volets roulants non installées,
- tableaux des ouvertures non rectilignes,
- en façade nord, une plaque de zinc s'est affaissée, l'ensemble des plaques risquant de subir le même sort compte tenu de la mauvaise fixation réalisée,
- membranes d'étanchéité des deux toits de la maison mal positionnées, mal fixées et se décollant.
Par ce même courrier, le conseil de M. [F] a mis en demeure la SARL NCB de reprendre l'intégralité du bardage sous un délai de 15 jours.
La SARL NCB a émis le 13 juin 2019 une facture n° 2019-48 afférente aux travaux de charpente du garage et de bardage en bois à l'extérieur.
M. [F] a obtenu, par ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand le 16 juillet 2019, au contradictoire de la SARL NCB et de son assureur responsabilité décennale, la SA Aviva Assurances, l'organisation d'une mesure d'expertise qui a été confiée à M. [E] [L].
Par actes d'huissier délivrés les 24 juillet et 2 août 2019, M. [F] a fait assigner la SARL NCB et son assureur devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, pour obtenir réparation de son préjudice, réservant le chiffrage de ses réclamations dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
L'expert judiciaire a déposé le 25 octobre 2019 une note n°1 aux termes de laquelle il a préconisé la mise en 'uvre de mesures conservatoires (travaux provisoires), soulignant l'existence d'un risque avéré pour la sécurité des personnes en raison de l'absence de fixation correcte des couvertines sur l'acrotère de la toiture de la maison, outre le risque de pénétration d'eau dans la maison.
Par jugement du 13 février 2020, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL NCB et désigné la Selarl Mandatum en qualité de mandataire judiciaire.
M. [F] a déclaré sa créance auprès de la Selarl Mandatum le 12 mars 2020.
Par acte d'huissier délivré le 17 mars 2020, M. [F] a fait assigner la Selarl Mandatum devant le juge des référés pour obtenir l'extension à cette dernière des opérations d'expertise en cours.
La Selarl Mandatum est intervenue volontairement à la procédure au fond par conclusions du 26 mai 2020.
L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 9 novembre 2020.
Par jugement du 7 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a statué en ces termes :
- Reçoit l'intervention volontaire de la Selarl Mandatum ;
- Déclare l'action intentée par M. [R] [F] recevable ;
Vu les articles 1217 et 1231-1 du code civil :
- Déclare la société NCB, représentée par la Selarl Mandatum ès qualités de mandataire judiciaire, responsable du préjudice subi par M. [R] [F] ;
- Fixe, en conséquence, la créance de M. [R] [F] au passif du redressement judiciaire de la société NCB, de la façon suivante :
- 53 500 euros au titre des travaux de reprise ;
- 341,25 euros au titre du préjudice de jouissance ;
- Condamne M. [R] [F] à payer à la société NCB, représentée par la Selarl Mandatum ès qualités de mandataire judiciaire, la somme de 18 798 euros au titre de la facture n°2019-48 datée du 13 juin 2019 et ce, à titre provisionnel ;
- Ordonne la compensation des condamnations ci-dessus et ce, conformément aux dispositions des articles 1347 et suivants du code civil ;
- Condamne la Selarl Mandatum ès qualités de mandataire judiciaire de la société NCB, à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- Condamne la Selarl Mandatum, ès qualités de mandataire judiciaire de la société NCB, aux
dépens, qui comprendront les frais d'expertise.
M. [R] [F] a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 27 décembre 2022.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 10 juillet 2024.
Vu les conclusions de M. [R] [F] en date du 19 juin 2024 ;
Vu les conclusions de la SARL NCB et de la Selarl Mandatum ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL NCB, en date du 19 juin 2023 ;
Vu les conclusions de la SA Abeille Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances, en date du 28 mars 2023 ;
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il sera rappelé en premier lieu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu'elle n'a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.
- Sur la portée de l'appel :
Il n'est pas relevé appel du chef du jugement ayant reçu l'intervention volontaire de la Selarl Mandatum.
