CA Riom, 1re ch., 19 novembre 2024, n° 22/01953
RIOM
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
MMA IARD (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Valleix
Conseillers :
Mme Bedos, Mme Cirotte
Avocats :
Me Lacquit, Me Peycelon, Me Gicquere, Me Pays, Me Bonnet-Marquis
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique conclu le 26 mai 2014, Mme [H] [K] a acheté à M. [F] [S]et Mme [Z] [S] une maison d'habitation cadastrée section BM numéro [Cadastre 6], située [Adresse 11] au lieu-dit [Localité 9] sur le territoire de la commune de [Localité 10] (Haute-Loire). Cette propriété jouxte une parcelle voisine cadastrée section BM numéro [Cadastre 5], appartenant à Mme [L] [P] et M. [E] [G] et également bâtie d'une maison d'habitation.
A la suite d'un différend entre les époux [S] et les consorts [C], un mur de soutènement avait été édifié à frais partagés par M. [F] [S] entre les deux propriétés entre mars et mai 2014. Le 5 juin 2018, suite à un violent orage, ce mur s'est effondré sur pratiquement toute sa longueur dans la propriété de Mme [K], celle-ci ayant dès lors effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur.
Suite à une expertise d'assurance réalisée amiablement et faute d'accord entre les parties, Mme [K] a saisi le 5 novembre 2018 le Président du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay qui, suivant une ordonnance de référé rendue le 24 décembre 2018, a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [A] [Y], architecte expert près la cour d'appel de Riom. Après avoir réalisé sa mission, l'expert judiciaire commis a établi son rapport le 12 juillet 2019.
En lecture de ce rapport d'expertise judiciaire, Mme [K] a assigné les 6 et 9 mars 2020 les consorts [C], les époux [S] et la SA MMA IARD, assureur des consorts [M], afin d'obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes au titre de la réfection du mur et en réparation de divers préjudices, devant le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay qui, suivant un jugement n° RG-20/00272 rendu le 6 septembre 2022, a :
- rejeté l'intégralité des demandes formées par Mme [K] à l'encontre des consorts [C] et de la SA MMA IARD ;
- déclaré les époux [S] responsables à concurrence de 95 % de l'ensemble des préjudices subis par Mme [K] du fait de l'effondrement du mur mitoyen entre les deux propriétés ;
- déclaré Mme [K] responsable à concurrence de 5 % de ses propres préjudices subis du fait de l'effondrement du mur mitoyen entre les deux propriétés ;
- condamné in solidum les époux [S] à payer à Mme [K] les sommes de :
* 42.886,83 € au titre de la réparation du mur avec indexation sur la base de l'indice de construction applicable en juillet 2019 ;
* 2.042,50 € au titre du préjudice de jouissance ;
* 950,00 € au titre du préjudice moral ;
- rejeté le surplus des demandes indemnitaires ;
- condamné in solidum les époux [S] à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
* une indemnité de 2.500,00 € à Mme [K] ;
* une indemnité de 2.500,00 € aux consorts [C] ;
- condamné in solidum les époux [S] aux dépens de l'instance qui comprendront les frais d'expertise judiciaire et qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;
- condamné M. [F] [S] à relever et garantir Mme [Z] [S] de toutes condamnations prononcées à son encontre, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- autorisé l'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Bonnet-Eymard-Navarro-Teyssier, avocats associés au barreau du Puy-en-Velay ;
- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire assortissant de plein droit la présente décision.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 5 octobre 2022, le conseil de Mme [H] [K] a interjeté appel du jugement susmentionné. L'effet dévolutif de cet appel y est ainsi libellé :
« Objet/Portée de l'appel : Le présent appel tend à obtenir la nullité, l'infirmation ou à tout le moins la réformation de la décision susvisée, dont les chefs du jugement sont expressément critiqués en ce qu'elle a : - rejeté l'intégralité des demandes de Mme [K] à l'encontre de M. [G], Mme [P] et des MMA, et les a mis hors de cause, - déclaré Mme [K] responsable de ses préjudices à hauteur de 5%, - limité l'indemnisation de Mme [K] au titre de ses préjudices à hauteur de 42.886,83 € au titre de la réparation du mur alors qu'elle sollicitait une somme de 56.369,09 €, 2.042,50 € au titre de son préjudice de jouissance alors qu'elle sollicitait une somme de 12.900 € arrêtée au 05/01/2022, 950 € au titre de son préjudice moral alors qu'elle sollicitait une somme de caprices Mme [K] de sa demande de condamnation à hauteur de 4.774,90 € pour la réfection des aménagements du terrain avec indexation. L'appel porte également sur les demandes sur lesquelles il n'a pas été statué et plus généralement toutes dispositions faisant grief à l'appelante. (...) ».
' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 3 juillet 2024, Mme [H] [K] a demandé de :
- au visa des articles 1231-1, 1240, 1792 et 1792-1 du Code civil ainsi que de l'article 514 du code de procédure civile ;
- réformer le jugement du 6 septembre 2022 du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a retenu la responsabilité des époux [S] sur le fondement de l'article 1792 du Code civil pour réparer l'intégralité de ses préjudices, et statuer à nouveau ;
- à titre principal, condamner les époux [S] et les consorts [C] en leur qualité respective de constructeur à réparer l'intégralité des préjudices subis par Mme [K] au visa des articles 1792 et suivants du Code Civil ;
- à titre subsidiaire, condamner les époux [S] à réparer l'entier préjudice de Mme [K] au titre de la responsabilité contractuelle au visa de l'article 1231-1 du Code civil ou à défaut au titre de la responsabilité délictuelle au visa de l'article 1240 du Code civil ;
- en tout état de cause ;
- condamner les époux [S] et les consorts [C] à réparer l'entier préjudice de Mme [K] au titre de leurs responsabilités respectives dans la chute du mur ;
- condamner in solidum les époux [S] et les consorts [C] ainsi que la société MMA à payer donc à Mme [K] le coût de la reconstruction du mur et à réparer les conséquences de la chute de cet ouvrage ;
- condamner la société MMA, celle-ci ayant reconnu sa garantie à l'égard des consorts [C] ;
- retenir les devis versés aux débats par Mme [K] ;
- condamner in solidum les époux [S], les consorts [C] et la société MMA à payer à Mme [K] :
* la somme totale de 56.369,09 € TTC au titre des travaux de réparation du mur, avec indexation sur la base de l'indice de construction applicable en juillet 2019 ;
* la somme de 4.774,90 € TTC au titre de la réfection des aménagements du terrain avec indexation sur la base de l'indice de construction applicable en juillet 2019 ;
* la somme de 18.900,00 €, suivant arrêté de compte au 5 septembre 2024 et sauf à parfaire ultérieurement, à titre de préjudice de jouissance ;
* la somme de 6.000,00 € à titre de préjudice moral et de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
* une indemnité de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les époux [S], les consorts [C] et la société MMA aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.
' Par dernières conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par le RPVA le 20 février 2023, M. [F] [S] a demandé de :
- au visa des articles 1792, 1240 et 1231-1 du Code civil ;
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la responsabilité des consorts [C] ;
- ordonner un partage de responsabilités entre M. [S], M. [G], Mme [P] et Mme [K] ;
- débouter Mme [K] de ses demandes de dommages intérêts en allégation de préjudice de jouissance, de préjudice moral et de résistance abusive ;
- débouter Mme [K] de sa demande de défraiement formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
' Par dernières conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par le RPVA le 22 août 2024, Mme [Z] [S] a demandé de :
- réformer le jugement dont appel et statuer à nouveau ;
- à titre principal, au visa des articles 1792 et suivants du Code civil, débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, après avoir jugé que les consorts [C] ont la qualité de constructeur du mur et ont mis en place un drainage inadapté constituant une cause d'aggravation des désordres, que Mme [K] a la qualité de maitre d''uvre et de maitre de l'ouvrage à l'occasion des travaux de construction du mur et a accepté les risques liés aux conditions de construction du mur; que cette acception est en lien direct avec les dommages et qu'il existe une cause d'exonération de la responsabilité recherchée ;
- à titre subsidiaire, au visa des articles 1240 et suivants du Code civil, prononcer un partage de responsabilité entre M. [S], les consorts [C] et Mme [K], après avoir jugé que les consorts [C] ont la qualité de constructeur du mur et ont contribué à la réalisation du sinistre en faisant un apport de terre sur la partie supérieure du mur postérieurement à sa construction et en réalisant un drain défaillant à l'arrière du mur,que Mme [K] a contribué à la réalisation du sinistre en rebouchant les barbacanes situées en partie basse du mur à l'occasion des travaux de réalisation d'un enduit et qu'aucune part de responsabilité n'incombe à Mme [S] ;
- [en tout état de cause] ;