Par ailleurs, les chefs du jugement ayant déclaré recevable l'action intentée par M. [R] [F] et ayant ordonné la compensation des créances ne sont pas critiqués devant la cour et seront en conséquence confirmés.
- Sur les constatations et conclusions de l'expert judiciaire :
L'expert judiciaire a relevé que les travaux réalisés par la société NCB sur la maison étaient affectés des désordres suivants :
- Mauvaise fixation des couvertines, qui endommage la membrane de couverture,
- Absence en tête de bacs d'une bande de clouage dans la pince pour assurer une bonne fixation des bacs,
- Absence de ventilation derrière les panneaux zinc (condensation avec corrosion par piqûres),
- Fixations et finitions inacceptables (visserie apparente, liaison d'angle non finie, absence de fixation de certains panneaux'),
- Membrane réalisée avec plusieurs raccords,
- Mauvais percement du lambris.
L'expert indique que l'ensemble des désordres constatés, et plus particulièrement la pose des panneaux zinc et le percement de la membrane, rendent l'ouvrage impropre à sa destination, précisant que les désordres ne concernent que les travaux réalisés par l'entreprise NCB, qui porte à elle seule l'entière responsabilité des malfaçons constatées. L'expert souligne qu'il est évident que l'entreprise NCB ne maîtrisait pas les règles de l'art relatives à ce type de travaux complexes.
Il préconise les travaux de reprise suivants :
- Dépose complète des panneaux zinc qui devront être remplacés, la reprise partielle de la finition « joints debout » étant impossible sans endommager les joints,
- Reprise du voligeage pour création de la ventilation,
- Remplacement de la membrane d'étanchéité sur la toiture supérieure, avec conservation de la membrane sur la partie terrasse revêtue de lames de bois,
- Remplacement de toutes les couvertines, y compris sur la partie terrasse,
- Remplacement des lames de lambris percées.
S'agissant plus particulièrement des travaux correspondant à la facture n° 2019-48 d'un montant de 18'798 euros TTC, émise le 18 juin 2019 par la société NCB, l'expert expose les éléments suivants en page 23 du rapport, en réponse à un dire du conseil de M. [F] :
- Concernant la charpente :
La charpente du garage réalisée par la société NCB a bien été mise en place conformément à la facture n° 2019-48 du 18 juin 2019 et ne présente aucun désordre.
- Concernant le bardage bois :
Le bardage bois, réalisé également par NCB, (facture n° 2019-48 du 18 juin 2019) présente plusieurs désordres :
- Absence d'une partie du profilé faisant office de goutte d'eau (l'eau ruisselle sur le bardage,
- présence de taches,
- les trous pour mise en place de l'éclairage dans le bardage n'ont pas été percés à la bonne hauteur.
L'expert relève que ces travaux ont été commandés et réalisés sans devis, et sans accord sur leur prix, et considère que les désordres constatés justifient l'application d'une moins-value de 3500 euros sur la facture de 18'798 euros TTC relative aux travaux supplémentaires, qui n'a pas été réglée par M. [F].
Il estime en définitive le montant total des travaux à 53'500 euros TTC (soit 44'000 euros pour la reprise du bardage zinc et le remplacement des couvertines, 6000 euros pour le remplacement de la membrane d'étanchéité et 3500 euros pour le remplacement des lames de lambris percées), soulignant que M. [F] devra subir l'intervention d'entreprises pour la reprise des travaux, d'une durée de six à sept semaines, « avec tout ce que cela implique, bruit poussière, présence d'un échafaudage' ».
Il retient l'existence d'une réception tacite de l'ouvrage s'agissant des travaux ressortant de la facture n°2018-71 émise par la société NCB pour un montant total de 66'336 euros TTC.
- Sur l'applicabilité de la garantie décennale :
- Sur l'existence d'une réception des travaux :
Aux termes de l'article 1792-6, alinéa 1 du code civil, « la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement ».
La réception, indépendante de l'achèvement de l'ouvrage, peut intervenir avec des réserves. Par ailleurs, si le texte envisage la réception comme ressortant d'un acte unique, il est constant que les parties peuvent déroger expressément ou tacitement à ce principe d'unicité et que la réception partielle n'est pas exclue pour des travaux réalisés en plusieurs tranches, ce même en présence d'un seul marché.
La réception peut être tacite si la volonté non équivoque du maître d'ouvrage d'accepter l'ouvrage est établie. La prise de possession des lieux par le maître d'ouvrage et le paiement du prix des travaux ou de la quasi-totalité de ce prix font présumer l'existence d'une réception tacite, de sorte que, lorsque ces deux circonstances sont réunies, il n'est pas nécessaire de démontrer la volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir l'ouvrage. Cette présomption est une présomption simple, qui peut être combattue.
En l'espèce, il est établi que M. [F] a réglé sans difficulté toutes les factures de situation émises par la SARL NCB entre juin 2017 et mai 2018. Il a dénoncé l'inachèvement des travaux par un courrier du 25 mai 2018, aux termes duquel il a également fait état de certains désordres affectant les travaux déjà exécutés.
La SARL NCB a émis le 6 août 2018 une facture portant la mention « solde maison », pour un montant total de 66'336 euros TTC et un solde restant dû de 3905,36 euros, sur laquelle M. [F] a réglé la somme de 3500 euros, retenant la somme de 405,36 euros.
Cette facture mentionnait: « Reste garage + bardage bois extérieur maison ». M. [F] a ainsi réglé presque intégralement le prix réclamé par la société NCB au titre des travaux exécutés ressortant de cette facture.
Il est par ailleurs établi par plusieurs attestations concordantes que M. [F] a emménagé dans la maison le 7 août 2018, étant précisé qu'il est produit devant la cour des témoignages supplémentaires, plus précis que ceux qui avaient été versés aux débats devant le premier juge.
Pour contester l'existence d'une réception, la compagnie Abeille Iard & Santé fait valoir en premier lieu que les travaux exécutés sur la maison et le garage relèvent d'un chantier unique et que, dans la mesure où la dernière facture émise par la société NCB n'a pas été payée par M. [F], celui-ci ne peut se prévaloir d'une réception tacite.
Il ressort cependant des pièces communiquées, du rapport d'expertise et des écritures tant de M. [F] que de la SARL NCB et de la Selarl Manadatum, ès qualités, d'une part que les travaux concernant le garage et le bardage bois extérieur n'avaient pas été envisagés dans le cadre du devis initial émis par la société NCB, d'autre part que les travaux commandés par M. [F], en vertu du devis initial et, s'agissant des travaux supplémentaires, en vertu d'un accord verbal dont l'existence n'est plus discutée devant la cour, ont été exécutés en deux tranches, enfin que l'entreprise et le maître d'ouvrage ont entendu solder la première tranche de travaux sur la base de la facture émise le 6 août 2018.
M. [F] ayant payé la quasi-totalité du prix réclamé au titre du devis initial et ayant pris possession de l'ouvrage, peut ainsi se prévaloir de la présomption de réception tacite de l'ouvrage et il appartient à la compagnie Abeille Iard & Santé, qui prétend que le maître d'ouvrage n'a pas entendu recevoir les travaux, de combattre cette présomption.
La compagnie Abeille Iard & Santé, pour détruire les effets de la présomption de réception tacite, prétend que la volonté de M. [F] de recevoir les travaux était équivoque, dans la mesure où celui-ci, par courrier recommandé du 25 mai 2018, avait dénoncé diverses non-façons et malfaçons affectant les travaux et qu'il n'est pas établi que l'entreprise soit intervenue à nouveau après cette date sur le chantier.