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. [S] à relever et garantir Mme [S]de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens;
- condamner les consorts[C] à relever et garantir Mme [S] de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens;
- en ce qui concerne les travaux de réparation du mur, fixer le montant des travaux indemnisables àlasommede32.349,88 € et débouter Mme [K] du surplus de ses demandes à ce titre ;
- en ce qui concerne les aménagements extérieurs, débouter Mme [K] de sa demande, celle-ci ayant d'ores et déjà été indemnisée par la l'assureur des consorts [C] ;
- en ce qui concerne le préjudice de jouissance et de résistance abusive, rejeter ce chef de demande de Mme [K] ;
- condamner Mme [K] ou toute partie succombante à payer à Mme [S] une indemnité de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [K] ou toute partie succombante aux dépens de première instance et d'appel ;
' Par dernières conclusions d'intimé notifiées par le RPVA le 30 août 2024, M. [E] [G] et Mme [L] [P] ont demandé de :
- au visa des articles 1240 et suivants et 1792 et suivants du Code civil ainsi que des articles 514 et suivants du code de procédure civile ;
- à titre principal ;
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Mme [K] de ses demandes formées à l'encontre des consorts [C] sur le fondement à la fois de l'article 1792 du Code civil et de l'article 1240 du Code civil, après avoir jugé que ces derniers ne pouvaient être assimilés à des constructeurs au sens de l'article 1792-1 du Code civil et qu'ils n'ont eu aucun comportement fautif susceptible d'engager leur responsabilité délictuelle ;
- débouter Mme [K] du surplus de ses demandes ;
- à titre subsidiaire ;
- au cas où la responsabilité des consorts [C] serait engagée à l'égard de Mme [K], prononcer un partage de responsabilité entre les consorts [C], les époux [S] et Mme [K], juger que la part de responsabilité des consorts [C] ne saurait excéder 20 % ;
- juger que Mme [S] est également responsable des désordres survenus et doit concourir à l'indemnisation des préjudices subis à la même hauteur de responsabilité que son époux ;
- juger également que Mme [K] a concouru à la réalisation de son préjudice et confirmer le jugement rendu sur ce point ;
- débouter en conséquence Mme [K] de sa demande de condamnation solidaire entre les consorts [C] et les époux [S] ;
- juger que le partage de responsabilité tel que retenu devra s'appliquer sur les indemnisations au titre des préjudices subis par Mme [K] ;
- au titre des travaux de réparation du mur, infirmer le jugement en ce qu'il a retenu le montant de 45.114,03 € TTC et, statuant à nouveau, fixer le montant des travaux indemnisables à la somme de 30.364,08 € HT et débouter Mme [K] du surplus de ses demandes à ce titre ;
- au titre des aménagements extérieurs, confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande, après avoir jugé qu'elle a d'ores et déjà été indemnisée à ce titre par la société d'assurances MMA ;
- au titre du préjudice de jouissance juger qu'il y a lieu de réduire ce poste de préjudice à de plus justes proportions ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le préjudice moral et, statuant à nouveau, débouter Mme [K] de sa demande formée à ce titre ;
- statuer ce que de droit sur la garantie de la société MMA, assureur des consorts [C]
- juger qu'il y a lieu à application du partage de responsabilité retenu pour la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, après avoir ramené ce dernier à de plus justes proportions ;
- en tout état de cause ;
- condamner Mme [K] ou toute partie succombante à payer aux consorts [C] une indemnité de 3.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner toute partie succombant aux entiers dépens de l'instance, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Bonnet-Eymard-Navarro-Teyssier, avocats associés au barreau du Puy-en-Velay.
' La SA MMA IARD et la SA MMA IARD ASSURANCES n'ont pas constitué avocat et étaient donc non-comparantes. La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant leur a été signifiées à chacune à personne habilitée respectivement le 30 novembre 2022 et le 6 janvier 2023. Par application des dispositions de l'article 474 alinéa 1er du code de procédure civile, la présente décision sera en conséquence rendue de manière réputée contradictoire à l'égard de l'ensemble des parties.
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l'appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.