M. [F] expose sur ce point que, postérieurement au courrier du 25 mai 2018, la SARL NCB est intervenue pour achever les travaux et pour reprendre les désordres évoqués dans ce courrier, ce que ne conteste pas cette dernière. L'expert judiciaire indique quant à lui en page 14 de son rapport, que « la membrane a été reprise à plusieurs endroits par l'entreprise NCB ». Il apparaît en outre que les désordres constatés par l'expert judiciaire correspondent à des malfaçons qui n'étaient pas identifiées en tant que telles dans le courrier adressé le 25 mai 2018 à la SARL NCB. Par ailleurs, ainsi que le souligne M. [F], il était également reproché à la SARL NCB aux termes de ce courrier de n'avoir pas achevé les travaux. Or, il n'est pas discuté que les travaux ont bien été terminés ensuite par cette dernière, ce qui ressort en outre du rapport d'expertise, qui n'a pas relevé que les travaux étaient partiellement inexécutés.
Ces éléments permettent de confirmer que la SARL NCB est bien revenue sur le chantier suite aux doléances de M. [F], d'une part pour reprendre les défauts signalés, d'autre part pour finir les travaux.
Il résulte de ces explications que l'argumentation développée par la compagnie Abeille Iard & Santé ne suffit pas à combattre la présomption de réception tacite résultant du paiement par le maître d'ouvrage de la quasi-totalité du prix réclamé au titre du devis initial et de la prise de possession de l'ouvrage par ce dernier. La réception tacite de l'ouvrage est intervenue à la date du dernier de ces événements, soit le 7 août 2018.
- Sur les désordres relevant de la responsabilité décennale de la société NCB et de la garantie de la compagnie Abeille Iard & Santé :
Il ressort des développements précédents que la réception tacite concerne les travaux résultant de la facture émise le 6 août 2018. M. [F] est ainsi fondé à rechercher la responsabilité décennale de la société NCB pour ces travaux et à invoquer à ce titre la garantie de la compagnie Abeille Iard & Santé, pour les désordres de nature décennale.
Il ressort clairement des conclusions expertales que les désordres constatés rendent d'ores et déjà l'ouvrage impropre à sa destination, en ce qu'ils affectent l'étanchéité du bâtiment, puisque l'expert indique que « le percement des couvertines a nécessairement percé la membrane en retour sur les murs ce qui permet à l'eau de pluie de pénétrer dans les murs ». L'expert a également relevé, lors de la première réunion d'expertise, que la mauvaise fixation des couvertines entraînait un risque pour la sécurité des personnes et a préconisé à ce moment-là la mise en 'uvre de mesures conservatoires par la réalisation de travaux provisoires.
Par ailleurs, la compagnie Abeille Iard & Santé ne peut valablement se prévaloir de l'existence de réserves émises lors de la réception des travaux ou du caractère apparent des désordres au jour de celle-ci alors que les malfaçons affectant l'ouvrage et menaçant notamment l'étanchéité de la maison, mais encore la sécurité des personnes, ne se sont révélées dans toute leur ampleur et leurs conséquences qu'à la suite de la première réunion organisée par l'expert judiciaire en octobre 2019.
La responsabilité décennale de la société NCB doit ainsi être retenue de sorte que M. [F] est fondé à obtenir la garantie de la compagnie Abeille Iard & Santé, assureur décennal de l'entreprise. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées par M. [F] à ce titre.
S'agissant des travaux ressortant de la facture émise le 13 juin 2019, concernant la charpente du garage et le bardage en bois extérieur, M. [F] ne peut en revanche agir que sur le fondement de la responsabilité contractuelle, alors que ces travaux n'ont pas été réceptionnés.
- Sur la réparation des préjudices au titre de la responsabilité décennale :
- Sur le préjudice au titre du coût des travaux de reprise :
L'expert, après examen de plusieurs devis, évalue le montant total des travaux de reprise à 50'000 euros TTC, soit 44'000 euros pour la reprise du bardage zinc et le remplacement des couvertines et 6000 euros pour le remplacement de la membrane d'étanchéité).