Après évocation de cette affaire et clôture des débats lors de l'audience civile collégiale du 23 septembre 2024 à 14h00, au cours de laquelle chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés, la décision suivante a été mise en délibéré au 12 novembre 2024, prorogée au 19 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'examen du rapport d'expertise judiciaire du 12 juillet 2019 de M. [A] [Y] amène notamment à constater et à retenir que :
' le mur mitoyen litigieux construit à frais communs entre mars et mai 2014, soit juste avant la vente par les époux [S] de leur parcelle bâtie à Mme [K] le 26 mai 2014, est situé en limite de propriété des parcelles [S] et [Localité 7], la construction de cet ouvrage de délimitation ayant également eu pour objet de permettre aux époux [S] de décaisser leur terrain en niveau inférieur et aux consorts [C] d'aplanir et remblayer le leur en niveau supérieur ;
' cet ouvrage en béton armé apparemment dosé à 350 kg, d'une hauteur allant de 1,70 m à 2,40 m et d'une épaisseur de 20 cm, a été conçu et construit par M. [S], maçon de formation, avec en outre choix des matériaux par ce dernier, sur trois segments d'une longueur respective de 12,40 m, de 2,60 mm et de 10 m ;
' ce mur s'est complètement renversé dans la propriété de Mme [K] le 5 juin 2018, n'occasionnant que des dégâts matériels sous le double effet de la poussée des terres provenant du fonds [C] (terrain supérieur) et d'une accumulation d'eau résultant d'un précédent épisode orageux ;
' la construction du mur ne s'est pas faite conformément aux règles de l'art du fait d'un mauvais façonnage, d'une insuffisance évidente de ferraillage et d'un défaut de positionnement des armatures en fonction de la hauteur à soutenir, la quantité de celles-ci n'ayant pas été multipliée par 7 ou 8 ainsi que cela aurait été nécessaire ;
' l'effondrement est dû selon toute vraisemblance à une désolidarisation de la fondation du mur par rapport à sa base, avec des facteurs aggravants ayant pu précipiter le sinistre du fait de la mise en 'uvre d'un drain agricole en amont sur le terrain des consorts [C] au lieu d'un drain dans le bâtiment et de l'absence quasi-totale de barbacanes d'évacuation d'eau ;
' ce mur doit dès lors être reconstruit à l'identique avec un délai de chantier estimé à deux mois, outre la réfection des aménagements paysagers du terrain après enlèvement des déblais de l'ancien mur ;
' après étude d'un devis d'entreprise et un certain nombre de corrections sur ce document, le coût total de réfection peut être estimé à la somme de 41.040,03 € HT, outre TVA à 10 %, soit à la somme de 45.144,03 € TTC, outre réaménagement paysager estimé à la somme de 3.800,00 € HT, soit 4.560,00 € TTC.
Apparaissent dès lors applicables à M. [S] l'ensemble des règles et principes de la responsabilité civile décennale résultant des articles 1792 et suivants du Code civil, dans la mesure où :
- celui-ci a été effectivement constructeur de ce mur conformément aux dispositions de l'article 1792-1/2° du Code civil pour l'avoir lui-même entièrement conçu et construit, au demeurant avec des matériaux choisis par lui-même dans le cadre du partage des frais de construction avec les consorts [C] ;
- ce mur édifié entre mars et mai 2014 a indéniablement été construit en étant compromis dans sa solidité et de manière non conforme à sa destination à la fois de délimitation et de soutènement de terres pour s'être entièrement effondré le 5 juin 2018 sur le terrain de Mme [K] pour des raisons de malfaçons et donc sans aucune cause étrangère, conformément aux dispositions de l'article 1792 du Code civil ;
- la réception de ce mur s'est opérée tacitement au plus tard à la date du 26 mai 2024 de l'acte authentique de vente du fonds BM-879 par M. [S] à Mme [K], marquant par cette dernière la complète prise de possession de l'ouvrage par cette dernière sans réserves particulières, conformément aux dispositions de l'article 1792-6 du Code civil ;
- M. [S] est dès lors responsable de plein droit de l'ensemble des conséquences dommageables de l'effondrement de ce mur dans le cadre de la responsabilité décennale prévue à l'article 1792 du Code civil et du délai décennal d'épreuve prévu à l'article 1792-4-1 du Code civil.
De plus, M. [S] a légalement acquis la qualité de constructeur en application des dispositions de l'article 1792-1/2° du Code civil dès lors qu'il a revendu après achèvement l'ouvrage la mitoyenneté de ce mur à Mme [K], dépendant de l'ensemble du fonds BM-879.
M. [S] en convient d'ailleurs dans ses conclusions et confirme avoir été de fait locateur d'ouvrage, quoique sans contrat de louage d'ouvrage ni rémunération, dans cette opération de construction, bornant en définitive sa défense à une demande de partage de responsabilité avec Mme [S] sans argumentation particulière et plus particulièrement avec les consorts [C] sur des moyens ci-après discutés.
En ce qui concerne Mme [S], qui rappelle qu'elle est divorcée de M. [S] depuis un jugement du 30 décembre 2016, celle-ci justifie être bénéficiaire d'une allocation aux adultes handicapés sur un taux compris entre 50 et 79 % au cours de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, soit au cours de la période de construction du mur entre mars et mai 2014. Elle n'apparaît donc pas physiquement capable d'avoir personnellement participé à une telle opération de construction. Elle objecte par ailleurs sans contradiction de la part de M. [S] qu'elle était alors séparée de son mari et qu'elle n'occupait pas cette maison lors de la construction de ce mur. Elle ne peut dès lors se voir opposer une quelconque qualité de constructeur du fait du mur litigieux, ce qui amène à prononcer sa mise hors de cause et à infirmer le jugement de première instance en toutes ses décisions de condamnations prononcées à son encontre.
Eu égard à sa mise hors de cause prononcée en cause d'appel, l'ensemble des autres demandes de Mme [S] à des fins d'imputations de responsabilité, de chiffrages des travaux de reprise et de garanties à l'encontre de M. [S], des consorts [C] et de Mme [K] devient sans objet.
En ce qui concerne les consorts [C], ceux-ci ne peuvent être réputés constructeurs du mur au sens des articles 1792 et 1792-1/1° du Code civil dès lors qu'il est établi pour les motifs précédemment énoncés que M. [S] est l'unique personne ayant entièrement conçus et construit ce mur, même si aucun contrat de louage d'ouvrage n'a été formellement convenu entre les voisins susnommés et que ceux-ci ont participé chacun de moitiés au financement des matériaux nécessaires à cette opération de construction. De plus, l'article 1792-1/2° du Code civil leur est inapplicable dans la mesure où ils n'ont pas été les vendeurs de la parcelle BM-879 et de la mitoyenneté du mur litigieux à Mme [K]. Enfin, il ressort des débats que c'est à la demande expresse de Mme [K] que ce mur mitoyen a été en définitive construit en vue de la transmission de propriété à son profit de la parcelle BM-879, celle-ci ayant fait de cette construction une condition suspensive lors du compromis de vente.
Alors qu'ils n'ont été que les financeurs de la moitié du coût des matériaux nécessaires à la construction du mur litigieux et qu'ils ne sont aucunement intervenus dans cet acte de construction, aucune faute n'apparaît pouvoir être objectivée à leur encontre dans le cadre du droit commun de la responsabilité contractuelle prévue à l'article 1231-1 du Code civil.
Par ailleurs, l'expert judiciaire détermine principalement les causes de l'effondrement du mur par l'effet de poussée des terres du terrain supérieur, celle de l'eau accumulée derrière le mur du fait de l'absence ou du rebouchage des barbacanes et les conditions de construction non conforme aux règles de l'art. De ce fait, au regard des principes généraux de la responsabilité civile résultant des dispositions de l'article 1240 du Code civil, l'aménagement de manière inappropriée d'un drain agricole par les consorts [C] aux abords de ce mur apparaît trop conjecturale pour inférer un lien de causalité avec la survenance de l'effondrement du mur.
Enfin, toujours au regard des principes généraux de la responsabilité civile résultant des dispositions de l'article 1240 du Code civil, le fait qu'ils aient redéployé des terres depuis leur fonds en appui sur le mur mitoyen ou devant celui-ci apparaît sans incidence dans la survenance du dommage. En effet, M. [S] a précisément construit ce mur à des fins non seulement de délimitation mais également de soutènement, dès lors en réputée suffisante connaissance du fait qu'il entendait lui-même pratiquer en aval des décaissements de terres sur le niveau inférieur tandis que les consorts [C] entendaient de leur côté pratiquer en amont des redéploiements et des remblaiements sur le niveau supérieur. Il incombait en conséquence à M. [S] de construire en bonne connaissance de cause un ouvrage suffisamment solide pour remplir ces fonctions particulières de soutènement de terres. Il n'est à ce sujet pas établi au terme de cette procédure d'appel que les redéploiements de terres effectués sur la partie supérieure par les consorts [C] auraient été pratiqués avec excès ou disproportion.