Ces sommes seront retenues au titre du coût des travaux de reprise, étant précisé que l'indexation par application de l'indice INSEE BT 34 réclamée par M. [F] ne pourra concerner que les travaux relatifs au bardage zinc et au remplacement des couvertines, cet indice étant inapplicable aux travaux concernant la membrane d'étanchéité. Il sera rappelé en outre que les effets de l'indexation assortissant la créance au titre du coût de reprise du bardage zinc et du remplacement des couvertines ne peuvent s'appliquer que dans la limite de la créance déclarée.
Il n'y a pas lieu en revanche de retenir, sur le terrain de la garantie décennale, le coût des travaux de reprise des lames de lambris percées, correspondant à des travaux facturés le 13 juin 2019, et non réceptionnés.
- Sur le coût des travaux conservatoires :
Il ressort du rapport d'expertise que des travaux conservatoires étaient indispensables pour assurer la sécurité des personnes. Le coût de ces travaux a été pris en charge par M. [F] pour un montant de 1380 euros TTC ainsi que cela résulte de sa pièce n ° 33. Cette dépense, qui correspond à un préjudice indemnisable, sera retenue.
- Sur le préjudice de jouissance :
Il ressort du rapport d'expertise que les travaux nécessaires à la reprise des désordres occasionneront diverses nuisances, à l'origine d'un préjudice de jouissance qui sera justement indemnisé, eu égard à la valeur locative de la maison et à la durée des travaux (six à sept semaines) par l'allocation de la somme réclamée, soit 1708 euros.
- Sur la prise en charge de la réparation des préjudices relevant de la responsabilité décennale :
La compagnie Abeille Iard & Santé dénie sa garantie au titre du préjudice de jouissance, soulignant que ce préjudice, qui s'analyse comme une simple gêne dans l'occupation de l'habitation, « n'est en rien un préjudice financier ».
Il sera rappelé en premier lieu que tous les dommages, matériels et immatériels, consécutifs aux désordres de l'ouvrage, doivent être réparés par le constructeur tenu à garantie en application de l'article 1792 du code civil.
Par ailleurs, il résulte du contrat conclu entre la SARL NCB et la compagnie Aviva Assurances, devenue Abeille Iard & Santé, que la société NCB a souscrit, au titre de la responsabilité civile décennale, la garantie des dommages immatériels consécutifs.
La compagnie Abeille Iard & Santé ne produit aucun document restreignant l'application de cette garantie aux seuls préjudices financiers de sorte qu'elle doit être tenue à garantir le préjudice de jouissance subi par M. [F], sous déduction de la franchise contractuelle, opposable aux tiers s'agissant d'une garantie facultative.
La compagnie Abeille Iard & Santé demande également à la cour, dans le dispositif de ses écritures, de juger que « les condamnations au titre du préjudice matériel ne sauraient excéder la somme de 6000 euros ». Toutefois, ainsi que le relèvent la société NCB et la Selarl Mandatum, la police souscrite prévoit que le montant de la garantie au titre de la responsabilité décennale obligatoire correspond au montant du coût des travaux de réparation des dommages à l'ouvrage, la limite de 6000 euros concernant uniquement le montant de la franchise applicable à l'assuré.
M. [F] réclame dans le dispositif de ses écritures la condamnation in solidum de la SARL NCB et de la compagnie Abeille Iard & Santé à lui payer les sommes allouées en réparation de ses préjudices.
Toutefois, si la SARL NCB et la compagnie Abeille Iard & Santé sont tenues in solidum à la réparation des préjudices subis par M. [F], la première ne peut être condamnée à paiement compte tenu de la procédure collective en cours.
Il s'ensuit que les sommes correspondant à la réparation des préjudices doivent être fixées en tant que créances au passif de la procédure collective de la société NCB, sous la garantie de la compagnie Abeille Iard & Santé, et qu'une condamnation ne pourra être prononcée qu'à l'encontre de cette dernière.
Il sera jugé enfin, conformément la demande la compagnie Abeille Iard & Santé, qui n'est pas contestée par la SARL NCB et la Selarl Manadatum, ès qualités, que la somme correspondant au montant de la franchise contractuelle applicable à la réparation du préjudice matériel, opposable à la SARL NCB, soit 20 %, dans la limite de 6000 euros, sera fixée au passif de la procédure collective de cette dernière.