Dans ces conditions, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité décennale, contractuelle de droit commun et civile générale des consorts [C] dans la survenance de l'effondrement de ce mur.
En ce qui concerne Mme [K], seuls les moyens développés par M. [S] et la motivation de première instance seront examinés, eu égard à la mise hors de cause de Mme [S] et des consorts [C].
En l'espèce, M. [S] lui fait grief d'avoir fait reboucher par un façadier dont elle tait le nom d'avoir rebouché les barbacanes donnant sur son fonds et d'avoir ainsi empêché l'évacuation de l'eau. De son côté, Mme [K] conteste avoir fait procéder à l'exécution d'un enduit sur ce mur. En cette occurrence, le rapport d'expertise judiciaire indique comme facteur aggravant l'absence de barbacanes tout en mentionnant de manière contradictoire que le rebouchage d'un certain nombre de ces barbacanes par un façadier sur la face du mur donnant sur la propriété de Mme [K] a contribué à la survenance des dommages. M. [S] a lui-même indiqué qu'il avait installé des barbacanes tous les 1,50 m lors de la construction du mur. Il n'est donc pas s clairement établi que Mme [K] aurait contribué, même de manière minime, à l'effondrement de ce mur en ayant fait reboucher des barbacanes.
De plus, les motivations de première instance sur l'acceptation de risque que constituerait l'acceptation d'un non-professionnel de la construction et sur l'absence de vérification avant la réitération de la vente immobilière de la bonne exécution de l'édification de ce mur, qui induirait une part de responsabilité chiffrée à 5 % à la charge de Mme [K], ne sont pas convaincantes. En effet, l'autoconstruction n'est pas exclusive de l'application des dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil alors qu'il était par ailleurs objectivement impossible à Mme [K] de déterminer lors de la réitération authentique de la vente immobilière le 26 mai 2014 que ce mur présentait du fait de malfaçons et de procédés constructifs non conformes aux règles de l'art des désordres et des fragilités structurelles qui allaient provoquer sa ruine un peu plus de quatre années plus tard.
Dans ces conditions, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a déclaré Mme [K] responsables à concurrence de 5 % de la survenance et de l'ensemble des conséquences dommageables de l'effondrement de ce mur mitoyen. Par voie de conséquence, l'entière responsabilité de la survenance et de l'ensemble des conséquences dommageables de l'effondrement de ce mur mitoyen incombe à M. [S].
En ce qui concerne l'estimation du préjudice matériel de reprise, Mme [K] demande de rehausser le montant accordé en première instance à hauteur de 42.886,83 € à la somme de 56.369,09 € sur la base d'un devis d'entreprise M2I FAYARD du 20 juin 2018.
En l'occurrence, ce devis d'entreprise ne peut être considéré comme pertinent dans la mesure où il se base sur une hauteur de mur de 3 m alors que la hauteur de ce mur a été constatée par l'expert judiciaire sur de bien moindres dimensions allant de 1,70 m à 2,40 m. La prise en compte de ce devis aboutirait dès lors à une réparation en amélioration et non à l'identique. Dans ces conditions, faute d'autres éléments de comparaison qui soient postérieurs à la date du 12 juillet 2019 du rapport d'expertise judiciaire, il y a lieu d'entériner cette évaluation expertale et de confirmer en conséquence le jugement de première instance sur ce chef de décision, sauf à préciser que le montant de ce poste de préjudice est de 45.144,03 € et non de 42.886,83 €.
Mme [K] ne critique pas la motivation de première instance suivant laquelle le préjudice de réfection des aménagements extérieurs n'excède pas à la somme totale de 2.556 € TTC alors qu'elle a bénéficié de la part de l'assureur des consorts [C] d'une indemnité d'un montant supérieur de 2.727,94 €. Le premier juge a de ce fait rejeté ce poste de demande. Dans ces conditions, ce chef de décision sera confirmé, en application précisément du principe de réparation intégrale.