- Sur la demande reconventionnelle en paiement présentée par la SARL NCB :
Il n'est pas discuté que M. [F] ne s'est pas acquitté de la facture n° 2019-48 émise le 13 juin 2019 par la SARL NCB, concernant les travaux de charpente du garage et de bardage en bois à l'extérieur de la maison.
M. [F] doit en conséquence être condamné au paiement de cette somme. Le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur la demande indemnitaire présentée par M. [F] au titre des désordres affectant le bardage en bois :
Il ressort des constatations de l'expert judiciaire que les travaux du bardage en bois sont affectés des désordres suivants :
- Absence d'une partie du profilé faisant office de goutte d'eau (l'eau ruisselle sur le bardage) ;
- présence de taches ;
- les trous pour mise en place de l'éclairage dans le bardage n'ont pas été percés à la bonne hauteur.
Ces désordres ne relèvent pas de la responsabilité décennale de l'entreprise, alors que les travaux n'ont pas été réceptionnés, mais de sa responsabilité contractuelle.
En l'espèce, la mauvaise exécution des travaux du bardage en bois est mise en exergue par le rapport d'expertise, étant précisé que l'expert a considéré que ces désordres justifiaient l'application d'une moins-value de 3500 euros sur la facture afférente à ces travaux, tout en intégrant une somme de 3500 euros à l'estimation du coût global des travaux de reprise de l'ensemble des désordres, au titre du seul coût du remplacement des lames de lambris percées.
Après avoir présenté en première instance une demande de réfaction du prix réclamé au titre de la facturation des travaux, qui a justement été rejetée par le premier juge, en l'absence de fondement juridique permettant d'accueillir cette prétention, M. [F] sollicite devant la cour l'allocation de la somme de 3500 euros en réparation du préjudice résultant des malfaçons constatées sur le bardage.
La mauvaise exécution des travaux par la SARL NCB étant caractérisée, la demande indemnitaire présentée par M. [F] à ce titre sera accueillie, en l'absence de contestation du montant retenu par l'expert au titre du remplacement des lames de lambris percées.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La SARL NCB et la compagnie Abeille Iard & Santé supporteront in solidum les dépens de première instance et la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure devant le premier juge, dont le montant sera confirmé à 3000 euros.
La SA Abeille Iard & Santé sera condamnée à ce titre. La créance de dépens et la créance au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront par ailleurs fixées au passif de la procédure collective de la SARL NCB.
La SARL NCB et la SA Abeille Iard & Santé supporteront in solidum les dépens d'appel. Il sera alloué à M. [F] une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure devant la cour.
La SA Abeille Iard & Santé sera condamnée à ce titre. La créance de dépens et la créance au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront par ailleurs fixées au passif de la procédure collective de la SARL NCB.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- Déclaré l'action intentée par M. [R] [F] recevable ;
- Condamné M. [R] [F] à payer à la SARL NCB la somme de 18 798 euros au titre de la facture n°2019-48 datée du 13 juin 2019 ;
- Ordonné la compensation des créances réciproques de la SARLNCB et de M. [R] [F] ;
- Alloué à M. [R] [F] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Infirme le jugement pour le surplus des points soumis à la cour,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et ajoutant au jugement,
- Dit qu'une réception tacite est intervenue pour les travaux exécutés par la SARL NCB correspondant à la facture° 2018-71 en date du 6 août 2018 ;
- Fixe au 7 août 2018 la date de la réception tacite des travaux exécutés par la SARL NCB correspondant à la facture° 2018-71 en date du 6 août 2018 ;
- Dit que la responsabilité décennale de la SARL NCB est engagée envers M. [R] [F] au titre des travaux exécutés par la SARL NCB correspondant à la facture° 2018-71 en date du 6 août 2018 ;