Le préjudice de jouissance a été correctement évalué en première instance sur la base de 50,00 € euros par mois pendant 43 mois, soit à hauteur de la somme totale de 2.150,00 €, compte tenu du fait que la privation de jouissance consécutive à l'écoulement du mur et à l'encombrement d'une partie de son terrain par des déblais n'a porté que sur une petite partie de ce terrain, sans pour autant gêner l'accès à son habitation. En tout état de cause, il lui était aisément loisible d'utiliser les fonds alloués en première instance au bénéfice de l'exécution provisoire afin de faire procéder au déblaiement de cette partie encombrée de son terrain dans l'attente de l'arbitrage à intervenir sur le chiffrage définitif de la reconstruction du mur mitoyen. Dans ces conditions, le jugement de première instance sera confirmé dans sa décision tendant à retenir l'indemnisation de ce poste de préjudice, sauf à préciser que son montant est de 2.150,00 € et non de 2.042,50 €.
Le préjudice moral de contrariété souffert par Mme [K] du fait de l'atteinte à son droit de propriété n'est pas contestable dans son principe. En revanche, le préjudice de résistance abusive qu'elle y ajoute n'est pas justifié, M. [S] ne s'étant pas opposé avec mauvaise foi aux demandes de réparations de Mme [K] et ayant en définitive préféré sans abus de droit un arbitrage judiciaire à ce différend. Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé sur ce chef de décision, sauf à préciser que son montant est de 1.000,00 € et non de 950,00 €.
Les consorts [C] étant mis hors de cause, les demandes de condamnations in solidum formées par Mme [K] à l'encontre de leurs assureurs les sociétés MMA seront purement et simplement rejetées.
Le jugement de première instance sera confirmé en ses décisions d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'imputation des dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire devant être recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de Mme [S] et des consorts [C] les frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'engager à l'occasion de cette procédure d'appel et qu'il convient d'arbitrer à la somme de 3.500,00 € au profit de Mme [S] et à celle de 3.500,00 € au profit des consorts [C], à la charge de Mme [K].
Enfin, succombant dans ses prétentions formées en cause d'appel aux fins de majorations des condamnations pécuniaires dont elle a bénéficié en première instance et de condamnations in solidum à l'encontre des autres parties intimées, Mme [K] sera purement et simplement déboutée de sa demande de défraiement formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les entiers dépens de l'instance en cause d'appel, étant précisé que les frais d'expertise judiciaire sont déjà intégrés dans les dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT
ET DE MANIÈRE RÉPUTÉE CONTRADICTOIRE.
INFIRME le jugement n° RG-20/00272 rendu le 6 septembre 2022 par le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay en toutes ses décisions de déclaration de responsabilité et de condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de Mme [Z] [S]et par voie de conséquence de garantie de Mme [Z] [S] par M. [F] [S].
Statuant de nouveau sur ce qui précède,
PRONONCE la mise hors de cause de Mme [Z] [S].
INFIRME ce même jugement en ce qu'il a imputé 5 % de responsabilité à Mme [H] [K] quant à la survenance et à l'ensemble des conséquences dommageables de l'effondrement du mur mitoyen susmentionné.
En conséquence, JUGE que M. [F] [S] est responsable à 100 % de la survenance et de l'ensemble des conséquences dommageables de l'effondrement du mur mitoyen susmentionné.
CONFIRME ce même jugement en toutes ses autres dispositions, sauf à préciser que :
- la condamnation pécuniaire au titre de la réparation du mur est de 45.144,03 € ;
- la condamnation pécuniaire au titre du préjudice de jouissance est de 2.150,00 € ;
- la condamnation pécuniaire au titre du préjudice moral est de 1.000,00 €.
Y ajoutant.
CONDAMNE M. [F] [S] à payer au profit de Mme [H] [K] 100 % de l'ensemble des condamnations pécuniaires prononcées dans ce même jugement.
CONDAMNE Mme [H] [K] à payer au profit de Mme [Z] [S] une indemnité de 3.500,00 € et au profit de Mme [L] [P] et M.[E] [G] une indemnité de 3.500,00 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes des parties.
CONDAMNE Mme [H] [K] aux entiers dépens de l'instance avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Bonnet-Eymard-Navarro-Teyssier, avocats associés au barreau du Puy-en-Velay.