- Alloue à M. [R] [F] les sommes suivantes en réparation de ses préjudices résultant de la responsabilité décennale de la SARL NCB :
- 44'000 euros au titre du coût de reprise du bardage zinc et du remplacement des couvertines, cette somme étant indexée en fonction de l'évolution de l'indice BT 34 du coût de la construction entre la date du rapport d'expertise judiciaire, soit le 9 novembre 2020 ( dernier indice connu à cette date), et le jour de la présente décision devenue définitive ;
- 6000 euros au titre du coût du remplacement de la membrane d'étanchéité ;
- 1380 euros au titre du coût des travaux conservatoires ;
- 1708 euros au titre du préjudice de jouissance de M. [R] [F] ;
En conséquence,
- Fixe au passif de la procédure collective de la SARL NCB, sous la garantie de la SA Abeille Iard & Santé, les créances de M. [R] [F] au titre de la réparation de ses préjudices de la façon suivante :
- 44'000 euros au titre du coût de reprise du bardage zinc et du remplacement des couvertines, cette somme étant indexée en fonction de l'évolution de l'indice BT 34 du coût de la construction entre la date du rapport d'expertise judiciaire, soit le 9 novembre 2020 ( dernier indice connu à cette date), et le jour de la présente décision devenue définitive ;
- 6000 euros au titre du coût du remplacement de la membrane d'étanchéité ;
- 1380 euros au titre du coût des travaux conservatoires ;
- 1708 euros au titre du préjudice de jouissance de M. [F] ;
- Rappelle que les effets de l'indexation assortissant la créance au titre du coût de reprise du bardage zinc et du remplacement des couvertines ne peuvent s'appliquer que dans la limite de la créance déclarée ;
- Condamne la SA Abeille Iard & Santé à payer à M. [R] [F], au titre de la réparation des préjudices résultant de la responsabilité décennale de la SARL NCB, les sommes suivantes :
- 44'000 euros au titre du coût de reprise du bardage zinc et du remplacement des couvertines, cette somme étant indexée en fonction de l'évolution de l'indice BT 34 du coût de la construction entre la date du rapport d'expertise judiciaire, soit le 9 novembre 2020 ( dernier indice connu à cette date), et le jour de la présente décision devenue définitive ;
- 6000 euros au titre du coût du remplacement de la membrane d'étanchéité ;
- 1380 euros au titre du coût des travaux conservatoires ;
- 1708 euros au titre du préjudice de jouissance de M. [R] [F], sous déduction de la franchise contractuelle opposable aux tiers ;
- Fixe au passif de la procédure collective de la SARL NCB la créance de la SA Abeille Iard & Santé résultant de la franchise contractuelle applicable à la société assurée au titre des préjudices matériels M. [R] [F] qui sont indemnisés par l'assureur, soit 20 %, dans la limite de 6000 euros ;
- Dit que la responsabilité contractuelle de la SARL NCB est engagée envers M. [R] [F] au titre des travaux correspondant à la facture n° 2019-48 en date du 13 juin 2019 ;
- Fixe au passif de la SARL NCB la créance de 3500 euros de M. [R] [F] au titre de la réparation du préjudice résultant des malfaçons affectant les travaux concernant le bardage bois ;
- Dit que la SARL NCB, sous la garantie de la SA Abeille Iard & Santé, et la SA Abeille Iard & Santé supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel ;
En conséquence,
- Condamne la SA Abeille Iard & Santé aux dépens de première instance ;
- Condamne la SA Abeille Iard & Santé à payer à M.[R] [F] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure devant le tribunal ;
- Fixe au passif de la procédure collective de la SARL NCB la créance de dépens de première instance et la créance de M. [R] [F] correspondant à la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, soit 3000 euros ;
- Condamne la SA Abeille Iard & Santé aux dépens d'appel;
- Condamne la SA Abeille Iard & Santé à payer à M. [R] [F] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure devant la cour ;
- Fixe au passif de la procédure collective de la SARL NCB la créance au titre des dépens d'appel et la créance de M. [R] [F] correspondant à la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure devant la cour soit la somme de 3000 euros.